Projet de loi Devaquet

Projet de loi Devaquet

Le « projet de loi Devaquet » est un projet de loi réformant les universités françaises présenté fin 1986 par le ministre délégué Alain Devaquet. Le projet prévoyait notamment de sélectionner les étudiants à l'entrée des universités, et de mettre celles-ci en concurrence. Très contesté en novembre et décembre 1986 lors d'un mouvement étudiant et lycéen qui est notamment marqué par la mort de Malik Oussekine, le projet a été retiré le 8 décembre 1986.

Sommaire

Le projet Devaquet

Contexte

En mars 1986, la droite retrouve le pouvoir après cinq ans de gouvernement de gauche. Le premier ministre, Jacques Chirac sappuie pour gouverner sur un Parlement dominé par le RPR, son parti, et lUDF. Mais il doit composer avec le président de la République en place, le socialiste François Mitterrand. Cest la première cohabitation.

Le gouvernement est bien décidé à revenir sur un certain nombre de décisions de la gauche et à libéraliser le système. Lenseignement supérieur ne fait pas exception. Le programme électoral de la plate-forme « UDF-RPR Pour gouverner ensemble » prévoyait dabroger la loi Savary sur lorganisation des universités, et plus spécifiquement de donner davantage dautonomie aux établissements denseignement supérieur.

Pour donner du corps à cet objectif, un groupe de travail nommé Géruf (probablement lacronyme de Groupe dEtude et de Réflexion sur lUniversité Française) fait des propositions sur lavenir de luniversité. Le Géruf est une initiative de lUNI; il regroupe diverses personnalités de la droite universitaire : des militants de l'UNI mais aussi des personnalités politiques comme Raymond Barre ou Michèle Alliot-Marie. Dès le printemps 1986, ces travaux aboutissent à une proposition de loi déposée par le député Jean Foyer et contre signée entre outre, par Raymond Barre, Pierre Messmer et Jean-Claude Gaudin. Mais la proposition est jugée trop radicale par le gouvernement. Jacques Chirac demande donc à son ministre délégué chargé de la recherche et de lenseignement supérieur, Alain Devaquet, d'élaborer un nouveau projet.

Le projet de loi

Alain Devaquet est un universitaire qui se passionne pour la recherche. Il a peu dintérêt pour lenseignement et lorganisation de lUniversité. Dans un livre publié en 1988, « Lamibe et létudiant : université et recherche, létat durgence » [1], il va jusqu'à affirmer quil aurait préféré navoir en charge que la recherche et quil n'a accepté lenseignement supérieur que parce quon a insisté.

Cest pourtant lui, en liaison avec le ministre de lEducation nationale René Monory, qui est chargé de remplacer la loi Savary par un nouveau texte. Pour ce faire, le Premier ministre a fixé la ligne à suivre dans son discours de politique générale : « Dans l'enseignement supérieur, le principe d'autonomie doit être définitivement concrétisé tant à l'entrée - au moment de la sélection des étudiants - qu'à la sortie - au moment de la délivrance des diplômes. L'autonomie doit aller de pair avec un allègement des structures universitaires[…] Cette rénovation de l'Université suppose l'engagement sans réticences de tous les enseignants et chercheurs de l'enseignement supérieur ; elle passe par une abrogation rapide de la loi sur l'enseignement supérieur de 1984 [dite loi Savary] » [2]. Le conflit avec les étudiants est déjà en germe dans cette déclaration. En effet, le Premier ministre, prône plus dautonomie pour les universités y compris dans la « sélection ». Par la suite, la sélection va devenir le principal point dachoppement avec les syndicats. En outre, parmi les trois acteurs de lUniversité, enseignants-chercheurs, personnels non enseignant ou IATOS (Ingénieurs, Administratifs, Techniciens et Ouvriers de Service) et étudiants, le Premier ministre ne sadresse qua la première catégorie : « les enseignants et chercheurs de l'enseignement supérieur ». Les étudiants sont dès lors tenus à lécart de la réforme, il ne leur reste donc que la contestation pour influencer le texte ministériel.

Le 11 juillet, la proposition de loi dAlain Devaquet est adoptée en Conseil des ministres. Elle est alors transmise au Parlement qui doit létudier à lautomne. Cette proposition prévoit logiquement de donner une large autonomie aux universités. Dabord, du point de vue financier : les universités auraient la possibilité de fixer librement leurs frais dinscription, à lintérieur dune fourchette nationale. Deuxièmement, concernant les étudiants, la loi laisserait des possibilités de sélection afin, selon M. Devaquet, dadapter les flux détudiants aux besoins du marché du travail, aux capacités daccueil des établissements et aux capacités des postulants. Mais il sempresse dajouter que tous les bacheliers devraient être admis quelque part. Troisièmement, les universités seraient libres de choisir leur méthode pour former leurs étudiants ainsi que les diplômes qu'elles veulent délivrer. Toutefois, le ministre assure quil maintiendra une accréditation minimale des diplômes par ses services. En outre, cette loi prévoit de renforcer le pouvoir des enseignants-chercheurs dans les organes dirigeant luniversité : un seuil de 40 % minimum de cette catégorie de personnel est fixé.

Ce projet est celui du ministre, qui en accepte « totalement la responsabilité ». Il affirme avoir évité un projet plus libéral, voulu par les « ultras » [3] de la majorité notamment le député Jean Foyer et le conseiller du Premier ministre pour léducation et la recherche, le recteur Yves Durand. Il reconnaît toutefois leur avoir fait des concessions, comme sur larticle 31 portant sur la sélection. Mais le ministre pense disposer dune marge de manœuvre lors de la publication des décrets dapplication. Il promet donc aux syndicats étudiants inquiets la libre entrée à lUniversité, malgré cet article 31.

Réaction des syndicats étudiants

Lanalyse des syndicats étudiants

Les syndicats étudiants relèvent immédiatement plusieurs dangers dans cette loi. Tout dabord ils réaffirment leur attachement au cadre national de lenseignement supérieur. Les frais dinscription doivent être fixés nationalement et doivent rester modérés. Ils craignent que cette réforme nentraîne de fortes hausses du coût dentrée (maximum de la fourchette) dans certaines universités élitistes. En outre, le cadre national leur paraît indispensable, lorsquil sagit des diplômes. Ils demandent donc la stricte application de ce principe afin quune qualification délivrée par une petite université de province ait la même valeur que son équivalent frappé du sceau dune université prestigieuse.

Plus que tout, ils dénoncent la sélection en premier cycle. Pour eux, le gouvernement veut fermer la porte à un certaine catégorie détudiant réputée moins intéressante, à cause de leurs résultats scolaires, à cause de leurs lycées dorigine ou en raison de problèmes de comportement passés. Les assurances de M. Devaquet sur le fait que personne ne sera oublié, ne les rassurent quà moitié. Ils craignent que les bacheliers en difficultés dintégration universitaire soient obligés de choisir entre deux mauvaises solutions : la sortie du système éducatif avec le seul baccalauréat autrement dit, le chômage assuré ou du moins un emploi peu intéressant ou une voie de garage guère plus prometteuse du point de vue professionnel.

  • De manière générale, ils craignent que cette loi aboutisse à une université à deux vitesses. Dun côté, une poignée duniversités prestigieuses, délivrant des diplômes bien côtés sur le marché du travail et difficiles daccès. Non seulement pour leur sélection rigoureuse, mais pour leur plus grand éloignement - donc des frais à prévoir - et la tentation des meilleures d'entre elles de prélever des frais dinscription élevés.
  • Dun autre côté, la majorité des universités de petite taille, en province, risque de se retrouver avec des étudiants de niveau plus faible, accentuant le clivage par manque de mixité et perte des meilleurs pédagogues (ce qui renforce le premier effet). Conséquence logique de cette dynamique : les diplômes délivrés par ces universités seront un peu plus dévalorisés aux yeux des employeurs.
  • Ces dernières ne pourraient redorer leur image par des investissements massifs, dont la recherche pose problème dans les régions pauvres. Les universités ainsi mises en concurrence, risquent d'être aussi menacées par des « facs privées » que le système favoriserait.

En dernier lieu, même si cela est peu apparu dans le mouvement, les syndicats étudiants craignent un renforcement du pouvoir des « mandarins », autrement dit des enseignants-chercheurs carriéristes peu intéressés par la problématique étudiante. En effet la loi fixe un seuil de 40 % denseignants dans les conseils mais en autorise plus. Les étudiants redoutent donc une revanche des « mandarins » qui avait partager leur pouvoir en application de la loi Savary ( elle sappliquait déjà !).

LUNEF-ID

LUNEF-ID est en plein bouleversement : la plupart de ses cadres viennent de quitter le PCI à la suite de Jean-Christophe Cambadélis. Ce contexte particulier ne les empêche pas de se préoccuper du projet Devaquet, mais lambiance est morose : comment mobiliser les étudiants en plein été, pendant les vacances universitaires puisque la loi a été validée par le Conseil des ministres au mois de juillet. Aussi le syndicat décide, au moins dans un premier temps, de se lancer dans un travail de lobbying, avec l'objectif d'obtenir de la part des députés des amendements modifiant le texte en profondeur.

Fin août, la tendance majoritaire de lUNEF-ID se réunit en université dété à La Plagne. Ils commencent à constater linefficacité de leurs efforts. Isabelle Martin, une proche du président Philippe Darriulat, appelle même à la grève générale. Mais la proposition semble alors difficile à mettre en place. La direction du syndicat décide donc de renforcer lagitation autour du projet. Le Bureau national multiplie les communiqués notamment lorsque, à partir doctobre, le texte arrive devant le Sénat. En parallèle, il fait monter la pression dans les facultés en faisant circuler un appel/pétition et en lançant une grève davertissement. Pour ce faire, lUNEF-ID base son argumentation sur quatre points expliquant les dangers de la loi Devaquet :

  1. Sélection à lentrée de luniversité et entre les cycles,
  2. Hausse des droits dinscription,
  3. Fin des diplômes nationaux,
  4. Développement des inégalités et concurrence entre les universités.

La grève générale viendra un peu plus tard, largement à linitiative de lUNEF-ID, mais il est intéressant de voir dabord la réaction des autres organisations étudiantes.

Les autres organisations étudiantes

LUNI, la droite universitaire, est naturellement favorable à un projet quelle a largement contribué à faire émerger. De son côté le Collectif des Étudiants Libéraux de France, le CELF, proche de lUDF, est plus réservé mais il ne désire pas faire quelque chose qui puisse gêner le gouvernement. Il se contente donc de contacter les députés et sénateurs UDF afin obtenir des modifications, de toute manière mineures.

LUNEF-SE, de sensibilité communiste, est naturellement opposée à cette loi. Mais elle est empêtrée dans un problème financier, la faillite de sa coopérative dachat (la CAEL). Dautre part, elle fait lanalyse que « la société française glisse à droite ». En conséquence, elle désire définir une base minimum sur laquelle sappuyer dans sa lutte contre la droitisation du pays. Elle consacre donc sa campagne de rentrée à la défense du régime spécifique de sécurité sociale étudiante. De par ce choix, elle entrera dans le mouvement avec un temps de retard ce qui la marginalisera par la suite.

Il existe bien sûr dautres organisations de gauche et dextrême-gauche, notamment le groupe PSA (Pour un syndicalisme autogestionnaire), proche de la CFDT. Mais aucune de ces organisations n'a les reins assez solide pour se lancer seule dans une telle bataille. Localement, ils ont pu jouer un rôle important, voire moteur, mais nationalement, ils en sont réduits à suivre le mouvement en essayant de linfluencer.

Le mouvement étudiant et lycéen

Le début du mouvement

À Dijon, les étudiants commencent à bouger sous limpulsion de lUNEF-ID local. Immédiatement, la présidente dAGE Sylvie Scherer demande à son syndicat détendre le mouvement. Mais la direction nationale préfère rester prudente. Le milieu ne lui semble pas encore prêt pour une grève. Mais peu de temps plus tard, début novembre, luniversité de Villetaneuse (Paris XIII) qui se met en grève, encore une fois sous limpulsion de lUNEF-ID. Rapidement, Isabelle Thomas, militante de lAGE et membre du Bureau national du syndicat, se fait remarquer par la presse. Sa facilité dexpression, son implication précoce dans le mouvement, font delle lune des icônes médiatiques de ce mouvement. Lagitation gagne encore du terrain. Luniversité de Caen rejoint le mouvement. La direction de lUNEF-ID estime alors quil faut tenter quelque chose.

Le 22 novembre 1986, des étudiants venus de toute la France, souvent liés à lUNEF-ID mais, pas exclusivement, se retrouvent à la Sorbonne. Philippe Darriulat le président de lUNEF-ID transforme ce qui devait être les états généraux de lUNEF-ID en états généraux du mouvement. Dans lenthousiasme général, et sous les yeux dune presse nombreuse, les étudiants réunis ce jour la à Paris proclament un mot dordre de grève générale. Le lendemain, à linitiative de la FEN une manifestation est prévue « pour lavenir de la jeunesse et contre la politique scolaire et universitaire du gouvernement ». Cest tout naturellement que les états généraux sy joignent. La manifestation est un succès. Elle réunit au moins 200 000 personnes dont beaucoup détudiants. Elle marque le début du mouvement de 1986.

Un mouvement de masse

Après ce premier succès, les militants retournent dans leurs universités, inquiets, mais décidés à se mobiliser. Rapidement, le mouvement sétend. Il faut dire que le travail de sensibilisation entamé depuis la rentrée par les syndicats étudiants et, la bonne couverture médiatique des événements du week-end du 22 et 23 novembre 1986, ont contribué à préparer le terrain. Dès lors, les manifestations à Paris et en province succèdent aux manifestations. La grève sétend de proche en proche. Dabord issue de facultés sociologiquement plus promptes à se mobiliser, parce que à forte tradition syndicale ou parce que à forte représentation détudiants dorigines modestes donc, se sentant plus menacés par la mise en concurrence des universités et la sélection. Elle sétend à dautres facultés traditionnellement plus calmes, comme les UFR de Droit. Mais, fait marquant du mouvement, il quitte le cadre strictement universitaire pour sétendre aux lycées.

  • Les lycéens sont en effet directement concernés, puisque la sélection doit commencer dès lentrée à lUniversité. En labsence dorganisations propres suffisamment fortes, ce sont les syndicats ou les étudiants qui partent les sensibiliser. Une autre association joue un rôle important dans cette mobilisation : SOS Racisme. Loin de se limiter à lanti-racisme, lassociation dénonce toutes les discriminations. Pour elle, la loi Devaquet, va isoler un peu plus les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés, que ce soit en raison de leur pauvreté, de leur implantation dans une banlieue réputée difficile ou de leur origine étrangère, ou les trois en même temps ! SOS Racisme se lance donc dans la bataille et, à chaque cortège, les petites mains jaunes de lassociation fleurissent. Et ce, notamment après la mort de Malik Oussekine. Les contacts pris à ce moment- entre des lycéens et des étudiants présents à la fois à lUNEF-ID et à SOS Racisme, vont permettre lannée suivante de créer un vrai syndicat lycéen : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne autrement dit la FIDL.
  • Le jeudi 27 novembre est une nouvelle journée de mobilisation : le président de l'Unef ID Philippe Darriulat annonce 500.000 manifestants à Paris et un million[4] dans toute la France[5]. En province, on compte jusqu'à 400 000 manifestants (chiffres du Monde). Le gouvernement ne peut plus ignorer la réalité de la mobilisation. Le lendemain, Jacques Chirac décide de renvoyer le texte en cours de discussions à lAssemblée nationale, et déjà voté par le Sénat devant la commission des affaires culturelles. Loin de calmer le mouvement, celui-ci se renforce.
  • Le 4 décembre[6], ce sont 200 000 personnes[7] selon la police[8], un million selon les organisateurs, qui manifestent à Paris, de la Bastille aux Invalides. La manifestation, se passe dans le calme et la bonne humeur. Mais la elle dégénère après que les étudiants réunis sur l'esplanade des Invalides ont appris l'échec de la rencontre entre la coordination et les ministres. Des étudiants provocateurs sen prennent aux forces de lordre qui réagissent immédiatement. Les CRS répliquent violemment par leffusion de gaz lacrymogène et des tirs tendus. Le gros des manifestants se disperse, empêchant les prises de parole et les concerts prévus (Renaud, Bernard Lavilliers, etc.). Ceux qui ne partent pas, ou qui nen nont pas le temps, font face à la police qui multiplie les charges. Bilan : plusieurs dizaines de blessés de part et d'autre, dont deux manifestants grièvement atteints. Le 5 décembre, ébranlé par la grande manifestation de la veille, le ministre de l'Éducation nationale René Monory, intervient à la télévision. Il annonce qu'il prend le dossier en main et déclare vouloir retirer plusieurs articles contestés.

Organisation de ce mouvement

Rapidement, le mouvement dépasse le strict cadre de lUNEF-ID. Dautres syndicats et des étudiants non syndiqués viennent gonfler les rangs de protestataires. Il faut donc gérer les grèves, tant localement que nationalement. Localement, chaque assemblée générale, sorganise à sa manière. Nationalement, une coordination est mise en place. Elle regroupe des représentants des universités et lycées grévistes. Mais, elle est aussi le lieu saffrontent les différents courants du mouvement. Parmi ceux-ci, on retrouve l'UNEF-ID, mais en ordre dispersé, chaque tendance, la majorité et les différentes minorités, tentant dinfluencer de débat avec lappui dalliés externe au syndicat étudiant. On retrouve aussi les autres syndicats impliqués : UNEF-SE, PSA mais aussi des organisations politiques de jeunesse telle que les JCR, LO et des associations comme SOS Racisme. La coordination parvient tout de même à s'organiser et se dote de structures visant à construire et faire connaître le mouvement. Parmi les responsables, un porte-parole, David Assouline, émerge. Il devient lune des figures de ce mouvement, avec Isabelle Thomas qui a échoué à se faire élire porte-parole (elle appartient à une minorité de l'UNEF-ID, la Sensibilité Villetaneuse).

Rapidement, le gouvernement, ignorant limportance de la mobilisation (ou faignant de la faire), dénonce un mouvement politique. Pour lui, la gauche battue aux législative, cherche à se revancher. Les organisations motrices de la grève et de son extension, sont vues à travers le prisme déformant de leur proximité avec certains partis politique. Alain Devaquet écris dans son livre « LAmibe et létudiant », page 257[1], que les représentants étudiants quil a rencontrés étaient des « "adversaires politique irréductibles" ». Le rôle de la LCR est particulièrement mis en avant. Cela tient dabord à la personnalité de David Assouline militant trotskiste mais, aussi au fait quà lUNEF-ID de Dijon et de Caen, deux des universités initiatrices du mouvement, on trouve des cadres proche de la Ligue communiste révolutionnaire. Plus largement la droite sen prend à lUNEF-ID dans son ensemble, réputée proche du Parti socialiste. Mais aussi à SOS Racisme, association importante notamment chez les lycéens, et à lUNEF-ID de Villetaneuse. encore, elle dénonce linfluence du Parti socialiste. Dans le « Figaro Magazine » Louis Pauwels, va jusqu'à écrire que les jeunes mobilisés et donc manipulés, souffrent de « "sida mental" ».

Face à ses accusations, les étudiants grévistes se proclament apolitiques. Ils mettent en avant la coordination, union trop large pour être accusé dêtre sous influence et demandent aux syndicats de ne pas safficher de manière trop voyante. A lUNEF-ID, le président Philippe Darriulat fait le dos rond. Il accepte de mettre le drapeau de son organisation de côté, tout en gardant sa liberté de parole, et celle de ses militants, dans les médias. Le syndicat se fait donc plus discret dans les manifestations mais continu son travail sur le terrain et dans la presse.

Un mouvement marqué par des violences et la mort de Malik Oussekine

Dans la nuit du 5 au 6 décembre, une nouvelle manifestation tourne mal. Après la dispersion, les voltigeurs motocyclistes font des rondes pour rechercher des « casseurs ». Deux dentre eux, tombent sur un étudiant de l'École supérieure des professions immobilières (ESPI), Malik Oussekine de passage dans le quartier et, semble-t-il, étranger au mouvement. Malgré tout, les policiers le prennent en chasse. Il est violemment passé à tabac dans un hall dimmeuble. Il est transporté inconscient à lhôpital il décède autant suite à ses blessures, quà cause dune déficience rénale inconnue des médecins qui soccupaient de lui. Le 6, Alain Devaquet, désavoué par son ministre de tutelle et choqué par la violence policière, démissionne. Le même jour, une manifestation silencieuse est organisée en mémoire de Malik Oussekine. Elle regroupe 400 000 personnes à Paris, un million dans toute la France. La force de cette mobilisation sexplique bien entendu par le choc créé par la mort dun étudiant. Il exprime aussi un « ras le bol » d'une violence policière qui a caractérisé le mouvement : le ministre de lintérieur, Charles Pasqua et son secrétaire détat Robert Pandraud ont en effet donné des consignes de fermeté aux forces de lordre. Les affrontements en marge des manifestations (notamment après la dispersion officielle), fait de délinquants, ne sont pas séparés par eux de la manifestation elle-même. Robert Pandraud déclare par ailleurs le lendemain de la mort de Malik Oussekine : « Si j'avais un fils sous dialyse, je l'empêcherais d'aller faire le con dans les manifestations ».

Une partie de la violence est aussi le fait de lextrême droite. Le 26 novembre, le Groupe union défense (GUD) envoie des militants attaquer une assemblée générale de grévistes à Jussieu. La trentaine de militants dextrême droite se retire rapidement, mais marque les esprits. Le 27, nouvelle attaque d'agitateurs nationalistes d'Assas, cette fois-ci lors du passage dune manifestation. Lopération est plus sérieuse car les militants sont armés de barres de fer et protégés par des casques de moto. Après quelques affrontements en marge de la manifestation, la bagarre se déplace rue Barra. Elle oppose le GUD à plusieurs étudiants liés à lultra gauche et décidés à en découdre. On se charge à tour de rôle, on se lance des cocktails Molotov, on casse des voitures, bref une bagarre de rue dune grande violence. La police, déjà prise à partie dans l'affaire précédente, tarde pour le coup à intervenir. Il faut plus dune heure avant quelle ne se décide à séparer les adversaires. Ces affrontements marquent le paroxysme de la violence de ces deux mouvances extrêmes, violence qui décline rapidement par la suite.

Le retrait du projet Devaquet et la fin du mouvement

Suite aux manifestations du début du mois de décembre, suite à la mort de Malik Oussekine, suite aussi aux tentatives dunir le mouvement étudiant et lycéen au mouvement social (voir notamment du côté des cheminots), le Premier ministre, Jacques Chirac annonce le 8 décembre le retrait du projet de loi. Il fait savoir en outre, quil accepte la démission dAlain Devaquet. De son côté, René Monory annonce labandon des réformes sur les lycées.

Conséquences

Le mouvement et la politique française

Du point de vue politique, ce mouvement a été loccasion pour le Président le la République, François Mitterrand de reprendre la main. Le 3 décembre, en pleine mobilisation, et alors que le gouvernement se veut ferme, le président conseille à son Premier ministre de retirer le projet Devaquet. Le 9, le lendemain dudit retrait, François Mitterrand invité par Europe 1 se déclare « sur la même longueur donde queux [les étudiants grévistes] » et il ajoute être agréablement étonné par leur « maturité ». Il va même jusqu'à recevoir une délégation de grévistes, le 1er janvier. Plus généralement, ce mouvement est loccasion dun divorce entre une partie de la jeunesse et la droite. Il a donc, en partie, contribué à la réélection de François Mitterrand en 1988.

Portée du mouvement

À la suite du mouvement, les syndicats étudiants et les indépendants qui ont fait l'expérience de la victoire dans l'unité vont décider d'organiser des États généraux. Ces derniers doivent permettre de maintenir l'unité du mouvement étudiant et d'avancer ensemble des propositions concrètes pour réformer l'enseignement supérieur en France. Les États généraux de l'enseignement supérieur se tiendront finalement en mars 1987 à Saint-Denis.

Ce mouvement est lune des plus grandes réussites du mouvement étudiant en France, après celui de mai 1968, tant par son ampleur que par sa victoire finale. Par la suite, il va marquer plusieurs générations de militants étudiants qui y trouvent des raisons de tenter une mobilisation. Il va aussi profondément marquer les esprits du côté des gouvernements successifs qui y voient la force de la jeunesse française lorsquelle se mobilise. En outre, le pouvoir comme les syndicats, vont garder le souvenir de la mort de Malik Oussekine. Son souvenir est encore régulièrement ravivé par les syndicats étudiants. De son côté, la police va désormais faire preuve de plus de retenue dans la répression des débordements, souvent constatés en marge des manifestations, notamment lorsquelles sont étudiantes et lycéennes. Ce mouvement marque aussi limplication de ces derniers dans les mouvements de jeunesse.

L'enthousiasme n'est pas partagé par tous : Louis Pauwels, originaire pour sa part d'une famille modeste, affirme qu'à ne pas sélectionner sur résultats à l'entrée de l'université on ne fait que transférer cette sélection sur les relations familiales à la sortie de celle-ci, opération ne trouvent leur compte ni le bien du pays, ni la justice sociale; il va jusqu'à affirmer que les manifestants ont simplement « tiré les marrons du feu » pour les enfants de la bourgeoisie.

Quelques personnalités liées au mouvement

  • David Assouline, militant étudiant, porte parole de la coordination étudiante contre le projet Devaquet.
  • Jacques Chirac, Premier ministre et, initiateur du projet Devaquet.
  • Philippe Darriulat, président de lUNEF-ID. Il navigue habilement du début à la fin du conflit pour faire de son syndicat une force incontournable de la mobilisation.
  • Alain Devaquet, chercheur, ministre délégué chargé de la recherche et de lenseignement supérieur et auteur du projet de loi.
  • Yves Durand, recteur et conseiller du Premier ministre pour léducation et la recherche. Il est partisan de plus d'autonomie pour les université, notamment en matière de sélection.
  • Jean Foyer, député RPR, partisan dune réforme plus libérale de lenseignement supérieur.
  • François Mitterrand : Président de la République. Il soppose publiquement à son Premier ministre sur la loi Devaquet.
  • René Monory, ministre de lEducation nationale (ministère de tutelle dAlain Devaquet qui nétait que ministre délégué). Il sait garder une certaine distance par rapport au projet Devaquet afin de ne pas être trop impliqué dans son échec.
  • Malik Oussekine, étudiant mort des suites dun passage à tabac par la police.
  • Isabelle Thomas, militante étudiante de lUNEF-ID Villetaneuse. Les médias et son implication dès le début de la grève, font delle lune des figures du conflit.

Notes et références

  1. a et b Devaquet, Alain. – Lamibe et létudiant : université et recherche, létat durgence. – Paris : Odile Jacob, 1988
  2. Discours de politique générale de Jacques Chirac devant lAssemblée nationale, le 9 avril 1986 http://www.premier-ministre.gouv.fr/IMG/doc/Discours_de_politique_generale_de_Jacques_Chirac_2.doc
  3. Dans une interview accorder au Nouvel Observateur des 1319 mars 1987, page 38 - 41
  4. "L'UNEF-ID dans le mouvement", par Cécile Chambraud dans Politix repris par Persée, 1988
  5. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1988_num_1_1_1325
  6. Sujet au 20 heures de TF1 du 4 décembre 1986 présenté par Claude Sérillon, dans les archives télévisées de l'Ina
  7. http://www.ina.fr/notice/voirTouteVideoSimilaire/page/2/disp/liste/dir/desc/idNotice/CAB86034874
  8. http://artsocial.centerblog.net/4.html

Témoignage et documents

  • www.reyo.net/ Témoignage d'un militant de l'UNEF-ID de Grenoble

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Projet de loi Devaquet de Wikipédia en français (auteurs)

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