René Barjavel

René Barjavel
René Barjavel
Activités Romancier, nouvelliste, essayiste, chroniqueur, journaliste
Naissance 24 janvier 1911
Nyons, Drapeau de France France
Décès 24 novembre 1985 (à 74 ans)
Paris, Drapeau de France France
Langue d'écriture Français
Genres Science-fiction, fantastique
Œuvres principales

René Barjavel, né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme) et mort le 24 novembre 1985 à Paris, est un écrivain et journaliste français principalement connu pour ses romans d'anticipation où science-fiction et fantastique expriment l'angoisse ressentie devant une technologie que l'homme ne maîtrise plus.

Certains thèmes y reviennent fréquemment : chute de la civilisation causée par les excès de la science et la folie de la guerre, caractère éternel et indestructible de l'amour (Ravage, Le Grand Secret, La Nuit des temps, Une rose au paradis). Son écriture se veut poétique, onirique et, parfois, philosophique. Il a aussi abordé dans de remarquables essais l'interrogation empirique et poétique sur l'existence de Dieu (notamment, La Faim du tigre), et le sens de l'action de l'homme sur la Nature. Il fut aussi scénariste/dialoguiste de films. On lui doit en particulier le scénario du Petit Monde de Don Camillo.

Sommaire

Biographie

René Barjavel est né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme). Fils de boulanger, petit-fils de paysans, il fait ses études au collège de Nyons puis à celui de Cusset (près de Vichy) dans l'Allier. Après le baccalauréat, il fait de nombreux métiers pour gagner sa vie : pion, employé de banque, conférencier… Il débute à dix-huit ans dans le journalisme au Progrès de l'Allier, à Moulins. En 1934, il publie son premier roman, Collette à la recherche de l'amour et devient, en 1935, secrétaire de rédaction de la revue Le Document, puis chef de la fabrication des éditions Denoël. Il collabore à divers journaux, en particulier au Merle Blanc, comme critique cinématographique. Il fait la guerre dans un régiment de zouaves, affecté aux cuisines. Démobilisé en 1940, il fonde à Montpellier L'Écho des Étudiants et y fait débuter, entre autres, Jacques Laurent, François Chalais, Yvan Christ… Rentré à Paris, il y publie une série de romans d'anticipation qui font de lui le précurseur de la vogue de la science-fiction.

Il écrit un « Essai sur les formes futures du cinéma », Cinéma Total, dont un grand nombre de prédictions se sont depuis réalisées. Puis vient un grand roman d'amour, Tarendol, dont Julien Duvivier achète les droits pour le cinéma. En 1947, il fait, pour Georges Régnier, sa première adaptation et son premier dialogue de cinéma dans Paysans noirs. Il écrivit ensuite les dialogues du Petit Monde de Don Camillo, de Julien Duvivier. Il a également collaboré aux autres Don Camillo, à L'Étrange Désir de monsieur Bard, aux Femmes sans nom, au Mouton à cinq pattes, aux chiffonniers d'Emmaüs (d'après le livre de Boris Simon), à La Terreur des dames, aux Aventures de Till l'espiègle, à L'Homme à l'imperméable, au Cas du docteur Laurent, aux Misérables, au Guépard, etc. Il réalise lui-même plusieurs courts métrages.

Il écrit deux pièces de théâtre de science-fiction : Le Voyageur Imprudent et Mme Jonas dans la baleine. Après un long intermède au cinéma pendant lequel il n'a presque rien publié, René Barjavel a commencé avec La Nuit des Temps et Le Grand Secret, une seconde carrière de romancier et une nouvelle activité de journaliste avec une chronique hebdomadaire dans Le Journal du Dimanche. Il a également écrit des chansons. Il se livrait, quand il en avait le temps, a une passion, la photographie en couleurs, illustrée par un album (Les Fleurs, la vie). Il est décédé en 1985.

La guerre

Pendant la guerre de 1939-1940 qu’il fait dans les zouaves[réf. nécessaire], il développe un penchant antimilitariste. Affecté aux cuisines sous le grade de caporal-chef, sa tâche principale consiste à chercher et distribuer le ravitaillement[1]. Il est révolté par l’esclavage du soldat et la bêtise militaire. De retour dans Paris qu’il ne quittera plus, il retrouve sa place de chef de fabrication chez Denoël[1].

Son deuxième roman d'anticipation, Le Voyageur imprudent, est publié pendant l'Occupation sous forme de feuilleton dans l'hebdomadaire fascisant Je suis partout. Le journal inclut également une interview de l'auteur par Henri Poulain, publiée le 12 mars 1943[2].

À la libération de Paris, il n'échappe pas à la vague de suspicion de l'époque, mais ses amis écrivains le blanchissent des accusations de collaboration portées contre lui. Ce ne sera pas le cas de Robert Denoël : lorsque le comité d'épuration démet ce dernier de ses fonctions, Barjavel dirigera de fait la maison d'édition jusqu’à l'assassinat de l'éditeur le 2 décembre 1945.

Après-guerre

Après la guerre, il mêle les activités de journaliste, de critique, de romancier et de scénariste. Le manque d’argent et l’échec de Le Diable l’emporte sont un début de rupture avec sa carrière de romancier, il s’aventure dans le cinéma. La tuberculose et ses lacunes financières l’empêchent de réaliser Barabbas. Adaptateur, dialoguiste, le cinéma n’en gardera pas un passage marquant, malgré son empreinte profonde dans de nombreux films, dont les Don Camillo, Les Misérables (de Jean-Paul Le Chanois), Les Chiffonniers d'Emmaüs, Le Mouton à cinq pattes, Le Guépard, etc. Avec La Faim du tigre, il croit couronner sa carrière, le ton et la conclusion en gardent cette marque, mais c’est Demain le Paradis, autrement plus optimiste, qui termine l’œuvre de l’auteur qui aura vécu un formidable renouveau depuis cet essai, qui par ailleurs conserve sa place de choix. Dans la préface de cet ouvrage, il mentionne comment le Docteur Paul Carton, grâce à son extraordinaire médecine naturelle, lui permit d'élever ses enfants sans accident de santé. Alors qu'il venait consulter le médecin pour une otite dont souffrait son enfant, le Dr Carton lui déclara : « Monsieur, vous êtes un assassin ! ». Il lui expliqua ensuite la conduite à tenir pour ne plus être confronté à de tels soucis de santé, ce que René Barjavel mit en œuvre avec succès.

Avec La Nuit des temps, paru en 1968, démarre sa carrière de grand écrivain populaire. Il se fait chroniqueur au Journal du dimanche (Les libres propos de René Barjavel, qui seront recueillis dans Les Années de la lune, Les Années de la liberté et Les années de l’homme), et parachève son œuvre dans l’esprit qui surpassera désormais toutes les inclinaisons pessimistes, celui de l’espoir.

Il décède le 24 novembre 1985.

Les thèmes

René Barjavel, précurseur de la science-fiction « à la française »

À l'époque (1942) où il publie ses deux premiers romans fantastiques, Barjavel fait figure de précurseur dans le désert qu'est alors la science-fiction française. La science-fiction américaine ne débarquera en effet massivement qu'après 1945, et encore faudra-t-il de longues années avant que des noms comme Isaac Asimov, Clifford D. Simak ou même l'ancêtre H. P. Lovecraft soient connus de plus que quelques amateurs.

Et c'est un peu a posteriori que l'on rattache les premiers romans de Barjavel (Le Voyageur imprudent et Ravage), au genre de la science-fiction : le terme n'est pas encore utilisé en France ; on parle plutôt de « roman scientifique » chez Jules Verne, de « roman d'anticipation » pour J.-H. Rosny aîné ou Albert Robida ou encore de « roman extraordinaire » chez Barjavel, mais pas encore de science-fiction : ce terme, anglo-saxon, ne s'imposera que plus tard. Et de surcroît, dans ses deux romans écrits et publiés dans un Hexagone alors coupé du monde anglophone, Barjavel ne fait intervenir ni extra-terrestres répugnants, ni robots psychopathes, ni voyages spatiaux, ni mutants. Mais il y développe déjà des idées typiques du déferlement des années 1950 : apocalypse, fin du monde, voyage dans le temps, retour à la barbarie et autres catastrophes imputables à une technologie aliénante ou malicieusement utilisée.

Barjavel, bien que se démarquant de la littérature de l'époque par ses thèmes fantastiques, est aussi un écrivain de son temps. On a parfois voulu discerner dans Ravage (1943) un écho de l'idée pétainiste du retour à la terre et de la méfiance envers l'urbanisation d'une France encore majoritairement rurale. Barjavel se verra à cet égard reprocher sa signature dans différents journaux de la collaboration tels Je suis partout et Gringoire. Il abandonnera néanmoins rapidement cette veine collaborationniste suite au succès de Ravage. Il y décrit, avec un sens aigu de la satire, une civilisation technologique du XXIe siècle — l'action se situe en 2052 — ramenée au Néolithique par la disparition soudaine de l'électricité, qui brutalement met fin au machinisme. Une effroyable décomposition sociale s'ensuit, où la brutalité et la loi du plus fort resurgissent dans les mégapoles en proies aux flammes et à la famine.

Si Barjavel semble nettement se méfier du progrès (notamment dans la scène finale, où le nouveau roi d'un monde revenu techniquement au Moyen Âge agricole fulmine contre le réinventeur d'une machine à vapeur pourtant très primitive), ces inquiétudes étaient très présentes à l'époque (cf. La France contre les robots, de Georges Bernanos), ou encore René Guénon, dont Barjavel faisait grand cas : l'influence de La Crise du monde moderne sur Ravage est évidente (la catastrophe qui y est décrite est une « version plausible » de celle qui, selon Guénon, est censée sanctionner la folie du monde matérialiste moderne). La suite de son œuvre a pourtant montré qu'il n'était pas opposé au progrès, à tel point que cette scène peut également passer pour une satire de l'obscurantisme. On peut aussi y voir les regrets d'un homme de la terre devant l'exode rural qui allait s'intensifier jusque dans les années 1970 et transformer la société française de manière irréversible : Ravage n'est-il pas dédié par l'auteur « à mes grands-pères paysans » ?

Le Voyageur imprudent est bien moins « engagé », c'est un chef-d'œuvre de fantaisie pure et de cruauté humoristique qui précède en outre les années 1950 dans l'exposition de ce que l'on appelle le « paradoxe temporel ». On oublie en outre souvent que les deux œuvres sont liées, le monde futur très lointain que visite le voyageur du temps étant la suite de la catastrophe de 2052. Barjavel y expose une vision « biologique » de l'avenir de l'humanité, amusante et délirante illustration des thèses évolutionnistes, son voyage en l'an 100 000 n'étant pas, à cet égard, sans rappeler l'an 802 701 du H. G. Wells de La Machine à explorer le temps.

Avec Le Diable l'emporte (1948), Barjavel aborde la question alors très actuelle de la Troisième Guerre mondiale (on est en pleine guerre froide). Ce thème sera l'un des favoris de la SF américaine de l'après-guerre (Dr. Bloodmoney, de Philip K. Dick, Le Lendemain de la Machine, de Rayer, Je suis une légende, de Richard Matheson, etc.). Mais là encore l'humour noir le plus cruel épice le genre de l'anticipation, et les moyens que l'humanité emploie pour s'autodétruire sont loin de se limiter aux armes nucléaires. Barjavel ne manque pas, à travers l'absurde robotisation du « civilisé inconnu » ou les dérapages de l'agriculture industrielle (la poule géante dévorant un stade de football), de se moquer avec cruauté des dérives de la manipulation du vivant.

Barjavel ira jusqu’à envisager que l'humanité s'est dotée de la bombe atomique par instinct malthusien de limitation de l'explosion démographique, thèse exposée dans La Faim du tigre sur un ton philosophique voltairien à l'humour dévastateur.

Les années 1960 verront Barjavel très en phase, plus ou moins consciemment, avec les idées de Mai 68 (Les Chemins de Katmandou) qu'il évoque même avant qu'elles ne s'expriment, dans le poignant La Nuit des temps (où le thème de la guerre totale est de nouveau exploité), ainsi que dans Le Grand Secret, où l'on découvre un Barjavel nettement favorable à la libération sexuelle et plutôt libertaire. Il est aussi l'un des rares auteurs de science-fiction (avec Arthur C. Clarke dans La Cité et les Astres) à avoir traité de manière approfondie et spéculative le thème de l'immortalité.

Dans Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester, Barjavel prend clairement position contre le nucléaire civil.

Néanmoins, Barjavel ne peut être classé politiquement, on peut même dire — les rapports entre la Russe Leonova et l'Américain Hoover dans La Nuit des temps l'illustrent — qu'il est apolitique.

Œuvres

Romans

Contes, nouvelles

  • 1945 : La Fée et le soldat
  • 1946 : Les Enfants de l'ombre
  • 1974 : Le Prince blessé

Récit autobiographique, journal

  • 1951 : Journal d'un homme simple
  • 1980 : La Charrette bleue

Chroniques

  • 1972 : Les Années de la lune
  • 1975 : Les Années de la liberté
  • 1976 : Les Années de l'homme

Albums

  • 1953 : Collioure (Dessins de Mucha)
  • 1974 : Brigitte Bardot, amie des animaux
  • 1978 : Les Fleurs, l'Amour, la Vie

Essais

  • 1944 : Cinéma total : Essai sur les formes futures du cinéma
  • 1966 : La Faim du tigre
  • 1976 : Si j'étais Dieu...
  • 1978 : Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester
  • 1986 : Demain le paradis (inachevé, édité de façon posthume)

Notes et références

  1. a et b Yves Ansel, Dossier à la suite de l'édition de Ravage chez Folio Plus, 1996, p.320
  2. Reproduction de l'interview.

Voir aussi

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