Monstruosité

Monstruosité

Monstre

Un monstre est un individu ou une créature dont l'apparence, voire le comportement surprennent par son écart avec les normes d'une société.

Sommaire

Étymologie

Une étymologie possible du mot monstre est le verbe latin : montrer ce qui laisserait supposer que le mot désignait à l'origine un phénomène que l'on montrait dans les foires ou les cirques[1].

Une autre possibilité est la racine latine Monstrum signifiant simplement présage sans connotation péjorative.

Différentes acceptions du terme

Dans son acception vulgaire, le terme désigne aussi bien les créatures fantastiques que des êtres réels. Mais en biologie, un monstre est un individu dont la conformation s'écarte notablement des standards de son espèce, suite à une anomalie du développement embryonnaire. La tératologie est la discipline chargée de l'étude scientifique des monstres.

Par extension, on parle aussi de monstruosité[2] sur le plan moral quand quelqu'un commet des actions que la majorité des gens réprouvent.

Certaines acceptions du mot monstre insistent simplement sur son côté spectaculaire, c'est le cas du monstre sacré, par exemple Marilyn Monroe ou James Dean.

Diderot qualifiait la femme de « monstre de l'homme » et en réponse Julie de Lespinasse qualifiait l'homme de « monstre de la femme »[3].

Le monstre est de manière plus générale un individu qui par certaines de ses caratéristiques propres se démarque de façon significative de ses congénères. Ces caratériques peuvent êtres physiques, morales ou intellectuelles ; toutefois la monstruosité proprement dite n'est pas forcément négative, elle peut être un gain par rapport à une norme commune. Par exemple Albert Einstein de par ses capacités intellectuelles hors-normes peut-être considéré comme un monstre.

Représentations artistiques

La scène du puit de Lascaux

La scène du Puits, grotte de Lascaux.

L'une des premières représentations connues d'un monstre date du Magdalénien (entre -17 000 à -10 000) : il s'agit de la célèbre « scène du puits » des grottes de Lascaux. Nous pouvons y apercevoir un bison, un homme allongé à tête d’oiseau et une sorte de sceptre surmonté d’un volatile. Le bison semble furieux, à l’agonie, les poils hérissés, la queue dressée, ses lourdes entrailles répandues sur le sol, transpercé d’une lance du ventre à l’anus. L’homme-oiseau, ithyphallique, semble mort devant la scène, renversé, ou du moins vacillant. Contrairement à la représentation réaliste du mammouth, l'homme est représenté de façon maladroite, schématique et mystérieusement hybride. Son corps est une sorte de long tube, sans poitrine ni hanche, avec pour membres des bâtonnets (bras courts, huit doigts sans main, jambes raides, une rature pour érection), une tête inexpressive constitué d'un œil rond noir et d'un bec, et pour tout mouvement un rigide basculement de quille. Cette différence de style fit penser à deux scènes différentes. Dans son ouvrage "L’Erotisme"[4], Georges Bataille rapporte les propos de H. Kirchner, tenus dans un article d’Anthropos[5]. Contrairement à la théorie de l’abbé Breuil selon laquelle il s’agit d’une représentation commémorative d’un accident de chasse, Kirchner avance l’hypothèse d’une transe extatique de chaman, en rapprochant la scène des sacrifices chez les iakoutes, où la tête d’une vache, placée au sommet d’un pic fait le lien entre l’homme-oiseau (le chaman en question, c'est-à-dire un médium, un homme qui fait la connexion entre l’au-delà, le monde animal et les vivants) et le ciel. Bataille admet la vraisemblance d’un lien entre un rituel supposé du Magdalénien et un rite sibérien, mais rejette la théorie, qu’il juge arbitraire par rapport à l’ensemble de la scène[6]. Néanmoins, la séduisante théorie chamanique restera dans les esprits. Ainsi apparait dans cette première image de monstre une notion primordiale: la transgression. Qu'il s'agisse de l'hybridation d'un homme et d'un animal ou du lien entre la sexualité et la mort, le monstre incarne un crime, un sacrilège.

Le Jardin des délices

Détail de la peinture le Paradis, panneau central du jardin des délices de Jérôme Bosch.

Le Jardin des délices est un triptyque peint par Hieronymus van Aken, ditJérôme Bosch, entre 1503 et 1504, conservé au Musée du Prado depuis 1939.

Parmi les peintres de monstre, Jérôme Bosch demeure une référence incontournable. Hagiographe et membre de la Confrérie de Notre-Dame de Bois-le-Duc, il était un notable de la région, loin de l'image d'un ermite sulfureux que l'on s'imagine parfois. S'inspirant d'ouvrages mystiques, populaires et alchimistes[7], mais aussi de la Legenda aurea de Jacques de Voragine, son style était tout à fait justifiés dans la culture de l'époque[8]. Ses tableaux, bien que fantaisistes, restaient pour la plupart des triptyques destinés aux églises et objets de culte. Il n'empêche qu'une œuvre telle Les Jardins des délices suscita de nombreuses réactions. Ainsi, il arriva au Prado en 1593 sous le nom de Lo monstruo y lo fantastico[9]. Plusieurs éléments iconographiques permettent de penser que Bosch peint la monstruosité dans le but d'alerter les fidèles. Ainsi, le péché étant théologiquement considéré comme la seule relation entre le Paradis terrestre et l'Enfer, le caractère érotique du panneau central permet de circonscrire le triptyque dans la dénonciation de la luxure[10][11]. Ce qui se confirme dans le panneau droit, représentant l'Enfer, avec par exemple les différentes et innombrables situations évoquant châtiments (la main coupée et mise au pilori, punition réservée aux voleurs), références iconographiques érudites (la femme chevauchant l'homme à quatre pattes renvoie à la scène inverse de chez Matheolus et son Livre contre le mariage de 1492), références catéchistes (plusieurs pêchés sont présents, comme l'homme nu empalé dans les cordes d'une lyre, qui renvoie à l'association de la musique à la luxure) et expressions populaires (la femme nue se mirant dans un miroir posé sur les fesses d'un démon illustre l'expression "As ge in de spiegel kekt den duivel in z'n gat", « se mirer dans le cul du diable », c'est-à-dire être coupable d'orgeuil). Chez Jérôme Bosch, le monstre nait des transgressions et corruptions (morales, physiques, religieuses); représentant la dégénérescence du genre humain.

Artistes ayant représenté des monstres

Dans la littérature

Le monstre, dans les mythologies, est omniprésent. Les exemples sont innombrables : la Gorgone par exemple, dont le masque de méduse pétrifiait les humains (d'où le terme : « méduser ») dans la mythologie gréco-latine. Les croyances païennes font resurgir la figure du monstre, assimilé à une terreur collective. Le monstre est souvent double et se cache sous une apparence humaine. La thématique du loup-garou en est un exemple. La résurgence de la mythologie, après l'Humanisme, traite les figures de monstre de façon ornementative, mais souvent allégoriques, voir métaphysiques. Dans sa reprise de la « Fable » d'Apulée, La Fontaine, dans les Amours de Psyché présente un « monstre » de galanterie : Amour.

Autres exemples de monstres dans la littérature :

Au cinéma

Quelques réalisateurs dont le monstre est un sujet de prédilection :

Quelques monstres célèbres

  • l'anencéphale de Vichy ;
  • Joseph Merrick dit Elephant Man (« l’homme-éléphant »).

Notes et références

  1. (fr) Définitions lexicographiques et étymologiques de monstre du CNRTL.
  2. Par exemple Néron, le monstre naissant dans Britannicus de Jean Racine
  3. dans Le rêve de D'Alembert
  4. L’Erotisme, 10/18, Paris, 1965
  5. t.47, 1952 : Ein archäologischer Beitrag zur Urgeschichte des Schlamanismus
  6. Selon Bataille, le rhinocéros à gauche de la scène, du fait de l’usage d’une même peinture noire et brillante, appartient à la scène. Néanmoins, les dernières recherches excluent le rhinocéros de la scène : « Ces observations convergentes [des prélèvements de pigments par microscope électronique à balayage (MEB) couplés à l’analyse dispersive en énergie (EDS)] conduisent à exclure le rhinocéros de l’unité graphique de l’ensemble des figures du Puits. Il semble évident que les autres sujets de la Scène, ainsi que le cheval, bien que ce dernier soit inscrit sur la paroi opposée, ont été réalisés avec un même “ pot de peinture ”, ce qui signifie un seul et même approvisionnement et une seule préparation. L’homogénéité visuelle d’une large majorité des figures de ce panneau, confirmée par l’analyse physico-chimique de la matière picturale, détermine donc un temps d'exécution "très limité". Centre de recherche et de restauration des musées de France, « Opération phare - Lascaux, les pigments noirs de la Scène du puits. » : Lascaux : Les pigments noirs de la Scène du puits
  7. Il était courant de trouver dans la les bibliothèques des couvents la Bible des pauvres, l'Ars Moriendi, ou l'attention est portée sur les tourments infernaux, etl'Imitation de Jésus Christ, ainsi que quelques ouvrages mystiques, tel la Devotio moderna, Révélations de Sainte Brigitte ou les écrits de Jean de Ruysbroek. Roger van Schoute, Monique Verboomen, Jérôme Bosch, La Renaissance du Livre, Tournai, 2000, p.22.
  8. Il était parfaitement admis que la cathédrale Saint-Jean soit orné d’une l'horloge astrologique, conçue par le forgeron Peter Wouterszoon en 1513, bien que l’astrologie soit alors considérée comme un blasphème, car seul Dieu peut connaitre l’avenir.
  9. Roger van Schoute, Monique Verboomen, Jérôme Bosch.
  10. Roger-Henri Marijnissen, Peter Ruyffelaere, Abécédaire de Jérôme Bosch, Flammarion, Paris, 2001, p. 10-11
  11. Nous pouvons rapprocher le panneau central et Genèse 6:12 : "Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre."

Voir aussi

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Voir « monstre » sur le Wiktionnaire.

Bibliographie

  • Pierre Ancet, Phénoménologie des corps monstrueux, 2006, Paris, PUF.
  • Yves Bonnefoy (dir.), Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, 1981, Paris, Flammarion.
  • Annie Ibrahim (dir.), Qu'est-ce qu'un monstre?, 2005, Paris, PUF.
  • Martin Monestier, Les monstres. Histoire encyclopédique des phénomènes humains des origines à nos jours, 2007, Paris, Le cherche midi.
  • Stéphane Audeguy, Les monstres : si loin et si proches, 2007, Gallimard.
  • Virginie Martin-Lavaud, Le monstre dans la vie psychique de l'enfant, 2009, Toulouse, Erès.
  • Gilbert Lascault, Le monstre dans l'art occidental, 1973, Paris, Klincksieck.
  • Jean Céard, La nature et les prodiges, 1996, Génève, Droz.

Liens internes

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