Poitiers pendant la seconde guerre mondiale

Poitiers pendant la seconde guerre mondiale

Poitiers pendant la Seconde Guerre mondiale

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Poitiers accueille quelque temps le gouvernement belge en fuite devant l'avance allemande.

Sommaire

La drôle de guerre et la campagne de France

Ville de garnison, Poitiers devient, à la déclaration de guerre, centre de mobilisation. Mais dès l'agitation de la déclaration de guerre passée, la ville retombe dans son calme, loin des zones de front, jusqu'au mois de juin 1940.

Lors de la bataille de France, le gouvernement belge se retrouve obligé de s’installer précipitamment en France : c’est Poitiers qui est choisi et qui accueille les ministres et leurs administrations en fuite le 23 mai. Le gouvernement belge décide le 26 de poursuivre la lutte « quoiqu’il advienne », soutenu par les parlementaires à Limoges, qui votent le 31 la motion refusant la capitulation du roi (intervenue le 28 mai). Un repli sur l’Angleterre est évoqué dès le 14 juin, et a lieu le 18 juin. Poitiers a donc été « capitale de la Belgique » pendant moins d’un mois[1].

Le 19 juin, le bombardement par la Luftwaffe fait 150 morts, avant que la Wehrmacht ne pénètre dans la ville le 23[2].

L'Occupation

Poitiers devient une ville de garnison importante, à proximité de la zone libre et sur un carrefour routier et ferroviaire.

Situation des différentes administrations allemandes :

  • les SS du SD (Service de sécurité) occupent le 13 rue des Écossais ;
  • la Kommandantur 677 est installée rue Boncenne, près du palais de Justice, avec la Gestapo et le tribunal de justice militaire ; ces trois entités occupent 73 maisons au total ;
  • la Feldgendarmerie occupe l'hôtel Jean Beaucé.

Dans le cadre de la réorganisation administrative opérée par Vichy, Poitiers devient la capitale de la « région de Poitiers », qui comprend les départements de la Vienne, la Vendée, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente-Maritime. Les arrondissements de Montmorillon (Vienne) et Confolens (Charente) sont situés en zone libre, et donc hors de sa juridiction, alors que la partie occupée de la Dordogne en relève. Une école régionale d'administration est créée[3].

La collaboration compte peu de personnalités marquantes à Poitiers, d’où finalement un faible engagement des Poitevins. Le 30 avril 1942, Doriot s’adresse à un public de 650 personnes, ce qui est le plus important rassemblement collaborationniste de la guerre[4]. Les effectifs de la police augmentent fortement : toutes branches confondues (police municipale devenue nationale, Intendance de police relevant de la préfecture de région, 22e brigade régionale de Sûreté, et Groupe mobile de réserve), elle compte 482 hommes[5]. Poitiers accueille encore, à la caserne des Dunes, l’école des francs-gardes qui forme les Miliciens de toute la France (200 élèves en 1944)[6]. La Milice de Poitiers compte 264 membres, dont 233 hommes, dirigés par Louis Aussenac. Elle garde les lieux les plus importants et participe aux opérations de répression. Marcel Bordes, chef du RNP, suit le gouvernement de Vichy à Sigmaringen et y est sous-chef de cabinet de la commission gouvernementale en novembre 1944[7].

Le 31 janvier 1944 a lieu une rafle de tous les Juifs de Poitiers, au nombre de 481, avec le concours de la Préfecture[8].

La Résistance

Comme partout en France, elle débute très tôt par des actes isolés, avant de s’organiser. En juin et juillet 1940, les chefs de la gare de Poitiers déroutent vers la zone libre des trains de munitions[9]. Des fils électriques ou téléphoniques sont coupés ; des manifestations patriotiques (hymnes français ou anglais entonnés en présence de l’occupant, V de la victoire ou croix de Lorraine peints sur les murs, drapeaux nazis coupés, défilé au pas de l’oie singé) ont lieu. Le 13 mai 1943, cinq étudiants assassinent Michel Guérin, médecin, et principale figure de la Collaboration. Les étudiants, recrutés par les FTP, sont capturés par la police française mais acquittés par le tribunal d'État de Paris ; rejugés par un tribunal de guerre allemand, Roger Rieckert, Jacques Massias, Jacques Delaunay et Marc Delaunay[10]sont condamnés à mort et fusillés au Mont-Valérien[11] le 6 octobre 1943[10]. Jean Gautier est condamné aux travaux forcés à perpétuité et incarcéré[12].

Le réseau Louis Renard[13] publie le le Libre Poitou [14] d’octobre 1940 à août 1942, avant d’être démantelé par les Allemands, aidés par la police française et le préfet Louis Bourgain[15]. Le PCF entre en Résistance en 1941 et fonde des groupes FTP, qui s’intègrent dans les FFI en juillet 1944. L’Anglaise Lise de Baissac met sur pied le réseau Artist, qui exfiltre les pilotes anglais et récupère les largages d’armes de la RAF[16]. Parmi les principaux résistants poitevins, Renaud de Corta, Paul Guillon et René Poitevin sont faits compagnon de la Libération.

Voir aussi Histoire de la Vienne

Louis Bourgain à Poitiers : [1]

La Libération

La reddition de la colonne allemande emmenée par le général Botho Henning Elster, fait important dans l’histoire de la Libération, s’est déroulée en partie à Issoudun et à Arçay.

En tant que nœud ferroviaire, Poitiers a été bombardé deux fois, en mai 1944 et le 13 juin, faisant 239 morts chez les civils[17]. La gare construite au milieu du XIXe siècle, ainsi que tout le quartier environnant (en fait, toute la vallée de la Boivre) furent détruits. Le cinéma Majestic y fut écrasé également. Quelques bombes tombèrent également sur le quartier du palais de justice. La division SS Das Reich fut ainsi ralentie dans sa remontée vers la Normandie (elle passe à Poitiers les 12 et 13 juin).

Devant l'avance alliée, les Allemands quittent la ville à partir du 23 août, évacuation qui s'achève par le passage de la colonne Elster, comptant 18 000 hommes, par la nationale 10, du 2 au 4 septembre. La Feldgendarmerie (Hôtel Jean Beaucé) est restée plus longtemps pour orienter les troupes allemandes en mouvement.

De Kurzenne, chef des FFI, et le capitaine «François» rencontrent le général Elster, qui après les exécutions sommaire de Bondilly et de Saint-Maurice-la-Clouère, et le massacre du Vigeant promet de ne plus commettre d'exactions.

Poitiers est libéré le mardi 5 septembre 1944 [2] : en fait les Résistants occupent la ville abandonnée des troupes allemandes. Le groupe FTP Noël notamment, venant de Lusignan et de ses environs, commandés par le «colonel» Bernard (de son vrai nom Chêne), entre sous le crachin. Des FFI arrivent de l'Est du département. Au départ, les Poitevins sont peu nombreux à venir les acclamer place d'Armes : une centaine tout au plus. Poitiers connait les mêmes excès que dans le reste du pays : non seulement les bureaux allemands sont pillés et leurs archives brûlées, mais deux miliciennes sont tondues dans les rues, et des employées de l'État dans la cour de la Préfecture. L'hôtel de ville est occupé par le chef du Comité départemental de libération (CDL) René Savatier [3].

Toutefois, les drapeaux français sont retirés dès l'après-midi, une colonne SS en repli passant par Poitiers.

Les Hindous et les Sikhs [4] du 950e régiment ont pillé, violé et brûlé à Poitiers, Archigny, Chauvigny, Bonnes. Dix-neuf Allemands, faits prisonniers par les Résistants du camp de Bourg-Archambault au camp de la Chauvinerie, ont été mitraillés place d'Armes à Poitiers ; cinq d'entre eux meurent sur le coup, plusieurs autres quelques jours plus tard. Pour mettre fin à ces excès de la fin de la guerre, les FFI sont incorporés dans l’armée régulière : le 125e régiment d'infanterie, qui est envoyé réduire les poches de l’Atlantique[18].

Aussitôt, les nouveaux cadres de la République sont nommés : Jean Schuhler comme commissaire du gouvernement pour la région Poitou-Charentes, et Marcel Foy comme secrétaire général pour la Vienne. Le défilé de la Libération a lieu le 10 septembre.

La reconstruction

Le journal Libre Poitou (ancêtre de Centre Presse) paraît dès le 5 septembre, et devient rapidement l'organe officiel du CDL. Successeur du Libre Poitou organe de presse du réseau de résistance Renard, il réquisitionne les installations du Centre-et-Ouest, qui a paru sous l'Occupation. Il n'est pas le seul journal à paraître : La Nouvelle République du Centre-Ouest reprend les locaux de l'ancienne Dépêche du Centre, tandis que Hebdo Maquis devient Hebdo-Poitou, et l'hebdomadaire communiste Le patriote poitevin continuent leur carrière.

Sources

Notes

  1. pour le §, Jean-Henri Calmon, Occupation, Résistance et Libération dans la Vienne en 30 questions, Geste éditions, coll. « 30 questions », Jean-Clément Martin (dir.), La Crèche, 2000, 63 p. (ISBN 2-910919-98-6), p 9-10
  2. Jean-Henri Calmon, op. cit., p 11
  3. pour le §, Jean-Henri Calmon, Occupation, Résistance et Libération dans la Vienne en 30 questions, Geste éditions, coll. « 30 questions », Jean-Clément Martin (dir.), La Crèche, 2000, 63 p. (ISBN 2-910919-98-6), p 14-15
  4. Jean-Henri Calmon, Occupation, Résistance ... p 38
  5. Jean-Henri Calmon, Occupation, Résistance ... p 40
  6. Jean-Henri Calmon, Occupation, Résistance ... p 41-42
  7. Jean-Henri Calmon, op. cit., p 42
  8. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 35
  9. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 44
  10. a  et b http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/spip.php?page=base_liste
  11. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 45-46
  12. http://www.vrid-memorial.com/M-Jean-Gautier.html
  13. Voir aussi le réseau Louis Renard sur le site Vienne Résistance Internement Déportation
  14. Voir aussi le Libre Poitou sur le site Vienne Résistance Internement Déportation
  15. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 46-48
  16. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 51-52
  17. La Wehrmacht a gardé secret le chiffre des pertes militaires
  18. Jean-Henri Calmon, op. cit. p 56
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