- Soulèvement de la Catalogne
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Soulèvement de la Catalogne
Le Soulèvement de la Catalogne (connu en catalan sous le nom de Guerra dels Segadors, en français Guerre des Faucheurs et en espagnol Guerra de los Segadores) affecta une grande partie de la Catalogne entre les années 1640 et 1659. Il prit fin à la signature du Traité des Pyrénées entre l'Espagne et la France, qui accorda à cette dernière le Roussillon et la moitié du comté de Cerdagne, jusqu'alors parties intégrantes de la Catalogne.
La guerre commença en raison du malaise causé dans la société catalane par la présence de troupes castillanes pendant la Guerre de Trente Ans (1618 - 1648). Les événements de 1640 appelés Corpus de Sangre, déclenchés par la mort d'un faucheur et qui conduiront à la mort du comte de Santa Coloma, vice-roi de Catalogne, marquent le début de ce conflit.
Sommaire
Antécédents
Effondrement des revenus de la Castille et diminution de ceux de l'Amérique
La capacité de la Castille à défendre les intérêts espagnols en Europe et dans le reste du monde était arrivée à son minimum avec Philippe III et Philippe IV. La Castille avait déjà connu une période de longue récession depuis la fin du règne de Philippe II ; celle-ci s'aggrava avec ses successeurs, car la guerre de Trente Ans constituait une charge excessive. D'autre part, le commerce avec l'Amérique était en crise, avec un grand ralentissement en 1631 et 1641. Les revenus de la Couronne de la part de ceux qui jouaient traditionnellement le rôle de piliers - Castille et Amérique - étaient devenus minimes, ce qui conduisit à rechercher des ressources dans les autres parties du royaume.
Déjà avant 1620, le Conseil des Finances, les Cortes castillanes et les économistes castillans réclamaient une répartition plus équitable de la charge de l'empire, considéraient que la Castille contribuait excessivement aux charges de la défense et demandaient que les autres royaumes et provinces (couronne d'Aragon, Portugal, Navarre, Guipuscoa et Biscaye principalement) contribuent au moins pour subvenir à leurs propres frais de défense. Dans ce contexte, les possessions italiennes contribuaient à leur défense de même que les Pays-Bas (bien qu'en plus faible part). Aragón et Valence contribuaient occasionnellement. Portugal et Catalogne se refusaient à contribuer, car ils considéraient que ce qui se passait hors de leurs frontières n'était pas de leur compétence.
L'Union des Armes
C'est à ce moment qu'arriva au pouvoir le comte-duc d'Olivares sous le règne de Philippe IV en 1621. Il adopta les idées de répartition et d'uniformité fiscale dans son programme de gouvernement; dans les projets d'Olivares il y avait une plus grande union de l'empire avec des lois uniformes, ce qui supposait l'abandon des privilèges constitutionnels des autres royaumes et provinces; en contrepartie il offrait de répartir les fruits de l'empire (ainsi que ses charges) jusqu'alors réservés principalement à la Castille.
Olivares était impatient par nature, et même si son premier plan (répartir les charges en échange des privilèges) était bon, cela demandait de la patience afin d'être appliqué à long terme. Cependant il proposa une autre voie: L'Union des Armes, qui proposait la création d'une armée de 140.000 réservistes recrutés et entretenus par les différentes provinces, royaumes et vice-royaumes en accord avec leurs besoins et possibilités; comme cela, il pensait réussir une plus grande union par l'intermédiaire d'une union militaire. Cela ne fut pas accepté car un décret des cortes castillanes ne pouvait obliger l'Aragón, Valence et la Catalogne à percevoir de l'argent.
La guerre de Trente Ans et la Catalogne
A cette situation tendue entre la Couronne et le Principat, il faut ajouter la situation stratégique de la Catalogne dans la Guerre de Trente Ans avec le retour de la France dans le conflit en 1639, ce qui prit par surprise l’Espagne et créa un plus grand besoin de troupes et d’argent pour les entretenir, ce à quoi le gouvernement catalan continuait à s’opposer.
Une série d’événements conduisit à une plus grande détérioration des relations entre la Couronne et la Catalogne:
- En 1638, des troupes françaises assiégèrent Fuenterrabía (Guipuscoa), ce qui supposait une réponse rapide de la Castille, des provinces basques, Aragón et Valence, mais la Députation catalane maintint la Catalogne en marge, alléguant son droit à ne pas intervenir hors de ses frontières;
- En 1639, Olivares choisit délibérément la Catalogne comme front pour attaquer la France et faire en sorte que la Catalogne se décide à contribuer aux efforts militaires. Cet effort militaire était voué à l’échec faute d’appui tant de Madrid que de Barcelone.
- Une armée de quelques 9 000 soldats passa l’hiver sur le front catalan. Les lois catalanes prévoyaient un logement de troupes qui était insuffisant. Les troupes transgressèrent ces lois et il se produisit des excès à l’égard de la population, ce que le vice-roi, le comte de Santa Coloma se montra incapable de prévenir.
- La patience d’Olivares avait atteint ses limites comme le montre un écrit au comte de Santa Coloma. Il imposa des mesures plus dures concernant la présence, la paie et le recrutement de troupes en Catalogne.
La patience des paysans qui accueillaient les troupes avait également atteint ses limites et finalement la situation se transforma en révolte en mai 1640.
Le Corpus de Sang
Les paysans de Gérone attaquèrent les troupes qu'ils hébergeaient, au début de mai 1640. A la fin du mois, les paysans arrivèrent à Barcelone; s'étaient unis à eux les faucheurs en juin et bientôt la révolte devint maître de la cité. Ils assassinèrent des fonctionnaires et des juges royaux. Le vice-roi lui-même fut assassiné quand il essayait de fuir par la mer, sur une plage barcelonaise. Cela eut lieu pendant la fête de Corpus Christi, qui se célèbre 60 jours après le dimanche de Pâques.
La situation prit par surprise Olivares; la majorité de ses armées étaient mobilisées sur d'autres fronts et ne pouvaient accourir en Catalogne.
1640 à 1652
Pau Claris, à la tête de la Généralité de Catalogne, proclama la République Catalane. Mais la révolte échappa également à ce premier et éphémère contrôle de l'oligarchie catalane. Le soulèvement devint une révolte des paysans appauvris contre la noblesse et les riches des villes qui furent à leur tour attaqués. L'oligarchie catalane se trouva au milieu d'une authentique révolution sociale, prise entre l'autorité du roi et le radicalisme de ses sujets les plus pauvres.
Conscients de leur incapacité à réduire la révolte et de leurs difficultés pour diriger un état indépendant, les gouvernants catalans s'allièrent avec l'ennemi de Philippe IV: Louis XIII. Richelieu ne perdit pas une opportunité aussi bonne pour affaiblir la couronne espagnole. Olivares commença à préparer péniblement une armée pour récupérer la Catalogne cette même année 1640 et en septembre, la Députation catalane demanda à la France une aide pour s'armer.
En octobre 1640 elle permit aux navires français d'utiliser les ports catalans et la Catalogne accepta de payer une première armée française de 3.000 hommes que la France enverrait dans le comté. En novembre, une armée de quelques 20.000 soldats récupéra Tortosa pour Philippe IV, sur son chemin vers Barcelone; cette armée se laissa aller à des abus sur les prisonniers, ce qui détermina les catalans à opposer une plus grande résistance. En janvier 1641 la Catalogne se soumit volontairement au gouvernement du roi de France et la Généralité proclama comte de Barcelone et souverain de Catalogne le roi Louis XIII de France, en tant que Louis I de Barcelone. Cette même année, le 26 janvier, une armée franco-catalane défend Barcelone avec succès contre l'armée de Philippe IV, qui se retire et ne deviendra que dix ans plus tard (Bataille de Montjuic). Un peu après cette résistance victorieuse mourût Pau Claris.
La Catalogne se trouva rapidement transformée en champ de bataille de la guerre entre la France et l'Espagne; ironiquement, elle se trouva dans la situation que durant tant de décades elle avait essayé d'éviter: contribuer à l'entretien d'une armée et céder partiellement son administration à un pouvoir étranger, dans ce cas le pouvoir français. La politique française vis-à-vis de la Catalogne était dominée par la tactique militaire pour attaquer Valence et l'Aragon.
Louis XIII nomma un vice-roi français et remplit l'administration catalane de personnes pro-françaises. Le coût de l'armée française pour la Catalogne était de plus en plus lourd; elle se transformait de plus en plus en une armée d'occupation. Des marchands français commencèrent à entrer en concurrence avec les marchands locaux, mais en étant favorisés par le gouvernement français qui convertissait la Catalogne en un nouveau marché pour la France. Tout cela, joint à la situation de guerre, l'inflation qui en a résulté ainsi que les maladies, provoqua un mécontentement de la population qui prenait conscience que sa situation avait empiré avec Louis XIII par rapport à celle qu'ils connaissaient du temps de Philippe IV.
En 1643, l'armée française de Louis XIII conquit le Rousillon, Monzón et Lérida. Un an après Philippe IV récupéra Monzón et Lérida où le roi jura obéissance aux lois catalanes. En 1648 avec le Traité de Westphalie et le retrait de ses alliés des Pays-Bas de la guerre, la France commença à perdre intérêt pour la Catalogne. Connaissant le mécontentement de la population catalane contre l'occupation française, Philippe IV considéra que c'était le moment d'attaquer et en 1651 une armée dirigée par Juan José d'Autriche commença un siège de Barcelone. L'armée française de Barcelone se rendit en 1652; Philippe IV fut reconnu comme souverain et Juan de Austria comme vice-roi en Catalogne, même si la France conservait le contrôle du Rousillon. Philippe IV de son côté signa l'obéissance aux lois catalanes. En 1659 fut signé le Traité des Pyrénées.
Cette instabilité interne et son résultat final fut aussi dommageable pour l'Espagne que pour la Catalogne. De son côté, la France ne perdit pas l'occasion d'exploiter une situation qui lui fut bénéfique pour un coût négligeable.
Chronologie
- 1618. Début de la Guerre de Trente Ans.
- 1626. Dissolution des Cortes de Barcelone. Opposition à l'Union des Armes.
- 1639. Les français occupent Salses et Opoul.
- 1640. Révolution populaire contre les soldats logés. Corpus de Sang (7 juin).
- Révolution politique. Début de la Guerra dels Segadors.
- 1640. Soulèvement et indépendance du Portugal.
- 1641. Louis XIII est proclamé comte de Barcelone. Bataille de Montjuic.
- 1652. Les troupes castillanes occupent Barcelone.
- 1659. Traité des Pyrénées.
- 1660. Louis XIV abolit les constitutions catalanes du Roussillon et de la Cerdagne.
- 1667. Début de la révolte des (ca).
- 1688. (ca) .
- 1697. Les français occupent Barcelone et une partie du Principat. Vendôme jure les Constitutions catalanes au nom de Louis XIV.
- 1697. Traité de Ryswick. La France signe la réintégration du Principat dans le patrimoine des Habsbourg.
Hymne de la Catalogne
L'hymne de la Catalogne Els Segadors est inspiré par la révolte des faucheurs de 1640.
Liens externes
- El conflicte amb la monarquia hispànica, 1593-1652 (article sur le site web de la Généralitat de Catalunya également disponible en castillan et en anglais)
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