Alexandre Fourny

Alexandre Fourny

Alexandre Fourny, né le 17 mars 1898 à Issé et mort le 22 octobre 1941 à Nantes en France, est un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, un avocat ayant notamment défendu les « insurgés de Cayenne », un homme politique lié à la SFIO et un résistant français fusillé par l'Armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, en représailles de l'exécution à Nantes par la Résistance du lieutenant-colonel Hotz, commandant des troupes allemandes d'occupation du département de Loire-Inférieure.

Sommaire

Biographie

Jeunesse

Né le 17 mars 1898 à Issé en Loire-Inférieure, fils de Louise et Pierre Fourny, agriculteurs (l'état-civil précise « laboureur »)[1], Alexandre Fourny passe sa jeunesse à Saint-Aubin-des-Châteaux[2], et devient travailleur agricole en aidant ses parents, qui exploitent le domaine de la Sibonière, jusqu'à l'âge de dix-sept ans[3]. Durant cette période, il fréquente l'école communale d'Issé, où il obtient son certificat d'études à dix ans et demi[4].

Première Guerre mondiale

En 1916, il s’engage dans l'armée française en pleine guerre contre l'Allemagne[2], et incorpore le 8e régiment de cuirassiers[5]. Les 16 et 17 avril 1917, à 19 ans, il combat dans la plaine de la Miette et est fait prisonnier. Il réussit à s'échapper et, à la faveur d'une contre-attaque française, rejoint ses lignes. Il obtient de ce fait une citation à l'ordre de son régiment, et est décoré de la Croix de guerre[2]. Il est blessé à la jambe droite à cause de l'éclatement d'une mine, alors qu'il participe à des combats sur la cote 108, près de Berry-au-Bac[4]. Après avoir participé aux combats du chemin des Dames, du fort de Brimont et du fort de la Pompelle, il est de nouveau blessé, mais retourne au front en mars-avril 1918[2]. Il combat alors, dans les rangs de la 1re division d'infanterie légère, près de Montdidier et Moreuil dans la Somme. Lors d'un affrontement au bois de Sénégat près d'Hangest-en-Santerre, il est de nouveau fait prisonnier après avoir fait preuve de courage, ce qui lui vaut ultérieurement d'être décoré de la croix de chevalier la Légion d'honneur, avec une citation élogieuse.

« Tireur au fusil-mitrailleur, a tenu en échec l'ennemi à la lisière du bois de Sénégat, depuis 6 heures du matin jusqu'à 16 heures, les autres armes automatiques étant hors d'usage : a été encerclé pendant plus de 5 heures. Son sergent Le Vexier ayant été atteint d'une rafale de balles de mitrailleuses et perdant ses intestins, il l'emporte, mais doit l'abandonner sous les coups de crosse des soldats allemands[4]. »

Le 12 mai 1918, il tente de s'évader en compagnie de Félix Sale et de plusieurs compagnons, mais alors qu'il arrive à 50 mètres des lignes françaises, les soldats français tirent sur le groupe, entraînant la mort d'un des fuyards et l'échec de l'évasion. Le 13 juillet, il fait une nouvelle tentative avec Félix Sale. Celui-ci parvient à s'échapper mais Fourny est repris à Anvers[4]. Il poursuit son combat y compris en réalisant des actions de sabotage dans les camps de représailles de Sabla et Stimbled. Il doit attendre l'Armistice du 11 novembre 1918 pour être libéré[2]. Ses blessures sont suffisamment sérieuses pour qu'il soit réformé à 30 %[6].

Avocat nantais

Après la guerre, il devient président de l’Association des prisonniers de guerre et des évadés de 1914-1918 (Union Nord-Ouest) et délégué de l’Association nationale des anciens combattants. Il ne retourne pas à la terre, travaille auprès d’un avoué de Bayeux et mène des études. Il obtient une licence en droit[6], ce qui lui permet d'entrer comme premier clerc chez un notaire de Caen entre 1922 et 1924, puis d'occuper le poste de secrétaire d'un ancien bâtonnier de Caen. En prêtant serment devant la cour d'appel de cette ville, il devient avocat-stagiaire. En 1924, il s'installe comme avocat à Nantes[2]. En 1931, il est titulaire d'un doctorat en droit et devenu un « avocat réputé du barreau de Nantes »[1], où ses origines modestes font figure d'exception[1]. Cette année-là il prend la défense, avec Alexandre Zévaès et Henry Torrès, aux côtés de Gaston Monnerville, des 14 émeutiers de Cayenne, qui se sont soulevés avec des milliers de Guyanais après la mort de Jean Galmot, fondateur du journal La Guyane[7]. L'acquittement des accusés est une victoire pour Monnerville et également pour Fourny, qui, à cette période, voit se développer sa carrière politique[2].

Élu de la SFIO

Adhérent à la SFIO, Alexandre Fourny devient secrétaire de la section socialiste de Nantes de 1930 à 1932, puis occupe à la fédération socialiste de la Loire-Inférieure les postes de trésorier adjoint de mai 1934 à 1937, puis de trésorier de mars 1937 à 1940. Parallèlement, il est secrétaire de la section de Nantes de la Fédération ouvrière et paysanne des anciens combattants, et président et conseiller juridique de la Fédération départementale des locataires[2],[6].

Après deux échecs aux élections cantonales de Moisdon-la-Rivière en 1925 et dans le quatrième canton de Nantes en 1931, Alexandre Fourny entre au conseil municipal de Nantes en mai 1931 à la suite d’une élection complémentaire[2],[6].

Cette élection marque un tournant dans la vie politique nantaise. Dans la période précédente, les socialistes sont associés aux radicaux, conduits par le maire Léopold Cassegrain. La mort du radical Émile Morice, élu du 4e canton de Nantes, provoque une élection partielle. Les radicaux présentent Charles-Albert Machin dans ce qu'ils considèrent comme leur bastion, d'autant que l'opposant le plus sérieux est Alexandre Fourny, présenté par leurs alliés socialistes. Or, au lieu de la campagne de principe attendue, Fourny combat vigoureusement son opposant et est élu. Suite à ce résultat, la SFIO devient majoritaire par rapport à ses alliés de la droite modérée et des radicaux. Les membres de la SFIO démissionnent de leur poste d'adjoint au maire, les socialistes passent dans l'opposition municipale[1].

En mai 1934, en tant que conseiller municipal, Alexandre Fourny émet un vote favorable à la remise en place de la quai Ceineray. Cette œuvre controversée, une première fois dressée devant le monument aux morts de la ville en hommage aux combattants de la Première Guerre mondiale, avait été abattue sept ans plus tôt par un groupe d'activistes des Jeunesses patriotes. Dans le contexte de l'époque, cette affaire suscite une opposition droite/gauche y compris au sein du conseil municipal[8],[9].

Réélu en 1935 lors de l'élection remportée par la SFIO, Alexandre Fourny devient 5e adjoint du maire, Auguste Pageot[1]. En 1934, Alexandre Fourny est élu conseiller d’arrondissement dans le quatrième canton de Nantes, et en devient conseiller général en 1937[2],[6].

Résistance et exécution

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le 3 octobre 1940, alors que Nantes est en zone occupée, le préfet de Nantes suspend Alexandre Fourny de ses fonctions[6], étant dénoncé après avoir des propos injurieux prononcés, lors d’une séance privée de la commission des Beaux-Arts, à l'encontre du maréchal Pétain, qu'il aurait qualifié de « Maréchal Péteux », allusion à son comportement face aux Allemands[10]. Fourny participe très tôt à la Résistance[6]. Il organise le passage en zone libre de soldats anglais et, aidé par sa femme, les évasions de plusieurs dizaines de prisonniers du camp de Choisel à Châteaubriant[2],[11], en leur fournissant de faux papiers, et devient chef régional d'un réseau de renseignements[6]. Avec Léon Jost et Briac Le Diouron, il organise l'évasion de prisonniers des camps de Châteaubriant, Savenay et Château-Bougon[12]. Le 15 janvier 1941, les Allemands l’arrêtent[11] et l'incarcèrent à la prison Lafayette[5], mais ils le libèrent le 11 février, faute de preuves[11]. Il essaie aussitôt de faire libérer Léon Jost[13], mais le 12 février, Alexandre Fourny est de nouveau arrêté puis condamné à trois ans de forteresse. Il fait partie des otages fusillés en représailles après la mort du lieutenant-colonel Hotz, et est exécuté avec quinze autres personnes dans le champ de tir du Bêle à Nantes, le 22 octobre 1941[11],[12]. Conformément à son souhait, il est inhumé au cimetière Miséricorde à Nantes[11].

Hommages

Le 28 novembre 1946, la Croix de guerre lui est décernée, et le Journal officiel du 20 février 1947 publie sa nomination au grade de capitaine, qu'il portait officieusement dans le réseau « Georges France 31 »[14].

Une rue nantaise est baptisée rue Alexandre-Fourny en 1945[15], ainsi qu'une rue à Champigny-sur-Marne.

Lorsque sa dépouille est transférée au cimetière Miséricorde en 1945, un monument est dressé sur sa tombe. Pendant des années, à chaque anniversaire de sa mort, cette sépulture est fleurie et un mot est déposé : « Un Guyanais reconnaissant »[16].

Le nom d'Alexandre Fourny figure sur le monument élevé Cours des 50-Otages en mémoire des victimes des exécutions de 1941.

Notes et références

  1. a, b, c, d et e Defois 2007, p. 63
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Le Nail 2010, p. 163
  3. Perraud-Charmantier 1947, p. 165
  4. a, b, c et d Perraud-Charmantier 1947, p. 166
  5. a et b Pajot 2010, p. 93
  6. a, b, c, d, e, f, g et h Claude Geslin et Gilles Morin, « FOURNY Alexandre, Louis, Marie, Joseph » sur le Maitron en ligne, Université Paris 1. Consulté le 1er novembre 2011
  7. Le procès des insurgés de Cayenne renaît aux Archives départementales sur le site du conseil général de la Loire-Atlantique. Consulté le 1er novembre 2011
  8. Ça et là par les rues de Nantes 1984, p. 157
  9. Le monument aux morts de Nantes sur le site de l'académie de Nantes. Consulté le 11 novembre 2011
  10. Perraud-Charmantier 1947, p. 168
  11. a, b, c, d et e Lhommeau et Roberts 2009, p. 39
  12. a et b Le Nail 2010, p. 164
  13. Perraud-Charmantier 1947, p. 173
  14. Perraud-Charmantier 1947, p. 174
  15. Rault et Sigot 1996, p. 157
  16. Marc Le Duc, « Les insurgés de Cayenne acquittés », dans Ouest France, 14 février 2011 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2011)] 

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Le Nail, Dictionnaire biographique de Nantes et de Loire-Atlantique, Pornic, Le Temps éditeur, 2010, 414 p. (ISBN 978-2-363-12000-7) .
  • Stéphane Pajot, Nantes histoire de rues, Les Sables d'Olonne, d'Orbestier, 2010, 215 p. (ISBN 978-2-84238-126-4) .
  • Éric Lhommeau et Karen Roberts, Guide du cimetière Miséricorde de Nantes, Nantes, Le Veilleur de nuit, 2009, 89 p. (ISBN 978-2-9528652-2-7) .
  • Serge Defois, Les Avocats nantais au XXe siècle : socio-histoire d'une profession, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2007, 397 p. (ISBN 978-2-7535-0522-3) .
  • Jean-Pierre Rault et Jacques Sigot, Les Noms des rues de Nantes, Éditions CMD, coll. « Découverte », 1996, 400 p. (ISBN 9782909826363) .
  • Jean-Louis Bourgeon et Michel Jost, Un dernier tour en ville: un Nantais, de la Belle Époque aux cinquante otages ; Léon Jost, Nantes, L'Albaron, 1991, 302 p. (ISBN 978-2-908528-27-5) .
  • Université de Nantes. Service formation continue dont université permanente, Çà et là par les rues de Nantes, Nantes, Reflets du passé, 1984, 207 p. (ISBN 2-86507-016-6) .
  • André Perraud-Charmantier, La Guerre en Bretagne, récits et portraits, Aux Portes Du Large, 1947, 253 p. 

Articles connexes

Liens externes


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