Phédon (Platon)

Phédon (Platon)
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La Mort de Socrate par le peintre David (1787), New York, Metropolitan Museum of Art. Socrate s'apprête à boire la ciguë dans sa cellule, au désespoir de ses amis.

Phédon (en grec : Φαίδων / Phaídōn) est un dialogue de Platon qui raconte la mort de Socrate et ses dernières paroles. Le dialogue a dû être composé vers 383 av. J.-C.

On y apprend que Socrate a été condamné à boire son poison létal dès le retour du navire transportant le Deux fois sept[1] : Dans la mythologie grecque, Androgée[2], fils de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé, est assassiné par des Athèniens et des Mégariens à la demande du roi Égée, jaloux de ce qu'il leur a enlevé tous les prix aux Panathénées. Minos, pour venger ce meurtre, s'empare de ces deux villes, les assiège, et oblige les habitants à lui envoyer tous les ans un tribut de sept jeunes garçons et sept jeunes filles qui étaient livrés au Minotaure. Thésée délivre ses compatriotes de ce joug en tuant le Minotaure.
Le dialogue se tient le dernier jour de Socrate. Il est la suite directe de l’Apologie de Socrate et du Criton. Quelques amis ont été autorisés à rendre visite à Socrate dans sa cellule avant qu'il n'avale le poison, suite à sa condamnation à mort. Une discussion s'engage alors sur la mort, et l'attitude qu'il convient d'adopter face à celle-ci, puis sur la possibilité de la survie de l'âme dans l'au-delà. Le dialogue se termine par un mythe eschatologique sur le jugement des âmes après la mort.

Sommaire

Personnages du dialogue

Le dialogue

Prologue

Échécrate demande à Phédon ce que Socrate a dit avant sa mort. Comment est-il mort ? Cet homme, répond Phédon, était manifestement heureux, ferme et noble, comme s'il devait trouver là-bas un bonheur tel que jamais on n'en a connu.

Le suicide et la mort

Socrate raconte l'un de ses rêves : « fais une œuvre, travaille. » Par scrupule religieux, il se fait poète, bien qu'il croie que la philosophie est l'œuvre d'art la plus haute.

Les humains sont assignés à résidence et nul n'a le droit de s'affranchir de ces liens pour s'évader. Les dieux sont nos gardiens et nous sommes le troupeau. Pourtant, pour certaines personnes, il arrive qu'il soit préférable d'être mort que de vivre. Mais il ne faut pas se donner la mort, avant qu'un dieu ne nous envoie un signe. Les philosophes acceptent facilement de mourir.
Mais n'est-il pourtant pas révoltant d'abandonner la protection des meilleurs des maîtres ? Tout cela n'a pas de sens, on ne peut vouloir fuir ce qui est bon : il n'y a que les insensés qui se réjouissent de la mort ! Alors pourquoi des hommes sages comme Socrate iraient-ils loin de maîtres meilleurs qu'eux-mêmes ?
Pour Socrate, la croyance que l'on va rejoindre les dieux et certains morts rend injuste la révolte contre la mort. En effet, pour un homme qui a philosophé toute sa vie, il est raisonnable de penser qu'il obtiendra les plus grands biens après sa mort. Les philosophes s'appliquent donc à bien mourir. Platon pensait qu'il y avait deux mondes : le monde sensible et le monde intelligible. L'âme et le corps se situent dans le monde sensible (un monde fait d'illusions) : le vrai monde est le monde intelligible. En mourant, lorsqu'on est philosophe, notre âme a une chance de regagner le monde intelligible, c'est pourquoi Socrate n'avait pas peur de mourir et était « pressé » de regagner ce monde, seule vraie réalité.

L’âme et le corps

Mais que pensons-nous qu'est la mort ? le corps séparé de l'âme, âme qui n'est plus qu'elle même. C'est pourquoi, le philosophe ne prend pas au sérieux les plaisirs du corps, il s'en éloigne pour se tourner vers l'âme en tendant vers un état proche de la mort. Quand nous pensons, le corps devient un obstacle : il nous trompe dans la recherche de la vérité, et c'est pourquoi l'âme tente de s'en détacher pour saisir réellement les choses. Elle aspire à s'évader, à parvenir à ce qui est véritablement.
Tant que nous avons un corps, nous sommes esclaves des maladies, de la peur, et des appétits qui suscitent la guerre, la révolution et tous les conflits. Le corps nous prive de notre liberté, il nous prive de la philosophie : il introduit dans nos pensées le tumulte et la confusion. Aussi, tant que nous vivons, en attendant que le dieu nous délie, nous devons nous efforcer de ne pas être contaminés par lui. En conséquence, pour un homme qui s'exerce à vivre proche de la mort, il n'y a aucune raison de se révolter : philosopher, c'est s'exercer à mourir : « les philosophes sont joyeux de s'en aller vers les lieux de leur espoir et de rencontrer ce dont ils sont amoureux : la pensée. »
Un homme qui se révolte parce qu'il va mourir est un quelconque ami du corps, non un ami de la pensée et du savoir.

Notre âme existe-t-elle après la mort ?

Cébès objecte alors à Socrate que l'on peut craindre que l'âme ne subsiste pas une fois séparée du corps. Socrate rappelle l'ancienne tradition égyptienne selon laquelle les âmes existent là-bas, puis reviennent, les vivants provenant des morts. Il s'agit des mêmes principes présentés dans le mythe d'Er le Pamphylien, Livre X de La République. Ainsi, pour toute chose qui a un contraire, ce contraire doit venir de son contraire. Il y a un double devenir, les vivants venant des morts. Les choses en devenir s'équilibrent comme en opérant un parcours circulaire. Si le devenir allait en ligne droite, sans revenir à l'opposé, toutes choses se confondraient sous la même qualité : « ensemble sont toutes choses », dit Anaxagore. Tout se perdrait dans la mort.

L'âme harmonie

Simmias n'est pas convaincu par le raisonnement de Socrate selon lequel le corps serait plus apte à se désagréger et à disparaitre que l'âme en vertu de son appartenance au monde matériel (l'âme appartient au monde des Idées). Il entreprend donc une démonstration par l'absurde à l'aide d'une comparaison : il compare l'âme à une harmonie musicale et le corps à la lyre et aux cordes qui l'ont produite. Il constate alors que lorsque l'instrument est détruit l'harmonie meurt, tandis que selon le raisonnement de Socrate elle devrait subsister ; l'harmonie est bien plus similaire à l'âme du monde intelligible qu'au corps du monde physique.

Ici et là-bas

Socrate expose le mythe géographique et eschatologique de la destinée des âmes, jugées aux Enfers. Platon insiste par deux fois sur un jeu de mots entre la phonétique de Hadès et du mot aidès α-εἰδής / a-widếs (du verbe εἴδω / eídô, qui signifie invisible, parlant du lieu pareil à elle-même, vers où s'élance l'âme[7]

  • La terre ici
  • La terre là-bas
  • Le jugement des morts
  • Conclusion

Mort de Socrate

Le dieu Asklépios (copie romaine d'un original grec du Ve siècle av. J.-C.).

« Ce que vous ensevelissez, ce ne sera que mon corps. » Il n'y a rien à gagner à se cramponner à la vie, il serait ridicule de ne pas mourir maintenant. Socrate boit le poison, ses amis pleurent. « Criton, nous devons un coq à Asklépios. Payez cette dette, ne la négligez pas » Socrate meurt sur ces paroles, rappelant la fin non naturelle, non commanditée par les dieux du philosophe. Se voyant mourir sans laisser de chance à Asclépios, dieu de la médecine, il commande à Criton de lui faire une offrande pour se faire pardonner.

« Voilà, Échécrate, ce que fut la fin de notre ami, d'un homme dont nous pouvons dire que, parmi tous ceux qu'il nous a été donné de connaître, il fut le meilleur, le plus sensé aussi et le plus juste. »

Dialogues autour de la condamnation de Socrate

  • Théétète : Socrate, à la fin du dialogue, doit se rendre au portique de l'Archonte-roi qui juge les affaires de religion ;
  • Euthyphron : dialogue près du Portique royal, juste avant le passage de Socrate devant l'Archonte-roi ;
  • Apologie de Socrate : procès, discours et condamnation de Socrate ;
  • Criton : Socrate, en prison, refuse de s'évader ;
  • Phédon : exécution de Socrate.

Théorie des Idées

Dans ce dialogue, Platon s'affranchit davantage de Socrate et fonde sa propre philosophie (sans le dire). En particulier il avance pour la première fois la théorie des Idées (Phédon, 78c-79d, trad. Guillermit).


a) Il y a deux mondes ou plutôt deux niveaux de l'être : "Posons qu'il y a deux espèces d'être, l'un visible, l'autre invisible. Posons également que celui qui est invisible garde toujours son identité, tandis que celui qui est visible ne la garde jamais."
b) Le monde invisible, appréhendé uniquement par l'esprit (intelligible, et non pas sensible, connu par les sens) est constitué par les Idées, à la fois principes de réalité et principes de connaissance : éternels, immuables, purs, en soi. Les choses prennent leur nom et leur consistance de leur "participation" à l'Idée correspondante : une chose est belle par sa participation à l'idée de Beau.
c) Le monde des Idées (Formes) a ses prototypes : "l'Égal en soi, le Beau en soi", mais aussi le Bon, le Juste, le Saint.
d) L'âme est de la nature des Idées. "L'âme est plus semblable à l'invisible que le corps, et le corps plus semblable au visible."
e) Le philosophe tend de tout son être vers le monde des Idées. "Quand elle examine en elle-même et pour elle-même, [l'âme] se dirige vers ce qui est pur, éternel, immortel, toujours identique à soi... Le contact avec cette réalité fait qu'elle demeure toujours identique à elle-même : c'est cet état de l'âme qui se nomme : pensée."
f) Ainsi, la bonne méthode consiste à remonter des choses sensibles aux Idées intelligibles, par exemple d'une chose belle à l'Idée de Beau.

Références

  1. l'expression est déjà présente chez Bacchylide (XVI, v.1-4)
  2. (en grec ancien Ἀνδρόγεως / Andrógeôs)
  3. Bien que cité à différentes reprises par Platon, on ne sait pas grand-chose de lui, à part qu'il est issu d'une famille relativement aisée. Il apparaît en adolescent dans le Lysis comme ami de ce dernier, ainsi que dans le Phédon.
  4. philosophe disciple de Socrate, cité plusieurs fois par Xénophon dans les Mémorables de Socrate, que Xénophon représente comme un ami dévoué et un serviteur fidèle, recommandé par Socrate à ses amis et digne de toute leur confiance
  5. Suivant les informations du philosophe Cléarque de Soles, Terpsion fut le maître de Archestrate. Terpsion fut le premier penseur à composer des préceptes diététiques
  6. Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] [lire en ligne], Deipnosophistes, livre VIII, 337b.
  7. Phédon(80d), Cratyle(404b), Gorgias(493b)

Œuvres sur la mort de Socrate

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Platon, Œuvres complètes, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade, 2 vol., n°58 et 64), Paris, 1970-1971 ;
  • Platon, Œuvres complètes. Phédon, édition de Léon Robin, Belles Lettres (CUF), Paris, 1970 ;
  • Platon, Œuvres complètes, Flammarion, sous la direction de Luc Brisson, Paris, 2008 ;

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Phédon (Platon) de Wikipédia en français (auteurs)

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