Métasémème

Métasémème

Trope (rhétorique)

Un trope (substantif masculin), du grec τρόπος : tropos ("tour"), ou un métasémème dans le vocabulaire du Groupe µ, est une figure de style ou figure de rhétorique, de signification destinée à embellir un texte ou à le rendre plus vivant qui consiste à employer un mot ou une expression dans un sens détourné de son sens propre (Exemple : voiles pour vaisseaux).

les tropes sont considérés comme des ornements

Dans son principe, on dira quil y a trope, dans une partie de discours, lorsque lexpression qui advient ne renvoie pas à son sens habituel, mais à un autre, indiqué ou non par le terme approprié. Dans le cas il y a double indication de sens, par le terme tropique et par le terme non tropique (comme dans "cet homme est une bête"), le trope est "in præsentia" ; quand le terme tropique est seul à véhiculer linformation pertinente (regardez la bête en maillot sur la plage, à droite), le trope est in "absentia".

Les tropes sont donc le fruit dassociations mentales qui conduisent au changement de sens des mots; ainsi le mot "flamme" symbolise-t-il aussi la passion amoureuse, dans une relation métaphorique.

Sommaire

Définition

Le terme de trope renvoie à plusieurs acceptions relatives à lutilisation du langage [1]:

  • À lorigine le trope désignait toutes les façons de "tourner" le sens du mot « afin de lui faire signifier ce quil ne signifie point dans le sens propre » (César Chesneau Dumarsais, Traités des tropes, 1730). Historiquement le terme désigne une insertion à la fois musicale (tropes mélogènes), et textuelle (tropes logogènes, du propre ou de l'ordinaire) dans des textes médiévaux liturgiques, que lon retrouve à travers les drames religieux ou les "séquences". Il sagit alors dun ornement du plain-chant grégorien au moyen dadditions, de substitutions ou dinterpolations de textes musicaux ou poétiques, mécanisme que lon retrouve dans le sens stylistique du terme.
  • Les expressions qui en résultaient se sont figées en des formules fixes qui n'ont eu de cesse de se multiplier avec le développement de la langue française. Le terme en vient ensuite à désigner le type de figure de style portant sur le sens des mots : « Les Tropes sont certains sens plus ou moins différens du sens primitif, qu'offrent, dans l'expression de la pensée, les mots appliqués à de nouvelles idées  »(Pierre Fontanier, Les Figures du discours).
Article détaillé : Figure de style.
  • En philosophie du scepticisme, le trope désigne un argument que les sceptiques grecs utilisaient pour démontrer l'impossibilité d'atteindre une vérité certaine et pour conclure en conséquence à la suspension du jugement.

Pour Quintilien, orateur romain, comme pour Paul Ricoeur (dans La Métaphore vive): « le trope, nenseignant rien a une simple fonction décorative » [2]. Pour dautres, comme Sperber et Wilson dans La pertinence, ouvrage commun, le trope, et en particulier la métaphore, est le moyen le plus économique dont dispose un locuteur pour exprimer sa pensée trop complexe pour être énoncée littéralement.

Les tropes reposant tous sur le mécanisme particulier de la métaphore, les explications théoriques renvoient à :

Article détaillé : métaphore.

Tropes majeurs

Selon la relation qui existe entre le sens propre du mot et son sens figuré on distingue plusieurs[3] tropes majeurs qui sont dabord ceux qui correspondent à des images :

Trope par ressemblance pour Pierre Fontanier dans son ouvrage fondateur : Les Figures du discours, elle consiste à employer « un mot dans un sens ressemblant à, et cependant différent de son sens habituel »[4] comme dans:

« Le remords dévorant s'éleva dans mon coeur »

. Fontanier insiste sur son universalité et sa grande productivité au sein du discours : « La métaphore sétend bien plus loin sans doute que la métonymie et que la synecdoque, car non seulement le nom, mais encore ladjectif, le participe et le verbe, et enfin toutes les espèces de mots sont de son domaine. »[5]. En raison de cette expansion particulière la catégorie de la métaphore est délicate à analyser, le lecteur se reportera à larticle métaphore.

Trope par correspondance pour Pierre Fontanier, les deux objets mis en relation dans cette figure font chacun « un tout absolument à part »[6] (Gérard Genette, leur rapport étant de dépendance externe. Elle désigne souvent le contenu par le contenant, leffet par la cause (exemple : Montrer les dents ; on prend un verre ?...).

Trope par connexion pour Pierre Fontanier, les deux objets en relation forment un ensemble tel que « lexistence ou lidée de lun se trouve comprise dans lexistence ou lidée de lautre » [7] via un rapport de dépendance externe qui consiste à désigner un tout par l'une de ses parties, ou vice-verca (exemple : Jeter un œil, Mettre le nez dehors, Des millions de dents l'ont choisi).

Lironie consiste à affirmer le contraire de ce que lon veut faire entendre. (exemple : "Rien nétait si beau, si lestre, si brillant, si bien ordonné que les deux armées". Voltaire, Candide, chapitre troisième.

On notera que si trope est un nom masculin, les quatre tropes cités portent un nom féminin.

Tropes mineurs

La comparaison, le symbole (la balance, symbole de la justice par exemple), lallégorie qui est une composition symbolique, formée de plusieurs éléments, comme lallégorie de la mort ou encore la parabole qui est un récit allégorique sont des tropes mineurs. On peut leur adjoindre également la périphrase (locution descriptive qui remplace un mot : l« empereur à la barbe fleurie » est Charlemagne) et lhypallage (transfert syntaxique : « lodeur neuve de ma robe » (Valéry Larbaud).

Trope de fonction ou trope grammatical

Il agit non pas sur les éléments sémantiques mais sur les fonctions grammaticales; c'est le cas :

  • de lénallage ("idée cadeau", "acheter malin")
  • de lhypallage : attribuer à certains mots dune phrase ce qui convient à dautres mots de la même phrase, souvent un transfert dadjectif comme dans « Ce marchand accoudé sur son comptoir avide. » (Victor Hugo).
  • de limplication : « la Sicile perdue » pour « la perte de la Sicile »
  • de lhendiadys qui est une forme dellipse on remplace la subordonnée syntaxique dun complément de nom par une coordination simple : « Respirer lair du lac et la fraîcheur » (Jean Jacques Rousseau).
  • de la litote par exemple dans ce célèbre vers du Cid de Pierre Corneille : « va je ne te hais point » pour « je taime ».
  • de la metalepse au sens de litote de politesse comme dans : « je ne vais pas vous déranger plus longtemps » pour « je men vais ».

Courants d'interprétations

Dans la Rhétorique à Herennius

L'ouvrage anonyme de la Rhétorique à Herennius distingue onze tropes[8].

L'étude de Petrus Mosellanus

Dans les derniers paragraphes de son œuvre De schematibus et tropis tabulae[9], Petrus Mosellanus mentionne parmi les tropes quelques autres figures : la chronographie, la topographie, la topothesie, l'aitiologie, l'épanode, le catalogue, le syllogisme, l'apostrophe.

Le groupe µ

Dans la terminologie du Groupe µ les tropes figurent à côté des métaplasmes (figures morphologiques), des métalogismes (figures logiques et figures de la référence) et des métataxes (figures de syntaxe).

Procédés tropiques et langues gestuelles

Pour Danielle Bouvet, dans Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles, les tropes sont au fondement des codes de symbolisation élaborant les signes gestuels.

Elle distingue ainsi :

Les signes descriptifs : « lorsque le signe retient du code de reconnaissance de lobjet quil peut dénoter des traits relatifs au mouvement propre de lobjet, des traits relatifs à sa forme y sont toujours associés » [10], cest le cas du signe "hélicoptère" notamment la figuration des trois pales fixées sur un axe vertical est une représentation synecdochique de lappareil. De plus existe dans ce codage une représentation également métonymique de lhélicoptère puisque le mouvement des mains figure le mouvement de vibration évoqué par la rotation des pales, via une relation de cause à effet. Bouvet nomme cette métonymie au fondement d'une catégorie de signes gestuels dits descriptifs: "métonymie de la fonction". De même le signe "maison" est représenté par deux mains formant un toit, or le "toit" est une synecdoque de la maison.

  • Les signes indicatifs : « désignent sur le corps propre du signeur, telle ou telle de ses parties, comme un exemple de ce que le signe dénote » [11], ainsi ils sont appelés également "ostentateurs". Également fondés sur des synecdoques et des métonymies, ils renvoient à des objets utilitaires trouvant leurs fonctions dans un rapport au corps, comme le signe "Lunette" qui se représente par deux cercles entourant les yeux. Bouvet les nommes "métonymies du lieu". Certains signes cumulent néanmoins les types de métonymies (de lieu et de fonction) comme dans le signe "Mari" qui se représente par un anneau fictif au doigt.
  • Les signes abstraits eux se fondent sur des relations métaphoriques. En effet le concept est difficilement représentable de manière concrète. la langue gestuelle va fonder le signe gestuel sur un sens connoté du concept à représenter. Par exemple, le mot "paresseux" se représente par lévocation dun poil dans la paume de la main, pendant de lexpression populaire "avoir un poil dans la main", périphrase également du mot "paresseux".

Notes et références de l'article

  1. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/trope
  2. La Métaphore vive, pages 64-66
  3. Il existe, en théorie, autant de trope quil peut exister de rapports sémantiques. Pour certains, les deux tropes majeurs sont la métaphore et la métonymie Cf. G. Molinié, Dictionnaire de rhétorique, LGF, 1992, d'autres(Charisius (Cf. De tropis), Dumarsais, (Cf. Traité des tropes, 1729), John D. Schaeffer (Cf. Thomas More et les principaux tropes : la structure profonde du « Dialogue concernant les hérésies » et Giambasttista Vico, Moreana, Angers, France, 1963) (Revue), 2001, vol. 38, no147-8, pp. 5-24) qui pensent quil sen réalise, dans la vie du discours, des nuancements multiples et avances que les tropes sont souvent mêlés. Cf.
  4. Todorov et Ducrot, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, page 354
  5. Fontanier, infra, page 99
  6. in Introduction à louvrage de P.Fontanier, Les figures du discours, Paris, republication Flammarion, Champs, 1830, pages 5-17
  7. G Genette, opcit
  8. voir le tableau réalisé par Carine Duteil-Mougel.
  9. Petrus Mosellanus, Tabulae de schematibus et tropis Petri Mosellani : in rhetorica de Philippi Melanchthonis ; in Erasmi Roter, libellum de duplici copia, Antwerp, 1583.
  10. In Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles, LHarmattan, coll. Sémantique, 1997, page 49
  11. Bouvet, opcit, page 50-51

Articles connexes

Bibliographie

  • César Chesneau Du Marsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Paris, chez la Veuve de Jean-Batiste Brocas, 1730. Disponible sur Gallica.
  • César Chesneau Du Marsais Œuvres complètes édit. Duchosal & Milon Paris, Pougin 1797 ; Des Tropes, édit. F. Douay-Soublin Paris, Flammarion 1988].
  • L'article trope dans l'Encyclopédie qui fait largement référence aux travaux de Dumarsais.
  • Bernard Dupriez, GradusLes procédés littéraires (dictionnaire) ; Collections livre de poche 10-18, n° 1370, collection « Domaine français », Paris 03/03/2003, 544 pages, ISBN 2-264-03709-1 ; Code CLIL : 221401
  • Pierre Fontanier, Les figures du discours, 1821, éd. Flammarion Champs linguistiques, introduction de Gérard Genette,1977.
  • Ducrot et Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972
  • Danielle Bouvet, Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles. À la recherche des modes de production des signes, LHarmattant, collection Sémantique, 1997, (ISBN 2-7384-4872-0)

Liens et documents externes

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