Trou de ver

Trou de ver
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Un exemple de trou de ver dans une métrique de Schwarzschild tel qu'il serait vu par un observateur ayant franchi l'horizon du trou noir. La région d'où vient l'observateur est située à droite de l'image. Mise à part la région située proche de l'ombre du trou noir, les effets de décalage vers le rouge gravitationnel rendent le fond du ciel très sombre. Celui-ci est en revanche très lumineux dans la seconde région visible une fois l'horizon passé. Cette région ne sera cependant pas atteignable quelle que soit la trajectoire de l'observateur car celui-ci est condamné à finir sur la singularité gravitationnelle en un temps relativement bref.

Un trou de ver est un « tunnel » reliant un trou noir et un trou blanc.

À partir des équations de la relativité générale, en 1935, Einstein et Rosen[1] découvraient que les singularités de l'espace-temps formaient en réalité des puits gravitationnels de densité et de courbure d'espace-temps infinis. Cette singularité gravitationnelle fut reprise plus tard pour illustrer la géométrie des trous noirs.

Un trou blanc, aussi appelé fontaine blanche, est le symétrique d’un trou noir. Au lieu d’aspirer toute matière, le trou blanc l’expulse et serait alimenté par un trou noir.

Les trous de ver et les trous blancs sont des concepts purement théoriques : l'existence ou la formation physique de tels objets dans l'Univers sont restées non vérifiées.

Sommaire

Présentation générale

À l'heure actuelle, il existe différents types de trous de ver. Tous sont des solutions mathématiques plutôt que des objets réalistes :

  • le trou de ver de Schwarzschild, infranchissable ;
  • le trou de ver de Reissner-Nordstrøm ou Kerr-Newman, franchissable mais dans un seul sens, pouvant contenir un trou de ver de Schwarzschild ;
  • le trou de ver de Lorentz à masse négative, franchissable dans les deux sens.

Il existe des trous de ver à symétrie sphérique, tels ceux de Schwarzschild et de Reissner-Nordstøm, qui ne sont pas en rotation, et des trous de ver tels ceux de Kerr-Newmann qui tournent sur eux-mêmes.

Si vous essayez de fabriquer un trou de ver à partir de matière à masse positive, il explosera en éclats. Si une matière à masse négative existe (Matière exotique), on peut en principe élaborer un trou de ver statique en accumulant des masses négatives.

La théorie d'Einstein précise que vous pouvez fabriquer n'importe quel type de géométrie spatio-temporelle, statique ou dynamique. Toutefois, une fois la géométrie définie, ce sont les équations d'Einstein qui vous diront quel devra être le tenseur d'énergie-impulsion de la matière pour obtenir cette géométrie. En général les solutions de trous de ver statiques requièrent une masse négative.

Dans tous les cas, la matière y étant soumise à une densité extrême et réduite à l’échelle de Planck, il n’y avait plus qu’un pas infinitésimal à franchir pour soumettre cet environnement aux fluctuations d'énergie de la théorie de la gravitation quantique.

C’est ainsi que certains chercheurs soutiennent que les singularités peuvent déboucher sur des trous blancs ou fontaines blanches où jaillirait la matière rendue à sa liberté. Malheureusement, un trou blanc viole le second principe de la thermodynamique qui veut que dans un système fermé ou dissipatif l'entropie ne peut pas décroître (dans ce contexte, on ne peut pas créer de la matière à partir de rien, on a un effet mais pas de cause).

Sur le plan structurel, un trou de ver obéit à la géométrie de Schwarzschild ou de Kerr. Il consiste en une singularité (un trou noir) opposée à un trou blanc entre lesquels se trouve un trou de ver qui relie les horizons de deux univers.

C'est John Wheeler en 1956 qui décrivit les propriétés de ces connexions et les baptisera « trous de ver », (wormholes). Quelques années plus tard à l’université Harvard, Stephen Hawking et Richard Coleman reprirent le concept de Wheeler et suggérèrent que l'espace-temps pouvait être soumis à l'effet tunnel précité, reprenant l'idée avancée par Hugh Everett. À l'instar des électrons qui peuvent sauter d'un point à l'autre de l'espace, l'Univers ferait de même. L'effet tunnel créerait des ouvertures dans l'espace-temps qui conduiraient à d'autres univers, des univers cul-de-sac ou tout aussi vastes que le nôtre.

Einstein et Rosen proposaient sérieusement que les singularités pouvaient mener à d'autres endroits de l'Univers, d'autres régions de l'espace et du temps. Ces connexions spatio-temporelles sont connues sous le nom de « ponts d'Einstein-Rosen ». Mais ni l'un ni l'autre n'entrevoyaient une possibilité d'entretenir ces connexions en raison du caractère instable des fluctuations quantiques. Comme le disait John L. Friedman de l'université de Californie à Santa Barbara il s'agit d'une censure topologique.

Ces trous de vers dits de Lorentz requièrent de la matière exotique pour rester ouverts car elle demande moins d'énergie que le vide quantique qui subit des fluctuations d'amplitude variables. Il peut s'agir d'énergie négative par exemple, de l'antimatière qui maintiendrait l'ouverture du trou de ver loin de l'horizon. L'ouverture elle-même présente une pression de surface positive afin de la maintenir ouverte durant les transferts et éviter qu'elle ne s'effondre. Seul problème personne ne sait comment stocker autant d'antimatière et suffisamment longtemps au même endroit pour entretenir ce tunnel dans l'espace-temps.

Du fait qu'un trou de ver permet en théorie à la lumière d'émerger ailleurs dans l'espace-temps, Matt Visser de l'université de Washington et David Hochberg du Laboratoire d'astrophysique spatiale et de physique fondamentale de Madrid pensent qu'une sorte d'antigravité doit œuvrer dans ce phénomène.

Les deux chercheurs ont découvert que les trous de vers dynamiques présentaient deux ouvertures, une dans chaque direction temporelle, phénomène qui fut à l'origine d'une confusion. Un hypothétique voyageur pourrait paradoxalement traverser un trou de ver par le milieu sans atteindre l'ouverture opposée ! La raison de ce problème vient du fait qu'il n'existe pas encore une bonne représentation physique de la dynamique d'un trou de ver qui demeure un objet complexe à quatre dimensions. Les images représentées ci-dessus sont en réalité uniquement valables pour les trous de vers qui n'évoluent pas dans le temps.

NB : On peut toutefois représenter leur géométrie complexe graphiquement et simuler leur dynamique en traçant leurs lignes d'univers dans des diagrammes d'espace-temps de Kruskal (voir liens externes).

Simulation d'un trou de ver permanent

Pour approfondir les conséquences de la relativité générale, Kip Thorne et Richard Morris du Caltech tentèrent de découvrir par le biais de la physique quantique de nouvelles particules capables d'entretenir les trous de ver de Wheeler. Bientôt l'espace-temps foisonna de « sas de liaisons » que des « voyageurs de Langevin » exploraient au gré de leurs excursions sidérales. La littérature de science-fiction était aux anges mais éloignait peut-être Carl Sagan ou Isaac Asimov de la réalité. Nous entrons là dans un domaine très hypothétique et inaccessible à l’heure actuelle, sauf aux équipes de Deep Space 9, Stargate SG-1 et autres Sliders.

Entouré de quelques astronomes, l'astrophysicien anglais John Gribbin considérait en 1977 que les fontaines blanches étaient une réalité : le phénomène d'expansion de l'Univers n'a-t-il pas pour origine un Big Bang, issu d'une singularité ? Développées autour de notions théoriques, ces idées seront bientôt du ressort de la philosophie... Certains cosmologistes, tel Gerard 't Hooft estiment même qu'une théorie devrait interdire de tels concepts !

Selon John Wheeler, deux singularités pourraient être reliées par un trou de ver, sorte de sas entre deux régions éloignées de l’univers. Seul inconvénient, nul ne sait comment entretenir un tel passage et lui donner une taille macroscopique. En effet ce « pont » est à l’échelle de Planck : il mesure 10-33 cm et est instable; il se referme sur lui-même en l’espace de 10-43 seconde ! Pire, si on essaye de l’agrandir, il s’autodétruit... Comme aiment le dire les physiciens, le trou de ver appartient à l’« écume quantique » et obéit aux lois probabilistes.

Totalement différent d’une singularité, un trou de ver est « nu », il demeure visible aux yeux de tous et plus extraordinaire encore, il permet de voyager dans le temps en fonction du sens que l’on prend. Ce qui explique son attrait... tout théorique car il faudra encore longtemps aux physiciens pour passer au stade expérimental.

Dans la fiction

Le concept des trous de ver est très utilisé dans la science-fiction pour autoriser le voyage dans le temps. Dans la série Sliders, un tel passage est appelé par erreur « Pont Einstein-Rosen-Podolski » au lieu de « ponts d’Einstein-Rosen », par confusion avec le paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen, qui lui n’a rien à voir avec les trous de ver. Curieusement, le nom est resté chez quelques vulgarisateurs. Podolsky a donc vu son nom associé à un objet particulier de la relativité générale sans avoir travaillé dans ce domaine.

Ou dans le film Contact, on y entend clairement une série de vortex appelée, pont d’Einstein-Rosen.

Dans la série de BD de science-fiction Universal War One, l’auteur, Denis Bajram, place la notion de trou de ver au centre de l’intrigue de son œuvre.

Toute la série Farscape repose sur la découverte et la compréhension des trous de ver (wormholes en VO, vortex en VF), ceux-ci permettant de parcourir de très grandes distances, de voyager dans le temps et dans d’autres dimensions.

Mais c’est surtout dans le film de science-fiction Stargate et les séries de Stargate SG-1, Stargate Atlantis et Stargate Universe, que le concept de trou de ver est le plus utilisé. Dans le film ainsi que dans la série, un engin appelé porte des étoiles relie différentes planètes de l’univers, en créant un trou de ver de Reissner-Nordstrøm (ou de Kerr-Newman) artificiel, cependant un corps entier comme un homme ne survivrait pas au voyage dans le vortex, il est donc "démolécularisé" par la portes de départ et "remolécularisé" par la porte d'arrivée. En temps normal la porte des étoiles ne permet pas de voyager dans le temps, sauf s'il y a un dysfonctionnement (le vortex passe près d'une éruption solaire il est renvoyé vers la porte de départ mais dans une autre époque).

Dans Star Trek : Deep Space Nine, la traduction française utilise vortex pour le terme anglais wormhole mais il s’agit bien d’un trou de ver utilisé pour se téléporter du point à l’autre de la galaxie.

Cette notion est de plus en plus fréquente dans la littérature « Hard SF » (Hard science-fiction) : on peut citer Stephen Baxter (Les vaisseaux du temps, (en) Light of Other Days) ou John Clute (Appleseed) qui offrent une approche romancée de la théorie. Ce concept se retrouve en particulier dans les romans de type Néo Space Opera.

Dans le film Interstellar, réalisé par Steven Spielberg, dont la sortie est prévue pour 2012, le sujet principal sera la théorie des trous de ver.

Dans le film Donnie Darko, le trou de ver est un élément central. Il est conçu comme permettant un voyage vers le passé.

Dans le film Thor, le Bifröst est comparé à un pont "d'Einstein-Rosen".

Les voyages dans le temps

Article connexe : Voyage dans le temps.

D’après la théorie de la relativité générale d’Einstein, plus un objet se déplace vite, plus il verra le temps s’écouler lentement. Si l’entrée d’un trou de ver (trou noir) reste immobile et sa sortie (fontaine blanche) se déplace à 99.99% de la vitesse de la lumière, quand il se sera écoulé 48 heures à l’entrée, il ne se sera écoulé que 28 minutes à la sortie. Ainsi, si nous arrivions à construire un trou de ver et à maîtriser la vitesse de sa sortie, nous pourrions voyager dans le temps et choisir le moment de sortie dans le passé.

Cependant : tant que le temps s'écoule de la même manière, du futur vers nous, 48 heures ou 28 minutes ne constituent pas un voyage dans le passé. Si la sortie du trou de ver est à "côté" de l'entrée, entre le moment de l'entrée et la sortie il ne se sera jamais passé que 28 minutes pour le voyageur, là où il y aura eu 48 heures d'écoulées. Il arrive donc juste après être parti (28 min) mais 48 heures plus tard... Ralentir le temps ne veut jamais dire inverser la flèche du temps en relativité...


Notes et références

Annexes

Publications

  • Stephen Hawking, Une brève histoire du temps. Du Big Bang aux trous noirs, Flammarion, 2005
  • A.S.Hawking/R.Penrose, La nature de l'espace et du temps, Roger Penrose, Stephen Hawking, Gallimard, 2003
  • Stephen Hawking, Trous noirs et bébés univers et autres essais, Odile Jacob, 2000
  • Kip S. Thorne, Trous noirs et distorsions du temps, trad. Alain Bouquet et Jean Kaplan, Flammarion, 2009. Avec une préface de Stephen Hawking. (ISBN 978-2081224964)
  • M.Begelmen/M.Rees, Gravity’s Fatal Attraction : Black Holes in the Universe, W.H.Freeman, 1996
  • S.Shapiro et S.Teukolsky, Physical Review, 66, 1990, p994.
  • S.Shapiro et S.Teukolsky, Science, 241, 1988, p421
  • R.Morris et K.Thorne, American Journal of Physics, 56,1988, p395
  • K.Thorne et al., Physical Review letter, 61, 1988, p1446
  • A.Einstein et N.Rosen, Physical Review, vol. 48, 1935 
  • H.Everett III, Reviews of Modern Physics, 29, 1957, p454

Lien externe


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Trou de ver de Wikipédia en français (auteurs)

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