- Oedème de Quincke
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Œdème de Quincke
L'angio-œdème, connu aussi sous le nom d’œdème de Quincke et l’ancien terme œdème angioneurotique, est le gonflement (œdème) rapide de la peau, des muqueuses et des tissus sous-muqueux. En dehors de la forme courante, due à une allergie, il a été observé parmi les effets indésirables de certains médicaments, et notamment les IEC (Inhibiteur de l'enzyme de conversion).
Par ailleurs, il existe une forme héréditaire, due au déficit en C1-Inhibiteur de la protéine sanguine. Cette forme est appelée « angio-œdème héréditaire » (« AOH »), qui est due au déficit en inhibiteur de la C1-estérase. Il est parfois appelé par le terme désuet « œdème angioneurotique héréditaire » (OANH), car on supposait qu’il était purement lié au stress suscité par un traumatisme émotionnel et / ou des névroses. Cette image imprécise de l’AOH a conduit de nombreux malades à être qualifiés à tort d’instables mentaux ; on refusait souvent de traiter leurs symptômes qui étaient atrocement douloureux, notamment en cas de gonflement à l’intérieur de l’appareil gastro-intestinal, de la vessie et des organes reproducteurs. La médecine moderne a depuis lors discrédité cette théorie, retirant ainsi le terme « neurotique » de son nom.
Les cas où l’angio-œdème progresse rapidement doivent être traités comme des urgences médicales étant donné qu’une obstruction des voies aériennes et une suffocation peuvent se produire. Un traitement rapide par l’adrénaline, souvent avec un Epi-pen, peut sauver la vie.
Sommaire
Historique
Le Dr Heinrich Quincke a décrit pour la première fois le tableau clinique de l’angio-œdème en 1882. Sir William Osler a remarqué en 1888 que certains cas pouvaient avoir une base héréditaire ; il a donc inventé le terme « œdème angio-neurotique héréditaire ».
Signes et symptômes
La peau du visage, normalement autour de la bouche et la muqueuse buccale et / ou la gorge, ainsi que la langue enflent pendant quelques minutes ou plusieurs heures. Le gonflement peut aussi se produire ailleurs, généralement sur les mains. Parfois, le patient a été exposé récemment à un allergène (par ex. cacahuètes), et un urticaire se développe simultanément ; mais bien souvent, l’origine est idiopathique (inconnue). Le gonflement peut provoquer une démangeaison. Il peut aussi y avoir une légère diminution des sensations dans les zones touchées, en raison de la compression des nerfs.
Dans les cas graves, un stridor des voies aériennes se produit, avec des halètements à l’inspiration et une baisse des taux d’oxygène. Une intubation trachéale et un traitement rapide par adrénaline et antihistaminiques est nécessaire dans ces cas-là.
Dans l’angio-œdème héréditaire, il n’existe souvent aucune cause directe identifiable, bien que des traumatismes légers et autres stimuli puissent être à l’origine des crises. Généralement, aucune démangeaison ni urticaire n’est associée aux crises, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une réaction allergique. Les patients avec AOH peuvent avoir des épisodes récurrents (souvent appelés 'crises') de gonflement interne, provoquant des douleurs abdominales graves, habituellement accompagnées d’intenses vomissements, de faiblesses, et dans certains cas de diarrhée aqueuse, et d’un rash cutané, non prurigineux, en forme de tache / de tourbillon. Les crises gastriques peuvent durer de 1 à 5 jours en moyenne, et peuvent nécessiter une hospitalisation pour une prise en charge efficace de la douleur et hydratation. Les crises abdominales sont connues pour provoquer une augmentation significative de la numération leucocytaire des patients, habituellement de l’ordre de 13-30,000. A mesure que les symptômes commencent à régresser, la numération commence elle aussi à diminuer lentement, se normalisant dès lors que la crise cède.
L’AOH provoque aussi un gonflement à divers autres endroits, la plupart du temps, au niveau des membres, des parties génitales, du cou, de la gorge et du visage. La douleur associée à ces gonflements varie de désagréable à atroce, en fonction de la localisation et de la sévérité.
Diagnostic
Le diagnostic est établi sur la base du tableau clinique. Lorsque le patient a été stabilisé, les taux du complément, et notamment C1-Inhibiteur et déplétion des facteurs du complément 2 et 4, peuvent indiquer la présence d’un angio-œdème héréditaire (voir ci-dessous).
Comme plusieurs années peuvent s’écouler sans que l’AOH ne soit diagnostiqué chez la plupart des personnes qui en souffrent, et avec de nombreux diagnostics erronés, la chirurgie abdominale inutile est courante. Les médecins perplexes effectuent souvent une laparoscopie exploratrice et dans de rares cas, l’ablation d’une section de l’intestin.
Physiopathologie
La voie courante finale pour le développement de l’angio-œdème semble être l’activation de la voie de la bradykinine. Ce peptide est un puissant vasodilatateur, entraînant une accumulation rapide de fluide dans l’interstitium. Ceci est le plus évident sur le visage, où la peau a relativement peu de tissu conjonctif de soutien et l’œdème se développe facilement. La bradykinine est libérée par différents types de cellules, en réponse à de nombreux stimuli différents ; c’est aussi un médiateur de la douleur.
Divers mécanismes interférant avec la production ou la dégradation de la bradykinine peuvent induire un angio-œdème. Les IEC bloquent la fonction de la kininase II, l’enzyme qui dégrade la bradykinine. Dans l’angio-œdème héréditaire, la formation de bradykinine est provoquée par l’activation continue du système du complément due à un déficit en l’un de ses principaux inhibiteurs, l’inhibiteur de la C1 estérase (C1INH), et la production continue de kallikréine, un autre processus inhibé par C1INH. Cet inhibiteur de protéases à sérine (serpin) inhibe normalement la conversion de C1 à C1r et C1s, qui – à son tour – active d’autres protéines du système du complément. En outre, il inhibe diverses protéines de la cascade de coagulation, bien que les effets de son déficit sur le développement de l’hémorragie et de la thrombose semblent être limités.
Il existe trois types d’angio-œdème héréditaire :
- Type 1 – taux réduits de C1INH (85%);
- Type 2 – taux normaux de C1INH mais fonction réduite (15%);
- Type 3 – anomalie non détectable de C1INH, survient dans un mode dominant lié à X, affectant en conséquence essentiellement les femmes ; il peut être exacerbé par la grossesse et l’utilisation de contraceptifs oraux (initialement décrit par Bork et al en 2000, fréquence exacte incertaine);
L’angio-œdème peut être dû à la formation d’anticorps contre C1INH ; c’est ce que l’on appelle une affection auto-immune. Cet « angio-œdème acquis » est associé au développement d’un lymphome.
La consommation d’aliments qui sont eux-mêmes des vasodilatateurs tels que les boissons alcoolisées ou la cannelle peut accroître la probabilité d’un épisode d’angio-œdème chez les patients prédisposés. Si la crise se produit après la consommation de ces aliments, son apparition peut être retardée du jour au lendemain ou de quelques heures, rendant la corrélation avec leur consommation plus difficile.
L’utilisation d’ibuprofène ou d’aspirine peut accroître la probabilité de crise chez certains patients. L’utilisation de paracétamol entraîne une augmentation certes plus réduite mais réelle de la probabilité de crise.
Traitement
Traitement de la crise
L'œdème de Quincke peut être grave car il peut évoluer rapidement vers une obstruction des voies respiratoires due à l'œdème laryngé et vers un état de choc anaphylactique.
La traitement de la crise est urgent et nécessite l'association d'adrénaline (en intramusculaire ou perlinguale) et de corticoïde en intramusculaire ou intraveineux. Un transport médicalisé pour une surveillance hospitalière est nécessaire même en cas de franche amélioration car une réaggravation est possible[1]. En l'absence de signe de gravité, le traitement consiste en l'administration d'antihistaminiques et de corticoïdes[2]..
La diphenydramine (Benadryl) fait également partie du traitement d'urgence[réf. nécessaire].
Dans le cas particulier de l'œdème angioneurotique héréditaire par déficit en C1-inhibiteur, souvent accompagné de douleurs abdominales aiguës, le traitement consiste en une perfusion de concentré de C1-INH associé à de l'Exacyl per os[1].
Traitement préventif
Dans le cas de l’angio-œdème allergique, l’absence d’exposition à l’allergène et l’utilisation d’antihistaminiques sont susceptibles de prévenir les crises futures. La cétirizine, commercialisée sous le nom de Zyrtec ou Reactine, est un antihistaminique couramment prescrit en cas d’angio-œdème. Les cas d’angio-œdème sévères peuvent nécessiter une désensibilisation à l’allergène putatif, compte tenu du risque de mortalité. Les cas chroniques nécessitent une thérapie par stéroïdes, entraînant généralement une bonne réponse.
En cas d’utilisation d’un inhibiteur de l’ECA, le médicament doit être arrêté et tous les médicaments similaires doivent être évités. Un débat controversé traite du fait de savoir si les antagonistes du récepteur de l’angiotensine II peuvent être utilisés en toute sécurité chez les patients ayant eu des crises antérieures d’angio-œdème.
Dans le cas de l’angio-œdème héréditaire, il convient d’éviter éventuellement à l’avenir les stimuli spécifiques qui ont préalablement déclenché les crises. Les cas graves reçoivent un traitement de substitution par l’inhibiteur de la C1-estérase (comme décrit par Waytes et al 1996) qui est approuvé dans certains pays, tel que le Berinert P, tandis que le danazol (un androgène) soulage quelque peu les symptômes. Le concentré de C1inh n’est pas disponible aux États-Unis, donc on utilise parfois du plasma frais congelé. Le concentré de C1inh est actuellement en dernière phase de développement, pour l’utilisation en cas de crise aiguë et en prévention [1] et lors d’une étude aiguë [2]. DX-88 est un inhibiteur de la kallikréine en développement comme médicament orphelin pour l’angio-œdème héréditaire [3]. L’icatibant est un antagoniste sélectif du récepteur de la bradikinine, qui doit être commercialisé à titre de médicament orphelin pour l’angio-œdème héréditaire par Jerini AG, une entreprise pharmaceutique allemande. Pharming, une société néerlandaise de biotechnologie développe un inhibiteur C1 recombinant pour les crises aiguës d’angio-œdème héréditaire. Le produit rhC1INH de Pharming et l’icatibant de Jerini sont actuellement au stade III du développement et bénéficient du statut de médicament orphelin aux Etats-Unis et en Europe.
Dans les types I et II d’angio-œdème acquis, et d’angio-œdème non histaminergique, les antifibrinolytiques tels que l’acide tranexamique ou l’acide ε-aminocaproïque peuvent être efficaces.
Références
- Bork K, Barnstedt SE, Koch P, Traupe H. Hereditary angioedema with normal C1-inhibitor activity in women. Lancet 2000;356:213-7. PMID 10963200.
- Osler W. Hereditary angio-neurotic oedema. Am J Med Sci 1888;95:362-67.
- Quincke H. Concerning the acute localized oedema of the skin. Monatsh Prakt Derm 1882;1:129-131.
- Waytes AT, Rosen FS, Frank MM. Treatment of hereditary angioedema with a vapor-heated C1 inhibitor concentrate. N Engl J Med 1996;334:1630-4. PMID 8628358.
Notes et références
- ↑ a et b Œdème de Quincke, www.esculape.com
- ↑ Angio-œdème (œdème de Quincke), www.therapeutique-dermatologique.org
Voir aussi
Articles connexes
- urticaire
- œdème du pharynx
- allergie cutanée
- liste des principaux allergènes
Liens externes
- Article sur l'œdème de Quincke sur www.dermaptene.com
- Emedicine article sur l’angio-œdème
- (en) L'inhibiteur de la C1 estérase
- (en) Angio-œdème héréditaire types 1 et 2
- (en) Angio-œdème héréditaire type 3
- (en)US Hereditary Angioedema Association
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