- Virginia Poe
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Virginia Poe Virginia Poe, peinte après sa mortNom de naissance Virginia Eliza Clemm Naissance 22 août 1822
Baltimore, Maryland, États-UnisDécès 30 janvier 1847 (à 24 ans)
Forham, New York, États-UnisFamille Edgar Allan Poe Virginia Eliza Clemm Poe, née Virginia Eliza Clemm le 22 août 1822, morte le 30 janvier 1847, est l'épouse d'Edgar Allan Poe. Les époux étaient cousins au second degré et, quand ils se marièrent, Virginia n'avait que 13 ans, tandis que Poe en avait 27. Plusieurs biographes ont suggéré que les relations du couple ressemblaient plus à celles d'un frère et d'une sœur et qu'ils n'auraient jamais consommé leur union. Virginia est victime en janvier 1842 de la tuberculose, maladie dont elle meurt en janvier 1847 à l'âge de 24 ans.
Poe et Virginia ont vécu ensemble, avec d’autres membres de leur famille, plusieurs années avant leur mariage. Le couple a souvent dû déménager, en fonction des emplois de Poe, vivant successivement à Baltimore, Philadelphie et New York. Quelques années après leur mariage, Poe a été compromis dans un scandale impliquant Frances Sargent Osgood et Elizabeth F. Ellet. Cette dernière a fait courir des bruits tendancieux sur l’amitié amoureuse unissant Poe à Mrs Osgood ; Virginia en a été affectée, au point que, sur son lit de mort, elle aurait accusé Mrs Ellet d’être responsable de sa mort.
Virginia avait les cheveux noirs et le teint très pâle, et son aspect était assez enfantin, même à l’âge adulte. Sa maladie et les menaces que celle-ci faisait peser sur ses jours ont eu un grand impact sur son époux, qui se mit à déprimer et sombra dans la boisson pour oublier sa douleur. Sa mort a peut-être également affecté sa poésie et sa prose, où la mort de jeunes femmes est devenue un motif assez fréquent.
Sommaire
Biographie
Jeunesse
Virginia Eliza Clemm naquit le 22 août 1822 à Baltimore[1] ; elle devait son nom à une sœur aînée morte dans l’enfance[2] juste dix années plus tôt[1]. Son père, William Clemm Jr., était un marchand d’outils de Baltimore[3]. Il s’était marié avec Maria Poe, la mère de Virginia, le 12 juillet 1817[4], après la mort de sa première épouse, cousine de Maria, Harriet[5]. Clemm avait eu cinq enfants de son précédent mariage et en eut trois autres avec Maria[3]. Après sa mort en 1826, il laissait très peu à sa famille[6], et ses parents n’offrirent aucun soutien financier car ils étaient opposés au mariage[3]. Maria s’occupa de la famille du mieux qu’elle put en faisant des travaux de couture, en créant une pension et grâce à la pension annuelle de 240 $ dont bénéficiait sa mère Elizabeth Cairnes, qui était paralysée et clouée au lit[6] ; cette pension venait du mari d’Elizabeth, le « général » David Poe, un ancien intendant du Maryland qui avait prêté de l’argent à l’État[7].
Edgar Poe rencontra pour la première fois sa cousine germaine Virginia en août 1829, quatre mois après qu’il a quitté l’armée. Elle avait alors sept ans[8]. En 1832, la famille — qui comprenait Elizabeth, Maria, Virginia, Henry (le frère de Virginia), William Henry Léonard, le frère aîné de Poe[8] — avait assez, grâce à le pension d’Elizabeth, pour louer une maison au nº 3, Amity Street, à Baltimore[9]. William Henry Léonard mourut le 1er août 1831[10]. Poe rejoignit en 1833 le foyer[11] et tomba amoureux d’une voisine du nom de Mary Devereaux. La jeune Virginia servit de messager entre les deux jeunes gens, passant, une fois, une mèche de cheveux de Devereaux offerts en cadeau à Poe[12]. Elizabeth Cairnes Poe mourut le 7 juillet 1835, ôtant à la famille une part importante de son revenu et la plaçant dans une situation financière délicate[13]. Henry mourut vers la même époque, peut-être avant 1836, ne laissant plus à Maria que deux filles[14].
Poe quitta sa famille et partit pour Richmond (Virginie), où il trouva un emploi au Southern Literary Messenger en août 1835[15]. Tandis que Poe était loin de Baltimore, un autre cousin, Neilson Poe, époux de la demi-sœur de Virginia, Josephine Clemm[16], apprit qu’Edgar envisageait d’épouser Virginia. Neilson offrit de la prendre avec lui et de lui donner une éducation afin d’empêcher l’union de cette si jeune fille avec Edgar, en suggérant que l’hypothèse d’un mariage pourrait être reconsidérée plus tard[17]. Edgar qualifia Neilson, propriétaire d’un journal à Baltimore, son « ennemi le plus acharné » et interpréta le geste de son cousin comme une tentative pour briser son union avec Virginia[18]. Le 29 août 1835[18], Edgar écrivit une lettre pleine d’émotion à Maria, affirmant qu’il était « aveuglé par les larmes en écrivant »[16], et plaidant pour qu’elle laisse Virginia décider elle-même de son sort[19]. Encouragé par son embauche au Southern Literary Messenger, Poe offre d’assurer l’entretien financier de Maria, Virginia et Henry s’ils s’installent à Richmond[20].
Mariage
Les projets de mariage furent confirmés, et Poe retourna à Baltimore pour obtenir une licence de mariage le 22 septembre 1835. Ils pouvaient alors tranquillement être mariés, bien que la cérémonie fût officieuse[21]. La cérémonie publique eut lieu seulement à Richmond le 16 mai 1836, quand ils furent unis par un ministre presbytérien, le révérend Amasa Converse[22]. Poe avait 27 ans et Virginia 13, bien qu’on lui en ait alors donné 21[22]. Les documents du mariage furent réalisés à Richmond et comportent une attestation de Thomas W. Cleland confirmant l’âge supposé de la jeune mariée[23].
La cérémonie fut célébrée, dans la soirée, dans la demeure de Mrs. James Yarrington[24], la propriétaire de la pension où logeaient Poe, Virginia et la mère de Virginia, Maria Clemm[25]. Yarrington aida Maria Clemm à faire le gâteau de mariage et à préparer le repas de noces[26]. Le couple passa alors une brève lune de miel à Petersburg (Virginie)[24].
Le débat fut très vif, concernant le caractère inhabituel ou non de cette union, fondé sur la question de l’âge des époux et leur consanguinité. Biographe notable de Poe, Arthur Hobson Quinn considérait qu’elle n’était pas spécialement anormale, signalant que Poe avait surnommé son épouse « Sissy » ou « Sis »[27]. Un autre biographe de Poe, Kenneth Silverman, considère pour sa part que, si une union entre des cousins aussi proches n’était pas exceptionnelle, le jeune âge de l’épouse l’était davantage[21]. Il a été suggéré que Clemm et Poe aurait plutôt eu des relations de frère à sœur que de mari à femme[28]. Plusieurs analystes, notamment Marie Bonaparte, considèrent nombre des œuvres de Poe comme autobiographiques et en ont conclu que Virginia était morte vierge[29] parce qu’elle et son époux n’auraient jamais consommé leur union[30]. Cette interprétation se fonde souvent sur l’idée que Virginia serait représentée dans le personnage éponyme du poème Annabel Lee[29]. Joseph Wood Krutch, également biographe de Poe, suggère que Poe n’a pas eu besoin des femmes « dans le sens dont les hommes normaux en ont besoin », mais seulement comme une source d’inspiration et de soin[31], et que Poe ne fut jamais intéressé sexuellement par les femmes[32]. Des amis de Poe ont suggéré que le couple ne partagea pas le même lit au moins durant les deux premières années du mariage mais que, du jour où elle eut 16 ans, ils eurent une vie de couple « normale » jusqu’au début de sa maladie[33].
Virginia et Poe formaient, selon tous les témoignages, un couple heureux et dévoué. Un temps employeur de Poe, George Rex Graham écrivit, au sujet de leurs relations : « Son amour pour sa femme était une sorte de culte ravi de l’esprit à la beauté »[34]. Elle, de son côté, selon de nombreux récits contemporains, idolâtrait presque son époux[35]. Elle s’asseyait souvent à ses côtés, tandis qu’il écrivait, mettait de l’ordre dans ses stylos et pliait et adressait ses manuscrits[36]. Elle montra son amour pour Poe dans un poème acrostiche composé quand elle avait 23 ans, daté du 14 février 1846 :
Ever with thee I wish to roam -
Dearest my life is thine.
Give me a cottage for my home
And a rich old cypress vine,
Removed from the world with its sin and care
And the tattling of many tongues.
Love alone shall guide us when we are there -
Love shall heal my weakened lungs;
And Oh, the tranquil hours we'll spend,
Never wishing that others may see!
Perfect ease we'll enjoy, without thinking to lend
Ourselves to the world and its glee -
Ever peaceful and blissful we'll be[37].Scandale Osgood/Ellet
L’expression « tattling of many tongues » dans le poème de la Saint-Valentin écrit par Virginia fait référence à des incidents survenus à l’époque[38]. En 1845, Poe engagea une amitié amoureuse avec Frances Sargent Osgood, une poétesse mariée de 34 ans[39]. Virginia était consciente de cette amitié et l’encouragea peut-être[40]. Elle invita souvent Osgood à leur rendre visite chez eux, considérant que la présence de cette femme plus âgée empêcherait de boire Poe, qui avait fait la promesse d’« arrêter de prendre des stimulants » et ne buvait jamais en présence d’Osgood[41].
À la même époque, une autre poétesse, Elizabeth F. Ellet, s’énamoura de Poe, jalousant Osgood[40]. Bien que, dans une lettre à Sarah Helen Whitman, Poe ait qualifié l’amour qu’elle lui vouait de « répugnant » et ait écrit qu’il ne « pourrait faire autrement que [le] repousser avec mépris », il publia plusieurs de ses poèmes dans le Broadway Journal, dont il était le propriétaire[42]. Mrs Ellet était connue comme un être indiscret et vindicatif[43] ; comme elle visitait le ménage Poe à la fin de janvier 1846, elle aperçut l’une des lettres personnelles d’Osgood à Poe[44]. Selon Ellet, Virginia aurait souligné les « paragraphes inquiétants » de la lettre d’Osgood[45]. Motivée soit par la jalousie soit par le désir de causer un scandale[45], Ellet contacta Osgood et lui conseilla de prendre garde aux indiscrétions et de demander à Poe de lui retourner ses lettres[44]. Osgood envoya alors Margaret Fuller et Anne Lynch Botta demander, en son nom, à Poe de lui renvoyer ses lettres. Irrité de leur intervention, Poe les qualifia de « mouches du coche » et affirma qu’Ellet ferait mieux de « s’occuper de ses propres lettres », suggérant une indiscrétion de sa part[46]. L’une de ces lettres comprend ces mots en mauvais allemand : « Ich habe einen Brief fur Sie—wollen Sie gefalligst heute lassen? »[47] La deuxième partie se traduit par « Demande-le à sa résidence ce soir », une phrase qui se voulait probablement séduisante, mais que Poe avait ignorée ou n’avait pas comprise[48]. Il rassembla alors ces lettres et les renvoya dans leurs foyers[44].
Furieuse d'avoir été mise en cause, et alors que toutes ces lettres lui aient été retournées, Ellet envoya son frère, le colonel William Lummis, demander à Poe la preuve de ce qu'il affirmait[46]. Armé d'un pistolet, le colonel se lança à la recherche de Poe, menaçant de le tuer. Afin de se défendre, Poe demanda un pistolet à Thomas Dunn English[44]. Auteur mineur, médecin et un juriste compétent, English était à la fois l'ami de Poe et de Mrs Ellet ; il refusa de croire Poe, quand celui-ci lui affirma que ces lettres avaient bien existé[49]. Selon lui, la solution la plus facile pour sortir de cette situation fâcheuse « était un rétractation des charges infondées[50]. » Vexé d’avoir été traité de menteur, Poe poussa English dans un pugilat. Par la suite, il se vanta d’être sorti triomphant de ce combat, bien que English clamât le contraire, et l'une des bagues d'English fit une vilaine coupure sur le visage de Poe[44]. Poe affirmait ainsi : « J’ai donné à E. un coup de fouet dont il se souviendra jusqu’au jour de sa mort. » Quelle que soit la version exacte, ce combat a favorisé la diffusion de l’affaire Osgood[51].
Le mari d’Osgood intervint et menaça de poursuivre Ellet, à moins qu’elle ne présente des excuses officielles pour ses insinuations. Elle rétracta ses affirmations dans une lettre à Osgood, écrivant : « La lettre que me montra Mrs Poe devait être une contrefaçon » crée par Poe lui-même[52]. Elle mettait ainsi tout le blâme sur Poe, suggérant que l’incident avait pour cause le fait que Poe était « intempérant et sujet à des actes de folie[53]. » Ellet propagea la rumeur de la folie de Poe, qui fut reprise par les autres ennemis de Poe et rapportée dans la presse. Le Reveille de Saint-Louis signale : « Une rumeur circule à New York, affirmant que Mr. Edgar A. Poe, le poète et auteur, a l’esprit dérangé, et que ses amis sont sur le point de le confier aux soins du Dr. Brigham de la maison d’aliénés d’Utica »[54]. Le scandale ne finit par s’éteindre que quand Osgood retourna auprès de son époux[53]. Virginia, cependant, avait été très affectée par toute l’affaire. Elle avait reçu des lettres anonymes au sujet des supposées indiscrétions de son époux dès juillet 1845. Selon certains, Ellet était impliquée dans ces lettres, qui auraient eu tant d’effet sur Virginia que, sur son lit de mort, elle aurait affirmé que « Mrs. E. avait été son meurtrier »[55].
Maladie
À cette époque, Virginia avait développé la tuberculose, dont les premiers signes étaient apparus lors d’un incident advenu au milieu de janvier 1842. Comme elle chantait et jouait du piano, Virginia avait commencé à cracher du sang, bien que Poe ait cru alors qu’elle avait simplement « rompu un vaisseau sanguin »[56]. Sa santé déclina, et elle devint invalide, ce qui plongea Poe dans une profonde dépression, d’autant qu’elle montrait parfois des signes d’amélioration. Dans une lettre à son ami John Ingram, Poe a décrit les résultats sur son état mental :
« Chaque fois, j’ai senti toutes les agonies de sa mort — et à chaque retour du désordre je l’ai aimée plus chèrement et me suis accroché à sa vie avec l’obstination la plus désespérée. Mais ma constitution est devenue sensible — nerveuse à un degré très rare. Je suis devenu fou, avec de longs intervalles d’une horrible santé mentale »[57].
La mauvaise santé de Virginia peut avoir été à l’origine des déplacements de la famille Poe, dans l’espoir de trouver un environnement plus sain pour elle. Ils déménagèrent à plusieurs reprises dans Philadelphie au début des années 1840, leur dernière demeure dans cette ville étant celle qui est conservée comme Site historique national Edgar Allan Poe à Spring Garden[58]. Dans cette maison, Virginia se sentait assez bien pour entretenir un parterre de fleurs[59] et distraire des visiteurs en jouant de la harpe ou du piano et en chantant[60]. La famille s’installa ensuite à New York, peut-être au début d’avril 1844, faisant le voyage en train et en vapeur. Virginia attendait à bord du navire tandis que son époux réservait une place dans une pension sur Greenwich Street[61]. Au début de 1846, une amie de la famille, Elizabeth Oakes Smith, dit que Virginia aurait admis : « Je sais que je mourrai bientôt ; je sais que je ne peux bien me porter ; mais je veux être aussi heureuse que possible, et rendre Edgar heureux »[62]. Elle promit à son mari qu’après sa mort, elle serait son ange gardien[63].
En mai 1846, la famille (Poe, Virginia et sa mère Maria) s’installa dans un petit cottage de Fordham, à quelque quatorze miles de New York[64], une demeure qui est toujours debout actuellement. Dans l’unique lettre de Poe à Virginia que nous conservions, datée du 12 juin 1846, il lui recommanda vivement de demeurer optimiste: « Préservez votre cœur de tout désespoir, et gardez confiance un peu plus longtemps[65]. » Au sujet de la perte récente du Broadway Journal, le seul magazine que Poe ait jamais possédé, il dit : « Je devrais avoir perdu mon courage mais pour vous—ma chère petite femme vous êtes maintenant mon plus grand et unique stimulus pour lutter avec cette vie désagréable, insatisfaisante et ingrate[66] ». Mais, en novembre de la même année, la situation de Virginia semblait désespérée[14]. Les symptômes comprenaient un appétit irrégulier, des joues rouges, un pouls instable, des sueurs nocturnes, une forte fièvre, des refroidissements soudains, un essoufflement, des douleurs de poitrines, des toux et le crachat de sang[66].
Nathaniel Parker Willis, ami de Poe et éditeur influent, aida à faire publier une annonce le 30 décembre 1846, requérant de l’aide en faveur de la famille, bien que les faits décrits ne soient pas entièrement exacts[67] :
« Maladie d’Edgar A. Poe. —Nous sommes au regret d’apprendre que ce gentleman et son épouse sont très dangereusement victims de consomption, et que la main de l’infortune pèse lourdement sur leurs affaires temporelles. Nous sommes désolés de mentionner le fait qu’ils sont si diminués qu’ils n’ont plus les moyens d’obtenir le nécessaire pour vivre. Ce ci est, en effet, un dur lot, et nous avons espoir que les amis et admirateurs de Mr. Poe viendront promptement à son secours en cette heure des plus amères où le beoin se fait sentir[68]. »
Willis, qui n’avait pas correspondu avec Poe depuis deux ans et avait, entretemps, perdu sa propre épouse, était à l’époque l’un de ses plus grands partisans. Il envoya à Poe et à son épouse un livre de Noël inspiré, L’Anneau de mariage, ou Comment rendre un foyer heureux[68].
L’annonce était semblable à celle qui avait été publiée en faveur de la mère de Poe, Eliza, durant les dernières phases de sa tuberculose[67]. D’autres journaux reprirent l’information : « Grand Dieu ! », s’émut l’un d’eux, « est-il possible que le monde littéraire de l’Union, laisse le pauvre Poe périr de famine et sombrer dans la mendicité à New York? Comme nous sommes amenés à le penser, au vu des fréquents avis parus dans la presse, indiquant que Poe et son épouse ont sombré dans un lit de misère, de mort et de maladie, avec pas un ducat au monde[68]. » Le Saturday Evening Post affirma que Virginia était dans une situation désespérée et que Poe était dans le besoin : « Il a été dit qu’Edgar A. Poe est alité avec une fièvre du cerveau menaçante, et que son épouse est dans les derniers stades de la consomption—ils sont sans argent et sans amis[69]. » Même Hiram Fuller, que Poe avait poursuivi en justice pour diffamation, tenta dans le New York Mirror de recueillir des soutiens en faveur de Poe et de son épouse : « Nous, avec qui il s’est querellé, prendrons la tête », écrivit-il[68].
Au moment de mourir, Virginia demanda à sa mère : « Chère... vous consolerez et prendrez soin de mon pauvre Eddy — vous ne le quitterez jamais, jamais? »[70]. Vers cette époque, la famille reçut de nombreux visiteurs, notamment une vieille amie du nom de Mary Starr. À un moment donné, Virginia mit la main de Starr dans celle de Poe et lui demanda d’« être une amie pour Eddy, et de ne pas l’abandonner »[71]. Virginia fut soignée par Marie Louise Shew, une femme de 25 ans. Shew, qui avait servi comme infirmière, connaissait des rudiments de medicine par son père et son époux, l’un et l’autre médecins[72]. Elle fournit à Virginia une couette, son unique couverture étant la vieille capote militaire de Poe. Elle lui fournit également des bouteilles de vin, que l’invalide but « en souriant, meme quand il avait du mal à passer »[71]. Enfin, Virginia montra à Poe une lettre de la seconde épouse de son beau-père, John Allan, qu’elle lui avait toujours cachée[73], et dans laquelle elle laissait entendre qu’elle était à l’origine de la rupture entre Allan et Poe[71].
Décès
Le 29 janvier 1847, Poe écrivit à Marie Louise Shew : « Ma pauvre Virginia vit toujours, bien qu’elle s’affaiblisse rapidement et qu’elle endure maintenant de grandes souffrances[74]. » Virginia mourut le lendemain, 30 janvier 1847[75], après cinq jours d’agonie. Shew l’aida à organiser ses funérailles, prenant à sa charge le cercueil. Shew aurait également peint l’unique portrait de Virginia, une aquarelle réalisée après sa mort[76]. L’avis de décès parut dans plusieurs journaux. Le 1er février, le Daily Tribune de New York et le Herald publient ce simple faire-part : « Le samedi, le 30 du mois dernier, de consomption pulmonaire, en la 25e année de sa vie, VIRGINIA ELIZA, épouse d’EDGAR A. POE. »[71]. Les funérailles eurent lieu le 2 février 1847[74]. Dans l’assistance se trouvaient Nathaniel Parker Willis, Ann S. Stephens et l’éditeur George Pope Morris. Poe refusa de regarder le visage de son épouse morte, disant qu’il préférait se souvenir d’elle vivante[77]. Bien qu’elle repose aujourd’hui à Westminster Hall and Burying Ground, Virginia fut dans un premier temps inhumée dans un caveau appartenant à la famille Valentine, à qui les Poe louaient le cottage de Fordham[76].
En 1875, la même année que celle où le corps de Poe fut réinhumé, le cimetière dans lequel elle reposait fut détruit et ses restes furent presque oubliés. L’un des premiers biographes de Poe, William Gill rassembla les os et les conserva dans une boîte conservée sous son lit[78]. L’histoire de Gill fut rapportée dans le Boston Herald vingt sept ans après l’événement : il expliqua qu’il avait visité le cimetière de Fordham en 1883 au moment exact où le sacristain Dennis Valentine saisissait les os de Virginia dans sa pelle, près à les jeter comme non-réclamés. Poe lui-même était mort en 1849. Aussi Gill récupéra-t-il les os de Virginia et décida-t-il, au terme d’une correspondance avec Neilson Poe et John Prentiss Poe, de ramener à Baltimore la boîte, afin qu’ils soient déposés à la gauche de Poe dans un petit coffret en bronze[79]. Les restes de Virginia furent finalement inhumés avec ceux de son époux le 19 janvier 1885[80]—le soixante-seizième anniversaire de la naissance de Poe et près de dix ans après l’érection du monument à sa mémoire. Le même homme qui avait servi comme sacristain lors de l’inhumation originelle, de l’exhumation et de la réinhumation de Poe assistait aux rites qui accompagnèrent le transfert de ses cendres auprès de Virginia et de la mère de Virginia, Maria Clemm[79].
Apparence
Les descriptions de Virginia sont diverses. Pour d'aucuns, elle avait les cheveux noirs et les yeux violets, avec la peau si pâle qu’on l'a décrite comme un « pur blanc »[81], lui faisant un « mauvais teint qui gâtait son aspect »[2]. Un visiteur de la famille Poe a noté que « le teint de rose de ses joues était trop brillant », peut-être un symptôme de sa maladie[82]. Un autre visiteur de Fordham a écrit : « Mrs. Poe paraissait vraiment jeune ; elle avait de grands yeux noirs, et une blancheur nacrée de teint, qui était d’une pâleur parfaite. Son visage pâle, ses yeux brillants et ses cheveux de jais lui donnaient un air surnaturel »[83]. Cet air surnaturel fut signalé par d’autres témoins, selon lesquels elle n’avait pas apparence humaine[84]. William Gowans, qui logea un temps dans la famille, décrivit Virginia comme une femme d’« une beauté et d’un charme incomparables, son œil pourrait égaler celui de n’importe quelle houri, et son visage défier le génie à imiter d’un Canova »[85]. Elle peut avoir été un peu potelée[84]. On retrouve, dans de nombreux témoignages contemporains et parmi plusieurs biographes modernes, des remarques sur son aspect enfantin, y compris dans les dernières années de sa vie[74],[84],[8]. Un jour, Poe écrivit à un ami : « Je ne vois personne parmi les vivants d’aussi beau que ma petite femme[86]. »
Portrait
Il n’existe qu’un seul portrait connu de Virginia, réalisé sur son lit de mort, à la suite de son décès[8]. Quelques heures après sa mort, Poe réalisa qu’il n’avait aucun portrait de Virginia et commanda une aquarelle[74]. Elle apparaît avec le « beau lin » dont Mrs Shew disait l’avoir parée[87], un léger double menton et des yeux noisette[74]. Le portrait est ensuite passé dans la famille de Joséphine, la demi-sœur de Virginia, épouse de Neilson Poe[87].
Impact et influence sur Poe
La mort de Virginia eut un grand impact sur Poe. Après cela, il fut plongé pendant plusieurs mois dans une profonde tristesse. Un ami dit de lui : « La perte de son épouse fut un triste coup pour lui. Il ne semblait plus se soucier, après qu’elle s’en fut allée, s’il vivait une heure, un jour, une semaine ou une année ; elle était tout ce qu’il avait[88]. » Un an après sa mort, il écrivit à un ami qu’il avait connu la plus grande douleur qu’un homme puisse éprouver quand, dit-il, « une épouse, que j’aimais comme aucun homme n’avait aimé auparavant », avait disparu[33]. Pendant que Virginia luttait toujours pour se remettre, Poe avait sombré dans l’alcool après une période de complète abstinence. La fréquence avec laquelle il buvait et l’importance de sa consommation sont des questions controversées, qui ont fait l’objet de débats autant du vivant de Poe que parmi les biographes modernes[58],[89]. Poe considérait sa réaction émotionnelle à la maladie de sa femme comme sa propre maladie et qu’il en trouvait le remède « dans la mort de ma femme. Cela, je peux et parviens à le supporter comme il sied à un homme — c’était l’horrible oscillation incessante entre espoir et désespoir que je n’aurais pas pu supporter plus longtemps sans perdre complètement la raison[90]. »
Poe visitait régulièrement la tombe de Virginia. Comme l’écrivit son ami Charles Chauncey Burr : « Après la mort de son épouse bien-aimée, on le trouva à maintes reprises, à l’heure morte d’une nuit d’hiver, assis près de sa tombe presque gelé dans la neige[91]. » Peu après la mort de Virginia, Poe courtisa de nombreuses autres femmes, en particulier Nancy Richmond de Lowell (Massachusetts), Sarah Helen Whitman de Providence (Rhode Island) et son amour d’enfance Sarah Elmira Royster de Richmond. Toutefois, Frances Osgood, à qui Poe avait également tenté de faire la cour, pensait « que [Virginia] était la seule femme qu’il ait jamais aimée[92]. »
Références en littérature
Nombre des œuvres de Poe ont été interprétées comme partiellement autobiographiques, et plusieurs sont considérées comme le reflet de la longue lutte de Virginia contre la tuberculose et sa possible mort. L’œuvre qui a fait le plus débat est Annabel Lee. On considère souvent que ce poème, qui décrit un jeune mariée défunte et son amant en deuil, aurait été inspiré par Virginia, bien que d’autres femmes, qui ont traversé le vie de Poe, puissent être des candidates potentielles, comme Frances Sargent Osgood[93] ou Sarah Helen Whitman[94]. Un poème similaire, Ulalume, est également considéré comme un tribut à la mémoire de Virginia[95], de même que Lenore, dont le personnage éponyme est décrit comme « la plus ravissante morte qui jamais mourut si jeune[96] ! »
Virginia apparaîtrait également dans la prose de Poe. Le conte Eleonora (1842) — qui décrit un narrateur s’apprêtant à épouser sa cousine, avec laquelle il vit, ainsi que la mère de celle-ci — ferait ainsi référence à la maladie de Virginia. Quand Poe l’écrivit, les premiers signes du mal qui devait emporter son épouse venaient à peine de se manifester[97]. C’est peu après que le couple rejoignit en bateau à New York et que Poe publia La Caisse oblongue (1844). Cette histoire, qui évoque un homme portant le deuil de sa jeune épouse défunte alors qu’il transporte son corps en bateau, semble suggérer que Poe avait le sentiment de la mort prochaine de Virginia. Comme le navire sombre, le mari préfère mourir plutôt que d’être séparé du corps de sa femme[98]. Le conte Ligeia, dont le personnage éponyme endure une agonie lente et traînante, aurait également été inspiré par Virginia[99]. Après sa mort, Poe fit rééditer Metzengerstein, le premier des contes qu’il ait publiés, dont il supprima notamment cette phrase du narrateur : « Je souhaiterais que tout ce que j’aime périsse de cette douce maladie[74]. » La supposée folie de Poe durant la maladie de sa femme se refléterait également dans les protagonistes narrateurs du Cœur révélateur, du Chat noir et de La Barrique d’Amontillado[33].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Virginia Eliza Clemm Poe » (voir la liste des auteurs)
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 17.
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 82
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 81.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 726.
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 59.
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 60.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 256.
- Dawn B. Sova, Edgar Allan Poe: A to Z, p. 52.
- ISBN 0891331808). Haas, Irvin, Historic Homes of American Authors, Washington, The Preservation Press, 1991, p. 78 (
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 187–188.
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 96.
- Dawn B. Sova, Edgar Allan Poe: A to Z, p. 67.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 218.
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 323.
- Dawn B. Sova, Edgar Allan Poe: A to Z, p. 225.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 219.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, p. 104.
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 72.
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 105.
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 74.
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 107
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 85.
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- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 208: « Each time I felt all the agonies of her death—and at each accession of the disorder I loved her more dearly & clung to her life with more desperate pertinacity. But I am constitutionally sensitive—nervous in a very unusual degree. I became insane, with long intervals of horrible sanity. »
- Kenneth Silverman, A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 183.
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- « Keep up your heart in all hopelessness, and trust yet a little longer. »
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 203 : « I should have lost my courage but for you—my darling little wife you are my greatest and only stimulus now to battle with this uncongenial, unsatisfactory and ungrateful life. »
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 202.
- Kenneth Silverman, A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, p. 324 : « Illness of Edgar A. Poe. —We regret to learn that this gentleman and his wife are both dangerously ill with the consumption, and that the hand of misfortune lies heavily on their temporal affairs. We are sorry to mention the fact that they are so far reduced as to be barely able to obtain the necessaries of life. That is, indeed, a hard lot, and we do hope that the friends and admirers of Mr. Poe will come promptly to his assistance in his bitterest hour of need. »
- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, p. 203.
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Sources
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- Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe: His Life and Legacy, Cooper Square Press, 1992 (ISBN 0684193701).
- Sidney P. Moss, Poe's Literary Battles: The Critic in the Context of His Literary Milieu, Southern Illinois University Press, 1969.
- Ellis Paxson Oberholtzer, The Literary History of Philadelphia, Philadelphie, George W. Jacobs & Co., 1906 (ISBN 1932109455).
- Mary E. Phillips, Edgar Allan Poe: The Man, Chicago, The John C. Winston Company, 1926.
- Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe: A Critical Biography, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1998 (ISBN 0801857309).
- Kenneth Silverman, Edgar A. Poe: Mournful and Never-ending Remembrance, New York, Harper Perennial, 1991 (ISBN 0060923318).
- Dawn B. Sova, Edgar Allan Poe: A to Z, New York, Checkmark Books, 2001 (ISBN 081604161X).
Liens externes
- (en) Virginia Clemm Poe sur le site de la Edgar Allan Poe Society
- (en) Arbre généalogique des Poe sur le site de la Edgar Allan Poe Society
- (en) Vie de Poe : l'arbre généalogique sur PoeMuseum.org
- (en) Virginia Clemm: The Myth of Sissy, essai de Cynthia Cirile
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