- Banque de graines du sol
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On désigne sous le nom de banques de graines du sol (ou « crypto-banque de graine ») les stocks de graines dormantes qui se constituent naturellement dans tous les habitats pourvus d'un sol et d'une couverture végétale[1].
Le nombre de graines enfouies et dormantes dans le sol ne semble pas dépendre de la latitude[2] mais plus du type de sol.
C'est dans les milieux régulièrement très perturbés que les espèces de la banque de graine du sol et celles qui s'expriment en surface sont les plus similaires[2].
C'est un des éléments de la cryptopotentialité des sols qui contiennent aussi des bactéries sporulées, des virus pouvant se réactiver, des spores diverses, etc. à prendre en compte dans les études fines d'écopotentialité.Ces banques de graines revêtent une importance considérable pour la résilience écologique, via la régénération naturelle des peuplements végétaux ou dans la réapparition spontanée de certaines espèces en apparence disparues pendant des durées plus ou moins longues.
Sommaire
Aspects scientifiques
L'histoire de l'étude des banques de semences du sol semble avoir commencé en 1859 quand Charles Darwin a observé l'émergence de jeunes plants dans les sédiments extraits du fond d'un lac.
Le premier article scientifique sur le sujet date de 1882 et porte sur l'apparition de graines d'échantillons de sol prélevés à différentes profondeurs[3]. Depuis, les milieux dont la banque de semence a fait l'objet d'étude sont notamment
- sols arables,
- pâturages,
- forêts naturelles,
- plantations forestières,
- lacs,
- marais d'eau douce,
- marais salants,
- marais de prairies glaciaires,
- landes les déserts
- friches...
Les sciences agronomiques se sont fortement intéressées aux banques de semences d'adventices agricoles considérées comme indésirables ou mauvaises herbes en raison de leurs importantes répercussions économiques pour l'agriculture.
La sylviculture s'intéresse aussi particulièrement à la régénération forestière
Pour les écologues et gestionnaires intéressés par la gestion restauratoire et la renaturation ou la naturalité, l'étude des relations entre pluie et flux de graines et la banques de graines du sol sont au cœur des préoccupations de l'écologie du paysage. Les corridors biologiques occupent une place importante dans cette perspective comme certains éléments de la faune (De nombreux rongeurs contribuent à l'enrichissement de cette banque de graine lorsqu'ils font des réserves de graines pour l'hiver dans des terriers dont le contenu ne sera pas entièrement consommé ; ainsi a-t-on découvert des terriers de hamsters contenant près de 90 kg de réserves alimentaires[4],[5].
Cette 'banque' peut aussi jouer un rôle important pour la persistance de graines de certaines espèces invasives, y compris par son absence sur des néosols (sols jeunes), sols morts ou rapportés où des pionnières exotiques invasives peuvent s'imposer au détriment de la flore locale.
Classifications
Certains taxons ont été classés selon la longévité de leurs graines dans la banque de semences du sol.
Les botanistes distinguent :
- les graines d'espèces transitoires qui restent viables dans le sol jusqu'à la première occasion de germer (par exemple la nielle des blés (Agrostemma githago), une adventice autrefois répandue dans les champs de céréales dont la graine ne survit qu'à une saison sèche jusqu'aux pluies d'automne) ;
- les espèces dont les graines sont 'persistantes, pouvant survivre à plusieurs occasions de germer, souvent beaucoup plus d'un an ;
- les espèces persistantes à long terme dont les graines ont une longue durée de vie et capacité germinatoire (5 ans et plus). Par exemple, les graines du Chénopode blanc (Chenopodium album) survivent dan se sol jusqu'à une quarantaine d'années et dans de rares cas jusqu'à 1600 ans[6].
Longévité des semences
Elle varie beaucoup selon l'espèce et le contexte pédologique. Certaines graines survivent plusieurs siècles d'autres germent avant même de tomber au sol ou doivent germer et s'enraciner très rapidement pour survivre. Cette survie dépend de nombreux facteurs.
Quelques espèces ont des graines qui survivent facilement plus de 100 ans[7].Des graines de Lotus (Nelumbo nucifera) retrouvées enterrées dans le sol d'un étang depuis un temps estimé à 1040 ans (datation au carbone 14) ont pu germer [8].
Importance environnementale
Les banques naturelles (ou semi-artificielles parfois) de semences du sol jouent un rôle majeur dans l'entretien et l'évolution de la biodiversité dans les écosystèmes et habitats naturels. Elles expliquent la résilience exceptionnelle de certains écosystèmes (face aux incendies par exemple). La régénération forestière ou des zones humides ou de zones exondées est essentiellement permise par ce moyen.
L'absence ou l'inhibition d'une banque de semences du sol empêche la réapparition rapide de la végétation lors du phénomène de succession écologique, alors que la présence d'une banque de semences du sol bien garni permet le développement rapide d'écosystèmes riches en espèces.
Enjeux de dynamique des populations et de biodiversité
L'inhibition/déshinibition de germination, ou les délais de mortalité des graines dans le sol sont l'un des facteurs clés de la persistance de fluctuations et de densité des populations végétales, en particulier pour les plantes annuelles.
A titre d'exemple, l'étude de la structuration génétique des populations de Androsace septentrionalisdans la banque de semences (par rapport à celle des plantes trouvées en surface) a montré que la diversité génétique des populations est plus élevé dans le sous-sol que dans la strate herbacée.Des indices laissent penser que - comme on peut s'y attendre - les taux de mutations sont plus importants pour les espèces formant une banque de semences persistantes (par rapport à celles qui ne produisent que des graines transitoires à faible durée de vie).
Les anglophones utilisent l'expression storage effect (« effet stockage ») pour désigner l'augmentation de la richesse des espèces dans une communauté végétale, induite par la richesse d'une banque de semences du sol.Aspects biologiques et écologiques & processus écosystémiques associés
Toutes les plantes ne produisent pas de graines, ce pourquoi on utilise aussi l'expression banque de diaspores pour les plantes autres que plantes à fleur comme les mousses (Bryophytes) et les fougères.
En plus de graines, beaucoup de plantes produisent des propagules végétatives pour se dupliquer et migrer ou persister sur place après que la plante-mère soit morte. Les anglophones utilisent l'expression soil bud bank pour désigner la banque de propagules en dormance ou non, dont une partie seulement est dans le sol. Ces propagules sont par exemple des bourgeons sur stolons, les rhizomes et certaines racines.
La vitalité de la banque de graine dépend de la vitalité des graines et de la conservation à long terme de leur pouvoir germinatif mais aussi de la continuité de la pluie de graines en surface.
Contraintes
La régression de pollinisateurs (abeilles, papillons notamment) ou la pression de pâturage ne permettant pas à certaines plantes de produire leurs fleurs ou la présence en forte densité d'animaux granivores (s'ils n'enfouissent pas de réserves) peuvent priver le sol d'un renouvellement de l'apport en graines. A titre d'exemple, le désherbant piclorame permet un contrôle adéquat de l'euphorbe ésule (Euphorbia esula L.) pour au moins trois ans mais jusqu'à 3,500 à 11,000 graines encore viables sont alors présentes dans le sol, permettant le retour rapide de l'espèce dans les champs. Chez cette espèce, la perte moyenne annuelle de graines viables dans la banque de semences du sol est de 13 % de la population d'origine. Le pâturage intensif et continu par des moutons[9] durant huit ans sur des zones "infestées" a empêché la production de graines annuel et réduit la taille de la banque de semences du sol (passant de plus de 3500 graines à 15 graines/m2, ce qui réduit considérablement les chances de "réinfestation" [10].
Utilisations
Les utilisations des banques de graines du sol se font soit à des fins de conservation de l'espèce, du cortège, soit entre dans le cadre de l'étude des paléoenvironnements.
- gestion des milieux naturels (cf. étrepage dune tourbière, d'une panne, etc.),
- renaturation de friches minières et autres crassiers de stériles[2],
- restauration de sols pollués (métallophytes..),
- étude des cortèges de graines (carpologie)
Voir aussi
Articles connexes
- Biodiversité, paysage
- Sols
- Cartographie des corridors biologiques
- Évaluation des écosystèmes pour le millénaire
- Écologie du paysage
- Intégrité écologique
- Réserve naturelle
- Protection de la nature
- Étude d'impact
- Mesure compensatoire
- mesure conservatoire
- Génie écologique
- Résilience écologique
- Écologie rétrospective
- Écopotentialité
- banque de semence
- archéophyte
Notes et références
- Iowa State University: College of Agriculture and Life Science: Soil Seed Bank
- Résumé en anglais, article en chinois) Zhang Zhiquan (1996), Soil Seed Bank ; Chinese journal of ecology, (1996-06), Department of Biology, Life Science School, Zhongshan University, Guangzhou (
- P.J. Christoffoleti; R.S.X. Caetano 1998. Soil seed banks Scientia Agricola: 55: 74-78.
- Référence Animal Diversity Web : Cricetinae (en)
- Dynamics of yellow pine chipmunk (Tamias amoenus) seed caches: Underground traffic in bitterbrush seeds. Ecoscience Volume 02 (3) 1995 Lire le résumé en français
- Iowa State University: College of Agriculture and Life Science: Lambsquarters
- Ken Thompson, Jan P. Bakker, and Renée M. Bekker. 1997. The soil seed banks of north west Europe : methodology, density and longevity. New York : Cambridge University Press. 276 p
- Thomas J. Monaco, Floyd M. Ashton, Steve C. Well 2002. Weed Science: Practice and Principles. Wiley Blackwell Publishers. 688 p.
- résumé) A. Johnston and R.W. Peake, Effect of Selective Grazing by Sheep on the Control of Leafy Spurge (Euphorbia esula L.), Journal of Range Management, Jul., 1960 (
- Résumé) G.G. Bowes and A.G. Thomas, Longevity of leafy spurge seeds in the soil following various control programs, Journal of Range Managemen , Allen Press Vol. 31, No. 2, Mar., 1978 (
Bibliographie
- Jean-P. Legros, Les Grands Sols du Monde, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne, 2007, 574 p.
- Jean-Michel Gobat, Michel Aragno, Willy Matthey, Le sol vivant : bases de pédologie - Biologie des sols, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne 2003, p. (ISBN 2880745012)
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