- Point d'orgue
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En solfège, on appelle point d'orgue un signe en forme de point surmonté d'un demi-cercle, dont la fonction habituelle est de prolonger la durée de la figure de note ou de silence sur (ou sous) laquelle il est placé, ceci, au gré de l'exécutant. Le point d'orgue produit donc une suspension passagère du tempo. Le terme de point d'orgue fait référence à la capacité de cet instrument de tenir une note sans limitation de durée.
Sommaire
Terminologie
L'origine du mot « point d'orgue » serait une mauvaise traduction du latin punctum organi qui désignait, dans le conduit médiéval, une clausule en organum, c'est-à-dire un passage avec une voix grave (teneur) tenant sa note de manière incommensurable tandis que les autres développent des fioritures en valeurs brèves. Avec les siècles, l'expression s'est mise à désigner la vocalise soliste (sens conservé par point d'orgue jusqu'au XIXe s.) ainsi que la très longue tenue (sens actuel)[1].
- Dans la plupart des langues, point d'orgue se traduit par fermata (ou fermate), terme d'origine italienne (fermare : « tenir »). Dans certaines langues, l'expression « point d'orgue » (en allemand : Orgelpunkt ; en néerlandais : orgelpunt) désigne ce qu'en français on nomme pédale et ne doit surtout pas être confondue avec le point d'orgue.
Point d'arrêt
Le point d'orgue peut être placé sur (ou sous) un silence pour le rallonger de la même manière qu'une note, ou encore sur (ou sous) une barre de mesure (en ce cas il autorise un silence libre entre les sections précédant et suivant ladite barre de mesure) — un tel point d'orgue est aussi appelé point d'arrêt[2].
- Le point d'arrêt peut être exprimé par le signe de forme carrée, tandis que le signe traditionnel rond est réservé au point d'orgue sur une note[3].
Durée
La suspension du mouvement, exprimée par le point d'orgue (ou d'arrêt) est de durée indéterminée[4]. Cette durée est habituellement laissée « au bon goût de l'exécutant[5] », mais dépend aussi du style (cf. infra).
Certains auteurs essaient de quantifier la suspension du mouvement :
- Danhauser remarque qu'elle est « ordinairement égale à [la suspension] d'une mesure entière[6] ».
- Viallon − tout en signalant le caractère « facultatif » − indique que le point d'orgue « augment[e] du tiers ou de la moitié la durée de la note ou du silence sur lequel on le place[7]. »
- D'autres en fixent la « durée approximative [à] 2 fois, 3 fois, voire 4 fois la valeur réelle » [de la note][8].
Usages
- Apparu dès le XIVe siècle, le point d'orgue a d'abord été essentiellement placé sur la dernière note d'une pièce.
- À la Renaissance ainsi qu'à l'époque baroque, le point d'orgue est aussi appelé
- À la même époque, le point d'orgue peut aussi signaler la fin d'un élément canonique. On le voit encore dans l'Art de la fugue de Bach.
- À l'époque baroque, on le trouve sur la dernière note de chaque phrase (« période ») du choral protestant (et notamment dans les versions harmonisées par Bach). L'interprétation de ce point d'orgue a varié : si, dans les années 1950, on avait tendance à le faire durer longtemps, aujourd'hui, en général, les interprètes de musique baroque ne le font presque pas durer plus que la valeur rythmique indiquée.
- Lorsqu'une pièce musicale de structure ABA, est notée avec un « da capo » — par exemple, une aria da capo, précisément — le point d'orgue est souvent employé sur la dernière note — ou le dernier accord — de la section principale (A), pour indiquer la fin du morceau après exécution de la reprise, en lieu et place du traditionnel mot « fine » ou « fin ».
- Dans le répertoire lyrique ou concertant du XVIIIe siècle, et dans une partie confiée à un soliste, un point d'orgue placé sur l'accord de quarte et sixte de cadence — précédant l'ultime reprise orchestrale (le tutti de l’orchestre) — indique la possibilité pour ce soliste, d'improviser une cadence.
Échelles de durées
Au XXe siècle les compositeurs ont souvent voulu différencier des points d'orgue de différentes durées ; sont même apparues des tentatives d'échelles cohérentes de points d'orgue. Voici différentes manières en usage :
- En indiquant la durée par un mot (comme « lunga ») au-dessus ou en dessous du point d'orgue.
- Ainsi on trouve couramment chez Poulenc :
- En indiquant une durée mesurée en secondes.
- Exemples :
- En utilisant des points d'orgue de formes différentes (le point d'orgue carré perdant alors son sens spécifique de point d'arrêt).
- Principales échelles :
-
bref long[12]
-
court moyen long[13]
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de très bref à bref de bref à moyen de moyen à assez long d'assez long à long de long à très long[14]
-
très bref bref moyen assez long long très long le plus long possible[15]
- On peut voir qu'il n'y a pas de consensus sur la question (en particulier, en ce qui concerne la valeur relative des points d'orgue carré et rond).
Respiration
On trouve chez Ohana la combinaison d'un point d'orgue carré et d'une virgule de respiration, surtout placé sur une barre de mesure.
- On peut le comprendre ainsi : respiration–point d'arrêt bref[16].
Informatique
Le point d'orgue est ainsi codé en Unicode :
Logiciels de partitions
Lilypond connaît [2] quatre types de points d'orgue :
Références
- Jacques Chailley et Henri Challan, Théorie de la musique, IIe volume, Paris, Alphonse Leduc, 1951, § 123.
- Adolphe Danhauser, Théorie de la musique, Paris, Henry Lemoine, 1872, § 233.
- Adolphe Danhauser, Théorie de la musique, édition revue et augmentée, Paris, Henry Lemoine, 1994 (ISBN 978-0230922266), chapitre 2, § 3.3. Éléments de théorie indispensables à la pratique instrumentale, Épône, Publications H. Cube, 1993 (ISBN 979-0230960687), § 105.
- Adolphe Danhauser, op. cit. (1872), § 233.
- Jacques Chailley et Henri Challan, Abrégé de la Théorie de la musique, Paris, Alphonse Leduc, 1948, § 16.
- Henri Rabaud en 1929. A. Danhauser, op. cit. (1872), § 233, note de bas de page. Cette remarque disparaît lors de la révision de la Théorie par
- Justinien Viallon, Manuel musical, solfège vocal ou instrumental pour enseignement collectif ou particulier, composé en vue des sociétés orphéoniques, collèges, lycées, pensions, etc., Paris, l'auteur, n.d. [1874], p. 2, étude 1, 8°.
- A. Gruet, Théorie musicale adaptée au “Questionnaire” de L. Donne, Paris, Alphonse Leduc, p. 11, 5°.
- Olivier Trachier, Aide-mémoire du contrepoint du XVIe siècle, Paris, Durand, 1995, tableau 1G.
- Sébastien de Brossard, Dictionnaire de musique, article « Punto », Amsterdam, ca. 1702. [1]
- Heinrich Faber, Compendiolum musicæ pro incipientibus, Leipzig, Wolgang Günther, 1551 ; édition et traduction sous la direction d'Olivier Trachier, Baden-Baden & Bouxwiller, Éditions Valentin Koerner, 2005 (ISBN 3-87320-596-3), p. 80–81.
- Marcel Bitsch et Jean-Paul Holstein, Aide-mémoire musical, Paris, Durand, 1972, tableau 5.
Également : « Le point d'orgue carré est un point d'orgue court. », in Jacques Chailley et Henri Challan, Abrégé de la Théorie de la musique, Paris, Alphonse Leduc, 1948, § 16. - Gardner Read, Music Notation − A Manual of Modern Practice, New York, Taplinger, 1969, p. 108.
- Adolphe Danhauser, op. cit. (1994), chapitre 10, § 3.1, b). Frédéric Durieux, in
- Adolphe Danhauser, op. cit. (1994), chapitre 10, § 3.1, a).
Également donnée par Claude Abromont et Eugène de Montalembert, Guide de la Théorie de la musique, Paris, Fayard – Henry Lemoine, 2001 (ISBN 978-2213613048), p. 148, a).
Frédéric Durieux, in - Ohana semble se servir du point d'orgue carré comme d'un point d'orgue bref, qu'il soit sur une note ou un silence. Par exemple, dans Dies solis (Paris, Jobert, 1983). D'une manière générale,
Voir aussi
Liens internes
- Glossaire théorique et technique de la musique occidentale
- Mesure
- Métronome
- Pulsation
- Représentation des durées
- Rythme (solfège)
- Tempo
- Temps
- Point (signe)
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