Catastrophe de pont

Catastrophe de pont

Les ponts sont des structures constituées d’éléments physiques assemblés en vue de répondre à une fonction pratique. Ces éléments interagissent et, dans certains cas, un ou plusieurs d’entre eux peuvent être défaillants ou le système mécanique peut lui-même ne plus offrir la fonction attendue de lui et entraîner la destruction de l’ouvrage dans son ensemble. De grandes catastrophes de ponts se sont ainsi produites par le passé, causant parfois un grand nombre de victimes.

Si les ponts en bois et les ponts en pierre, les plus anciens, fragiles de par leur conception et pas toujours réalisés dans de bonnes conditions, se sont souvent effondrés ou ont été détruits par des phénomènes naturels comme les débâcles d’hivers rigoureux ou des incendies, peu de ces sinistres sont restés dans la mémoire des hommes. Seuls le pont de Sterling en Écosse en 1297 ou le premier grand incendie du pont de Londres en 1212 sont connus comme ayant généré un grand nombre de victimes.

Les catastrophes les plus spectaculaires concernent essentiellement des ponts métalliques. Pour certaines des phénomènes de résonance de l’ouvrage ont été incriminés. C’est en particulier le cas pour le pont d'Angers en France en 1838, le pont de Saint-Pétersbourg en 1905 et le pont de Tacoma (USA) en 1940. Les expertises modernes ont mis en avant plutôt des défaillances de matériaux ou des phénomènes physiques particuliers comme le couplage aéroélastique tablier-vent pour le pont de Tacoma. Pour beaucoup des phénomènes naturels (tempête, séisme ou coulée de boues) sont à l’origine des sinistres.

Dans la plupart des cas, les causes sont à rechercher dans un défaut dans les matériaux ou dans la structure. L’erreur humaine est quant à elle systématiquement présente, soit du fait d’un défaut de conception, soit au niveau de la réalisation, soit enfin dans un défaut de suivi ou d’alerte[1].

Sommaire

Ponts en bois

Incendie du pont de Londres (1212)

Les premiers ponts étaient en bois et étaient très sensibles au feu. L’incendie le plus spectaculaire et qui provoqua le plus grand nombre de morts est celui qui se produisit le 10 juillet 1212 aux deux extrémités du pont de Londres et qui provoqua la mort de près de 3000 personnes[2] Il ne doit pas être confondu avec le Grand incendie de Londres qui frappa le centre de Londres (Angleterre) du dimanche 2 septembre au mercredi 5 septembre 1666[3].

Pont de Sterling (Ecosse) (1297)

La première grande catastrophe connue est celle de l’effondrement du pont de Sterling en Ecosse en 1297 durant la bataille du pont de Stirling. La stratégie de William Wallace est alors d’attendre qu’un nombre suffisant d’Anglais aient traversé le pont pour ordonner deux charges : la première contre le gros des troupes anglaises et la seconde dans le but de couper la route à toute retraite. Le pont s’écroule au passage de la seconde charge anglaise, sous l’effet de la charge, provoquant la fuite des troupes anglaises restantes.


Ponts en pierre

De nombreux ponts en pierre ont été détruits sur les grands fleuves lors des multiples hivers rigoureux qui ont pu se succédé au cours des siècles, particulièrement au moment de la débâcle. Un accident indépendant de phénomènes climatiques est celui de l’affouillement en pied de pile entraînant un basculement ou un affaissement de celle-ci, puis une chute du tablier pou de l’arche. Un exemple caractéristique de ce type de désordre pour les ponts en pierre est celui du pont de Tours en France.

Pont de Tours (France) (1978)

Le Pont Wilson de Tours est le plus vieux pont de Tours encore debout, construit entre 1765 et 1778. Il est composé de 15 arches, long de 434 mètres et traverse la Loire. Quatre arches côté Sud s'effondrent successivement le 9 et 10 avril 1978, suivie de la culée sud le 3 mai suivant. En tout, 5 piles et 6 arches s'effondrent, soit un tiers du pont, mais il n’y eut aucune victime. Le seul automobiliste présent sur le site réussit, en accélérant, à s’échapper avant que ne s’effondre la première arche[4]

Ponts métalliques

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, plusieurs accidents de ponts métalliques se sont produits et un phénomène de mise en résonance de l’ouvrage a été évoqué au passage de troupe. Lorsque la fréquence de l'action extérieure coïncide avec la fréquence de résonance de la vibration de la passerelle, il y aurait une forte augmentation de l'amplitude du pont, et l’ouvrage ne le supporterait pas. Ce serait ainsi le cas pour les ponts de la Basse-Chaîne à Angers, France (1850); le Pont égyptien (Saint-Pétersbourg, 1905) et le pont de Takoma (USA, 1940). Dans beaucoup de manuels figurent ces explications, toutefois la connaissance actuelle du comportement des matériaux retient aujourd’hui d’autres explications pour ces catastrophes.

Pont de la Basse-Chaîne (France) (1838)

La rupture du Pont de la Basse-Chaîne à Angers en 1850

Le Pont de la Basse-Chaîne (Angers), inauguré en septembre 1838, était un pont suspendu ancré au sol, conçu par l'architecte Joseph Chaley et autorisé par le décret royal du 12 juin 1835 pour une durée de concession de 35 ans.

Le matin du 16 avril 1850, le 3e bataillon du 11e régiment d'infanterie légère[5] partait en direction de la Place de l'Académie pour y passer une Revue. Ils revenaient du bois d'Avrillé où ils avaient fait une halte pour prendre un repas. Ce jour là, une tempête épouvantable s'abattait sur Angers mais les hommes continuèrent leur marche en direction du pont. Le lieutenant colonel Simonet, qui commandait la troupe, avait fait rompre le pas[6].

Une partie du bataillon avait atteint la rive gauche quand le vent violent provoqua des oscillations du pont suspendu, qui furent accentuées par les soldats se balançant d'un côté à l'autre, dans le but d'équilibrer le tablier. Un « craquement formidable » se fit entendre, puis le poids des soldats acheva la rupture des câbles de suspension qui précipita le régiment dans la rivière, provoquant la mort de 223 hommes (226 selon certaines sources), parfois transpercés dans leur chute par leurs baïonnettes. Deux employés d'octroi qui accompagnaient le bataillon, moururent noyés dans ce drame. Les écrits, qui tentent de nous faire part de l'horreur de la scène, mentionnent :« La Maine devint rouge et vit se débattre dans les affres de la mort 485 soldats »[7]. Plus tard, la tempête, ainsi que l'oxydation des câbles du pont suspendu seront mis en cause dans cette tragédie[6].

La variante de l'histoire accuse la marche au pas du régiment d'être responsable de la rupture du pont, pourtant arrêtée avant l'entrée du pont selon certains écrits : les vibrations régulières sur le pont suspendu donnèrent au tablier un mouvement ondulant, s'amplifiant car entretenu par le pas des soldats jusqu'à l'entrée en résonance du pont et sa destruction. Le matériau constitutif du tablier du pont, à savoir l'acier, a alors vibré selon la même fréquence que le rythme de la marche au pas du régiment, ce qui a généré ce phénomène. Cette version est contestée puisque un règlement interdisant la marche au pas sur les ponts existait avant cette catastrophe[8].

Pont suspendu de Yarmouth (1845)

Le pont suspendu de Yarmouth, dans la ville Great Yarmouth (Royaume Uni) s’est effondré le 2 mai 1845 sous une surcharge occasionnée par le passage d'enfants sur l’ouvrage. 79 personnes périrent dans cette catastrophe. Ils s’étaient rassemblés sur le pont pour voir un clown dans un tonneau tiré par des oies sur la rivière. Quand il est passé sous le pont, l’ensemble de la charge s’est brutalement déplacé, provoquant la rupture des chaînes sur le côté sud, entraînant la chute du le tablier dans son ensemble[9].


Pont ferroviaire du Tay (Écosse) (1879)

Les travées manquantes, après la catastrophe

Inauguré le 26 septembre 1877, le pont ferroviaire du Tay dessert la ligne Édimbourg-Dundee[10]. Conçu par l'ingénieur architecte Thomas Bouch, il est alors le plus long pont du monde, avec 85 travées. La portion centrale de l'ouvrage était constituée de 13 travées de 60 mètres de portée à 27 mètres au-dessus des eaux[10]. Le 28 décembre 1879 une forte tempête s'abattit sur l'Écosse avec des vents de force 10 à 11 sur l'échelle de Beaufort, provoquant l'effondrement du pont sur sa partie centrale lors de la traversée d'un train, faisant environ 75 victimes[10].

Des défauts de conception (circulation du train dans sa partie centrale entre les poutres porteuses et non au-dessus, vent de référence insuffisant) et de réalisation (des barres de contreventement non fixées et donc sans effet), l'effet du vent et le passage du train (vitesse excessive du convoi) sont des causes qui ont été évoquées dans cette catastrophe. L'enquête conclut que le pont avait été « mal conçu, mal construit et mal entretenu »[11]..

Pont égyptien (Saint-Pétersbourg) (1905)

L'effondrement de 1905

Le pont égyptien (en russe : Египетский мост) à Saint-Pétersbourg en Russie est un pont prolongeant l'avenue Lermontov et enjambant la Fontanka. Le pont d'origine, prévu pour les piétons et les véhicules tirés par des chevaux, exista jusqu'au début du XXe siècle, avant de s'effondrer le 20 janvier 1905 quand une escadrille de cavalerie le traversa. Il a été décidé de construire au même endroit le pont actuel, reprenant les sphinx, œuvres de Pavel Sokolov[12], ainsi que d'autres détails du pont d'origine, ce qui en fait une simple évocation, assez superficielle, de la splendeur d'antan. Ce pont-ci fut achevé en 1955.

Comme pour le pont de la Basse-Chaîne, un phénomène de mise en résonance du pont au passage de la troupe a été évoqué. Toutefois les experts pensent désormais qu’il s’agit plutôt soit d’un problème de conception, soit d’un défaut dans l’acier d’une des chaînes[13].

Pont de Tacoma (USA) (1940)

Film de la destruction du pont en 1940.

Le premier pont de Tacoma est un pont suspendu qui franchissait le détroit de Tacoma, un rétrécissement du Puget Sound, reliant les villes de Tacoma et Gig Harbor dans l'État de Washington aux États-Unis. Inauguré le 1er juillet 1940, s'est effondré le 7 novembre 1940, constituant un des plus célèbres accidents de génie civil.

La vitesse du vent n'était que de 67 km/h, tandis que le pont avait été dimensionné pour des vitesses beaucoup plus élevées, mais en ne tenant compte que des effets statiques. Or le mécanisme est sans conteste vibratoire et la durée des oscillations s'est étendue sur plus de 45 minutes avant effondrement.

Une explication fausse de l’accident, néanmoins très répandue[14], consiste à incriminer un phénomène de résonance entre le pont et des tourbillons d’air formés dans le sillage du tablier (tourbillons de Karmann). Du fait de ces tourbillons, une variation alternative de la pression de l'air sur le tablier se produirait. Lorsque la fréquence de cette force correspond à l'une des fréquences de vibration naturelle du pont, un phénomène de résonance se déclencherait. En réalité l’explication est dans le couplage aéroélastique du vent et de la structure. L'énergie du vent se transfère vers le pont et les oscillations s'amplifient progressivement jusqu'à la ruine[15].

Le pont du Tangiwai (Nouvelle-Zélande) (1953)

La catastrophe du Tangiwai du 24 décembre 1953 a été le pire accident ferroviaire en Nouvelle-Zélande. Un express de nuit assurant la liaison de Wellington à Auckland est tombé dans la rivière Whangaehu à Tangiwai, à dix kilomètres (six miles) à l'ouest de Waiouru. Le pont sur la North Island Main Trunk Railway sur la rivière avait été gravement endommagé quelques minutes plus tôt par un lahar(coulée boueuse d’origine volcanique) du mont Ruapehu. La locomotive à vapeur de classe KA, les cinq voitures de seconde classe, et la voiture de tête de première classe ont déraillé, causant la mort de 151 des 285 personnes à bord du train. Sur les 176 passagers de seconde classe à bord, seulement 28 ont survécu[16],[17].

Silver Bridge (États-Unis)(1967)

Le Silver Bridge après son effondrement, vu de l'Ohio

Le Silver Bridge est un pont suspendu qui fut construit en 1928 et fut nommé ainsi à cause de sa peinture aluminium. Ce pont qui enjambait l'Ohio reliait Point Pleasant (Virginie-Occidentale) à Gallipolis (Ohio).

Le 15  décembre  1967, vers 5 h, le pont s’est soudainement effondré dans la rivière Ohio. Trente et un véhicules sur les trente-sept qui étaient sur le pont au moment du sinistre, ont été précipités dans le fleuve entrainant la mort de quarante-six personnes et neuf autres ont été grièvement blessés[18]

L'examen des débris révéla que la cause de l'effondrement était la défaillance d'une seule barre à œil d'une suspension à chaîne, due à un petit défaut profond de 0,1 pouces (2,54 mm).


Passerelle du Hyatt Regency (États-Unis) (1981)

Pont de Minneapolis (États-Unis) (2007)

Ponts en béton

Pont Hintze Ribeiro (Portugal) (2001)

Viaduc de la Concorde (Canada) (2006)

Voir Viaduc de la Concorde

Pont d'Andorre (2009)

Le 8 novembre 2009, un pont en construction dans la vallée d'Andore s'effondra entrainant la mort d'ouvriers du chantier.

Sinistres de guerres ou d’attaques terroristes

Il existe de nombreux cas d'attaques terroristes sur les ponts : leur érosion est aussi un moyen connu de la guérilla. La plus grande catastrophe de ce genre a eu lieu en Inde en 2002, quand un pont ferroviaire traversant la rivière Dhava a été détruit provoquant la mort de 130 personnes.

Causes

Dans la plupart des cas, les causes sont à rechercher dans un défaut dans les matériaux ou dans la structure. L’erreur humaine est quant à elle systématiquement présente, soit du fait d’un défaut de conception, soit au niveau de la réalisation, soit enfin dans un défaut de suivi ou d’alerte[1].


Références

  1. a et b H. Niandou (2009), p 15-17
  2. The European magazine, and London review, Volumes 57-581810, Philological Society, 1810. Consulté le 6 avril 2010
  3. Toutes les dates sont données dans le calendrier julien, qui restera en usage en Angleterre jusqu'en 1752.
  4. Effondement du pont de Tours sur cg37.fr. Consulté le 7 avril 2010
  5. Angers.fr
  6. a et b Structurae
  7. Les Archives Départementales du Maine-et-Loire
  8. Art-et-Histoire.com
  9. (en)The Events of 1845 sur jeron.je/. Consulté le 6 avril 2010
  10. a, b et c H. Niandou (2009), p 21
  11. H. Niandou (2009), p 22
  12. Auteur des lions du pont aux Lions et des griffons du pont de la Banque.
  13. (en)The Egyptian bridge sur gotosaintpetersburg.com/. Consulté le 7 avril 2010
  14. Billah, K.; R. Scanlan (1991). « Resonance, Tacoma Narrows Bridge Failure, and Undergraduate Physics Textbooks ». American Journal of Physics 59 (2): 118–124.
  15. (en)Pascal Hémon, « La chute du pont de Tacoma » sur Laboratoire d’hydrodynamique de l’école polytechnique de Paris, 2009. Consulté le 7 avril 2010
  16. Report Board of Inquiry (Archived from 2003)
  17. (en)[PDF]tangiwai rail disaster sur web.archive.org/. Consulté le 6 avril 2010
  18. (en)Silver Bridge Collapse sur corrosion-doctors.org/. Consulté le 6 avril 2010

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie



Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Catastrophe de pont de Wikipédia en français (auteurs)

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