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La Dispute du Saint-Sacrement (Raphaël)
La Dispute du Saint-Sacrement de Raphaël, quatrième fresque de la salle de la Signature, est peinte entre 1509 et 1510.
C'est le peintre Vasari qui donne à cette œuvre son nom, un peu improprement puisque s'il peut être question d'une dispute théologique, c'est-à-dire une intense discussion, dans le registre inférieur, en revanche le registre supérieur fonctionne plus comme une glorification de l'Église céleste triomphante. Le titre de l'œuvre aurait donc tout aussi bien pu être Le Triomphe de l’Église.
Sommaire
Sens général de l’œuvre
La fresque cherche à représenter en peinture ce que l'on pourrait appeler le Vrai théologique, en regard du Vrai philosophique qu'incarne en face de lui la fresque de l’École d'Athènes. Dans la tradition chrétienne ce Vrai théologique s'incarne dans l'Eucharistie, geste d'action de grâce que le Christ lègue à ses disciples en mémoire de lui, peu de temps avant sa passion. Dès lors, tout le service de l’Église du Christ sur terre tourne autour de cet acte suprême, comme moyen de rédemption mais aussi de relation avec un divin comprenant le Dieu trinitaire, les puissances célestes et les saints de tous les temps. C'est donc cette réalité théologique complexe que Raphaël entreprend de représenter dans cette fresque qui doit, en tant qu’elle est destinée au bureau et à la bibliothèque du pape Jules II, être comme un support à la contemplation du mystère de l’Eglise sur terre et dans les cieux.
Description
Composition
La fresque est circonscrite dans une voûte et propose, comme la plupart des œuvres de Raphaël, une composition rigoureuse qui exploite judicieusement la forme en arc de cercle qui l’accueille, puisque le motif circulaire est omniprésent dans l’œuvre. De bas en haut, il se cristallise d’abord dans le Saint Sacrement, présent sur l’autel et qui constitue comme le centre du cercle par lequel passe le demi-cercle de la voûte, ce qui confirme son statut de sujet de l’œuvre, puis on le trouve en auréole autour de la colombe, symbole traditionnel du Saint Esprit, en grande auréole du Christ, sous la forme d’un globe dans la main du Père, tout en apparaissant sur la plupart des saints en auréole à leur tête ; enfin, les saints et les grandes figures de l’Ancien Testament sont placés en arc de cercle autour de la Trinité, tandis que le ciel est composé d’une vaste voûte céleste lumineuse qui fait écho en inversion au cercle qui entoure le Christ. Cette omniprésence de la forme circulaire s’explique en ce que la prééminence ontologique et la perfection du cercle répondent non seulement à une tradition antique, mais aussi chrétienne et plus particulièrement de la Renaissance qui voit dans le cercle la forme géométrique la plus accomplie. On peut voir aussi dans ce souci de la disposition circulaire des éléments dans la peinture comme le chœur d’une église, l’autel et le Saint Sacrement formant autant d’éléments pour suggérer cela.
La composition mime d’ailleurs la distinction théologique du ciel et de la terre notamment sur ce critère de différenciation qu’est la présence de la forme circulaire. En effet, si le cercle est omniprésent dans les cieux, accompagné pas une harmonie marquée dans la répartition des figures de « l’Église triomphante », qui rassemble des prophètes, des apôtres et des saints autour de la Sainte Trinité, en revanche le bas du tableau s’organise de manière horizontale, et les personnages de « l’Église militante », docteurs de l’Église, pontifes et fidèles, sont rassemblés avec bien moins de cohérence et d’harmonie, voire dans le tumulte et dans l’animation. . On peut d’ailleurs reconnaître nombre de figures parmi ces personnages disposés de part et d’autre d’un autel dominant un vaste paysage : tous arborent des positions singulières, dénotant le souci de Raphaël pour un certain naturel.
Le registre terrestre
Directement à côté de l’autel se trouvent les docteurs de l’Église des premiers temps du christianisme avec à gauche saint Grégoire (sous les traits de Jules II) et saint Jérôme accompagné de son lion et à droite saint Augustin et saint Ambroise : les quatre docteurs sont, au contraire des autres personnages, assis, ce qui les rapproche déjà des personnages situés dans les cieux ; on distingue par ailleurs deux docteurs postérieurs que sont saint Thomas et saint Bonaventure. Les papes Innocent III (1160-1216 pape le plus puissant du Moyen Âge qui établit l’indépendance politique de Rome) et Sixte IV (1414-1471 Francesco della Rovere de son nom, il embellit significativement Rome) côtoient des religieux comme le dominicain Savonarole (instigateur en 1494 à Florence d’une révolution politique (retour à la République) et morale (rechristianisation) ou le peintre Fra Angelico (contemporain de Savonarole, admiré pour ses fresques et ses peintures sublimes) qu’accompagnent Dante, dont la Divine Comédie eût une influence sur la théologie au Moyen Âge, Fra Angelico tout près de l’autel, Bramante, l’architecte fameux de la basilique Saint-Pierre, ou Francesco Maria della Rovere, présenté sous des traits similaires à ceux de Léonard de Vinci et qui pointe le Saint Sacrement dans un déhanchement léger et gracieux.
Les personnages sont disposés à une distance variable par rapport au Saint Sacrement, qui est cette présence de Dieu sur terre, ce point de contact entre les deux Églises terrestre et céleste, mais que les docteurs de l’Église sont au plus près, assis face à l’autel, que les autres figures essentielles de l’histoire de l’Église sont un peu en retrait, debout, mais toujours orientés vers l’autel et que les artistes laïques et d’autres personnages sont eux sur les côtés, avec des positions plus ambivalente, de biais voire de dos, signifiant ainsi la diversité des rapports à Dieu sur terre. La scène est très animée, et si l’on parle de dispute peut-être d’après une interprétation un peu inexacte de Vasari, on voit que le terme n’est pas tout à fait inapproprié pour caractériser l’atmosphère qui ce dégage du registre terrestre de la fresque. Loin de la Sainte conversation, dont l’échange est plus d’ordre mystique qu’intellectuel, les personnages semblent tous ici affairés, échangeant des propos, gesticulant, pointant le ciel, d’autres personnages ou le Saint Sacrement, ou encore concentrant leur attention sur quelques écrits. L’intention est ici sans doute de représenter l’intense activité théologique de définition et de théorisation du mystère que constitue le Saint Sacrement. Les nombreux livres représentés participent certainement aussi de cet effort d’élaboration conceptuelle qui donne corps à l’Église militante, et dont le pape Jules II, pour qui est peinte cette œuvre, est le continuateur.
Le registre céleste
Au contraire du registre terrestre, animé et presque désordonné, le registre céleste répartit harmonieusement, dans un demi-cercle, les figures remarquables de l’Église triomphante, accompagnées de leurs attributs traditionnels et toutes installées paisiblement sur des sièges de nuages, accoutrés d’habits colorés spécifiquement pour chacun. Aux extrémités du demi-cercle saint Pierre et saint Paul se font face, un peu comme s’ils étaient les gardes extérieurs de l’Eglise triomphante, dépositaires à la fois de la clé et de la lettre de celle-ci. En même temps saint Pierre étant le premier pape, sa position le rapproche du pape Jules II effectivement en fonction. L’Ancien Testament est représenté par Adam qui fait face à Abraham, Moïse en regard du roi David et Judas Maccabée face au prophète Jérémie. Le Nouveau Testament est représenté quant à lui par les apôtres saint Paul et saint Pierre déjà évoqués, par saint Jean l’Évangéliste (rédacteur de l’Évangile mystique) qui fait face à saint Mathieu (rédacteur de l’Évangile synoptique de base), par saint Laurent et saint Étienne (tous deux saints martyrs).
Autant dire que toutes les grandes figures et les grands moments de l’histoire de l’Église sont ici représentés : patriarches, grands législateurs, rois, prophètes, évangélistes, apôtres, saints martyrs ; et ce, dans un ordre cohérent, alternant les figures des âges de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament et mettant face à face des personnages dont les prérogatives furent assez similaires. La cohérence est également temporelle, puisque si l’on prend chaque âge respectivement, on s’aperçoit que les figures les plus anciennes dans chaque âge sont placées sur les extrémités.
La forme angélique est omniprésente dans les cieux (dans les nuages, autour du Christ, dans les rayons montants). Deux fois trois anges se trouvent de chaque côté du Père, chacun arborant une couleur différente, symboles possibles des trois vertus théologales ou cardinales, ou même de la Trinité sainte. Enfin, quatre anges portent chacun un Evangile.
La trinité est représentée dans un ordre harmonieux, cohérent, à la verticale par rapport au Saint Sacrement. La disposition verticale de la Trinité répond peut-être à un souci de représenter le parcours intérieur ascendant du fidèle dans sa découverte de la foi. La contemplation du Saint Sacrement conduit à la lecture de l’Évangile et à vivre de l’Esprit Saint, ce qui conduit à imiter le Christ, qui amène enfin le croyant au Père lui-même, situé au point le plus haut du tableau. Le Christ reste cependant par sa position prééminente le centre de l’œuvre, guide absolu des Eglises triomphantes et militantes, entouré conformément à la tradition iconographique de la Vierge Marie et de saint Jean-Baptiste, tandis que le Père semble comme en retrait, marquant peut-être ainsi son caractère inaccessible sans la médiation du Christ.
Articles connexes
Galerie
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Catégories : Fresque de Raphaël | Œuvre conservée aux musées du Vatican
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