- Claude Lanzmann
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Claude Lanzmann
Claude Lanzmann lors de la table ronde Un vivant qui parle à la Cinémathèque française le 12 janvier 2008
Données clés Naissance 27 novembre 1925
Bois-Colombes
FranceNationalité Française Profession Réalisateur Films notables Pourquoi Israël,
Shoah,
Un vivant qui passe,
Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heuresClaude Lanzmann, né le 27 novembre 1925 à Bois-Colombes, est un journaliste, écrivain et cinéaste français. À partir de 1943, à l'âge de 18 ans, il s'engage dans la Résistance à Clermont-Ferrand puis dans les maquis d'Auvergne.
Compagnon de Simone de Beauvoir entre 1952 et 1959, il lui succède en 1986 comme directeur de la revue Les Temps modernes, à laquelle il collaborait depuis les années cinquante. Il a épousé, en 1971, la romancière allemande Angelika Schrobsdorff.
Il est le réalisateur de Shoah, film documentaire de neuf heures et demi consacré à l’extermination des Juifs d'Europe dans les camps nazis, qui fut diffusé pour la première fois en 1985.
Claude Lanzmann, athée, est Juif, et selon ses propres termes « viscéralement attaché à Israël »[1].
Sommaire
Enfance et formation
Il est né dans une famille dont les différentes branches sont originaires des communautés juives de l'Est de l'Europe, immigrées en France à la fin du XIXe siècle[2]. La famille de son père, Itzhak Lanzmann, vient d'un shtetl près de Minsk en Biélorussie. Cherchant à s'assimiler rapidement et se coupant entièrement de la communauté juive, prenant le prénom de Léon, il épousa à Paris Anna, venant de Riga et devint marchand en mobilier ancien rue Drouot. De leur union nait en 1900, Armand, père de Claude Lanzmann[3]. Itzhak naturalisé en 1913 sera versé dans l'infanterie de 1ère ligne entre 1914 et 1918.
Sa mère, Pauline, dite Paulette, Grobermann (1903-1995) est née sur un navire entre Odessa et Marseille: ses parents, Yankel et Perl Grobermann, sont originaires de Kichinev, en Bessarabie. Établis en région parisienne, ils créent une affaire de brocante, puis deviennent antiquaires pendant la Première Guerre mondiale, fournissant les jeunes studios américains en décors[4].
En 1934, à la suite du divorce de ses parents, Claude, son frère cadet Jacques (écrivain, scénariste et parolier) et sa sœur Évelyne (Évelyne Rey, actrice de théâtre), emmenés par leur père, vont vivre à Brioude, en Haute-Loire[5]. Ils y restent jusqu'en septembre 1938 ; lorsque la famille retourne à Paris, Claude poursuit ses études au lycée Condorcet, où il découvre l’antisémitisme.
La guerre et la Résistance
En octobre 1939, son père, ancien combattant engagé volontaire en 1917, gazé à Ypres fut « affecté spécial » de la défense nationale à Brioude. Là, il entraîne ses enfants à disparaître sans laisser de traces, en simulant des rafles de la Gestapo ou de la Milice. Il enseigne à ses enfants la méfiance et le « pessimisme actif »[6].
À cette époque, Engagement et Résistance deviennent les grands signifiants de Claude Lanzmann. A la rentrée 1943, il rejoint la classe de première supérieure du lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand comme interne. À 18 ans, il devient membre des Jeunesses communistes et l’un des organisateurs de la résistance de Clermont-Ferrand. Il participe à la lutte clandestine, puis aux combats des maquis d’Auvergne à la Margeride, au mont Mouchet, aux embuscades dans le Cantal et en Haute-Loire, pour retarder la remontée des troupes allemandes vers la Normandie, lors de l'été 44[7].
Philosophie
Après la Libération, sa famille revient vivre à Paris. Lanzmann, qui a retrouvé sa mère et son compagnon Monny de Boully, est admis en janvier 1945 en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand. Il y rencontre Jean Cau, avec qui il noue une grande amitié[8]. Ayant échoué au concours d'entrée à l'École normale supérieure, il s'inscrit en licence de philosophie à la Sorbonne. Il choisit les "possibles et les incompossibles" chez Leibniz comme sujet de son diplôme d'études supérieures[9].
En 1947, sur les conseils de son autre ami Michel Tournier, il part étudier la philosophie à l'Université de Tübingen en Allemagne : il veut voir « les Allemands en civil ». Puis, en 1948, il obtient un poste de lecteur à la Freie Universität Berlin (université libre de Berlin) en secteur américain[10].
Il se découvre des talents et un goût de pédagogue, comme il le dit, « mêlant en une torsade unique Le Rouge et le Noir et L'Être et le Néant ». La parution des Réflexions sur la question juive de Sartre en 1947 fut pour lui un événement fondateur et devient le fondement d'un séminaire sur l'antisémitisme qu'il organisa à la demande des étudiants. Il se convainc que les thèses de Sartre doivent être dépassées, ce qui sera l'une des raisons de son premier voyage en Israël en 1952. Voulant dénoncer la faiblesse de la dénazification au sein de l'université, il publie en 1949 deux articles dans le Berliner Zeitung, journal de la RDA, ce qui lui vaut de quitter ses fonctions officielles[11].
Carrière de journaliste
France Soir
À son retour en France, il entre dans le groupe de presse de Pierre Lazareff comme rédacteur. Il passera les vingt années suivantes dans ce groupe, contribuant par des dizaines d'articles au magazine Elle, créé et dirigé par Hélène Lazareff, à France Soir ou à d'autres publications. Il entrera par ce biais en relations avec de très nombreuses personnalités du monde politique ou artistique des années cinquante et soixante.
En 1951, ayant proposé à France Soir un reportage sur la vie en Allemagne de l'Est, et n'étant pas retenu, il publie finalement la série d'articles ("L'Allemagne derrière le Rideau de fer") dans le journal Le Monde. Cette série est remarquée par Sartre qui lui demande de collaborer à sa revue.
Les Temps modernes
C’est donc en 1952 qu’il rencontre Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Diplômé de philosophie, journaliste, il devient leur ami et entre au comité de rédaction de la revue Les Temps modernes qu'ils ont fondée en 1945.
À partir de juillet 1952 il vit une histoire d’amour avec Simone de Beauvoir, dont il restera le compagnon jusqu'à leur rupture en 1959. Il demeurera toujours très proche d’elle jusqu’à sa mort en 1986[12].
En 1963, il épouse l'actrice Judith Magre.
L'engagement politique
En mai 1958 Lanzmann part en Corée du Nord pour son travail de journalisme.
Son engagement anticolonialiste le confronte à la peine capitale. Il fait partie des dix inculpés, parmi les signataires du manifeste des 121, qui dénonce la répression en Algérie en 1960. En 1967, il prend une grande part à l'élaboration du fameux numéro des Temps Modernes intitulé "Le conflit israélo-arabe".
Jusqu’en 1970, Claude Lanzmann partage ses activités entre Les Temps modernes, et le journalisme. Il écrit de nombreux articles et reportages. En 1986, après la mort de Simone de Beauvoir, il deviendra responsable de la revue Les Temps modernes.
Carrière de réalisateur
À partir de 1970, Claude Lanzmann se consacre au cinéma. Il est notamment l'auteur du film Shoah sorti en 1985.
L’armée israélienne est-elle une armée comme les autres ? Tel est le questionnement de Tsahal, un film de Claude Lanzmann sorti en 1994. Ce documentaire de cinq heures a fait l'objet de vives polémiques. Il est jugé tendancieux et apologétique par ses détracteurs qui lui reprochent notamment son manque de distance vis-à-vis du discours tenu par l'armée israélienne sur elle-même, ainsi que son silence au sujet de la guerre du Liban – un conflit qui a pourtant suscité de vifs débats en Israël même[13].
Controverses
Lors des évènements ayant conduit à la mort d'un jeune palestinien, Mohammed Al Durah, Claude Lanzmann écrit un article dans le journal Le Monde, dans lequel il déclare que, selon lui, on ne peut prendre en compte la version d'un "journaliste arabe" dans cette affaire[14].
Dans le quotidien Libération, le 6 mars 2007, Claude Lanzmann « accuse Raymond Barre[15] d’être antisémite », suite à une entrevue que celui-ci a accordée à France Culture le 20 février 2007, interview diffusée le 6 mars 2007. Raymond Barre répond à ces critiques le même jour, sur RTL : « Il y a une clique qui depuis 1979 me poursuit pour me faire apparaître antisémite[16]. »
En janvier 2010, Claude Lanzmann s'élève vivement contre le roman de Yannick Haenel, Jan Karski.
Annexes
Distinctions
- Médaille de la Résistance avec rosette.
- Commandeur de l’Ordre national de la Légion d’honneur (28 février 2006).
- Grand Officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur (14 juillet 2011)[17].
- Grand officier de l’Ordre national du Mérite (2008).
- Docteur philosophiae honoris causa de l’université hébraïque de Jérusalem.
- Docteur honoris causa de l’université d’Amsterdam (2005).
Filmographie
Réalisateur
- 1967 : Sartre inédit, entretien et témoignages. En 1967, Jean-Paul Sartre accorde un entretien exclusif à la télévision canadienne, filmé par Madeleine Gobeil-Noël et Claude Lanzmann. Cet entretien est sorti en DVD en France en 2005.
- 1972 : Pourquoi Israël
- 1985 : Shoah
- 1994 : Tsahal
- 1997 : Un vivant qui passe
- 2001 : Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures
- 2010 : Le Rapport Karski, 49 minutes, diffusé sur Arte, le 17 mars 2010[18], [19] ; entretien accordé par Jan Karski à Claude Lanzmann en 1978.
Scénariste
Producteur
- 1997 : Un vivant qui passe, production Les Films Aleph, Cinétévé, La Sept Arte, 35 mm, couleur, 65 minutes. 940.531 7 LAN (VHS)
Acteur
- 1988 : Hôtel Terminus, documentaire de Marcel Ophüls.
- 2001 : Autopsie d’un mensonge, le négationnisme, réalisé par Jacques Tarnero.
- 2008 : C'est dur d'être aimé par des cons, réalisé par Daniel Leconte.
- 2009 : Claude Lanzmann, il n'y a que la vie, réalisé par Sylvain Roumette.
Bibliographie
- Shoah (préface de Simone de Beauvoir), éd. Fayard, Paris, 1985, 254 pages. Texte intégral du film, paroles et sous-titres.
- Un vivant qui passe : Auschwitz 1943 - Theresienstadt 1944, éd. Mille et une nuits, Paris, 1997, 62 pages.
- Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, éd. Cahiers du Cinema Livres, 2001, 79 pages. Postface d'Arnaud Desplechin.
- Le Lièvre de Patagonie, éd. Gallimard, 2009, 550 pages (ISBN 978-2-07-012051-2) (prix Saint-Simon 2009).- Voir les critiques de Philippe Sollers Les cent vies de Claude Lanzmann - Il publie ses Mémoires. Par Philippe Sollers, de J. Savigneau[20].
- Marie-Christine Laznik, L'Impensable Désir : féminité et sexualité au prisme de la ménopause, coll. « L’espace analytique », éd. Denoël, Paris, 2003, (ISBN 2-207-25420-8), Les relations amoureuses entre Simone de Beauvoir et Claude Lanzmann, pp. 95, 194-203, 215, 221-222.
Liens externes
- Claude Lanzmann sur l’Internet Movie Database - Version plus complète en anglais
- Le cinéma de Claude Lanzmann sur le site de l’Institut national de recherche pédagogique
- Claude Lanzmann, professeur de film documentaire à The European Graduate School (Biographie et bibliographie)
Notes et références
Nombre de références de cet article sont tirées de l'autobiographie de Claude Lanzmann, Le Lièvre de Patagonie publiée en 2009.
- Sur les traces du Lièvre de Patagonie (116 min) Conférence « Claude Lanzmann par lui-même » - Avril 2009.
- Le Lièvre, p.98
- Le lièvre, p. 98 et 99
- Le Lièvre, p. 94
- Le lièvre, p.34
- Le lièvre, p.74 -75
- Le lièvre, chapitre IV
- Jean-Paul Sartre au cours de l'année 1946 celui-ci, interrompant son cursus en khâgne, devient le premier secrétaire de
- Le lièvre, p.196
- Le lièvre, p.202
- Le lièvre, p.212
- Voir la biographie de Simone de Beauvoir par Deirdre Bair
- Le Monde-diplomatique
- c.f. Claude Lanzmann: Israël, Palestine : la séparation illusoire Le Monde, article publié le 07 Février 2001.
- Liberation.fr « J'accuse Raymond Barre d’être un antisémite », 6 mars 2007 2006
- lemonde.fr « La polémique enfle autour des propos antisémites de Raymond Barre », numéro du 6 mars 2007.
- Décret du 13 juillet 2011 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier
- Programme Arte, 17 mars 2010
- « Ce que vous dites est impossible », Le Monde, 18 mars 2010, mis en ligne sur le site lemonde.fr, le 17 mars 2010, consulté le 18 mars 2010. Franck Nouchi,
- « Claude Lanzmann sur tous les fronts » Le Monde des livres, 20 mars 2009. Josyane Savigneau, critique :
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