- Mathilde Carré
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Pour les articles homonymes, voir Carré (homonymie).
Mathilde Carré (1908-1970), dite la Chatte, fut une espionne pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle travailla successivement pour plusieurs services secrets :
- réseau de renseignements franco-polonais INTERALLIÉ, relié à l'Intelligence Service (MI 6) britannique,
- 5e bureau de Vichy ;
- Abwehr, service de contre-espionnage militaire allemand ;
- Gestapo (pendant peu de temps, elle fut un agent personnel de Karl Boemelburg, chef de la Gestapo en France) ;
- Special Operations Executive, section F, réseau AUTOGIRO de Pierre de Vomécourt « Lucas ».
Sommaire
Identités
- État civil : Mathilde Lucie Bélard, épouse Carré
- Surnom, pour la famille : Lily
- Comme agent secret :
- la Chatte, die Katze (ce qui signifie « le chat » en allemand),
- « Victoire » (pour Londres), Micheline (pour la Résistance), Lydie, Baghera,
- Papiers : Micheline Donnadieu, Marguerite de Roche, Madame Berger, Madame Jean Castel,
- agent personnel de Karl Boemelburg : B 134.
- Nom de plume : Maïtena Barrel.
Famille
Son mari : Maurice Carré (mariage en 1933), soldat puis enseignant, se trouve en Syrie en 1939. Il meurt au monte Cassino le 30 janvier 1944.
Biographie
Avant la guerre
1908. Le 29 juin, à minuit[1], Mathilde Bélard naît au Creusot. Elle reçoit une éducation traditionnelle.
1928. Elle suit des cours d'infirmière. Elle s'intéresse à la psychopathologie et à la psychiatrie.
1932. Elle écrit des articles de journaux.
1933. Sur un coup de tête, elle épouse Maurice Carré.
Pendant la guerre
1940
- Septembre. Au milieu du mois, elle rencontre Roman Czerniawski, alias Armand Borni au café La Frégate de Toulouse. Pilote polonais, il a entrepris de monter un réseau de renseignements appelé INTERALLIÉ, et il la persuade de travailler pour lui.
- Octobre. Ils se rendent à Vichy avec Philippe Autier
- Novembre. Raoul Beaumaine, le "Sir Raoul" du 5e bureau de Vichy, lui donne une formation d'agent secret. Elle décide de travailler aussi pour ce service. C'est pendant cette période à Vichy que des journalistes américains, au bar des Ambassadeurs, la surnomment « la Chatte ».
À Paris, Armand et Mathilde développent le réseau INTERALLIÉ, qui obéit au gouvernement polonais en exil à Londres. Le réseau s'étoffe considérablement. Bernard Krótki « Christian » devient le numéro 2. « Armand » dispose, dans la plupart des départements de la France occupée, de correspondants dirigeant des groupes de sympathisants.
1941
- Février. À Paris, Mathilde Carré est en relations avec Pierre de Froment qui la charge de faire passer à Vichy des renseignements militaires recueillis par son réseau de zone interdite (Nord et Pas-de-Calais).
- Mai. Le 10, le premier message radio part pour Londres depuis le 3, square du Trocadéro. L'Intelligence Service envoie deux opérateurs radio, qui, à partir de ce moment-là, vont pouvoir émettre quotidiennement vers Londres les renseignements utilisés ensuite par la RAF pour définir ses cibles.
- Octobre. Un agent récemment recruté pour le réseau Bretagne, « Émile », prenant un verre dans un bistrot du port de Cherbourg, met au courant imprudemment un soldat allemand de ses activités d'espion. Celui-ci fait un rapport. Les Allemands confient l'affaire à Hugo Bleicher. De fil en aiguille, celui-ci arrête « Paul » (le sous-chef du réseau Calvados), « Christian » (le second d'« Armand »). Le 18, c'est au tour d’« Armand » lui-même et de sa maîtresse Renée Borni d'être arrêtés au petit matin à leur domicile 8 bis, villa Léandre, à Montmartre. En interrogeant Renée Borni « Violette », Hugo Bleicher apprend qu'une dénommée Mathilde Carré, dite la Chatte, joue un rôle très important dans le réseau et qu'elle habite à deux pas du Sacré-Cœur, rue Cortot. Il arrête Mathilde près de son domicile. Effrayée près une nuit passée en prison, elle demande à parler à Bleicher et livre la cachette du fichier des membres et la caisse du réseau INTERALLIÉ. « Victoire » travaille désormais pour l'Abwehr contre la Résistance. Son travail est énorme. Elle fait arrêter beaucoup de monde[2].
- Décembre. Elle rencontre des agents du Special Operations Executive : Pierre de Vomécourt « Lucas » qui cherche à obtenir son aide pour communiquer avec Londres, et Benjamin Cowburn « Benoît ».
1942
- Janvier. Sous la pression de Pierre de Vomécourt « Lucas », elle reconnaît sa trahison, accepte de trahir maintenant l'Abwehr et d'aider les agents du Special Operations Executive.
- Février. Dans la nuit du 27 au 28, grâce à un stratagème imaginé par « Lucas », ils rentrent à Londres sous la protection des Allemands, qui s'attendent à ce qu'elle travaille pour eux depuis Londres.
- Juillet. Le 1er, elle est arrêtée « sur demande du gouvernement français et pour la durée de la guerre », et maintenue en détention, compte tenu du rôle trouble qu'elle a joué. Elle passera trois ans en prison à Aylesbury et à Holloway.
- Novembre. Elle entame une grève de la faim pour obtenir l'amélioration de ses conditions de détention.
1943. Le 12 juillet, l'Abwehr qui n'a plus de nouvelles de son agent, détruit son dossier.
Après la guerre
1945.
- Juin. Le 1er, elle est transférée par avion au Bourget, et de là, rue des Saussaies, où elle est interrogée pendant 22 jours. Du 22 au 26, elle est incarcérée au dépôt. Puis au fort de Charenton.
- Juillet. Le 7, elle subit son premier interrogatoire devant la cour de justice de la Seine, en l'absence de son avocat, Maître Naud.
- Octobre. Le 29, elle est transférée à Fresnes.
1947.
- M. Donsimoni, juge d'instruction, est chargé de reprendre l'affaire. Une nouvelle charge : elle aurait révélé les activités de l'attaché militaire US à Vichy.
1949
- Janvier. Le 3, son procès s'ouvre. Sa défense repose sur son affirmation de son apport à Londres de l'organigramme de l'Abwehr sur la Résistance. Le 7, la sentence est prononcée : elle est condamnée à mort.
1952. Le 2 août, sa peine est commuée en vingt ans de travaux forcés.
1953. Elle se fait baptiser.
1954. Le 7 septembre, elle est libérée pour raisons de santé, après douze années de détention (3 en Angleterre et 9 en France).
1959. Publication de la première version de ses mémoires, J’ai été "la Chatte".
1970. Elle meurt[3].
1975. Publication de la deuxième version de ses mémoires, On m'appelait la chatte".
Œuvre
- Mathilde-Lily Carré, J'ai été "La Chatte", préface d'Albert Naud, collection « Actualité et politique », no 6, éditions Morgan, 1959.
- Lily Carré, On m'appelait la Chatte, Albin Michel, Paris, 1975.
- Lily Carré, Ainsi vécut Marie, jeune-fille de Nazareth, mère du Christ, préface du Père Riquet, éditions Droguet-Ardant, 1980.
Bibliographie
- Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8), (EAN 9782847343298). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004.
Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle sur ce sujet.
- Gordon Young, L'espionne n°1 : celle qu'on appelait la Chatte, Arthème Fayard, 1957 ; rééd. L'Espionne n° 1 : la Chatte, éditions "J'ai lu leur aventure" n°A60, 1964 ; rééd. L'Espionne n° 1 : celle qu'on appelait la Chatte, éditions Famot, collection « Histoire vécue de la Résistance », 1974.
- Benjamin Cowburn, Sans cape ni épée, Gallimard, 1958.
- Janusz Piekalkiewicz, Les grandes réussites de l'espionnage, Fayard Paris-Match, 1971. Chapitre Montmartre, Plan directeur H 18, p. 10-23.
- Patrice Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans la Résistance, Le Cherche midi, 2005
- (en) Lauran Paine, Mathilde Carré, Double Agent, London, Hale, 1976.
Filmographie
- La Chatte, film de Henri Decoin de 1958. C'est une adaptation de sa vie pendant la guerre, avec quelques écarts (elle passe pour « traître involontaire »).
- La Chatte sort ses griffes, film de Henri Decoin (1960). La jeune femme sauve un réseau de résistance.
Notes et références
- Source : J'ai été "La Chatte", p. 15.
- Paillole la rend responsable de 66 arrestations ; et son avocat Albert Naud de plus de 100 agents du réseau Interallié. Elle assiste à presque toutes les arrestations, et désigne ses victimes : « C'est bien lui, vous pouvez y aller ». Le colonel
- 1970 est l'année de décès donnée par Wikipédia en anglais.
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