Mécanisme de défense

Mécanisme de défense
Goya, Los Caprichos.

À l'origine, en psychanalyse et pour Sigmund Freud les mécanismes de défenses ou défense(s) désignait tous les stratagèmes ou procédés dont se sert le Moi dans des conflits éventuellement névrotiques. Ces défenses sont inconscientes et leurs usages résultent du conflit entre la pulsion et le moi et aux caractères inconciliables d'une perception ou d'une représentation (souvenir, fantasme, etc.) avec les impératifs moraux (censure, surmoi).

Pour être plus précis, cette acception qui met en jeu le Moi dans une perspective "adaptative" devrait être refondée. En effet, le mot "moi" est une mauvaise traduction du "ich" allemand qui devrait être traduit - et il l'a été par certains auteurs- par "je". Les mécanismes de défenses se rapportent dès lors soit au "je" soit au "soi" (self) lorsqu'ils mettent notamment en cause le narcissisme[1].

Sommaire

Psychanalyse des mécanismes de défense

Il s'agit de l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire, de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l'intégrité et la constance de l'individu bio-psychologique[2]. Les mécanismes de défense- contrairement à ce qu'ont pu croire des philosophes comme Alain ou J.P.Sartre- ne sont pas des stratégies conscientes. Ils représentent des processus psychiques visant à se défendre de pulsions jugées inconciliables avec le Moi, ou encore dangereuses, ainsi que des affects liés à ces pulsions.

Le Moi se défend surtout contre l'angoisse.

L'individu met inconsciemment en place des moyens pour déformer la réalité et pour rejeter certaines émotions hors conscience. Ainsi, un mécanisme de défense sert souvent à diminuer l'anxiété ou la déprime ressentie par ce dernier; il soulage donc momentanément.

Le plus souvent, leur utilisation est banale, souple et normale. On voit alors leur contribution aux traits de caractère. Toutefois, une utilisation rigide, inadaptée aux situations et constante caractérise alors les troubles de la personnalité.


Le mécanisme de défense, tel qu'il est d'abord théorisé, s'applique à des représentations inconscientes. Dans ce cas, le symptôme qui se forme est formation de compromis (ou "formation réactionnelle")entre les désirs conscients et les désirs inconscients.

Parmi les symptômes normaux, citons le rêve, le lapsus et les actes manqués.

Mais certains mécanismes impliquent au contraire un échec du refoulement. Le concept de défense s'étend au-delà du registre de la névrose. Selon la psychanalyse, un mécanisme peut signifier une défense plus ou moins massive, et plus ou moins néfaste pour le sujet qui l'emploie.

Sublimation

La sublimation est la capacité de satisfaire la pulsion sans atteindre le but originel. Le désir sexuel peut trouver décharge sans qu'il n'y ait de sexualité. La sublimation est à l'œuvre dans les processus sociaux, comme l'art ou bien les sports.

Parmi les défenses, la sublimation occupe un statut particulier, puisqu'elle ne nécessite pas de refoulement. Une pulsion consciente peut trouver sublimation. Il ne s'agit donc pas d'une défense à proprement parler.

La sublimation est l'un des quatre destins de la pulsion chez Freud. Ce n'est donc pas un mécanisme de défense du moi à proprement parler.

Introjection

L'introjection est un processus psychique qui désigne le devenir conscient élaboré d'un élément vécu, assimilé de façon personnelle : le sujet s'approprie une réalité existentielle à partir du dialogue avec une personne de confiance (parent, ami, professeur... ou psychanalyste). Le processus d'introjection, sain, s'oppose au fantasme d'incorporation, qui est lui, un mécanisme de défense d'ordre magique.

Voir Sándor Ferenczi, Maria Torok et Claude Nachin.

Psychopathologie des mécanismes de défense

Pourtant, lorsque le conflit entre les différentes instances psychiques (Ça, Moi, Idéal du Moi, Surmoi), ou entre certaines de ces instances et la réalité, s'intensifie, ou bien si les mécanismes sont trop rigides ou mal adaptés, le fonctionnement psychique perd alors de sa souplesse et les mécanismes de défense s'expriment alors sous forme de comportements psychopathologiques.

Mécanisme de niveau adaptatif élevé

Humour

C'est la plus haute des réalisations des défenses. Réponse soulignant les aspects amusants et ironiques des conflits, l'humour permet de prendre une distance par rapport aux choses

Sublimation

La pulsion est canalisée vers une autre voie (culturelle)

Répression

Réponse transitoire au conflit (ou stress) en évitant de penser au problème, l'affrontement au problème se fera à un moment plus opportun (différent de l'évitement ou de la mise à l'écart).

Mécanismes dits "névrotiques"

Refoulement

C'est le premier mécanisme décrit par Sigmund Freud, en 1895. Il s'agit d'un processus actif qui maintient hors de la conscience les représentations inacceptables. Il s'organise sur trois niveaux :

  • refoulement originaire :A une époque archaïque de l'histoire du sujet ce refoulement inaugural porte sur une représentation particulièrement gênante (séduction par un adulte, images de la scène primitive...) sans que cette représentation ne devienne consciente. Ce refoulement primaire détermine en quelque sorte l'orientation future des autres refoulements.
  • refoulement proprement dit : il consiste en un double mouvement. D'une part, le refoulement primaire attire les représentations qui lui sont proches et d'autre part, les instances interdictrices (le Surmoi allié au Moi) repoussent ces représentations dans l'inconscient.
  • retour du refoulé : les représentations qui ont été refoulées dans l'inconscient peuvent se lier entre elles. À l'occasion, certaines représentations - altérées, déguisées - peuvent réapparaître dans le conscient sous la forme de rêves ou de fantasmes (un retour classique et salutaire du refoulé rendu possible par la nécessité d'une soupape), sous la forme de lapsus ou d'actes manqués, et enfin, sous la forme de symptômes signalant alors l'échec du processus de refoulement.

Formation de symptômes

Isolation

C'est Sigmund Freud qui en 1894 décrit pour la première fois le fonctionnement de ce mécanisme de défense. L'isolation permet de séparer complètement la représentation de l'affect, lequel se retrouve alors libre. La représentation privée de toute association peut alors rester dans le conscient. L'isolation, ainsi que d'autres mécanismes, est à l'œuvre après l'échec d'un refoulement.

Déplacement

Suite à l'isolation, l'affect libéré peut être déplacé sur une autre représentation.

D'une certainement façon, cette défense du processus primaire est à l'œuvre dans tout contenu manifeste et conscient. Par exemple, la conversion somatique dans la névrose hystérique est un déplacement spécifique d'un affect sur le corps. Le refoulement est alors en partie raté car la symbolique de ce symptôme permet de remonter par le processus de régression jusqu'à la représentation inconciliable et refoulée.

Le déplacement est le mécanisme de défense privilégié dans la névrose obsessionnelle (ou névrose de contrainte) où la représentation sexuelle inconciliable est substituée à une autre sur les voies associatives (voire associationnisme ou empirisme anglais).

Identification

L'identification est un mécanisme élaboré. Elle consiste à se reconnaître en quelqu'un d'autre, à se prendre pour lui. Le moi se saisit dans une image qu'il trouve au dehors.

Néanmoins, de nombreuses identifications différentes sont distinguées par Freud lui-même.

Pour ouvrir le champ, il y a aussi le « désir mimétique » du modèle-obstacle de René Girard qui prétend affronter Freud sur le terrain du désir et Marx sur celui de la valeur.

Identification à l'agresseur

Mécanisme décrit par Sándor Ferenczi, puis Anna Freud. Son expression la plus banale se retrouve dans les jeux enfantins : jouer au voleur, au loup, au docteur... Croyance magique selon laquelle devenir celui qui fait peur permet de le neutraliser, ou en tout cas d'essayer de maîtriser la peur qu'il inspire. Il s'agit dans le cas évoqué d'une inversion des rôles. Ce mécanisme peut être plus radical et consister en une véritable incorporation de l'objet dangereux et de ses exactions.

Annulation rétroactive

Le sujet n'assume pas certaines représentations apparentes lors d'actes ou de pensées. Il va alors tout mettre en œuvre pour considérer que ces actes ou pensées n'ont jamais existé. C'est un mécanisme de défense très régressif car il porte non pas sur une représentation mais sur un acte même, c'est-à-dire sur la réalité. On trouve des exemples d'annulation dans certains rites animistes et dans beaucoup d'activités obsessionnelles : les actes de l'obsessionnel, répétés inlassablement ont pour objectif l'annulation d'autres actes ou pensées.

Condensation

Le travail de la condensation est particulièrement apparent lors du rêve. Une seule représentation va en remplacer plusieurs autres. C'est ce qui nous fait dire au réveil, par exemple : « J'étais dans mon appartement, mais ce n'était pas vraiment mon appartement ». Elle est également à l'œuvre dans les actes manqués, les jeux de mots...

Retournement sur la personne propre

Ce destin pulsionnel consiste à retourner contre soi-même la pulsion. Il est particulièrement visible dans le masochisme secondaire d'une névrose obsessionnelle lorsque la personne retourne contre elle-même sa propre agressivité par des auto punitions, ou des auto mutilations.

Ce destin pulsionnel modifie donc l'objet de la pulsion en la personne propre.

Il est également appelé agression passive.

Renversement en son contraire

Il fait partie des mécanismes de défense névrotiques

Le renversement en son contraire est un autre destin pulsionnel, avec le refoulement, le renversement sur la personne propre et la sublimation. La pulsion originelle est alors inversée au niveau de son but.

Rappel des déterminants de la pulsion : Source, Poussée, But et Objet.

Exemple : Le sadisme en masochisme, la rétention en expansion...

Contre-investissement

Pour Freud, selon le point de vue économique, le contre-investissement est une énergie liée à une représentation dans le système préconscient-conscient (Pcs-Cs) qui fera échec à la représentation refoulée dans l'inconscient (Ics) qui cherchera à revenir à la conscience. Ainsi il se crée un rapport de force égal.

L'énergie utilisée dans le contre-investissement d'une autre représentation dans le Pcs est celle qui a poussé la représentation refoulée initialement; elle a donc été ré-investie (déplacée) sur une autre représentation, ce que l'on appelle le contre-investissement.

La représentation investie de l'énergie résultant du refoulement, deviendra une représentation substitutive, dans le cas de l'hystérie de conversion (par investissement d'une représentation corporelle), tout comme de la phobie (par la formation substitutive) ou une névrose obsessionelle (par la formation réactionnelle).

Dénégation

La dénégation est le refus d'admettre une vérité : le névrosé dira pas du tout, au contraire, là où il se sent menacé.

Freud en donne un exemple particulièrement pertinent : un névrosé lui relate qu'il a rêvé d'une femme. Il dit ne plus se souvenir de l'identité de cette femme, mais être certain en tout cas qu'il ne s'agit pas de sa mère. Une telle formation de compromis à la fois se défend d'une représentation (rêve incestueux) et la révèle. Attention, ne pas confondre déni et dénégation.

Formation réactionnelle

La formation réactionnelle amène le sujet à se conduire à l'inverse de ce qu'il désire.

Formation substitutive

La représentation d'un désir frappé d'interdit se trouve refoulé dans l'inconscient. Du seul point de vue du principe de plaisir, il existe donc un manque que le Moi va essayer de compenser, ce qu'il va faire en substituant à cette représentation initiale d'un désir, une autre représentation qui va discrètement (par le truchement des associations d'idées) évoquer le désir initial. Ce mécanisme est par exemple à l'œuvre lors de transe mystique : en apparence, il n'y a rien de sexuel dans cette manifestation mais se trouve pourtant préservé un affect lié au plaisir sexuel. C'est un des modes de retour du refoulé (voir plus haut « Refoulement »).

Formation de compromis

La formation de compromis constitue elle aussi un mode de retour du refoulé mais ce dernier sera suffisamment déformé pour ne pas être reconnu. Il y aura compromission entre les désirs inconscients (interdits) et les interdictions. Ce mécanisme est particulièrement apparent dans les rêves, dans certains symptômes (le besoin systématique d'un objet contra-phobique), ainsi que dans certaines œuvres artistiques.

Régression

Face à certaines relations conflituelles, le sujet cherche à resoudre le conflit en revenant à un stade précoce. Sa libido va retourner à un stade où elle avait trouvé une gratification.

Mécanismes d'ordre psychotique

Projection

Attribuer à autrui ses propres motifs, émotions, idées ou pulsions inacceptables.

À des degrés très divers, la projection ne se trouve pas uniquement présente dans les psychoses mais aussi dans toutes les formes de la névrose.

Ainsi: le phobique projette son angoisse sur un objet extérieur (objet phobique) l'hystérique sur un de ses membres corporels (conversion) et l'obsessionnel projette son angoisse sur des pensées substitutives (obsessions idéatives) Voir à ce propos la pensée de François Marty (Paris 5)

Clivage du moi

Le Moi ne parvient pas à maintenir son unité. Plutôt que de maintenir un dialogue, un conflit interne, il se divise en plusieurs fragments qui ne communiquent pas entre eux.

Par exemple, dans le cas du fétichisme, le fétichiste se clive : une partie de lui-même reconnait l'angoisse de castration, une autre partie ne la reconnait pas.

Le clivage du moi se caractérise, dans la psychose, par la multitude de personnalités qu'il génère, résultat fort différent du dédoublement de personnalité.

Le névrosé, il faut admettre, a recours au clivage du moi, mais de manière largement moins marquée. Le refoulement, résultant dans la formation d'un inconscient qui ne communique pas avec le conscient, n'est-il pas une forme de clivage ? Selon P.C RACAMIER Les schizophrènes 1980 il ne s'agit pas d'Oedipe mais d'inceste, celui ci serait tout le contraire de l'Oedipe. Racamier parle d'antoedipe ; une organisation spécifique à la fois anté oedipienne car il remonterait "en deçà de la situation oedipienne au niveau de la génération même" , le fantasme d'autoengendrement et à la fois anti oedipienne car "l'antoedipe fait radicalement opposition à toutes les angoisses inhérentes à l'Oedipe". P.C RACAMIER Les schizophrènes ed. 2001 Chap.7 p137-138.

Clivage de l'objet

De même que le moi peut être fractionné en plusieurs bouts, l'objet pulsionnel peut ne plus être reconnu dans son intégrité, mais séparé : il y aura clivage de l'objet. Pour Bion, l'identification projective pathologique peut mener à la formation d'objets bizarres. Le clivage résulte souvent de la différenciation entre un "bon objet" et un "mauvais objet": ainsi, un objet unique est différencié en fonction des actions qu'il entreprend plutot que d'être intégré en un tout qui est capable de bon comme de mauvais. Ex: pour un enfant, il y a la "bonne mère", qui le nourrit et le réconforte et la "mauvaise mère" qui punit et ne satisfait pas immédiatement ses besoins. Le fait de cliver est sécurisant dans le sens ou cela laisse libre d'aimer le bon objet et de haïr le mauvais sans culpabilité.

Dédoublement des images

Déni

Le déni peut se comprendre comme équivalent psychotique de la dénégation. Il porte sur le réel, alors que la dénégation porte sur les contenus intra-psychiques.

Il consiste en un refus de la réalité d'une perception, parce qu'elle est vécue comme dangereuse ou douloureuse pour le Moi. Sigmund Freud, en donne un exemple prototypique qui est le déni de la perception de l'absence de pénis de la femme chez les sujets fétichistes, qui perçoivent bien visuellement cette absence, mais qui psychiquement sont incapables de la symboliser, et qui utilisent ensuite la focalisation sur un objet sexuel ou une partie du corps qui viendra symboliser le pénis et que l'on nomme l'objet fétiche.

Identification projective

Mécanisme de défense identifié et décrit par Melanie Klein et qui est à l'œuvre au cours de la position schizo-paranoïde. L'enfant se projette fantasmatiquement à l'intérieur de la mère pour y exercer sa toute-puissance (elle aussi fantasmée) : possession voire destruction du corps de la mère, contrôle des objets précédemment projetés dans la mère (pénis du père, autres enfants...). Il est nécessaire que la mère, à un niveau inconscient, puisse accepter ce type de fantasme. Si un interdit rigide est posé par la mère à l'encontre de ces fantasmes, il y aura réintrojection chez l'enfant d'objets partiels et menaçants (sein inquiétant, vagin avide) - autant d'objets qui vont appauvrir le Moi.


Fantaisie

Le sujet cherche satisfaction en lui-même en se créant une vie imaginaire, des amis imaginaires, etc. Ce type de mécanisme est souvent observé dans les personnalités de type schizoïde soit une personnalité solitaire et étrange.

Chez Jacques Lacan

Pour Jacques Lacan, c'est le langage qui va fournir au Moi, instance imaginaire, tous ses mécanismes de défense, qui sont des figures de rhétorique, des tropes, exerçant sur le discours de l'inconscient (gouverné par les déterminations signifiantes du sujet) une censure au sens littéraire ou journalistique du terme[3].

Références

  1. Jean Bergeret (psychanalyste) et coll. : Psychologie pathologique: théorique et clinique, 10ème éd. Masson, 2008 ISBN 978-2-294-70174-0
  2. Réf. nécessaire
  3. Lacan : "C’est là la raison pour laquelle une exhaustion des mécanismes de défense, aussi sensible que nous la fait un Fenichel (...), se manifeste, sans qu’il en rende compte ni même qu’il s’en rende compte, comme l’envers dont les mécanismes de l’inconscient serait l’endroit. La périphrase, l’hyperbate, l’ellipse, la suspension, l’anticipation, la rétractation, la dénégation, la digression, l’ironie, ce sont les figures de style (figurae sententiarum de Quintilien), comme la catachrèse, la litote, l’antonomase, l’hypotypose sont les tropes, dont les termes s’imposent à la plume comme les plus propres à étiqueter ces mécanismes. Peut-on n’y voir qu’une simple manière de dire, quand ce sont les figures mêmes qui sont en acte dans la rhétorique du discours effectivement prononcé par l’analysé ?. « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud » in Écrits, Paris, Seuil, 1966.

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Bibliographie




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