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Procès de Riom
Le procès de Riom s'est déroulé durant la Seconde Guerre mondiale, dans la ville de Riom.
À l'initiative du régime de Vichy, il avait pour but de juger les responsables politiques de la IIIe République française pour leurs responsabilités dans la défaite de 1940. Ce procès ne fut finalement jamais terminé, les accusés commençant à prouver que c'était l'Armée française (notamment de nombreux dignitaires du nouveau régime) et non les politiques qui étaient responsables.
Sommaire
Les accusés
Plusieurs lois furent instaurées par le régime de Vichy pour pouvoir effectuer des internements administratifs d'anciens responsables politiques. Les accusés furent :
- Léon Blum, ancien président du Conseil du Front populaire ; sa défense obligea le gouvernement à suspendre le procès, mais il fut malgré tout livré aux nazis et déporté en Allemagne.
- Édouard Daladier, ancien ministre de la Guerre et Président du Conseil de 1938 à 1940 ; déporté en mars 43 et libéré seulement en avril 45.
- Paul Reynaud, ancien président du Conseil en 1940 ; le 5 septembre 1940, il est interné au château de Chazeron, puis au fort du Portalet, comme étant l'un des responsables de la défaite. Il est ensuite pris par les Allemands et emprisonné au camp d'Oranienburg en 1942. En 43, il est transféré au château d'Itter dans le Tyrol où il retrouve Daladier, Gamelin et Jouhaux. Il est libéré par les troupes américaines en 1945.
- Georges Mandel, ancien ministre de l'Intérieur ; interné puis remis aux Allemands (nov. 42). (Pendant toute l'Occupation, la presse collaboratrice le dénonça avec acharnement, et après le meurtre de Philippe Henriot par la Résistance, les nazis le livrèrent à la Milice qui l'assassina dans la forêt de Fontainebleau en 1944)
- le général Maurice Gamelin, ancien Chef de l'État-Major ;
- Guy La Chambre, ancien ministre de l'Air ;
- Robert Jacomet, ancien contrôleur général de l'administration des Armées.
Léon Blum, Édouard Daladier et le général Maurice Gamelin furent également détenus au château de Chazeron et au fort du Portalet. Guy La Chambre et Robert Jacomet au château de Bourrassol sur la commune de Ménétrol dans le Puy-de-Dôme.
Les accusations
C'est la Cour suprême de justice, instituée par l'article 2 de l'Acte constitutionnel n°5 du 30 juillet 1940 [1], qui fut chargée de l'instruction. La Cour prit ses fonctions le mois suivant, le 8 août à Riom. Le procès devait « juger les ministres, les anciens ministres ou leurs subordonnés immédiats (...) accusés d'avoir trahi les devoirs de leur charge dans les actes qui ont concouru au passage de l'état de paix à l'état de guerre avant le 4 septembre 1939 et dans ceux qui ont ultérieurement aggravé les conséquences de la situation ainsi créée ». La période des faits jugés par la cour allait de 1936 (qui correspond à l'arrivée du Front populaire au pouvoir) à 1940 (qui correspond à la date à laquelle le Maréchal Pétain se voyait confier les pleins pouvoirs par les deux assemblées réunies en Congrès). L'accusation voulait montrer que les politiques avaient commis de graves fautes, on leur reprochait notamment de ne pas avoir assez bien équipé l'armée. Plusieurs de ces erreurs, se cumulant, auraient été la cause de la défaite française face à l'armée allemande.
Les « crimes » commis ont été définis rétroactivement (c’est-à-dire qu'à l'époque des faits, les crimes prétendument commis n'en étaient pas selon la loi), ce qui est contraire à tous les principes juridiques français et internationaux (contrairement au procès de Nuremberg, dans lequel les accusations avaient déjà une base pénale, dont la gravité a été accrue a posteriori).
En réalité, le procès devait surtout fournir une certaine légitimité au régime de Vichy, en démontrant que la IIIe République était un mauvais système politique, qui avait mené la France à la défaite. Certains membres de l'armée voyaient en ce procès un moyen de rejeter la faute de la rapide défaite française sur d'autres. Et enfin, le régime nazi était trop heureux de démontrer l'inefficacité de la démocratie et de désigner ses responsables politiques comme « fauteurs de guerre » (c'était en effet, la France et non l'Allemagne qui avait déclaré la guerre, lors de l'invasion de la Pologne).
Alors que l'instruction piétine et que la tension monte dans le conflit, notamment après l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne le 22 juin 1941, le maréchal Pétain annonce à la radio qu'il condamnera lui-même les coupables (ce qu'il peut faire après le décret de l'Acte constitutionnel n°7 du 27 janvier 1941 [2]), après avoir écouté l'avis d'un Conseil de justice politique qu'il instaure. Ce nouvel organe rend ses conclusions le 16 octobre 1941. Le maréchal Pétain décide alors :
- d'abandonner les poursuites contre Paul Reynaud et Georges Mandel. Ces derniers seront tout de même incarcérés arbitrairement au fort du Portalet. Ils seront enlevés par les Allemands plus tard, et ne seront pas remis à la France, malgré les protestations officielles du maréchal Pétain pour qui cette « affaire » était du ressort de l'État français et non de l'occupant.
- les cinq autres accusés sont inculpés et condamnés à la détention.
Après que le maréchal Pétain a condamné les responsables politiques, ce sont les hommes, en tant que citoyens, qui seront jugés à Riom (conformément à l'article 4 de l'Acte constitutionnel n°7 qu'il avait décrété). C'est ainsi que le président de la Cour, Caous, précise au début du procès que les accusés sont considérés comme de simple prévenus et que « pour la cour, le procès n'est pas et ne sera jamais un procès politique ». Pourtant, il le sera.
Le procès
L'ouverture du procès qui a finalement lieu le 19 février 1942.
Plus de quatre cents témoins sont appelés à comparaître, nombreux sont des militaires devant prouver que l'armée n'était pas assez équipée et que seuls les responsables sont en cause dans la reddition française. La loi instaurant la semaine de 40 heures de travail fut présentée comme une des fautes des gouvernements de l'ancien régime de la IIIe République (alors qu'elle n'avait jamais été appliquée dans toute sa rigueur). Les congés payés et les nationalisations furent en outre pointés du doigt. La faiblesse dans la répression des « éléments subversifs et révolutionnaires » fut également présentée comme une faute. Autant de raisons, selon Vichy, de condamner les accusés.
Alors que Gamelin se taisait (« Me taire, c'est encore servir », répétait-il) et que La Chambre et Jacomet étaient pour le moins timides dans leur défense, il en alla tout autrement de Daladier et de Blum, lesquels, par leur défense acharnée, furent les véritables vedettes de ce procès. Tous les deux tentèrent de démontrer les incohérences et le manque de précision flagrant des preuves à charges (un témoin passa de 7 000 à 6 000 chars allemands en cinq minutes) et le non-respect des règles de base d'un procès équitable et juste. Ils mêlèrent même le maréchal Pétain aux débats (« aujourd'hui Gambetta serait en prison et Bazaine au gouvernement », déclara Daladier sur le ton de l'ironie). Blum défendit la politique menée durant sa présidence du Conseil (plus gros effort de guerre depuis la Première Guerre mondiale, alors que les gouvernements auxquels participaient Laval et Pétain avaient réduit le budget de l'armée) et même celle des communistes. Il fera notamment référence à Jean-Pierre Timbaud : « J'ai été souvent en bataille avec lui. Seulement, il a été fusillé et il est mort en chantant la Marseillaise... Alors, en ce qui concerne le PCF, je n'ajouterai rien ». Blum note en outre que les gouvernements qui lui ont succédé et qui ont précédé celui de Daladier en 1937-38 ne sont pas concernés, sans doute parce que leur chef s'est rallié à Vichy. Il eut Félix Gouin pour avocat.
Malgré le fait que la question des opérations militaires de septembre 1939 à juin 1940 ne devait pas être abordée durant le procès, l'évolution de ce dernier mit de plus en plus en lumière la vérité, à savoir que la responsabilité de la défaite incombait principalement à la déficience et aux carences manifestes du haut commandement militaire ; et qu'il en allait de même en ce qui concernait le choix de l'armistice du 22 juin 1940 et de la reddition qui s'ensuivit. Présents durant tout le procès, les journaux étrangers relatèrent avec justesse les mots et les faits. La presse française, quant à elle, en parla de moins en moins : les accusateurs se retrouvant accusés, il ne fallait surtout pas mettre dans l'embarras le nouveau régime, ce dernier ayant fait passer des consignes très claires sur la façon dont l'on devait présenter l'affaire.
Adolf Hitler fut exaspéré par la tournure des événements et déclara le 15 mars : « Ce que nous attendions de Riom, c'est une prise de position sur la responsabilité du fait même de la guerre ! ». L'Allemagne fait alors pression sur le régime de Vichy pour mettre fin au procès et tenter ainsi de limiter les dégâts. Le 14 avril, après vingt-quatre audiences, le procès est suspendu pour un « supplément d'information ».
La plaidoirie de Léon Blum, relayée par la presse étrangère, lui valut une grande sympathie auprès des Américains. L'ancien président du Conseil reçoit en 1942 un télégramme pour son anniversaire, signé par Eleanor Roosevelt, l'épouse du Président Roosevelt. Et le 7 décembre, le New York Times titre un article Pour Léon Blum. En 1943, il est déporté à Buchenwald, puis plus tard à Dachau, et sera libéré en 1945.
L'affaire est définitivement clôturée le 21 mai 1943.
Citation
- « Ce procès est une farce typique de la démocratie » (Benito Mussolini).
Références
Filmographie
- Le Procès de Riom (1979) ; Téléfilm du réalisateur et scénariste Henri Calef
Sources
- Henri Michel, Le procès de Riom, édition Albin Michel, Paris, 1979.
- (fr) Il y a cinquante ans Le procès de Riom, article de Jean-Pierre Azéma paru dans le quotidien Le Monde du 17 février 1992
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