Question socialiste

Question socialiste

La Question socialiste est un ancien courant du Parti socialiste, fondé notamment par Julien Dray.

Sommaire

Origine

A l’automne 1981, un petit groupe de militants quitte la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) pour intégrer le Parti socialiste. Ce groupe, essentiellement formé d’étudiants, a déjà l’habitude de travailler ensemble. Ils se sont agrégés à la fin des années 70 autour de Julien Dray alors président du Mouvement d'action syndicale (MAS). Syndicat qui en 1980 a participé à la création de l’UNEF-ID. Dans la nouvelle organisation, les anciens dirigeants du MAS se retrouvent dans la Tendance luttes étudiantes action syndicale (LEAS). À la LCR, ils militent dans la tendance de Gérard Filoche. Plusieurs d’entre eux siègent au Comité central de cette organisation et, plus précisément au secrétariat étudiant, outre Julien Dray, on y trouve aussi Laurence Rossignol et Didier François (dit Rocky).

En 1981, la ligue adopte le « tournant ouvrier », c'est-à-dire qu’elle demande à ses militants de rentrer dans les usines pour être au plus proche des travailleurs lorsque ceux-ci se mettront en grève. En effet, selon la LCR, l’arrivée au pouvoir de la gauche devrait entraîner un mouvement de grèves comme avec le Font populaire en 1936. Julien Dray et ses proches font une analyse différente. Pour eux, l’élection de François Mitterrand représente un espoir de réel changement. En outre, pour beaucoup d’entre eux, comme Laurence Rossignol, le tournant ouvrier, socialement, c’est briser « la chaîne de la promotion républicaine » pour « retourne[r] trois générations en arrière, [en] retourn[ant] à l'usine » [1]. Refusant cette régression sociale mais aussi désireux de participer au changement promis par les socialistes, le groupe de Julien Dray décide de fonder un courant sur l’aile gauche du PS.

Des débuts difficiles

En mai 1982 est donc officiellement créé un groupe de réflexion politique, un embryon de courant, nommé Question socialiste. Politiquement, il se situe sur l’aile gauche du courant mitterrandien. Parmi les animateurs on retrouve Julien Dray, Didier François et Laurence Rossignol, mais aussi Bernard Pignerol, Éric Montès, Harlem Désir, Claire Robillard et Arnold Stassinet. À noter que tous ne sont pas forcément passés par la LCR, comme c’est notamment le cas d’Harlem Désir - qui malgré tout a milité au MAS et aux JCR - et d’Éric Montès - qui était déjà un sympathisant socialiste. À ce premier groupe, d’autres étudiants viendront rapidement s’ajouter, notamment Alain Balestan, Isabelle Thomas dès 1983, et Taïma Samman.

Mais Question socialiste peine à se développer. D’abord sur l’aile gauche il est concurrencé par d’autres courants mieux implantés au Parti socialiste comme le CERES. Mais aussi parce que ce courant à forte prédominance jeune manque de relais dans l’appareil socialiste. Et ce, d’autant plus que les leaders mitterrandistes se méfient de cette sensibilité de gauche qui maintient une forte autonomie à l’intérieur du courant. Au Mouvement des jeunes socialistes (MJS), les choses vont un peu mieux. Question socialiste est en capacité de s’imposer dans plusieurs fédérations. Didier François est notamment l’un des animateurs du MJS de la région parisienne et il peut s’appuyer sur des relais solides notamment dans le Val-d'Oise avec Alain Balestan ou en Seine-Saint-Denis avec Éric Montès. Mais là encore leurs possibilités de développement sont limitées. Dès 1983-84, et le tournant de la rigueur, la direction du MJS tente de réduire leur espace politique. Finalement, Question socialiste ne peut s’épanouir qu’en dehors de l’appareil socialiste. À l’UNEF-ID où il a pris en main la tendance Plus d'inspiration socialiste. En fait, c’est surtout en 1984 qu’avec la création, par l’équipe de Question socialiste, de SOS Racisme, présidé par Harlem Désir, que le courant trouve un espace pour s’exprimer, même si cet espace est limité par la nature même de l’association, la lutte contre le racisme.

L’émergence

La création de SOS Racisme donne donc un premier bol d’air au courant en lui dégageant un espace militant où ses partisans peuvent s’exprimer. Mais politiquement, le blocage demeure. Tout change avec les grèves contre le projet de loi Devaquet, François Mitterrand remarque alors une jeune syndicaliste, Isabelle Thomas. Il décide d’en faire sa conseillère pour les problèmes de la jeunesse. Or Isabelle Thomas, n’est pas une simple militante de l’UNEF-ID, elle est l’animatrice de la Sensibilité Villetaneuse et l’une des dirigeantes de Question socialiste. En 1987, il la fait rentrer au Comité directeur du Parti socialiste (devenu Conseil national depuis, sorte de "parlement" du PS). Dès lors le courant acquiert une existence en dehors de cercles étudiants. Au congrès de 1987 Question socialiste dépose une contribution. Ce document, très ancré à gauche, est l’occasion pour eux de se faire connaître par l’aile gauche du PS, notamment par Jean-Luc Mélenchon.

Pendant ce temps Question socialiste se renforce. Il prend une place de plus en plus grande dans le syndicalisme étudiant puis lycéen avec la création de la FIDL. De nouveaux cadres émergent comme Frédéric Hocquard.

Création de la Nouvelle école socialiste

En 1988, François Mitterrand est réélu. Mais ayant fait campagne sur le thème de l’unité de la nation, il demande à son premier ministre, Michel Rocard, de constituer un gouvernement "d’ouverture" vers le centre avec des personnalités comme Jean-Pierre Soisson. La gauche du parti est déçue. Elle attendait un gouvernement nettement plus offensif socialement parlant. Dès lors, les amis de Jean-Luc Mélenchon et Question socialiste décident de s’unir dans un courant commun, la Nouvelle école socialiste.

Ce courant présente une motion lors du congrès de Rennes en 1990. C’est la première fois pour les fondateurs de Question socialiste qu’ils présentent une motion complète. Malgré le faible score de celle-ci, 1,35 % des voix, le courant se fait connaître. L’année suivante, la Nouvelle école socialiste est rejointe par Marie-Noëlle Lienemann et devient la Gauche socialiste qui connaîtra des résultats sensiblement meilleurs mais éclatera après le 21 avril 2002.

La sensibilité drayiste après 1988

Avec la création de la Nouvelle école socialiste, puis de la Gauche socialiste (GS), l’équipe de Question socialiste ne forme plus qu’une sensibilité plus ou moins visible, plus ou moins unie. Cette dernière est d’ailleurs toujours en mesure de faire émerger de nouveaux cadres souvent issus du syndicalisme étudiant et lycéen ou de l’anti-racisme. Parmi ces derniers on trouve notamment : Pascal Cherki, François Delapierre, Carine Seiler, Delphine Batho ou encore Malek Boutih.

Presque tous les animateurs de Question socialiste se retrouvent à la GS. Sauf Éric Montès qui, après un passage dans divers cabinets ministériels dont celui de Bernard Tapie, décide de suivre ce dernier au Mouvement des radicaux de gauche, et Didier François qui depuis 1985 est journaliste, notamment à Libération. C’est après l’éclatement de la GS que la sensibilité drayiste se disperse. Trois analyses politiques de l’échec de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle vont s’opposer et, petit à petit, se distinguer dans trois courants socialistes différents.

Il y a d’abord la vision de Julien Dray. Pour lui le Parti socialiste doit se rénover et la Gauche socialiste a un rôle à jouer. Il rejoint donc, par étapes la motion majoritaire de François Hollande qui le conduit à être aujourd’hui un des proches de Ségolène Royal. Il est notamment suivi par Harlem Désir, Malek Boutih, Delphine Batho, Carine Seiler et Claire Robillard. Dans un premier temps, il y a aussi Laurence Rossignol mais ayant rejoint le camp du non au moment du référendum sur la constitution européenne, elle participe depuis au courant de Laurent Fabius.

Un autre groupe soutient la stratégie de Jean-Luc Mélenchon. Désireux de créer une alternative qu’il juge sérieuse à François Hollande, Jean-Luc Mélenchon décide de rejoindre le courant de Laurent Fabius. Ses conclusions sont notamment partagées par François Delapierre et Bernard Pignerol.

Enfin, quelques autres choisissent de rester sur la gauche du parti et s’unissent donc avec les autres courants d’opposition participant à cette stratégie et notamment celui d’Henri Emmanuelli. Il participe donc aujourd’hui au Nouveau Parti socialiste. Parmi eux on retrouve Isabelle Thomas, Pascal Cherki, Frédéric Hocquard et Arnold Stassinet.

Liens externes

Sites ou blogs d’anciens de Question socialiste :

Références

  1. « quand on avait fait 5 ans d'études, après le bac, minimum, aller s'établir, il fallait vraiment être des fils de bourgeois. Donc moi, c'est une des raisons pour lesquelles je suis partie de la Ligue, entre autres. Oui, c'est le tournant ouvrier, et Julien [Dray] pense un peu dans le même sens que moi. Parce que moi je pense que c'est un truc d'aristocrates et de petits bourgeois. Pour pouvoir dire à ses parents : “ voilà vous me payez 6 ans d'études après le bac, je viens de finir ma thèse et puis maintenant je vais être ouvrière chez Renault ”, il ne faut pas avoir des parents qui ont misé sur l'école républicaine. Moi, je ne me voyais même pas rentrer chez moi et dire ça. Je ne me voyais même pas rentrer à la maison et dire à mes parents : “ et bien voilà, je retourne trois générations en arrière, je retourne à l'usine (rire), j'arrête, j'interromps la chaîne de la promotion républicaine ". » Laurence Rossignol, témoignage recueilli par Philippe Juhem et repris dans sa thèse de science politique sous la Direction de Bernard Lacroix : « SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation "apolitique". Contribution à une analyse des transformations des représentations politiques après 1981 ». [1]

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Question socialiste de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Question Socialiste — La Question socialiste est un ancien courant du Parti socialiste, fondé notamment par Julien Dray. Sommaire 1 Origine 2 Des débuts difficiles 3 L’émergence …   Wikipédia en Français

  • Question Jurassienne — En Suisse la question jurassienne est liée au conflit entre le Peuple Jurassien et le Canton de Berne qui se manifesta par de nombreux évènements conflictuels tant culturels, religieux et sociaux qui se déroulèrent dès l annexion de l ancien… …   Wikipédia en Français

  • Question Royale — La question royale désigne en Belgique les événements politiques qui eurent lieu entre le 7 mai 1945 et le 17 juillet 1951 à propos du retour au pays du roi Léopold III après la Seconde Guerre mondiale. Elle fut à l origine d un soulèvement… …   Wikipédia en Français

  • Socialiste de la chaire — Socialisme Marxisme Théorie Marxisme Communisme Socialisme …   Wikipédia en Français

  • Socialiste réformiste — Socialisme Marxisme Théorie Marxisme Communisme Socialisme …   Wikipédia en Français

  • Question du rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne — Carte de France des régions administratives avec en bleu foncé la région administrative Bretagne et en bleu clair la Loire Atlantique Le question du rattachement de Loire Atlantique à la région Bretagne est un débat qui fait suite à la séparation …   Wikipédia en Français

  • Question Nationale — Mouvement souverainiste du Québec Québec Cet article fait partie de la série sur la politique du Québec, sous série sur la politique. Lieutenant g …   Wikipédia en Français

  • Question Québécoise — Mouvement souverainiste du Québec Québec Cet article fait partie de la série sur la politique du Québec, sous série sur la politique. Lieutenant g …   Wikipédia en Français

  • Question québécoise — Mouvement souverainiste du Québec Québec Cet article fait partie de la série sur la politique du Québec, sous série sur la politique. Lieutenant g …   Wikipédia en Français

  • Question jurassienne — En Suisse, la question jurassienne est liée au conflit entre le Peuple Jurassien et le Canton de Berne qui se manifesta par de nombreux évènements conflictuels tant culturels, religieux et sociaux qui se déroulèrent dès l annexion de l ancien… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”