Loi Le Chapellier

Loi Le Chapellier

Loi Le Chapelier

Page d'aide sur l'homonymie Ne pas confondre avec loi Le Châtelier, loi, presque homonyme, de la chimie.

La Loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, est une loi proscrivant les organisations ouvrières, notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage. Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs que par leur proximité historique. Elle interdisait donc de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du siècle suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles. Elle ne visait ni les syndicats et clubs patronaux, ni les trusts et ententes monopolistiques qui ne furent jamais inquiétés.

Connue sous le nom de l'avocat au parlement de Bretagne, puis député patriote aux États généraux Isaac Le Chapelier, cette loi proscrit le régime général d'exercice collectif des métiers ouvriers (les corporations), avec toutes les réglementations sociales particulières, et par conséquent le régime de dérogation des manufactures privilégiées[1],[2] et d'une façon générale tous les marchés paysans[3]. Rejetant les corps intermédiaires chers à Montesquieu, dans l'esprit de la nuit du 4 août 1789, son préambule affirme qu'il « n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de coopération »[4].

À la suite des principes de la physiocratie, cette loi vise à favoriser la libre entreprise, conçue comme le moyen d'assurer l’enrichissement de la nation et le progrès social[5],[6].

Supprimant toutes les communautés d'exercice collectif des professions, la loi Le Chapelier eut pour effet de détruire les guildes, corporations et groupement d'intérêts particuliers, détruisant du même coup les usages et coutumes de ces corps[7]. Elle provoque, dès 1800 chez les ouvriers charpentiers, la formation de ligues privées de défense, appelées syndicats, et des grèves, qu'elle permet de réprimer pendant presque tout le XIXe siècle[8]. Bien qu'ils soient également interdits, la loi ne parvient pas à empêcher la formation de véritables syndicats patronaux[9]. De même, la loi ne peut empêcher l'organisation de sociétés de compagnonnage[10]. Par ailleurs, les coopératives ouvrières, développées à partir de 1834, sont considérées, hormis une brève période sous la Deuxième République, en 1848, comme des coalitions jusqu'à la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés, qui leur reconnaît un statut légal, comportant un chapitre dit « des Sociétés à Personnel et Capital Variables ».

La loi suit de très près le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791, à la fois dans ses objectifs et par sa proximité historique. Le décret d'Allarde contribuera aussi à établir la liberté d'exercer une activité professionnelle en affirmant le principe suivant : « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouve bon ».

La loi contribue, avec le décret du 18 août 1792[11], à la dissolution de l'Université et des facultés de médecine, au nom du libre exercice de la médecine, sans qu'il soit nécessaire d'avoir fait des études médicales ou d'avoir un diplôme, jusqu'à la création des écoles de santé de Paris, Montpellier et Strasbourg le 4 décembre 1794[12].

Le 12 avril 1803, la loi sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers renouvelle l’interdiction des coalitions ouvrières. De son côté, le délit de coalition est réaffirmé dans les articles 414 et 415 du Code pénal de 1810[13]. Le 15 mars 1849, une nouvelle loi est votée contre les coalitions ouvrières et patronales[14].

La Loi Le Chapelier a été abrogée en deux temps le 25 mai 1864 par la loi Ollivier, qui abolit le délit de coalition, et le 21 mars 1884 par la loi Waldeck-Rousseau, qui légalise les syndicats.

Liens externes

Notes et références

  1. Les règlements des métiers limitant le nombre de compagnons et d'apprentis que pouvait engager chaque maître, il fallait obtenir des lettres patentes de dérogation pour établir une manufacture, c'est-à-dire un nouveau règlement adapté à la production en grand. Mais dans le faubourg Saint-Antoine, qui bénéficiait depuis 1657 d'un privilège royal permettant de travailler sans lettres de maîtrise ni contrôle des jurés parisiens, s'étaient établies des manufactures sans privilèges qui bénéficiaient d'une extraterritorialité par rapport aux communautés de métier de Paris. Espace de concentration ouvrière, c'est dans ce faubourg qu'a lieu l'un des premiers épisodes de la Révolution française, l'affaire Réveillon, en avril 1789.
  2. Alain Thillay, Le Faubourg Saint-Antoine et ses « faux ouvriers. La Liberté du travail à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles », Paris, Éditions Champ Vallon, 2002, 400 pages, p. 94 (ISBN 2876733382)
  3. La vente des produits agricoles, de la viande, du poisson, se faisait en nom collectif dans des halles, sortes de coopératives publiques fonctionnant comme des bourses.
  4. Édith Archambault, « La gestion privée des services sociaux en France : production déguisée ou partenariat innovant? », in Juan-Luis Klein, Association d'économie politique, Benoît Lévesque (dir.), Contre l'exclusion, repenser l'économie, Presses de l'Université de Québec, 1995, p. 187-198 (ISBN 2760508730)
  5. Jef Blanc-Gras, L'évolution des relations sociales dans une société en mutation, mémoire de Master Ressources Humaines, spécialité Conditions de Travail-Compétences, 2006, p. 15-16.
  6. « Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Naissance d'un grand texte. Petite chronologie de la reconnaissance du droit d'association, 1789-1901 », sur le site de l'Assemblée nationale.
  7. C'est ce que remarque et dénonce Simon-Nicolas-Henri Linguet dès la parution de la loi.
  8. Cette première grève des charpentiers à Paris est rapportée par Frédéric Le Play dans les Ouvriers européens.
  9. Gilles Dal, La Sécurité sociale à ses débuts, réactions suscitées, arguments échangés, aux sources du conflit social, Paris, L'Harmattan, collection « Logiques historiques », 2003, 298 pages, p. 30 (ISBN 2747540111) : l'Association pour la défense du travail national (1846) est la première tentative de fédération du patronat français à l'échelle nationale.
  10. F. du Cellier, Histoire des classes laborieuses en France, Paris, Didier et Cie, 1860, 479 pages, p. 342.
  11. Le décret du 18 août 1792 supprime toutes les congrégations d'hommes et de femmes, tant laïques qu'ecclésiastiques, les universités, les facultés et les sociétés savantes.
  12. Jacques Poirier & Françoise Salaün, Médecin ou malade? La médecine en France eux XIXe et XXe siècles, Paris, Éditions Masson, 2001, 321 pages, p. 4 (ISBN 2294003748)
  13. Alain Supiot, « Revisiter les droits d'action collective », in Georges J. Virassamy, Isabelle Dauriac, Ferdinand Edimo-Nana, Philippe Saint-Cyr (dir.), Droits et pratiques syndicales en matière de conflits collectifs du travail, actes du colloque des 18 et 19 décembre 2000, Centre d'Études et de Recherches Juridiques en Droit des Affaires, université des Antilles et de la Guyane, Paris, L'Harmattan, 2002, 178 pages, p. 25-58 (ISBN 2747525503)
  14. « La régulation des relations de travail (1950-2006) - Chronologie »
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