Statut d'autonomie de la Catalogne

Statut d'autonomie de la Catalogne

Le statut d’autonomie de la Catalogne (en catalan Estatut d'Autonomia de Catalunya, en castillan Estatuto de autonomía de Cataluña) est la loi qui régit l'organisation institutionnelle de la Catalogne. Il a été adopté par les Cortes pour la première fois en 1932. Abrogé durant la dictature de Franco, un nouveau statut a été adopté en 1979 lors de la transition démocratique puis a été modifié en 2006. Ce statut accorde l'autonomie à la Catalogne et fixe les compétences du gouvernement régional.

Sommaire

Statut d'autonomie de 1932

L'Accord de Saint-Sébastien signé entre républicains, socialistes et catalanistes de gauche en août 1930, prévot la satisfaction des revendications nationalistes, mais sans calendrier précis. Suite à l'abdication d'Alphonse XIII en avril 1931, l'ERC (dirigée par Francesc Macià) proclame la République catalane, le 15 avril 1931. Le chef du Gouvernement provisoire de l'Espagne, Niceto Alcalá-Zamora, se rend alors à Barcelone et obtient de Francesc Macià qu'il reconsidère sa position en attendant l'adoption de la constitution. En attendant, le système institutionnel catalan reprend son ancien nom de Generalitat (Généralité).

La Généralitat prépare malgré tout un projet de statut, connu sous le nom de Estatut de Núria (terme catalan, Statut de Núria), adopté par les citoyens catalans le 2 août 1931, par 90% des électeurs, avec un taux de participation de 75%.

Le projet est ensuite adopté par les Cortes en mai 1932. Le coup d'État manqué du général José Sanjurjo accélère le débat et l'adoption du statut le 9 septembre 1932. Il est adopté à une large majorité de 314 voix pour et 24 contre. Du fait de l'introduction de nombreux amendements, le texte final compte 52 articles contre 18 dans le projet initial.

Le statut adopté est moins ambitieux que le texte d'origine. Par exemple, alors que le projet affirme que« la Catalogne [est] un État autonome au sein de la République espagnole" » le texte final dispose que, conformément à la Constitution de la République qui définit l'Espagne comme « un État intégral, compatible avec l'autonomie des régions et des municipalités », la Catalogne se « [constitue] en une région autonome au sein de l'État espagnol ». D'autres aspects importants sont également modifiés, comme le passage du catalan comme seule langue officielle à l'adoption de deux langues co-officielles : le catalan et l'espagnol.

Malgré ces modifications, le statut conférait une autonomie substantielle à la Catalogne : la Généralité était dorénavant composée d'un Parlement, un président et un conseil exécutif. La région obtenait aussi des compétences en termes d'ordre public et de justice.

Avec l'arrivée des Radicaux de droite au Gouvernement de la République en 1933 sont apparus les premiers conflits entre le Gouvernement central et la Généralitat. L'approbation par cette dernière de la Loi sur les contrats de culture qui garantit aux viticulteurs et aux métayers catalans l'exploitation de terres pendant six ans au moins, conduit la droite catalane à demander que cette loi soit déclarée inconstitutionnelle, en demandant au Gouvernement central de faire appel au Tribunal des Garanties Constitutionnelles. L'inconstitutionnalité est déclarée le 8 juin 1934. Cette décision a été considérée par l'ERC comme une attaque contre l'autonomie catalane. En octobre 1934, la Généralité s'est soulevée contre le Gouvernement de coalition de droite des Radicaux et la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA) lorsque son Président Lluís Companys a proclamé L'État catalan au sein de la République fédérale autonome. Suite à l'échec de ce soulèvement, l'autonomie de la Catalogne a été suspendu. Le statut n'entrera en vigueur à nouveau qu'en 1936, suite à la victoire du Front populaire. La Généralité fut restaurée et Lluís Companys retrouva son poste de Président. Pendant la Guerre Civile, la Catalogne a vécu une grande période de troubles qui ne prirent fin qu'avec l'entrée en Catalogne des troupes franquistes en janvier 1939. Le nouveau régime a supprimé l'autonomie de la région.

Statut d'autonomie de 1979

Le 15 juin 1977 se tiennent en Espagne les premières élections démocratiques depuis la Seconde République. Ces élections ont pour but de former un Parlement constituant qui devait préparer une constitution (le Régime franquiste en était dépourvu); elles sont remportées par l'Union du Centre Démocratique d'Adolfo Suárez par 165 sièges contre 118 pour le Parti socialiste ouvrier espagnol. En Catalogne, les forces majoritaires sont les communistes du Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC) et les socialistes du Parti socialiste catalan (PSC), y compris parmi les sénateurs élus dans la région. Ces sénateurs se regroupent au sein de l'Entente des Catalans (en catalan, Entesa dels Catalans).

Adolfo Suárez, devenu Président du Gouvernement, promulgue le 29 septembre 1977 un décret-loi rétablissant la Generalitat. président, Josep Tarradellas, revient alors d'exil et s'installe à Barcelone le 23 octobre. La Generalitat devint ainsi la seule institution espagnole à ne pas être issue de la réforme des institutions du régime de Franco. L'élaboration du projet de statut est confiée aux députés et sénateurs élus dans les circonscriptions catalanes. La nouvelle Constitution est dans le même temps élaborée dans le cadre d'un très large consensus : cette constitution reconnaît une personnalité historique, culturelle et linguistique au Pays basque, à la Galice et à la Catalogne, considérés comme des nationalités. Les principaux protagonistes de l'élaboration de ce statut sont Miquel Roca (Convergence démocratique de Catalogne), Jordi Solé Tura (PSUC), Eduardo Martín Toval (PSC) et Laureano López Rodó (Alliance Populaire).

Le statut est finalement élaboré par la Commission dite des Vingt réunie au Parador de Vilanova de Sau dans la province de Barcelone, d'où le nom de Statut de Sau par lequel il est souvent désigné en Espagne.

Statut d'autonomie de 2006

Le statut de 2006 est adopté par le parlement espagnol avant d'être soumis à référendum le 18 juin 2006. Ce nouveau statut fixe notamment l'organisation institutionnelle de la Généralité de Catalogne (en catalan Generalitat de Catalunya), les compétences de cette institution, les droits et devoirs des citoyens, le régime linguistique, les relations institutionnelles de la Generalitat ainsi que son financement.

Le pouvoir législatif est incarné par le Parlement de Catalogne (Parlament de Catalunya), le pouvoir exécutif par le Conseil exécutif.

La réforme du statut d'autonomie avait été initiée par les partis progressistes catalans lors de la dernière législature de Convergence et Union. Lors de la campagne pour les élections législatives de 2003, José Luis Rodríguez Zapatero avait promis d'appuyer le nouveau statut, approuvé par le Parlement de Catalogne. Le Parti Populaire de Catalogne, s'est joint à la commission de rédaction du nouveau statut après les élections du 14 mars 2004 bien que cette modification du statut ne faisait pas partie de son programme électoral.

Malgré un rapide accord entre les trois partis présents au sein du Gouvernement de Catalogne et Convergence et Union sur des sujets tels que la définition de la Catalogne comme une nation, le devoir de connaître les deux langues officielles ou la création d'une circonscription catalane pour les élections au Parlement européen, certains sujets comme le financement de la Généralitat, la laïcité dans l'enseignement, la réactivation des "droits historiques" ont provoqué de profondes divisions qui n'ont pu être résolues qu'au dernier moment et qui ont fait craindre un échec de la réforme. En effet, le Président de la Généralité Pasqual Maragall et le chef de l'opposition Artur Mas ont conclu in-extremis un accord sur la laïcité et le financement de la Généralité seulement la veille du vote sur le nouveau statut au Parlement de Catalogne. Le statut a finalement été adopté par 120 voix (correspondants aux élus de Convergence et Union, du Parti socialiste catalan, de Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) et de ICV-EA) contre 15 voix du Parti Populaire de Catalogne.

Le 2 novembre 2005, le Parti Populaire dépose un recours en inconstitutionnalité devant le Tribunal Constitutionnel, rejeté par le Tribunal, considérant qu'un recours sur une loi pas encore votée n'est pas recevable. Le même jour, débute un débat en séance plénière du Congrès des députés. Au cours de ce débat interviennent Artur Mas (Convergence et Union), Manuela de Madre (Parti socialiste Catalan) et Josep-Lluís Carod-Rovira (ERC), tous trois représentant le Parlement de Catalogne, ainsi que José Luis Rodríguez Zapatero en tant que Président du Gouvernement, tous en faveur de l'adoption d'un nouveau statut. La proposition est adoptée par 197 voix pour, 146 contre (uniquement des voix du Parti Populaire) et une abstention.

Après le vote du Parlement espagnol, la Commission Constitutionnelle du Congrès, présidée par l'ex-Président du Gouvernement Alfonso Guerra charge une commission paritaire composée de membre du Parlement de Catalogne et de membres de la Commission Constitutionnelle du Congrès. d'examiner le texte et de soumettre un avis au Congrès des députés. Dès le début des négociations, les quatre partis catalans ayant adopté le texte au Parlement de Catalogne sont incapables de se mettre d'accord. De ce fait, les négociations se transforment en négociations bilatérales entre ces quatre partis et le PSOE.

Le 21 janvier 2006, le Président du Gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero et le chef de l'opposition Catalane, Artur Mas arrivent à un pré-accord sur la définition de la Catalogne dans le nouveau statut et sur le mode de financement. Le nouveau statut est approuvé par le Congrès des Députés le 30 mars 2006 avant d'être soumis au Sénat. Ce dernier l'adopte en Commission Générale de Communautés Autonomes le 6 mai et en session plénière le 10 mai 2006. Lors du vote final, le texte reçoit sur le soutien de l'ensemble des groupes politiques à l'exception du Parti Populaire qui vote contre et de l'Esquerra Republicana de Catalunya qui abstient.

Lors de la campagne pour le référendum, et malgré son abstention au Sénat, Esquerra Republicana de Catalunya s'unit finalement au Parti Populaire dans l'opposition au nouveau statut. L'ERC appelle à voter blanc avant d'opter pour le non, considérant que le texte trop édulcoré par rapport à celui adopté par le Parlement Catalan. Ce revirement de l'ERC entraîne l'annulation des accords tripartites pour le Gouvernement de la Catalogne et l'exclusion des membre de l'ERC, le 11 mai 2006, de l'exécutif catalan dirigé par Pasqual Maragall. Le référendum a lieu le 18 juin 2006; le "oui" l'emporte avec 73,9% des suffrages, contre 26,72% pour le "non" et 5,34% ont voté blanc (bulletins nuls : moins de 1%). L'ensemble des partis a toutefois regretté le trop faible taux de participation : 49%. Le scrutin est néanmoins validé, le précédent statut de 1979 ne prévoyant pas de taux de participation minimal pour les référendums locaux.

Dans un arrêt rendu le 28 juin 2010[1], le Tribunal constitutionnel espagnol annule 14 des articles du statut d'autonomie voté en 2006, sur un total de 223[2],[3], à la requête du Parti populaire. Les juges ont notamment estimé anticonstitutionnelles :

  • l'inscription du concept de « nation catalane » dans le statut d'autonomie, tout en lui reconnaissant une valeur historique et culturelle,
  • la définition du catalan comme langue ayant un caractère préférentiel sur l'espagnol, tout en acceptant son caractère obligatoire dans l'enseignement,
  • l'institution d'une autorité de tutelle catalane sur les juridictions sises sur le territoire de la communauté autonome de Catalogne.

Cette décision du Tribunal constitutionnel a entraîné de vives protestations en Catalogne, qui ont culminé avec l'organisation d'une marche de protestation[4],[5],[6] à Barcelone, le 10 juillet 2010, à l'initiative d'Òmnium cultural[7], association proche des indépendantistes et qui assure la promotion de la langue et de l'identité catalanes[8]. Cette manifestation, connue sous le nom de "Som una nació. Nosaltres decidim" et soutenue par la majorité des partis politiques catalans, à l'exception, entre autres, de la branche catalane du Parti populaire (auteur du recours contre le statut d'autonomie de 2006), a réuni, selon la police municipale de Barcelone, plus d'un million de personnes[9] et un million et demi de personnes selon les organisateurs[10],[11],[12]. Cette manifestation est considérée par ses organisateurs comme plus importante en nombre de participants que celle du 11 septembre 1977, lors de la Transition démocratique espagnole, à Barcelone, qui était jusque-là considérée comme la plus grande de toute l'histoire de la Catalogne[13].

Liens externes

Sources

Notes et références

  1. (es), Tribunal Constitucional de España, « Sentencia RI 8045-2006 », 28 juin 2010, 881 pages, 2,47 Mo.
  2. (en), Fiona Govan, article « Catalonia can call itself a 'nation', rules Spain's top court », 29 juin 2010, The Daily Telegraph.
  3. (es), (non signé), article « El TC rebaja las aspiraciones de Catalunya en lengua, justicia y tributos catalanes », 28 juin 2010, La Vanguardia.
  4. (en), dpa, dépêche « Hundreds of thousands demonstrate in Spain for Catalan autonomy », 10 juillet 2010, sur Monsters and Critics.
  5. (en), (non signé), article « Catalan protesters rally for greater autonomy in Spain », 10 juillet 2010, sur BBC News
  6. (es), (non signé), article « Un millón de personas inundan Barcelona en una histórica manifestación de rechazo a la sentencia contra el Estatut », 10 juillet 2010, La Vanguardia.
  7. (fr), (non signé), article « Un million de personnes pour la Catalogne », 11 juillet 2010, Radio-canada.ca.
  8. Sur l'association Òmnium Cultural, voir si nécessaire le site web de l'association ou les articles de Wikipédia, en langue catalane, anglaise ou espagnole.
  9. Barcelone a une population de 1 615 908 habitants (2008) tandis que la province de Barcelone a une population de 5 218 554 habitants (2003) et que la communauté autonome de Catalogne a une population de 7 467 423 habitants (2009).
  10. (es), Eva Belmonte, article « Masiva manifestación en Barcelona en apoyo al Estatut y contra el Constitucional », 10 juillet 2010, El Mundo.
  11. (ca), (non signé), article «  Més d'un milió de veus pel dret a decidir », 10 juillet 2010, Avui.
  12. (es), (non signé), article (et vidéo) « La manifestación ha desbordado todas las previsiones », 11 juillet 2010, El Periódico.
  13. (es), Miquel Noguer, article « Decenas de miles de catalanes se echan a la calle contra el recorte del Estatuto », 10 juillet 2010, El País.

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