- Toponymie en Afrique du Sud
-
La toponymie en Afrique du Sud, dominée en partie par des noms à consonance anglaise, afrikaans et ndébélé, est en pleine évolution depuis 1994 et l'avènement du premier gouvernement national non racial.
A la fin des années 90, le processus de changement toponymique est relativement lent et globalement confiné aux noms de provinces et de bâtiments publics (aéroports). Il s'est accéléré au début des années 2000 alors qu'en même temps, les tensions montaient dans les townships contre le gouvernement national mais surtout contre les élites locales à de nombreuses reprises accusées de corruption ou d'incompétence notamment pour réduire la misère et la criminalité.
Sommaire
Processus de changement toponymique en Afrique du Sud
Le choix des noms de lieux s'effectue à trois niveaux:
- au niveau local : une administration, une municipalité ou une province demande qu'un bâtiment officiel, un aéroport, une ville ou une province soient rebaptisés.
- cette demande est transmise au Conseil géographique des Noms sud-africains (il existe une branche provinciale compétente également) lequel vérifie que la procédure de consultation publique a été respectée, que l'ancien nom était diviseur, inadapté ou qu'il existait un nom africain antérieur, afin de faire une recommandation au ministre des arts et de la culture.
- le ministre des arts et de la culture valide ou pas la recommandation et à partir de là, un délai de 30 jours est offert pour que les opposants puissent faire valoir leurs revendications devant un tribunal. Le délai une fois passé ou les recours refusés, le changement de nom est officialisé.
Dans les faits, cette procédure est plus ou moins respectée. Le Conseil a globalement adopté une définition large des noms insultants ou préexistants et le ministre n'a presque jamais refuser une recommandation positive. Par ailleurs, le conseil des noms a pris lui-même l'initiative et demandé aux gouvernements locaux de faire des propositions.
En 2010, le ministère de la culture a déclaré que le SA Geographical Names Council avait approuvé en 14 ans le changement de noms de 849 lieux notamment des villes, des zones résidentielles ou des banlieues. La plupart des nouveaux noms approuvés étaient à consonance sotho (188 noms), xhosa (128), Setswana (118), Venda (88) et anglais (62). Seulement 28 nouveaux noms étaient à consonances afrikaans, soit un peu plus que ceux à consonance Tsonga (23) et ndébélé (7). Un tiers des 328 noms changés entre 2000 et 2010 étaient à consonances afrikaans contre 3% des nouveaux noms adoptés. Les statistiques démontrent que la plupart des changements toponymiques avaient eu lieu dans la province du Limpopo (318) suivie de celle du Mpumalanga (136), du Cap-Oriental (134), du Nord-Ouest (127), du KwaZulu-Natal (54), du Cap-Occidental (35), du Gauteng (31), de l'Etat libre (8) et du Cap-Nord (6)[1].
Plusieurs de ces changements n'ont cependant été réalisé qu'au niveau administratif ou ont été long à concrètement s'appliquer dans les faits[2].
En l'état actuel, voici une liste non exhaustive des changements toponymiques intervenus par ancienne province depuis 1994 :
Changements toponymiques au Transvaal
Le Transvaal a été démantelé en 4 provinces au terme des négociations constitutionnelles: Limpopo, Mpumalanga, Nord-Ouest et Gauteng
Limpopo
Baptisée Transvaal du nord puis en 1995, Province du nord, cette province afrikaner a pris le nom de Limpopo en 2001. Elle a été la première à procéder à un changement global et simultané des noms de villes, villages, cours d'eaux .... Plusieurs de ces changements ne sont cependant que théorique ou non encore validé. La population, selon ses préférences, se réfère toujours à l'un ou l'autre nom. La ville de Polokwane est symboliquement un exemple caractéristique où les habitants blancs et métis et les entreprises ou institutions fréquentées majoritairement pas des blancs et métis (écoles, églises, commerces) utilisent toujours la dénomination Pietersburg.
Voici la liste des lieux du Limpopo rebaptisés (ancien nom cité en premier):
- Pietersburg :Polokwane (nom sans signification historique)
- Potgietersrus : Mokopane (du nom du chef Makapan, assassin de Piet Potgieter)
- Nylstroom : Modimolle ("place des esprits")
- Warm Baths/Warmbad : Bela Bela (nom indigène préexistant)
- Messina : Musina
- Louis Trichardt : Makhado (changement de nom annulé par décision de justice)
- Dendron: Mogwadi
- Bochum: Senwa Barwana
- Ellisras: Lephalale
- Hoedspruit: Marulaneng
- Soekmekaar: Morbeng
- Duiwelskloof: Modjadji
- Edinburgh : Akani Village (suggestion)
- Burgersfort : (suggestion)
- Groblersdal : (suggestion)
En mai 2005, les fleuves suivants ont reçu l'aval du Conseil géographique des noms pour être rebaptisés:
- Olifant's River : Lepelle
- Koedoes River : Modketzi
- Hout River : Mogwadi
- Dwars River : Mononono
- Brandboontjies River : Mosukudutzi
- Blood River : Mulaudzi
- Sand River : Polokwane
Gauteng
Dans le Gauteng, le nom de la ville afrikaner de Verwoerdburg, appelé ainsi en l'honneur du premier ministre Hendrik Verwoerd considéré comme le principal architecte de l'apartheid, était offensant pour les populations noires. Les autorités municipales prirent d'elle-même l'initiative de procéder au changement de nom en 1995 bien que l'application pratique (panneaux ...) pris plusieurs années pour être effectif.
- Verwoerdburg : Centurion (rebaptisé dès 1995)
- Pretoria : la proposition de Tshwane pour désigner la capitale sud-africaine n'a pas été approuvée par le gouvernement central. Le nom de Pretoria restera dans tous les cas le nom du centre-ville historique.
- quartier de Triomf : Sophiatown (retour au nom d'origine en janvier 2006)
Mpumalanga
L'ancien Transvaal de l'Est est devenu le Mpumalanga en 1995. Les lieux suivants devraient ou ont été rebaptisés mais l'application concrète de ces changements de nom n'est tours pas réalisé:
- Nelspruit : Mbombela (nom adopté mais entrée en vigueur théorique)
- Witbank : Emalahleni (pas d'application concrète)
- Lydenburg : Mashishing (2005 - très peu utilisé)
- Sabie : Enjabulweni
- Standerton : Sakhile (suggestion)
- Kriel : Kwanala (signifie "abondance" en zoulou) - suggestion
- Malelane : Malalane (guerrier Swazi)- suggestion
- Grootboom : Mangcuzu (en l'honneur du roi Swazi Mangcuzu Dlamini)- suggestion
- Kameelrivier village : Babethu (suggestion)
- Schoemansdal : Kamatsamo (en l'honneur du Prince Matsamo Shongwe)- suggestion
- Mgobodzi village : KaMawewe (en l'honneur du Prince Mawewe Mkhatshwa)- suggestion
- Tweedronk : Zibhebhuville (en mémoire de l'activiste Zibhebhu Nyembe) - suggestion
- Ackerville : Thomas Mahlanguville (en mémoire d'un activiste de l'ANC) - suggestion
- Eerstehoek : Ekulindeni (en zoulou, signifie "lieu d'attente")- suggestion
- Kafferskraal : Ezimbuthumeni (suggestion)
- Boesmanspruit : Waterval (suggestion)
- Kafferskraalkop : Endlulamithini (suggestion)
- Boesmanskraal : Empangeleni (suggestion)
- Paayzynpan : Ditlhagane (suggestion)
- Ebersnake : Edludluma (suggestion)
- Hectorspruit : Emjejane (suggestion)
- Kwaggafontein : Somphalali (suggestion)
- Blyde River : Motlatsi (adopté en 2005 mais aucune application concrète)
- Louis' Creek : Ekhandizwe (suggestion)
- Krokodil River : Umgwenya (suggestion)
- Buffelspruit village :Mhlambanyatsi (suggestion)
- Kwarrielaagte : Ntwane (suggestion)
- Haartebeespruit : Moloto (suggestion)
- Treur River : Sefogane River (2005)
- Parc national Kruger : Plusieurs souhaits que le parc soit rebaptisé Nelson Mandela
Province du Nord-Ouest
- Potchefstroom : Tlokweng (proposition)
- Mafikeng : Mahikeng (hormis le service de météo régional, même l'administration et les dirigeants locaux semblent avoir oublié qu'un nouveau nom avait été adopté pour désigner l'ancienne Mafeking[2]).
Changements toponymiques au Natal
La réunion du Natal avec le zoulouland a donné naissance en 1994 au KwaZulu-Natal. Les lieux suivants pourraient être rebaptisés :
- Durban : le projet de voir la ville prendre le nom de sa métropole, "eThekwini", semble abandonné
- Stanger : Kwa Dukuza (les deux noms sont utilisés)
- Amanzimtoti : Proposition de la ligue de jeunesse de l'ANC de rebaptiser cette ville "Andrew Zondo" pour rendre hommage à un ancien activiste de l'ANC, condamné à mort pour un attentat ayant tué 5 personnes, commis le 23 décembre 1985 dans un centre commercial de la ville[3].
Changements toponymique dans l'État libre d'Orange
Le nom de la province de l'État libre d'Orange a été abrégé en État-Libre (Free State) en 1995, abréviation déjà utilisée couramment depuis des décennies pour désigner cette ancienne république boer.
Il y avait 100 municipalités dans l'ancien État libre d'Orange (dont l'un sur quatre était contrôlée par le Parti conservateur d'Afrique du Sud. Depuis 2000, ce nombre a été réduit à 25 par fusion-concentration. Elles sont toutes dominées par l'ANC. En novembre 2005, plusieurs d'entre elles et deux rivières ont été proposées pour un nouveau nom mais aucun changement n'a été effectué:
- Bloemfontein : Thabure (nom du cheval d'un chef Basotho) suggestion
- Harrismith : Mengkhoaneng (suggestion)
- Fouriesburg : Fothane (suggestion)
- Senekal : Kuretlele(suggestion)
- Ficksburg : Joalabeholo (suggestion)
- Ladybrand : Mabolela(suggestion)
- Clocolan : Hlohloloane(suggestion)
- Sand River : Tikoe (suggestion)
- Vet River : Tikoane (suggestion)
Province du Cap
Province du Cap-Oriental
La province du Cap-Oriental n'a pas été débaptisée faute de trouver un autre nom consensuel alors que le Cap de Bonne-Espérance, au nom duquel elle fait référence, est situé dans la province du Cap-Occidental. Plusieurs villes sont proposées pour être rebaptisées en dépit de nombreuses contestations des différentes communautés noires ou blanches:
- Grahamstown/Grahamstad : Le nom de cette ville universitaire a été vilipendé en 2005 par le président sud-africain Thabo Mbeki qui souhaita qu'elle porte rapidement le nom indigène de "Rhini". La population locale, toute communauté confondue, a manifesté au travers de pétition son soutien au nom de Grahamstown. Le débat est récurrent.
- East London : Monti ou Gompo (suggestion)
- Port Elizabeth : Bhayi (aucun consensus, la ville a toujours été appelée Bhayi par les Xhosas)
- Umtata : Mthata
- King William's Town : Qonce (suggestion)
- Cradock: Kaladokhwe (suggestion)
- Adelaide: Khobonqaba (suggestion)
- Queenstown : Komani (suggestion)
- Whittlesea: Hewu (suggestion)
Le sort des noms des villes suivantes devaient être également étudié en 2006 mais rien n'avait été décidé cinq ans plus tard : Uitenhage, Graaff-Reinet, Mount Ayliff, Mt Frere, Komga, Fort Beaufort, Keiskammahoek, Middledrift, Cookhouse, Somerset East, Humansdorp, Alexandria, Port Alfred, Kirkwood, Alicedale, Sterkstroom, Middelburg, Hofmeyr, Tarkastad, Burgersdorp, Aliwal North et Barkly East.
Province du Cap-Occidental
- George : Outeniqua du nom de la chaine montagneuse qui forme l’arrière-plan de la Ville (suggestion oublié)
- Mossel Bay : Gouriqua (suggestion oublié)
- Oudtshoorn : Attaqua (suggestion oublié)
Critiques
Ce sont les noms afrikaners qui ont été principalement victimes des changements toponymiques jusqu'à parfois disparaitre quasi totalement de la carte provinciale (Limpopo). Depuis peu, les noms anglophones sont visés. En conséquence, le doute s'installe dans la communauté blanche à propos de la pérennité de leur place en Afrique du Sud et de la réalité de l'existence d'une nation multiraciale et multiculturelle. Ainsi, de plus en plus de blancs, notamment afrikaners, en sont venus à parler de véritable nettoyage ethnique entrepris par les membres de l'ANC. Pour l'écrivain André Brink, « le régime a décidé que seule l’ANC avait une histoire dans ce pays » notant que « personne de sensé n’aurait souhaité perpétuer les noms insultants, témoins de l’étroitesse d’esprit et du racisme du passé, mais l’actuelle folie de changement de noms atteinte de myopie historique, si ce n’est de paranoïa, devient une insulte à l’état d’esprit qui a rendu possible cette nouvelle disposition »[4].
Notes et références
- Article de Times Live, 13 octobre 2010
- L'Afrique du Sud jongle avec les noms de ses villes, AFP 8 août 2011
- Call to name Toti after Zondo - 10 août 2008
- Ténèbres à midi, article d'André Brink traduit de l'anglais par Jean-Charles Burou, paru dans la journal français Libération le 24 juillet 2008
Wikimedia Foundation. 2010.