L'Annee litteraire

L'Annee litteraire

L'Année littéraire

 LAnnée littéraire
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Pays France France
Langue(s) Français
Périodicité décadaire
Genre critique littéraire
Date de fondation 3 février 1754
Ville dédition Paris

Directeur de la rédaction Élie Fréron
ISSN -

LAnnée littéraire, est un périodique littéraire français créé le 3 février 1754 à Paris par Élie Fréron.

Fréron avait fait ses premières armes sous labbé Desfontaines. Attaché à ce célèbre critique avec lequel il rédigea les Observations et les Jugements, il demeura jusquau bout son lieutenant le plus courageux et le plus dévoué et conserva à sa mémoire fidélité et reconnaissance : « Je perds un bienfaiteur, un guide, et plus que tout cela, un ami. […] notre siècle a autant dobligations à labbé Desfontaines que nos pères ne durent à Boileau[1]. » Cependant, soit quil fût impatient de voler de ses propres ailes, soit quil ait cédé a une autre considération, Fréron entreprit, le 1er septembre 1745, la publication de son propre journal intitulé Lettres de madame la Comtesse de ***. Pour modérées quelles soient, ces Lettres il critiquait la littérature de son temps en lui appliquant les modèles du siècle précédent blessèrent néanmoins lamour-propre de nombre de littérateurs dont, au premier chef, Voltaire[2]. Fréron reparut dans larène des lettres en 1749 avec les Lettres sur quelques Écrits de ce temps.

Le 3 février 1754, les Lettres sur quelques Écrits de ce temps devinrent lAnnée littéraire avec cette épigraphe tirée de Martial : « Parcere personis, dicere de vitiis ». À leur début, les feuilles de Fréron il combattait les Philosophes au nom de la religion et de la monarchie furent, aux dires mêmes de ses ennemis, accueillies avec la plus grande faveur. Les périodiques étaient alors assez rares en France. Il ny avait à lépoque que deux autres revues, le Mercure de France qui se contentait de tout encenser tandis le Journal des sçavans nétait fait que pour très peu de lecteurs. LAnnée littéraire, qui paraissait par cahiers tous les dix jours, eut un débit prodigieux. Ce grand succès valut à Fréron de très bien gagner sa vie, mais aussi quelques séjours en prison.

Larme favorite de Fréron était une ironie courtoise dont il ne se départit jamais. Même lorsque Voltaire rédigea contre lui le Café, ou lÉcossaise il était dépeint sous les traits du vil littérateur « Wasp », Fréron alla assister, accompagné de sa femme, à la représentation de la pièce et, feignant de la prendre au sérieux, en rédigea le compte rendu dans la livraison suivante de lAnnée littéraire, se contentant de faire lanalyse des vertus de la pièce pour en signaler les défauts, jouant les érudits pour révoquer en doute la paternité supposée de Hume de cette pièce soi-disant anglaise, mais également pour écarter lidée quelle puisse être de Voltaire : « Quelle apparence, en effet, quune aussi médiocre production soit sortie dune aussi belle plume ? […] jen conclus que ce nest pas M. de Voltaire qui a fait ce drame. […] M. de Voltaire sait trop ce quil se doit à lui-même et ce quil doit aux autres. »

Les ennemis de Fréron, le voyant ainsi inébranlable, recoururent, pour lanéantir, à un moyen auquel on aurait peine à croire, si la révélation publique quen fit la victime nétait demeurée sans réplique. Il nest pas possible de révoquer en doute cet événement curieux que Fréron a raconté lui-même dans LAnnée littéraire de 1772 (t. I, p3-10), car il la fait en face de lofficieux médiateur quil mentionne et avec lautorisation du censeur : « Les philosophes, M. de Voltaire à leur tête, crient sans cesse à la persécution, et ce sont eux-mêmes qui mont persécuté de toute leur fureur et de toute leur adresse. Je ne vous parle plus des libelles abominables quils ont publiés contre moi, de leur acharnement à décrier ces malheureuses feuilles..., de leurs efforts pour me rendre odieux au gouvernement, de leur satisfaction lorsquils ont pu réussir à me faire interdire mon travail, et quelquefois même à me ravir la liberté de ma personne. Malheureusement, dans le moment quils se flattaient dêtre délivrés dun Aristarque incommode, je reparaissais sur larène avec lardeur dun athlète dont quelques blessures que des lâches lui ont faites en trahison ranimaient le courage au lieu de labattre.

Le grand but quils se proposaient était lextinction dun journal je respecte aussi peu leur doctrine détestable que leur style emphatique, , faible roseau, jai linsolence de ne pas plier devant ces cèdres majestueux. Désespérés de ne pouvoir faire supprimer ces feuilles, ils formèrent le projet de les faire tomber, et vous conviendrez, quand vous en serez instruit, quils sy prirent très habilement pour couronner ce dessein dune heureuse exécution. Le détail de cette anecdote ne vous ennuiera pas.

Un censeur, nommé par le chef de la justice, a toujours mis à mes ouvrages le sceau de son approbation. Feu M. labbé Trublet fut chargé pendant longtemps de les examiner ; mais, fatigué des plaintes importunes des auteurs, qui sans cesse lui faisaient des reproches de mes critiques, il mannonça que son repos ne lui en permettait plus la révision. Je demandai un autre censeur, et, pour le mettre à couvert des criailleries de la tourbe des écrivailleurs, je priai le magistrat qui présidait alors à la librairie de men donner un qui gardât lanonyme. Le magistrat goûta cet expédient ; mais il ajouta quil ne fallait pas que je susse moi-même le nom du censeur, afin que, lorsquil se croirait obligé de me rayer quelques traits, il fut inaccessible à mes instances pour les lui faire passer. On régla donc que le censeur ne serait connu que du magistrat et dune autre personne que je connaîtrais, à qui je remettrais mes articles, qui serait chargée de les donner au censeur et de les retirer de ses mains lorsquil les aurait approuvés.

Je neus lieu que de mapplaudir, pendant plusieurs années, de cet arrangement ; mais lofficieux médiateur sétant démis de cet emploi, un autre que je connaissais encore prit sa place. Jignorais quil fût lami de mes ennemis. Ils lui firent part dun moyen neuf et admirable quils avaient imaginé pour dégoûter le public de mon ouvrage : cétait de me renvoyer tous mes articles un peu saillants, sans les faire voir au censeur, en me marquant que ce dernier leur refusait son approbation.

Cette heureuse idée fut merveilleusement remplie. Toutes les fois que, dans mes extraits, je mavisais de mégayer aux dépens de quelque grand ou petit philosophe, le nouveau facteur me les rendait, et ne manquait pas de me dire dun air touché que le censeur ne voulait pas en entendre parler. » Le critique était obligé de refaire ces articles ou den composer dautres, qui se ressentaient nécessairement de la précipitation quil était obligé dy mettre pour que ses feuilles parussent au jour fixé. « Ce cruel manège, continue Fréron, a duré près de quatre ans. Enfin jy soupçonnais quelque mystère ; il ne me paraissait pas naturel quil y eût en France un censeur assez déraisonnable pour condamner des critiques quelquefois un peu vives, à la vérité, mais toujours renfermées dans les bornes prescrites. Je confiai ma pensée au magistrat sage, honnête, intègre autant quéclairé, qui, sous les ordres de M. le chancelier, veille aujourdhui sur le département de la librairie. Il daigna mécouter avec intérêt, et promit de me rendre justice. Je lui laissai tous les articles quon avait impitoyablement proscrits. Il les fit passer à mon censeur, accompagnés dune lettre par laquelle il lui demandait pourquoi il ne les avait pas approuvés. Le lendemain le censeur rapporta les articles au magistrat, en lui protestant que jamais on ne les lui avait envoyés, que cétait pour la première fois quil les avait lus, et quil ny trouvait rien qui parût devoir en empêcher limpression. Je saisis cette circonstance pour solliciter quon me permît de connaître mon approbateur et de lui adresser moi-même mes ouvrages; ce qui me fut accordé. »

Jusquau bout lAnnée littéraire demeura une véritable puissance ; le succès ne se soutint pourtant pas toujours égal pendant sa longue existence car, si grand que fût le courage de Fréron, son rôle nétait pas toujours facile. Apportait-il dans la discussion quelque vivacité, on laccusait de « ne se soutenir que par le scandale ». Dun autre côté, dès que ses feuilles nétaient plus soutenues par le sarcasme, on se plaignait, on les trouvait vides. Les outrages, les insultes, et les persécutions ne purent faire céder Fréron qui tint bon et ne lâcha pas. Un jour seulement le courage lui manqua avec la force. LAnnée littéraire était entrée dans sa 23e année, dans sa 29e si lon y ajoute les Lettres sur quelques écrits de ce temps, dont elle nétait que la continuation sous un autre titre, lorsquun jour quil souffrait dun violent accès de goutte on vint lui apprendre que ses ennemis lemportaient enfin, et que le garde des sceaux venait de supprimer le privilège de son journal sous le prétexte quil ne payait pas les pensions dont on lavait grevé. Pendant les sept ou huit dernières années de sa vie, ses feuilles, qui ne lui valaient plus que six à sept mille livres, et qui étaient chargées de quatre mille livres de pensions, ne pouvaient plus suffire à sa subsistance. À cette nouvelle, Fréron désarmé savoua, pour la première fois, vaincu. Cependant il ne ressentit ni indignation, ni colère. « Cest , dit-il, un malheur particulier, qui ne doit détourner personne de la défense de la monarchie ; le salut de tous est attaché au sien. » Disant ces mots, il baissa la tête et mourut, accablé de fatigues et dennuis, à lâge de 55 ans environ. La goutte lui était remontée et lavait étouffé.

Fréron avait eu pour collaborateurs labbé de La Porte qui, après sêtre brouillé avec lui, fonda les Observations littéraires, labbé Jean-Baptiste Grosier, labbé Thomas-Marie Royou, labbé Duport de Tertre, Baculard d'Arnaud, Palissot, Dorat, Dudoyer de Gastels, Sautreau de Marsy, Daillant de Latouche, Jourdain, etc. Fréron avait, en outre, de nombreux collaborateurs officieux ou anonymes, dont des grands personnages comme le marquis dArgenson.

La banqueroute de Fréron nempêcha pas sa succession dêtre ardemment convoitée. Son fils Stanislas, qui sétait déjà essayé dans quelques contes auxquels lAlmanach des Muses avait donné une indulgente hospitalité, reprit la direction de lAnnée littéraire mais il navait guère quune vingtaine dannées et nétait pas à la hauteur dune pareille tâche. Labbé Grosier, assisté de Le Bret et Clément, prit la direction en chef de lAnnée littéraire. Il faut également citer, au nombre des collaborateurs de Fréron fils, Geoffroy, qui devait faire plus tard presque autant de bruit que le fondateur de LAnnée littéraire. Les mêmes haines qui avaient poursuivi Fréron sattachèrent à son successeur, et elles triomphèrent un instant. LAnnée littéraire sétant oubliée, dans le courant de 1781, jusquà appliquer lépithète de ventriloque à un comédien, ses ennemis firent si bien quelle fut suspendue sous ce prétexte, et léditeur Panckoucke se mit en campagne, à linstigation et avec lappui du parti encyclopédique, pour la faire supprimer et lannexer à son Mercure. Cette intrigue ne réussit quà moitié, lAnnée littéraire obtint la permission de reparaître mais le privilège en fut ôté à Fréron, dont elle cessa de porter le nom, et transféré à sa belle-mère, sans aucune stipulation en faveur de lancien propriétaire, qui restait ainsi à la merci de cette dernière à laquelle il avait seulement été recommandé de lui donner les secours pécuniaires que sa bienfaisance et le succès du journal pourraient lui permettre. Il lui était, en outre, défendu de se servir de la plume trop mordante de Salaun et de Clément, non plus que de celle de son fils.

L'Année littéraire - edition 1781

LAnnée littéraire fut continuée jusquen 1790, époque à laquelle elle paraissait tous les six jours. En 1800, Geoffroy et labbé Jean-Baptiste Grosier tentèrent de la ressusciter mais il na paru de cette continuation que 45 numéros, en 7 volumes.

La collection de lAnnée littéraire, de 1754 à 1790, forme 292 vol. in-12. Les Lettres sur quelques écrits forment 12 volumes complets, plus 2 cahiers. La forme et les conditions sont les mêmes pour les deux publications : elles paraissaient tous les dix jours, par cahiers de 3 feuilles ou 72 pages, et coûtaient 12 sous le cahier, 16 sous par la poste.

Notes

  1. Lettre écrite à Lefranc de Pompignan quelques jours après la mort de Desfontaines.
  2. Celui-ci a traité Fréron dinsecte sorti du cadavre de Desfontaines.

Rééditions

Références

  • Jean Balcou, Fréron contre les philosophes, Genève, Droz, 1975
  • Jean Balcou, Sophie Barthélemy, Élie Fréron, polémiste et critique dart, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001 (ISBN 9782868475282)
  • François Cornou, Trente Années de luttes contre Voltaire et les philosophes du XVIIIe siècle, Paris, Champion, 1922

Sources

  • Eugène Hatin, Histoire politique et littéraire de la presse en France, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1859
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