- Anglo-normand (langue)
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L’anglo-normand est une ancienne langue d'oïl (ou dialecte) parlée au Moyen Âge en Angleterre à la Cour des rois et dans l’aristocratie anglo-normande. La langue d'oïl formant un ensemble de parlers mutuellement intelligibles, l'anglo-normand est parfois considéré comme en étant un dialecte[1].
Sommaire
Histoire
La conquête du royaume anglais en 1066 par Guillaume le Conquérant (ou Guillaume Ier d'Angleterre) a eu pour conséquence l'utilisation du langage normand dans une contrée où dominaient le vieil anglais (northumbrien, anglien, saxon, kentois) et les langues celtiques (gallois, cornique, écossais, cambrien).
Les membres de la Cour et les barons venus de France parlaient une sorte de langue d'oïl, plutôt normande (même si de nombreux compagnons d'armes de Guillaume le Conquérant venaient d'autres régions que de Normandie[2]). C'est ce « normand insulaire » qu'on appelle anglo-normand par commodité.
Guillaume et ses successeurs immédiats sur le trône anglais ne tentèrent pas d’imposer l’anglo-normand comme langue officielle, préférant attribuer cette fonction au latin, comme en France. Les populations d’origine anglo-saxonne continuèrent d'utiliser le vieil anglais qui a peu à peu évolué vers le moyen anglais au contact de l'anglo-normand. Tout en connaissant le moyen anglais et en écrivant en latin, les clercs employaient l’anglo-normand. La littérature anglo-normande comprend des chroniques, gestes, hagiographies, chansons, littérature didactique et religieuse.
Survivances
Si l’anglo-normand a disparu, il se trouve encore en revanche un grand nombre de mots de l'anglais moderne qui proviennent de cette ancienne langue. Un recensement de ces termes en a donné plus de 5 000. Par exemple, to catch, un verbe qui semble autochtone, car doté d'un prétérit et d'un participe passé irrégulier (caught / caught), remonte en fait au normand septentrional cachier (aujourd'hui cachyi en cotentinois et cacher en cauchois sans rapport avec le français cacher qui se dit respectivement muchyi et mucher) correspondant exact du français chasser (du bas-latin captiare). Le mot garden semble un pendant exact à l'allemand Garten, alors qu'en réalité, il est issu du normand septentrional gardin (correspondant au jardin français), issu d'un gardinus bas latin emprunté au germanique. La forme équivalent à Garten suivant la phonétique anglaise est yard. De même war, qui paraît d’origine anglo-saxonne vient en fait du normand werre, correspondant au guerre français :
Exemples de mots normands passés en anglais anglais normand français candle caundèle chandelle cabbage caboche chou castle câté (anc. castel) château catch cachi chasser cat cat chat cater acater acheter catch cachier chasser causeway cauchie chaussée chair tchair, var. quaie chaise fashion faichon façon fork f(ou)orque fourche garden gardin jardin mug mogue, moque (grande) tasse pocket po(u)quette poche poor paur, pour pauvre task tasche tâche wage anc. wage gage wait anc. waitier guetter war anc. werre guerre ward anc.warde garde warranty anc. warantie garantie wicket viquet, anc. wiket guichet Aujourd’hui encore, le Parlement britannique continue à avoir recours à des expressions d’anglo-normand dans le passage de certaines lois :
- "soit baillé aux communes"
- "A ceste Bille les Seigneurs sont assentus"
- "A ceste Bille avecque des amendements les Seigneurs sont assentus"
- "Ceste Bille est remise aux Seigneurs avecque des raisons"
- "La Reyne le veult"
- "La Reyne remercie ses bons sujets, accepte leur bénévolence, et ainsi le veult"
- "Soit fait comme il est desiré"
Notes et références
- Roger Bacon, dans son Opus maius, écrit en latin médiéval (traduit) au XIIIe siècle siècle : "En effet, les idiomes d'une même langue varient selon les individus, comme il arrive à la langue française qui auprès des Français, des Picards, des Normands et des Bourguignons varie de manière idiomatique. Et les termes corrects dans la langue des Picards font horreur aux Bourguignons, et même aux Français plus voisins..."
- Le caractère spécifiquement normand de la cour d'Angleterre fut atténué par la rapide arrivée sur le trône de rois angevins. De même, une partie du baronage anglo-normand était en fait issu de familles originaires de l'Île-de-France, de Bretagne, de Picardie, de Champagne, etc.
Voir aussi
Auteurs
- Alexandre de Bernay - Chardry - Clémence de Barking - Denis Piramus - Éverard de Gateley - Geoffroy Gaimar - Guernes de Pont-Sainte-Maxence - Guillaume de Berneville - Guillaume le Clerc de Normandie - John Gower - Marie de France - Nicholas Trivet - Nicole Bozon - Philippe de Thaon - Pierre d'Abernon - Pierre de Langtoft - Raüf de Lenham - Robert Biket - Robert de Gretham - Robert de Ho - Robert Grossetête - Wace - Simon de Freine - Thomas d'Angleterre - Thomas de Kent - Wilham de Waddington - Jofroi de Waterford - Sarrasin - Jourdain Fantosme - Chandos - André de Coutances
Bibliographie
- Gustav Adolphe Kloppe, Recherches sur le dialecte de Guace (Wace) : trouvère anglo-normand du XIIe siècle, Magdeburg, W. Heinrich, 1853-1854
- Serge Lusignan, La langue des rois au Moyen Âge : le français en France et en Angleterre, Paris, Presses universitaires de France, 2004, 296 p. ISBN 2-13-054392-8
- Édouard Le Héricher, Glossaire étymologique anglo-normand ; ou, L'anglais ramené à la française, Avranches, Durand, 1884
- Henri Moisy, Glossaire comparatif anglo-normand: donnant plus de 5 000 mots, aujourd'hui bannis du français, et qui sont communs au dialecte normand et à l’anglais, Caen, H. Delesques, 1889
- Faucher de Saint-Maurice, Honni soit qui mal y pense. Notes sur la formation du franco-normand et de l’anglo-saxon [S.l. s.n.], 1980
- J.-P. Thommerel, Recherches sur la fusion du franco-normand et de l’anglo-saxon, Paris, Pourchet père, Hingray, Silvestre ; Londres, W. Pickering, 1841
- Johan Vising, Étude sur le dialecte anglo-normand du XIIe siècle, Uppsala, Edquist, 1882
Liens externes
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