- Jean Aurèle De Boisserolle
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Jean Aurèle de Boisserolle
Jean Aurèle de Boisserolle, né à Paris, le 3 septembre 1764, était fils du comte de Boisserolle, conseiller au parlement de Montpellier.
Sa mère était la nièce du célèbre financier Law. Le jeune de Boisserolle reçut une éducation soignée au collège des Écossais. À seize ans, ses études étant terminées, il entra au service le 1er avril 1782 comme sous-lieutenant dans la légion dite de Luxembourg, avec laquelle il fit les guerres de 1782 et 1783 aux Indes orientales, ayant pour compagnon et ami le savant orientaliste Foucher.
De retour en France, en février 1784, il fut présenté à Madame, tante du roi, et le 2 avril 1785, il fit partie de la Maison du roi, en qualité de lieutenant des gardes du corps. Quand vint la Révolution française et après le licenciement de la Maison du roi, le 12 septembre 1791, il émigra; mais sa mère fut alors obligée de se cacher et ses sœurs furent emprisonnées.
Cédant aux instances de son vieux père et tremblant pour le sort de sa famille, M. de Boisserolle fit taire les craintes que pouvait lui donner son titre d'émigré, rentra en France et se retira auprès de son père, dans le département du Gard, où il courut d'abord quelques dangers, au milieu de cette population exaltée. Un jour, une douzaine de paysans tirèrent sur lui en même temps, et, par une circonstance inouïe, il ne fut pas même blessé. Soit que ces hommes fanatisés aient cru à un miracle, ou pour un autre motif, leur rage se changea en enthousiasme, et quand la garde nationale du pays fut appelée à la défense des frontières des Pyrénées, ce fut M. de Boisserolle, celui-là même qu'ils avaient voulu tuer qu'ils élurent pour commandant du 8e bataillon des volontaires du Gard (1er novembre 1793).
Arrivé en Catalogne, les connaissances supérieures qu'il possédait dans les mathématiques et le dessin, le firent naturellement choisir pour faire partie du corps du génie. Il fut nommé tout d'abord adjudant à l'état-major général de l'armée des Pyrénées orientales.
De retour à Paris, en 1797, il entra dans l'état-major, où il resta jusqu'au moment où il partit pour l'expédition d'Égypte, avec le général Napoléon Bonaparte, en qualité de lieutenant du génie; il en revint avec le grade de capitaine.
Lors de l'organisation de la gendarmerie, M. de Boisserolle fut nommé chef d'escadron dans la 24e légion du département des Bouches-du-Rhône (Marseille), poste pénible et périlleux dans ces temps, où des bandes armées infestaient les routes, dévalisaient les courriers et livraient souvent des combats acharnés à la gendarmerie.
Peu après il fut appelé à Paris pour assister au couronnement de l'Empereur. C'est à cette époque, 25 prairial an XII, qu'il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur. Il fut ensuite envoyé à Gênes, pour y organiser la gendarmerie; il rentra ensuite dans l'armée active, fit les campagnes d'Italie, d'Allemagne, de Prusse et de Pologne, et enfin fit partie de l'expédition de Russie. Il venait d'être promu au grade de général de brigade, 4 juillet 1813, après une affaire dans laquelle il s'était particulièrement distingué.
Chargé de s'emparer d'un village et de le brûler, s'il ne pouvait s'y maintenir, il s'en empara, bien qu'il n'eût sous ses ordres que peu de monde et ne perdit pas un seul homme. En récompense de ce fait d'armes, l'Empereur le nomma officier de la Légion d'honneur, le 31 juillet 1813.
A Moscou, il reçut le titre de baron de l'Empire, titre dont, par modestie, jamais il ne se para. Pendant la retraite, il fut abandonné au pied d'un arbre, où il serait mort sans l'humanité d'un grenadier[1]
Il ne put assister à la bataille de Waterloo, et quand Louis XVIII, en lui envoyant la croix de Saint-Louis, voulut lui confier le commandement du dépôt du Calvados, auquel Napoléon l'avait précédemment appelé, il dut répondre à cette haute faveur par la demande de sa retraite, qu'il obtint le 9 septembre 1815.
De 1815 au 1er février 1829, époque de sa mort, le général de Boisserolle se livra avec une ardeur juvénile à l'étude d'une langue qui avait été la passion constante de sa vie, pendant les courts loisirs que lui laissèrent toutes les campagnes auxquelles il prit part. Il fit une grammaire et un dictionnaire sanscrit. Ce travail fabuleux fut le résultat de la connaissance approfondie qu'il avait, non-seulement des langues européennes vivantes, mais de toutes les langues mortes.
Un secrétaire infidèle fit disparaître, à la mort du général, un ouvrage auquel il ne semblait pas que la vie d'un homme pût suffire. Les deux ouvrages ont été publiés à l'étranger, sous un autre nom que celui de l'auteur.
M. le général de Boisserolle tenait, par sa famille, à toutes les illustrations de l'époque; on y comptait les Lauriston, Boncelot, La Fare, Genestons, etc., etc. Il ne s'en prévalut jamais que pour rendre service à ses amis à qui sa bourse fut toujours ouverte. Aussi, tandis que tant d'autres généraux achetaient des domaines, où ils allaient se reposer des fatigues de la guerre, il était réduit à traduire les ouvrages des économistes anglais, pour améliorer sa modique retraite ; il ne lui restait rien d'un beau patrimoine.
Son goût pour la poésie et sa facilité à faire des vers ne l'empêchèrent pas d'avoir des connaissances très étendues en mathématiques. Il avait inventé une voiture qui marchait avec rapidité, au moyen d'un mécanisme ingénieux qu'un enfant pouvait faire mouvoir.
Il avait l'intention d'offrir à l'Empereur ce chef-d'œuvre ; "mais" c'était à l'époque de la machine infernale; la politique absorbait tous les esprits, les inventeurs étaient considérés comme des utopistes. Robert Fulton lui-même fut repoussé et dut porter aux États-Unis ses admirables secrets. Les amis de M. de Boisserolle, parmi lesquels était le prince Eugène de Beauharnais, l'engagèrent d'attendre des circonstances plus favorables.
Imbu dans sa jeunesse des doctrines de d'Alembert, Diderot, Rousseau, Voltaire, etc., l'expérience des hommes et des choses le conduisit, sur la fin de sa vie, à revenir sincèrement aux sentiments d'un philosophe chrétien.
Notes et références
- ↑ Il lui desserra les dents avec la lame de son couteau, et fit couler sur ses lèvres la dernière goutte d'eau-de-vie qu'il possédait. Ses yeux s'étant entr'ouverts, le brave grenadier courut au bivouac, y prit une brouette, l'y coucha en travers et le rapporta au camp. Ce fut un regret de tous les instants de la vie du général de Boisserolle de n'avoir pu retrouver l'homme qui lui avait sauvé la vie. Malheureusement cette vie devait être désormais bien douloureuse, puisqu'il avait eu les pieds gelés.
Source
« Jean Aurèle de Boisserolle », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail de l’édition] (Wikisource)
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