- Tendance sursaut ou le déclin
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Tendance Villetaneuse
La Tendance Villetaneuse est le surnom d’une sensibilité puis d’une tendance de l’UNEF-ID. Elle a existé sous forme de sensibilité de 1981 à 1991 et de tendance de 1991 à 1994. Si la sensibilité n’avait pas d’autre nom que Villetaneuse, la tendance, elle, était officiellement appelée Tendance sursaut ou le déclin (TSOD).
Sommaire
Origine
En décembre 1981, Julien Dray ancien Secrétaire général du Mouvement d'action syndicale, l’un des syndicat fondateur de l’UNEF-ID, et principal animateur de la Tendance luttes étudiantes action syndicale (LEAS), décide de rejoindre la Tendance pour l’unité syndicale, dite Tendance plus. Il est suivi par quelques proches, parmi lesquels Laurence Rossignol ou Harlem Désir. Ce changement logique suit l’évolution politique de Julien Dray. En effet, celui-ci vient de quitter la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) pour rejoindre le Parti socialiste. Là, il a fondé un groupe de réflexion nommé Question socialiste qui sera la base politique de la sensibilité Villetaneuse.
Á l’UNEF-ID, ce groupe est largement issu de militants de Villetaneuse, l’AGE dont Julien Dray est le président. De par cette origine et, de par l’importance de l’AGE cette sensibilité est surnommée la sensibilité Villetaneuse. Mais son implantation dépasse cette seule AGE. Elle est implantée aussi à Paris XII Créteil dont Harlem Désir le président de l’AGE, elle est présente dans d’autres universités notamment à Paris I Tolbiac.
La direction de la Plus
Dès 1982 - 1983, les nouveaux venus s’investissent dans la direction de la Tendance plus. En effet, Jean-Marie Le Guen, dirigeant historique des étudiants socialistes, intègre plusieurs des cadres drayistes dans le cercle des animateurs de la tendance. Il espère, par cette opération, créer une nouvelle dynamique. Ces espoirs semblent se confirmer, dans une certaine mesure, puisqu’au congrès de 1982 la Tendance plus obtient 30% des mandats, contre 26% en 1980. La progression de quatre points est d’autant plus remarquable qu’en 1980 les socialistes et autogestionnaires formaient une tendance commune, la SARS, alors qu’en 1982, ils se présentaient séparément.
En 1984, Julien Dray et Harlem Désir quittent le syndicalisme étudiant et fondent SOS Racisme. D’autres les remplacent pour assurer l’animation de la sensibilité Villetaneuse, parmi eux, Arnold Stassinet président de l'AGE de Villetaneuse et Isabelle Thomas arrivée deux ans plutôt à l’UNEF-ID. A cette période, la Tendance plus décide de rejoindre la direction du syndicat. En 1986, celle-ci, à la suite de son dirigeant historique Jean-Christophe Cambadélis, se rallie au Parti socialiste. Dés lors, partisans de Question socialiste forment l’une des sensibilités socialistes dirigeant l’UNEF-ID. Loin d’être confortable, cette situation s’avère compliquée. En effet, si auparavant, ils avaient une influence réelle sur une tendance, certes minoritaire, mais importante, avec le ralliement des cambadélistes au socialisme, ils se retrouvent dans une majorité qui n’a pas besoin d’eux.
Villetaneuse en pointe du mouvement de 1986
Malgré ces difficultés, Isabelle Thomas parvient à faire vivre la sensibilité villetaneuse. Elle s’appuie sur une équipe jeune avec notamment Rémi Skoutelsky, Thaima Samman et Adélaïde Piazzi qui succédera à Isabelle Thomas à la tête de l’AGE de Villetaneuse.
C’est dans ce contexte qu’éclate le Mouvement contre le projet Devaquet. Dès début novembre 1986, l’université de Villetaneuse se met en grève. C’est l’une des premières universités à participer au mouvement. Cette rapidité s’explique notamment par la culture syndicale des villetaneuses plus volontiers basée sur la mobilisation quand les cambadélistes sont plus prudents[1]. Tout au long du mouvement, profitant de la figure médiatique d’Isabelle Thomas, la sensibilité Villetaneuse pèse de tout son poids en faveur d’une grève dure refusant la négociation.
La victoire étudiante contre le gouvernement Jacques Chirac, ouvre de nouvelles perspectives pour la sensibilité villetaneuse. D’abord elle se développe notamment du coté de Sceaux. Et surtout, c’est l’occasion pour ses cadres de renouveler leurs réflexions. Selon eux, les étudiants ont pu l’emporter car ils se sont présentés unis face au gouvernement. La priorité est donc de constituer un mouvement syndical fort et unitaire, la « grande UNEF ». Il leurs faut donc œuvrer avant tout à la réunification. Pour cette raison, ils s’investissent dans les États généraux étudiants prévus en mars 1987. En outre, ils font l’analyse que le système d’aide sociale est archaïque. Ils se lancent donc dans une critique des bourses et proposent une allocation d’études. Cette allocation, est à rapprocher du salaire (ou présalaire) étudiant, vieille revendication de l’UNEF plus ou moins tombée en désuétude. Selon eux, une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur passe nécessairement par une prise en compte de l’aspiration des étudiants à l’autonomie financière. Cette revendication est reprise, mais sans conviction, par la majorité et, elle deviendra l’une des propositions emblématiques de la sensibilité Villetaneuse.
Une position difficile dans la majorité
En 1987, Isabelle Thomas, rentrée au bureau politique du Parti socialiste, quitte le syndicalisme étudiant. Pour se renouveler, la sensibilité Villetaneuse compte sur les animateurs du mouvement de 1986, notamment Frédéric Hocquard, premier président de la FIDL et, à partir de 1988, Pascal Cherki.
Mais outre ses difficultés à s’imposer face aux cambadélistes, la sensibilité Villetaneuse doit faire face à une offensive des étudiants de la LCR qui cherchent à constituer une opposition radicale forte. Après avoir réussi à convaincre les poperénistes de fonder avec eux la TEMAS, ils tendent de rallier, en ordre dispersé si besoin est, les partisans Nouvelle école socialiste dite la NES qui a succédé à Question socialiste. Cette stratégie leur semble d’autant plus réalisable qu’il y a une réelle proximité idéologique entre la TEMAS et la sensibilité Villetaneuse. Pascal Cherki va jusqu’à affirmer que sa sensibilité avait plus de points d'accords avec les militants LCR qu’avec les cambadélistes[2]. La NES refuse pourtant de quitter la majorité, espérant toujours y jouer un rôle. Mais cette stratégie déstabilise certains militants et les animateurs peinent à maintenir l’unité de la sensibilité Villetaneuse. Au final, la solidité de celle-ci tient certainement de l’appui qu’elle peut trouver à la NES et dans ses réseaux associatifs. Car outre le syndicalisme étudiant, à la sensibilité Villetaneuse, et lycéen, à la FIDL, ses militants se retrouvent aussi à SOS Racisme.
Au congrès de 1989, la sensibilité Villetaneuse progresse. Elle qui dirigeait déjà les AGE de Paris XIII Villetaneuse, Paris XII Créteil et Pau, remporte celles de Paris VIII Saint Denis, Paris XI Orsay et Caen. Mais ce succès doit être nuancé par la fragilité des victoires et/ou la faible importance des AGE. En attendant, cela permet tout de même à la sensibilité d’obtenir trois voix de plus au Collectif national de l’UNEF-ID.
A partir de la fin de l’année 1990, la position de la sensibilité Villetaneuse dans la majorité devient difficile. En effet, celle-ci reproche à la majorité de son ambiguïté au moment de la guerre du Golfe et surtout la signature du Plan social étudiant qui prévoyait, entre autres aides, des prêts bancaires. C’est ce dernier aspect qui heurte sérieusement les villetaneuses. Pour eux l’aide sociale doit être une bourse ou mieux une allocation mais en aucun cas un prêt surtout émanant d’un organisme privé (une banque en l’occurrence).
Tendance sursaut ou le déclin
Dans ces conditions, la rupture avec la majorité ne tarde pas. La sensibilité devient la Tendance sursaut ou le déclin (TSOD). Outre, les revendications traditionnelles de la sensibilité (unité syndicale, allocation d’étude…), et les critiques à propos du PSE, le texte fondateur de la TSOD dénonce la logique de gestion des flux du ministère. Selon eux, le gouvernement devrait, par sa politique sociale, soutenir une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur et non se contenter d’ajouter des bâtiments et des antennes aux universités existantes. En outre, les partisans de la NES critiquent la mutation réformiste que Christophe Borgel propose pour le syndicat. A l’inverse de ce dernier, ils pensent que l’érosion électorale de l’UNEF-ID s’explique par son manque d’audace. Ils opposent donc à la modération de la majorité une culture syndicale toujours prompte à la contestation dans la rue, y compris avec un gouvernement socialiste, comme l’a montré leur soutien appuyé aux mouvements lycéens des années 1990. Bref, selon eux, sans une prise de conscience rapide, le « sursaut » attendu, le syndicat continuera à perdre des adhérents, des élus et donc par là, de l’influence et ça sera le « déclin ».
La volonté d’autonomie des étudiants de la NES intéresse ceux de la LCR. Ils proposent donc à la TSOD d’intégrer la TUPI, toute nouvelle tendance regroupant toutes les forces d’opposition. Mais les villetaneuses refusent la proposition car selon eux, la TUPI manque de cohérence sur le fonds.
Au congrès de 1991 la TSOD obtient 9,9% des mandats. Elle se renouvelle aussi avec l’arrivée de François Delapierre et Carine Seiler, deux anciens présidents de la FIDL.
En 1992, la tendance Villetaneuse s’engage dans le mouvement contre la réforme Jospin. La majorité, beaucoup plus nuancée, finit par créer une deuxième coordination appelant à des négociations. Cette opération discrédite les militants UNEF-ID engagés dans la grève. La TSOD, comme d’autres tendances et sensibilités plus à gauche que la majorité, ne pardonnera pas à Philippe Campinchi cette initiative qu’ils jugent contraire aux valeurs syndicales.
A l’intérieur de l’UNEF-ID, la situation change radicalement en janvier 1993. En effet, une scission a lieu dans la majorité. Un groupe emmené par la secrétaire générale Emmanuelle Paradis et le trésorier David Rousset, décide de fonder une nouvelle tendance, dite Indépendance et action (I & A), basée sur un syndicalisme d’opposition et de proposition. Immédiatement la TSOD décide de s’associer à cette initiative. De manière générale, l’opposition s’unit dans la Tendance indépendance et démocratie (TID). La tendance Villetaneuse qui partage une bonne partie de l’analyse des I & A obtient, en outre, que l’Allocation d’études soit inscrite au programme de la TID. Dès lors, la NES milite au renversement de la majorité. Après un semi échec au congrès de 1993, la TID renverse la majorité au congrès de 1994.
Après 1994
Rapidement, les I & A et les drayistes se fondent dans une sensibilité commune dite majo majo car il s’agit de la sensibilité majoritaire de la tendance majoritaire. Les cadres de l’ex-TSOD occupent de hautes fonctions au bureau national. C’est ainsi que Carine Seiler, sera vice-présidente puis, à partir de 1998, présidente de l’UNEF-ID et Frédéric Hocquard président de la commission de contrôle puis secrétaire général de la MNEF en 1999.
En 2002, la Gauche socialiste, qui a succédé à la NES, éclate. Très peu de militants étudiants font, comme Carine Seiler la présidente de LMDE, le choix de suivre Julien Dray vers la motion majoritaire du Parti socialiste. Ils préfèrent rejoindre, le Nouveau Monde d’Henri Emmanuelli et en 2005, ils intègrent avec lui le Nouveau parti socialiste. Les derniers drayistes de l’UNEF mis en difficulté, décident fin 2003 de scissionner pour créer la Fédération des enfants de la République.
Notes et références
- ↑ A propos de la modération de la majorité, Olivier Rey écrit « A Dijon [la première université en grève], s’enclenche une vraie contestation. La présidente d’AGE, Sylvie Shérer, demande au BN un élargissement et un soutien national. Darriulat est réservé et la modère […]. Lancer l’UNEF-ID dans un appel à la manifestation nationale et la grève, c’est prendre le risque de l’échec […] Si […] le pétard s’avère mouillé, il n’y a plus aucun rapport de force possible. », Et à propos de la sensibilité Villetaneuse, il précise « Rien d’étonnant, dès lors, que début novembre l’agitation étudiante s’empare de l’université Paris 13 Villetaneuse. L’AGE est solidement tenue par les militants étudiants de Julien Dray, qui n’ont rien à perdre dans l’affaire et sont particulièrement efficaces à confectionner slogans et arguments de mobilisation qui font mouche. » Devaquet si tu savais
- ↑ Témoignage de Pascal Cherki pour le Conservatoire de la mémoire étudiante (CME) CME, Mémoires vives, Pascal Cherki
Travaux de Philippe Juhem, notamment sa thèse de science politique sous la Direction de Bernard Lacroix : « SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation "apolitique". Contribution à une analyse des transformations des représentations politiques après 1981 ». http://juhem.club.fr/
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Catégorie : Tendance et sensibilité de l'UNEF
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