- Jus soli
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Droit du sol
Le droit du sol (ou jus soli dans sa version latine) est la règle de droit accordant la nationalité à une personne physique née sur un territoire national, indépendamment de la nationalité de ses parents.
Sommaire
Historique
Le droit du sang a longtemps été le seul, aussi bien en Europe (où il est encore très présent en Europe centrale et orientale) qu'en Asie (par exemple dans le système des Millets): on appartient à une famille, à une tribu, à un peuple, et pas à un territoire. Il a aussi été le droit romain initial.
Les premières ébauches de droit du sol (partiel) datent de Clisthène, et se développent dans le monde romain lorsque la citoyenneté est élargie à tous les habitants libres de l'Empire, en particulier avec l'édit de Caracalla.
Mais c'est beaucoup plus tard, l'indépendance des colonies anglaises d'Amérique, puis la révolution française qui posent les bases d'un droit du sol.
Avec l'évolution sociale et économique du XIX-ème et du XX-ème siècle, et surtout les flux migratoires massifs vers les Amériques et vers l'Europe occidentale, le droit du sol va progressivement s'imposer dans de plus en plus de pays.
Le géographe Jared Diamond a calculé que si l'on remettait en question son application depuis 1850, 60 % des Américains et 80 % des Argentins devraient perdre leur nationalité, ainsi que 25 % des Britanniques et des Français.
Application
Le droit du sol s'oppose au droit du sang selon lequel la nationalité est accordée aux enfants nés de parents possédant eux-mêmes la nationalité concernée. Toutefois, l'un n'exclut pas l'autre. Par exemple la nationalité française peut être obtenue par l'un ou l'autre de ces droits. Selon les pays, la nationalité peut être aussi obtenue après la naissance par une procédure de naturalisation.
Dans le domaine de la définition des identités nationales ou régionales, le droit du sol définit l'appartenance à un pays par le fait d'y résider, d'y travailler, d'y vivre : tous les habitants de la Bourgogne sont des Bourguignons, et tous ceux de la Moldavie sont des Moldaves, quelles que soient leurs origines, leurs traditions et leur culture. Au contraire, selon le droit du sang, seuls les Bourguignons ou les Moldaves "de souche" peuvent prétendre à cette identité, qu'ils garderont où qu'ils résident, travaillent ou vivent dans le monde: l'appartenance est, cette fois, définie par les origines, les traditions et la culture.
En 2006, les pays suivants appliquent le droit du sol (de façon plus ou moins systématique) :
- Un certain nombre de pays américains (Argentine, Brésil, Canada, Colombie, États-Unis, Jamaïque, Mexique, Uruguay) appliquent le droit du sol de façon stricte.
- En France, le droit du sol, introduit dès 1515, reste un droit conditionnel : il accorde la nationalité française de plein droit à tout enfant né en France lorsqu'il atteint sa majorité civile, sous réserve d'avoir vécu de façon durable sur le territoire français et d'en faire la demande.
- Selon la Loi Guigou de 1998 la nationalité française est accordée automatiquement, à l'obtention de sa majorité, à l'enfant de parents étrangers ayant tous deux disposé sans interruption d'une carte de résident (et non simplement de séjour) en règle, né sur le territoire français. Pour obtenir la nationalité française, le mineur doit en outre prouver, à l'accession à l'âge majeur, qu'il a résidé durant au moins 5 ans en France : le seul fait de naître en France ne donne pas droit à la nationalité française.
- En Allemagne, depuis 2000, un droit du sol a été introduit dans le code de nationalité. Sous réserve que leurs parents aient vécu de façon durable sur le territoire allemand, le droit allemand accorde aux enfants d'immigrés la nationalité allemande (en gardant la nationalité des parents = double nationalité) [1]
- Royaume-Uni : Le droit du sol est conditionné au fait que les parents détiennent un titre de séjour permanent (cf l'article British nationality law de la wikipedia anglophone)
La plupart des autres pays européens n'appliquent pas ou peu le droit du sol, et la naturalisation sur demande est la seule voie d'acquisition de la nationalité. À noter néanmoins qu'en août 2006, le gouvernement italien de Romano Prodi a proposé une réforme du Code de la nationalité introduisant un droit du sol dans la loi à la suite de la régularisation massive de 350.000 immigrés clandestins.
La Suisse n'applique pas le droit du sol, la naturalisation est la seule voie d'acquisition de la nationalité suisse.
Le Japon est traditionnellement attaché au droit du sang mais a introduit une forme complexe de droit du sol, destinée à faciliter l'intégration de personnes d'origine japonaise lointaine, de nationalité brésilienne, péruvienne ou américaine, qui se réinstallent au Japon.
Le Grand-Duché de Luxembourg, qui a voté une réforme de la loi sur la nationalité en octobre 2008, a confirmé son attachement au droit du sang. Toutefois, il a été décidé d'introduire un droit du sol particulièrement compliqué et restrictif. L'esprit de cette loi est qu'un enfant né sur le territoire luxembourgeois de parents étrangers, dont au moins l'un d'entre eux est né également sur le territoire luxembourgeois, se voit attribuer automatiquement la nationalité luxembourgeoise.
Implications politiques
La controverse entre partisans du droit du sang et droit du sol traduit des visions philosophiques et politiques antagonistes, l'une naturaliste, l'autre humaniste.
Les êtres humains d'origines différentes sont, dans cette vision, vus comme des espèces animales différentes : irréductiblement différents et inassimilables. Dès lors, la préservation de l'identité nationale de chaque pays passe par des lois issues du droit du sang.
Le droit du sol est au contraire assimilateur, comme l'ont déclaré Patrick Henry, Benjamin Franklin et George Washington en 1775 à Philadelphie : "Le droit du sol est cette dignité qui est donnée à tout homme qui vit, travaille et paye ses taxes dans nos colonies, d'être accepté comme un citoyen à part entière, pourvu du droit d'exprimer ses opinions et de participer aux décisions le concernant, quelles que soient ses origines, sa foi ou sa fortune" (à noter toutefois que cette déclaration excluait implicitement les femmes, les esclaves et les Amérindiens)[1]. Les êtres humains sont, dans cette vision, vus comme les membres d'une seule et unique espèce, fondamentalement semblables. Dès lors, l'identité nationale du pays se forge progressivement par l'éducation, la multi-culturalité et l'assimilation (le fameux melting-pot).
Notes et références
- ↑ Mark Mayo Boatner, Encyclopedia of the American Revolution, éd. McKay, New York 1966 et 1974, ISBN 0-8117-0578-1
Voir aussi
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Catégorie : Droit des étrangers
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