Méthanisation

Méthanisation
Page d'aide sur l'homonymie Ne doit pas être confondue avec la méthanation, procédé industriel de conversion catalytique de l'hydrogène et du monoxyde de carbone en méthane.
Digesteurs anaérobies : Tel-Aviv (Israel)

La méthanisation (ou digestion anaérobie) est le processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d'oxygène. Il se retrouve dans les sédiments, les marais, les rizières, ainsi que dans le tractus digestif de certains animaux : insectes (termites) ou vertébrés (ruminants…). La matière organique dégradée se retrouve principalement sous la forme de biogaz (à plus de 90 %). Le reste est utilisé pour la croissance et la maintenance des micro-organismes. On peut affirmer que « La domestication de la méthanisation, processus microbiologique naturel, permet de produire de l'énergie sous forme de méthane à partir d'éléments polluants. »[1] L'homme cherche à comprendre le phénomène, à le domestiquer pour le faire fonctionner plus vite en vue de répondre à des besoins spécifiques comme la transformation de la matière organique des déchets (solides ou liquides) en vue de produire de l'énergie.

La méthanisation joue un rôle important dans le cycle du carbone et pourrait contribuer aux modifications climatiques. Les grandes quantités de méthane présentes sous forme d'hydrate de méthane dans les pergélisols et dans les sédiments marins, pourraient si elles étaient relarguées brutalement accélérer le réchauffement climatique.

Sommaire

Approche théorique et scientifique

Processus biologique

La méthanisation est assurée grâce à l’action concertée de microorganismes appartenant à différentes populations microbiennes en interaction constituant un réseau trophique. On distingue classiquement trois phases successives[2] :

Schéma de la chaîne trophique de la méthanogenèse et ses différentes étapes

L'hydrolyse et l’acidogenèse

La matière organique complexe est tout d'abord hydrolysée en molécules simples. Cette décomposition est réalisée par des enzymes exocellulaires et peut devenir l'étape limitante dans le cas de composés difficilement hydrolysables tels que la cellulose, l'amidon ou les graisses. Ensuite, ces substrats sont utilisés lors de l'étape d'acidogenèse par les espèces microbiennes dites acidogènes, qui vont produire des alcools et des acides organiques, ainsi que de l'hydrogène et du dioxyde de carbone.

L’acétogenèse

L'étape d'acétogenèse permet la transformation des divers composés issus de la phase précédente en précurseurs directs du méthane : l’acétate, le dioxyde de carbone et l’hydrogène. On distingue deux groupes de bactéries acétogènes :

  • Les bactéries productrices obligées d’hydrogène, anaérobies strictes, également appelées OHPA (« Obligate Hydrogen Producing Acetogens »). Elles sont capables de produire de l’acétate et de l’H2 à partir des métabolites réduits issus de l’acidogenèse tels que le propionate et le butyrate. L’accumulation d’hydrogène conduit à l’arrêt de l’acétogenèse par les bactéries OHPA. Ceci implique la nécessité d’une élimination constante de l’hydrogène produit. Cette élimination peut être réalisée grâce à l’association syntrophique de ces bactéries avec des microorganismes hydrogénotrophes.
  • Les bactéries acétogènes non syntrophes dont le métabolisme est majoritairement orienté vers la production d’acétate. Elles se développent dans les milieux riches en dioxyde de carbone. Les bactéries « homo-acétogènes » font partie de ce groupe, elles utilisent l’hydrogène et le dioxyde de carbone pour produire de l'acétate. Elles ne semblent pas entrer en compétition pour l’hydrogène avec les Archaea méthanogènes hydrogénotrophes et sont présentes en quantité beaucoup plus faible dans les biotopes anaérobies.

La méthanogenèse

Article détaillé : méthanogenèse.

La méthanogenèse est assurée par des micro-organismes anaérobies stricts qui appartiennent au domaine des Archaea . Cette dernière étape aboutit à la production de méthane. Elle est réalisée par deux voies possibles : l'une à partir de l'hydrogène et du dioxyde de carbone par les espèces dites hydrogénotrophes, et l'autre à partir de l'acétate par les espèces acétotrophes (dites aussi acétoclastes). Leur taux de croissance est plus faible que celui des bactéries acidogènes.

CO2 + 4 H2CH4 + 2 H2O.
CH3COOHCH4 + CO2.

Conditions physico-chimiques

La méthanisation est un processus biologique complexe qui nécessite la mise en place de certaines conditions physico-chimiques pour lesquelles la réaction biologique est optimisée. Les Archaea méthanogènes sont des organismes anaérobies stricts. Elles se développent de façon satisfaisante lorsque le potentiel d'oxydo-réduction par rapport à l'électrode normale à l'hydrogène (Eh) du milieu est très bas (-300 mV).

Conditions de température

régime mésophile

La méthanisation a généralement lieu en régime mésophile (30 à 40 °C).

régime thermophile

Le régime thermophile se passe entre 45 à 60 °C, dans une gamme de pH comprise entre 6 et 8 avec un optimum entre 6,5 et 7,2.

Conditions de milieu physico-chimique

Les Archaea méthanogènes ont des besoins en oligo-éléments particuliers comme le fer, le molybdène, le nickel, le magnésium, le cobalt, le cuivre, le tungstène et le sélénium. La pression partielle d'hydrogène doit rester en dessous de 10-4 bar en phase gazeuse.

Utilisations pratiques

Méthanisation et dépollution

La méthanisation, en tant que bioprocédé, peut être mise en œuvre dans un appareil digesteur, pour dépolluer des rejets chargés en matière organique tout en produisant de l'énergie sous forme de méthane. La méthanisation permet de traiter des rejets aussi divers que les eaux usées, les boues de stations d’épuration, les déjections animales, les déchets de l’industrie agro-alimentaire, les ordures ménagères, les déchets agricoles, etc.

La méthanisation avec valorisation du biogaz produit (production d'énergie thermique et/ou électrique par combustion directe du méthane ou dans des moteurs thermiques) a toute sa place parmi l'ensemble des diverses solutions de production d'énergie renouvelable en permettant d'atteindre deux objectifs complémentaires : produire de l’énergie tout en réduisant la charge polluante des déchets et des effluents organiques et également, selon la nature du produit de départ, produire un digestat stabilisé utilisable comme fertilisant ou amendement organique.

Aujourd’hui les principales applications industrielles bénéficiant des apports de la méthanisation pour le traitement de leurs rejets sont identifiées par l’Agence gouvernementale De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) comme étant : la digestion agricole (déjections animales), la digestion des déchets solides ménagers et assimilés (biodéchets), la digestion des boues d'épuration urbaines et la digestion des effluents industriels. Concernant ce dernier domaine d’application, la méthanisation est un traitement très compétitif par rapport à l’épuration aérobie. Elle est appliquée principalement pour traiter les effluents des industries agroalimentaires fortement chargés et les effluents de la fermentation (75 % des digesteurs à forte charge en opération en 2006).

L'utilisation du méthane, produit à partir de la méthanisation des boues de station d'épuration, pour le fonctionnement des bus urbains connaît un essor important dans certaine ville de France comme Lille. L'amélioration et la réduction des coûts des techniques de séparation membranaires des gaz devraient permettre d'envisager la possibilité d'une purification du biogaz sur le site de production.

Méthanisation d'effluents liquides

La méthanisation permet de traiter les effluents liquides, même lorsqu'ils sont chargés en matière en suspension. C'est par exemple le cas des effluents d'élevage (lisiers), et des boues de stations d'épuration (STEP) (souvent des boues mixtes qui rassemblent les boues primaires et les boues biologiques). La méthanisation est également largement appliquée aux traitement des effluents agro-alimentaires[3]. Ces matières de base dont on dispose en général de façon régulière peuvent être complétées de divers déchets organiques, et en particulier de graisses dont le pouvoir méthanogène est fort (issues par exemple d'abattoirs, ou du prétraitement des stations d'épuration). L'état liquide du mélange permet un brassage pour obtenir une bonne homogénéité de la matière et de la température.

La méthanisation des effluents s'est appuyée sur le développement des procédés granulaires (UASB, EGSB) dans lesquels la biomasse anaérobie est structuré en agrégats très denses, les granules[4].

Méthanisation des déchets solides

La méthanisation des déchets solides s'applique à la plupart des déchets organiques. Cette technique s'applique à la fraction fermentescible des déchets qui doit être triée et recueillie par une collecte séparative, avant d'être méthanisée. Selon la provenance, on distingue différents types de déchets :

  • Municipaux : déchets alimentaires, journaux, emballages, textiles, déchets verts, sous-produits de l'assainissement urbain ;
  • Industriels : boues des industries agroalimentaires, déchets de transformation des industries végétales et animales, fraction fermentescible des déchets industriels banals (DIB) ;
  • Agricoles : déjections d'animaux, substrats végétaux solides, bois déchiquetés, ...
  • Littoraux : algues vertes

On parle généralement de méthanisation solide lorsque les déchets à digérer ont un taux de matière sèche au-dessus de 15 à 20 %.

Rendements

Le belge Greenwatt aurait réussi en 2010 à doper les volumes produits par une installation industrielle de biogaz avec un rendement supérieur aux résultats de référence obtenus en laboratoire, »[5], en faisant effectuer les deux grandes réactions biochimiques du processus de méthanisation dans deux réacteurs différents, réunis par une boucle de recirculation permettant à toute la matière organique d'être méthanisée. Ce type d'installation dite « méthanisation bi-étagée » permet de traiter 4 000 et 40 000 t/an d'effluents de type agroalimentaires. Une première unité française est prévue dans le Tarn et Garonne.

Aides publiques à la méthanisation

En France, l'Ademe et les régions aident la méthanisation depuis plusieurs années.
En 2011, suite au Grenelle de l'environnement et des lois Grenelle (23 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique de la France en 2020, soit une puissance électrique installée de 625 MW en 2020 et une production de chaleur de 555 tonnes équivalent pétrole par an), le tarif d'achat de l'électricité produite par méthanisation a été relevé (+ 20 % en moyenne) pour les « petites et moyennes installations agricoles » (équivalent, selon le gouvernement à un soutien de 300 millions €/an) en complément des aides de l'ADEME, des collectivités et du ministère de l’Agriculture. La méthanisation est maintenant reconnue comme « activité agricole » par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), et l'injection de biogaz est autorisé dans les réseaux publics de gaz naturel».

Réalisations industrielles

Applications agricole

La méthanisation "à la ferme" est très peu développée en France, contrairement à l'Allemagne : seule une dizaine de petites installations sont en service en 2009. Les récents développements de l'affaire des algues vertes montre que cette biomasse peut être traitée en méthaniseurs et valorisée. Pourtant, la méthanisation est considérée comme activité agricole maintenant[6].

Gisement de déchets

Le gisement de déchets agricoles est important :

  • déjections animales,
  • résidus de cultures,
  • les biodéchets d'industries agro-alimentaires,
  • les cultures destinées à l'alimentation du bétail,
Application agricole d'un digesteur d'ensilage de Maïs situé près de Neumünster en Allemagne (2007). Un réservoir de biogaz (en vert) est placé sur le sommet du digesteur

Méthanisation à la ferme Plusieurs modèles sont proposés :

  • modèle allemand,
  • modèle danois,
  • quel modèle en France ?

Applications municipales

Depuis une trentaine d’années, les installations industrielles traitant ce type de déchet ont montré leur rentabilité économique. Selon leur provenance, les déchets non-triés à la source doivent subir un prétraitement (tri mécano-biologique) tel que : séparation, triage, réduction de la taille par broyage, criblage par la taille ou pasteurisation.

Fin 2002, 78 unités industrielles de méthanisation de déchets ménagers et assimilés étaient en service en Europe pour une capacité de traitement de 2,3 millions de tonnes de déchets par an. Les nouvelles capacités installées en 2002 s'élèvent à 813 000 tonnes/an.

La France a été le premier pays à se lancer dans la méthanisation des déchets ménagers en 1988 à Amiens. Depuis 2002, d'autres installations ont été mises en service : Varennes-Jarcy (91), Le Robert (Martinique), Calais, Lille, Montpellier, Marseille et une vingtaine d'autres sont à l'étude ou en construction dans toute la France. L'usine de Romainville (93), dont la construction débutera en 2010, traitera près de 400 000 tonnes d'ordures ménagères.

Le « digestat » sortant du digesteur ou réacteur doit être deshydraté et mis en tunnels de maturation étanches et bien ventilés, pour achever la réaction anaérobie et commencer une phase de compostage[7]. Il devient alors un déchet traité et stabilisé. L'amendement organique de ce résidu issu de la méthanisation de déchets fermentescibles est comparable à un compost et peut être utilisé pour des cultures alimentaires ou non alimentaires comme les espaces verts selon la réglementation, la nature des produits traités et les analyses de ce digestat. Les normes NF U 44-051 et NF U 44-095 encadrent la valorisation agronomiques des digestats "urbains" (déchets verts, biodéchets issus des ordures ménagères) et des digestats de boues d'épuration.

Quelques pays possèdent des firmes industrielles qui ont mis en oeuvre des solutions de méthanisation industrielle. Parmi ceux ci, on trouve des fabricants de méthaniseurs, des fabricants de systèmes de tri mécano-biologiques. Ce sont :

  • la France,
  • l'Allemagne,
  • la Suisse,
  • la Suéde,
  • l'Espagne[8], ...

La liste devra être complétée.

Références et sources

Bibliographie

  • Sylvaine Berger et Christian Couturier, La méthanisation en milieu rural, Tec&Doc, Lavoisier, coll. « La méthanisation », avril 2008, 16x25, relié, 532 p. (ISBN 978-2–7430-1036-2), partie 235-250, chap. 10 
  • René MOLETTA et al., La méthanisation, Tec&Doc, Lavoisier, avril 2008, 16x25, relié, 532 p. (ISBN 978-2–7430-1036-2) [présentation en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (es) « Ecoparque Montcada i Reixac : Centro Métropolitano n° 2 de procesamiento integral de basuras municipales », dans InfoEnviro, Madrid, enero 2005  {a été traduit en français par Raymond GIMILIO}

Notes

  1. selon le résumé de présentation de l'ouvrage collectif de Moletta (2008)
  2. R. Moletta(1993). La digestion anaérobie : du plus petit au plus grand. Biofutur.
  3. Bernet, N., Paul, E. 2006 Application of biological treatment systems for food-processing wastewaters. Dans Advanced Biological Treatment Processes for Industrial Wastewaters, F. Cervantes, S. Pavlostathis, and A. van Haandel (ed.), IWA Publishing, London, 237-262.
  4. Lettinga, G. 1995. Anaerobic digestion and wastewater treatment systems. Antonie van Leeuwenhoek, 67, 3-28.
  5. Sylvain Panas, interrogé au salon Pollutec 2010 ; Lettre Le quotidien de Pollutec, 2010/11/30 consultée 2010/12/07
  6. voir Berger et Couturier (2008)
  7. voir InfoEnviro Ecoparque Montcada i Reixac
  8. voir InfoEnviro article sur Barcelone

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes



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