Méthanisé

Méthanisé

Méthanisation

Page d'aide sur l'homonymie Ne doit pas être confondue avec la méthanation, procédé industriel de conversion catalytique de l'hydrogène et du monoxyde de carbone en méthane.

La méthanisation est le processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d'oxygène. Il se retrouve dans les sédiments, les marais, les rizières, ainsi que dans le tractus digestif de certains animaux (termites, ruminants,…). La matière organique dégradée se retrouve principalement sous la forme de biogaz (à plus de 90%). Le reste est utilisé pour la croissance et la maintenance des micro-organismes.

La méthanisation joue un rôle important dans le cycle du carbone et pourrait contribuer aux modifications climatiques. Les grandes quantités de méthane présentes sous forme d'hydrate de méthane dans les pergélisols et dans les sédiments marins, pourraient si elles étaient relarguées brutalement accélérer le réchauffement climatique.

Sommaire

Processus biologique

La méthanisation est assurée grâce à l’action concertée de microorganismes appartenant à différentes populations microbiennes en interaction constituant un réseau trophique. On distingue classiquement trois phases successives[1] :

Schéma de la chaîne trophique de la méthanogenèse et ses différentes étapes

L'hydrolyse et l’acidogenèse

La matière organique complexe est tout d'abord hydrolysée en molécules simples. Cette décomposition est réalisée par des enzymes exocellulaires et peut devenir l'étape limitante dans le cas de composés difficilement hydrolysables tels que la cellulose, l'amidon ou les graisses. Ensuite, ces substrats sont utilisés lors de l'étape d'acidogenèse par les espèces microbiennes dites acidogènes, qui vont produire des alcools et des acides organiques, ainsi que de l'hydrogène et du dioxyde de carbone.

L’acétogenèse

L'étape d'acétogenèse permet la transformation des divers composés issus de la phase précédente en précurseurs directs du méthane : l’acétate, le dioxyde de carbone et l’hydrogène. On distingue deux groupes de bactéries acétogènes:

  • Les bactéries productrices obligées d’hydrogène, anaérobies strictes, également appelées OHPA (« Obligate Hydrogen Producing Acetogens »). Elles sont capables de produire de l’acétate et de l’H2 à partir des métabolites réduits issus de l’acidogenèse tels que le propionate et le butyrate. L’accumulation d’hydrogène conduit à l’arrêt de l’acétogenèse par les bactéries OHPA. Ceci implique la nécessité d’une élimination constante de l’hydrogène produit. Cette élimination peut être réalisée grâce à l’association syntrophique de ces bactéries avec des microorganismes hydrogénotrophes.
  • Les bactéries acétogènes non syntrophes dont le métabolisme est majoritairement orienté vers la production d’acétate. Elles se développent dans les milieux riches en dioxyde de carbone. Les bactéries « homo-acétogènes » font partie de ce groupe, elles utilisent l’hydrogène et le dioxyde de carbone pour produire de l'acétate. Elles ne semblent pas entrer en compétition pour l’hydrogène avec les Archaea méthanogènes hydrogénotrophes et sont présentes en quantité beaucoup plus faible dans les biotopes anaérobies.

La méthanogenèse

Article détaillé : Archaea méthanogènes.

La méthanogenèse est assurée par des micro-organismes anaérobies stricts qui appartiennent au domaine des Archaea . Cette dernière étape aboutit à la production de méthane. Elle est réalisée par deux voies possibles : l'une à partir de l'hydrogène et du dioxyde de carbone par les espèces dites hydrogénotrophes, et l'autre à partir de l'acétate par les espèces acétotrophes. Leur taux de croissance est plus faible que celui des bactéries acidogènes.

CO2 + 4 H2 → CH4 + 2H2O

CH3COOH → CH4 + CO2

Conditions physico-chimiques

La méthanisation est un processus biologique complexe qui nécessite la mise en place de certaines conditions physico-chimiques pour lesquelles la réaction biologique est optimisée. Les Archaea méthanogènes sont des organismes anaérobies stricts. Elles se développent de façon satisfaisante lorsque le potentiel d'oxydo-réduction par rapport à l'électrode normale à l'hydrogène (Eh) du milieu est très bas (-300 mV). La méthanisation a généralement lieu en régime mésophile (30-40°C) ou thermophile (45-60°C), dans une gamme de pH comprise entre 6 et 8 avec un optimum entre 6,5 et 7,2. Les Archaea méthanogènes ont des besoins en oligo-éléments particuliers comme le fer, le molybdène, le nickel, le magnésium, le cobalt, le cuivre, le tungstène et le sélénium. La pression partielle d'hydrogène doit rester en dessous de 10-4 bar en phase gazeuse.

Méthanisation et dépollution

La méthanisation, en tant que bioprocédé, peut être mise en œuvre dans un digesteur, pour dépolluer des rejets chargés en matière organique tout en produisant de l'énergie sous forme de méthane. La méthanisation permet de traiter des rejets aussi divers que les eaux usées, les boues de stations d’épuration, les déjections animales, les déchets de l’industrie agro-alimentaires, les ordures ménagères, les déchets agricoles, etc. La méthanisation avec valorisation du biogaz produit (production d'énergie thermique et/ou électrique par combustion du méthane) a toute sa place parmi l'ensemble des diverses solutions de production d'énergie renouvelable en permettant d'atteindre deux objectifs complémentaires : produire de l’énergie tout en réduisant la charge polluante des déchets et des effluents organiques et également, selon la nature du produit de départ, produire un digestat stabilisé utilisable comme fertilisant ou amendement organique.

Aujourd’hui les principales applications industrielles bénéficiant des apports de la méthanisation pour le traitement de leurs rejets sont identifiées par l’Agence gouvernementale De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) comme étant : la digestion agricole (déjections animales), la digestion des déchets solides ménagers et assimilés (biodéchets), la digestion des boues d'épuration urbaines et la digestion des effluents industriels. Concernant ce dernier domaine d’application, la méthanisation est un traitement très compétitif par rapport à l’épuration aérobie. Elle est appliquée principalement pour traiter les effluents des industries agroalimentaires fortement chargés et les effluents de la fermentation (75% des digesteurs à forte charge en opération en 2006).

L'utilisation du méthane, produit à partir de la méthanisation des boues de station d'épuration, pour le fonctionnement des bus urbains connaît un essor important dans certaine ville de France comme Lille. L'amélioration et la réduction des coûts des techniques de séparation membranaires des gaz devraient permettre d'envisager la possibilité d'une purification du biogaz sur le site de production.

Méthanisation d'effluents liquides

La méthanisation permet de traiter les effluents liquides, même lorsqu'ils sont chargés en matière en suspension. C'est par exemple le cas des effluents d'élevage (lisiers), et des boues d'épuration (souvent des boues mixtes qui rassemblent les boues primaires et les boues biologiques). La méthanisation est également largement appliquée aux traitement des effluents agro-alimentaires[2]. Ces matières de base dont on dispose en général de façon régulière peuvent être complétées de divers déchets organiques, et en particulier de graisses dont le pouvoir méthanogène est fort (issues par exemple d'abattoirs, ou du prétraitement des stations d'épuration). L'état liquide du mélange permet un brassage pour obtenir une bonne homogénéité de la matière et de la température. La méthanisation des effluents s'est appuyée sur le développement des procédés granulaires (UASB, EGSB) dans lesquels la biomasse anaérobie est structuré en aggrégats très denses, les granules [3].

Méthanisation des déchets solides

La méthanisation des déchets solides s'applique à la plupart des déchets organiques :

  • Municipaux : déchets alimentaires, journaux, emballages, textiles, déchets verts, sous-produits de l'assainissement urbain ;
  • Industriels : boues des industries agroalimentaires, déchets de transformation des industries végétales et animales, fraction fermentescible des déchets industriels banals (DIB) ;
  • Agricoles : déjections d'animaux, substrats végétaux solides.

On parle généralement de méthanisation solide lorsque les déchets à digérer ont un taux de matière sèche au dessus de 15-20%.

Depuis une trentaine d’années, les installations industrielles traitant ce type de déchet ont montré leur rentabilité économique. Selon leur provenance, les déchets peuvent subir un prétraitement tel que : séparation, triage, réduction de la taille par broyage, criblage par la taille ou pasteurisation.

Fin 2002, 78 unités industrielles de méthanisation de déchets ménagers et assimilés étaient en service en Europe pour une capacité de traitement de 2,3 millions de tonnes de déchets par an. Les nouvelles capacités installées en 2002 s'élèvent à 813.000 tonnes/an.

La France a été le premier pays à se lancer dans la méthanisation des déchets ménagers en 1988 à Amiens. Depuis 2002, d'autres installations ont été mises en service : Varennes-Jarcy (91), Le Robert (Martinique), Calais, Lilles, Montpellier, Marseille et une vingtaine d'autres sont à l'étude ou en construction dans toute la France. L'usine de Romainville (93), dont la construction débutera en 2010, traitera près de 400 000 tonnes d'ordures ménagères.

La méthanisation "à la ferme" est très peu développée en France, contrairement à l'Allemagne : seule une dizaine de petites installations sont en service en 2009.

Le « digestat » sortant du digesteur ou réacteur est un déchet traité et stabilisé. L'amendement organique de ce résidu issu de la méthanisation de déchets fermentescibles est comparable à un compost et peut être utilisé pour des cultures alimentaires ou non alimentaires comme les espaces verts selon la réglementation, la nature des produits traités et les analyses de ce digestat. Les normes NF U 44-051 et NF U 44-095 encadrent la valorisation agronomiques des digestats "urbains" (déchets verts, biodéchets issus des ordures ménagères) et des digestats de boues d'épuration.

Notes et références

  1. Moletta R. 1993. La digestion anaérobie : du plus petit au plus grand. Biofutur.
  2. Bernet, N., Paul, E. 2006 Application of biological treatment systems for food-processing wastewaters. Dans Advanced Biological Treatment Processes for Industrial Wastewaters, F. Cervantes, S. Pavlostathis, and A. van Haandel (ed.), IWA Publishing, London, 237-262.
  3. Lettinga, G. 1995. Anaerobic digestion and wastewater treatment systems. Antonie van Leeuwenhoek, 67, 3-28.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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