Jardin de Dieu

Jardin de Dieu

Éden

La Chute de l'homme par Lucas Cranach, illustration du XVIe siècle

Le jardin d'Éden (héb. גן עדן, jardin des délices) est le nom du jardin merveilleux où la Genèse (chapitres 2 et 3) place l'histoire d'Adam et Ève. Il est souvent assimilé au Paradis.


Sommaire

Géographie

Éden tel que dépeint par Hieronymus Bosch dans le Jardin des délices, incluant beaucoup d'animaux d'origine exotique (africaine ?).

Le Livre de la Genèse ne livre que peu d'informations sur le jardin lui-même. Éden abritait l'Arbre de la Vie, l'Arbre de la connaissance du bien et du mal qui porte des pommes (selon la tradition orale, bien que le mot pomme n'apparaît à aucun endroit), ainsi qu'une végétation luxuriante et variée, suffisant à pourvoir aux besoins d'Adam et Ève. Seuls les versets 2:10-14 semblent contenir un indice assez vague quant à la localisation :

Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
Le nom du premier est Pishôn; c'est celui qui entoure tout le pays de Havilah, où se trouve l'or.
L'or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
Le nom du second fleuve est Guihôn; c'est celui qui entoure tout le pays de Coush (Éthiopie ? Hindi Kush ?).
Le nom du troisième est Hiddèkel; c'est celui qui coule à l'orient d'Ashour (l'Assyrie, donc le Tigre). Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.

Localisations putatives

Quantité d'hypothèses ont été avancées, parfois sans beaucoup de rapport (voire aucun) avec le texte biblique. Si la plupart situent Éden dans le Moyen-Orient, près de l'ancienne Mésopotamie, d'autres l'ont « vu » en Éthiopie, à Java, au Sri Lanka, dans les Seychelles, dans le Brabant, voire à Bristol en Floride[réf. nécessaire]. Quelques théologiens chrétiens pensèrent, comme le jardin d'Éden commençait à être associé au paradis (cf. infra), que le Jardin n'avait jamais eu une existence terrestre propre, qu'il s'agissait d'un « bout de paradis céleste sur terre » au sens littéral.

Ainsi que mentionné plus haut, selon le Texte, un fleuve irrigue Éden avant de se diviser en quatre branches : Hiddekel, Euphrate, Pishon et Gihon. Si les deux premiers correspondent de l'avis général au Tigre et à l'Euphrate, l'identité des deux autres rivières n'est pas résolue à ce jour.

Cependant, si l'on prend le Texte littéralement, le jardin d'Éden, en se trouvant près des sources du Tigre et de l'Euphrate, devrait se situer selon des narrateurs originels établis dans la terre de Canaan (selon la tradition juive, Adam et Ève sont enterrés dans la caverne de Makhpela, à Hébron) dans les monts Taurus, en Anatolie.

Des photos prises par satellite de ces régions montrent deux lits de rivière asséchés dont l'embouchure devait aboutir dans le golfe Persique, où se déversent également le Tigre et l'Euphrate.

Toutefois, ce point ne serait que la « bouche » de ces rivières, non leur source.

D'autres littéralistes estiment que le monde du temps d'Éden a été détruit et remanié par le Déluge, qu'il est donc impossible de localiser Éden dans une géographie post-diluvienne. Certains tentent d'établir un lien avec la cité engloutie d'Atlantis.

L'une des localisations favorites est le Sundaland, en mer de Chine méridionale. Cependant, si c'est le cas, il ne peut y avoir identité entre le Tigre et l'Euphrate de la Genèse et les cours d'eau actuels. Dans cette vision des choses, ces derniers auraient été renommés d'après ces premiers par les descendants de Noé revenus au Moyen-Orient. Cette solution peut sembler séduisante, mais elle est en contradiction avec la Bible elle-même, qui décrit les pays traversés par ces fleuves comme des pays du Croissant fertile.

L'archéologue David Rohl a récemment estimé la localisation d'Éden dans le nord-ouest de l'Iran : selon lui, le Jardin est une vallée située à l'orient du mont Sahand, près de Tabriz. Il énumère plusieurs similitudes géologiques entre cet endroit et les descriptions bibliques, ainsi que des parallèles linguistiques lui semblant décisifs. Cet endroit fut ensuite colonisé par les Mèdes avant qu'ils ne fondent l'empire persique.

Paru en 1955, le Livre d'Urantia situe le jardin d'Éden dans une longue péninsule étroite[1], s'étendant vers l'ouest depuis les côtes est de la Méditerranée, et depuis longtemps submergées du fait de la puissante activité volcanique, qui aurait également submergé un bras de mer liant la Sicile à l'Afrique[2]. Ces suppositions n'ont à ce jour pas été confirmées par les découvertes de la géologie.

Sumer et Dilmun

Les premiers Sumériens vécurent dans les plaines, situées dans le sud de l'actuel Irak. Certains historiens travaillant à partir des horizons culturels du sud de Sumer, où l'on retrouve la source la plus précoce de légendes extra-bibliques, portent leur attention sur l'entrepôt datant de l'âge de Bronze, situé dans l'île de Dilmun (l'actuel Bahreïn) au sein du golfe Persique. Cette île est décrite comme « l'endroit où se lève le soleil » et « la Terre des Vivants ».

Le récit sumérien de la Création, Enûma Elish , présente des parallèles marqués avec le récit de la Genèse.

Après son déclin, vers 1500 A.E.C., Dilmun fut dotée d'une réputation de paradis perdu, si emplie de perfections que cela aurait pu, selon ces historiens[réf. nécessaire], influencer l'histoire du jardin d'Éden.

Quelques exégètes ont tenté de situer le jardin d'Éden dans le centre de commerce de Dilmun.

Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours

Selon la théologie de l'Eglise de Jésus-Christ de saints des derniers jours, la configuration des continents fut entièrement modifiée six générations après le Déluge (Ge. 10:21-25), et les pays et rivières décrits dans la Genèse ont été totalement délocalisés. C'est pourquoi elle suppose que le jardin d'Éden se trouve actuellement dans l'enceinte de la ville Independence, située dans l'État du Missouri (où elle est toujours gardée, non par des chérubins, mais un archange). Independence est pour cette raison l'un des lieux les plus saints du monde.

Quant au Tigre, l'Euphrate, et tous les lieux mentionnés au début de la Genèse, il s'agirait de terres et rivières entièrement différentes, ultérieurement renommées d'après des paysages plus familiers du Proche-Orient de l'après-Déluge.

Gan Eden et Paradis

Le mot « paradis » (héb. פרדס PaRDeS) utilisé comme synonyme de Gan Eden, possède des connotations similaires au vieux Persan, qui décrit un verger clôturé ou un terrain de chasse délimité. Le mot « paradis » apparaît trois fois dans la Bible hébraïque, et dans d'autres contextes qu'un rapport avec Éden :

  • dans le Cantique des Cantiques 4:13 : "Tes fruits sont un pardes de grenadiers, avec les fruits les plus excellents etc."
  • dans l' Ecclésiaste 2:5 : "Je me fis des pardessim et des vergers, et j`y plantai des arbres à fruit de toute espèce"
  • dans Néhémie 2:8 : "et une lettre pour Asaph, garde du jardin du roi, afin qu`il me fournisse du bois de charpente etc."

Dans le Cantique de Salomon, il s'agit clairement d'un « jardin », dans les deux autres exemples d'un « parc ». C'est à partir de la période post-exilique, dans la littérature apocalyptique et les Talmuds, que le « paradis » sera associé au jardin d'Éden, dans son entendement terrestre comme céleste. Dans le Nouveau Testament chrétien, le « paradis » est associé au domaine des bénis (par opposition au domaine des damnés) parmi ceux qui sont déjà morts. Le jardin des Hespérides grec possède des affinités avec le concept chrétien du jardin d'Éden, et à partir du XVIe siècle, l'association totale sera évidente, notamment dans le tableau de Luc Cranach (voir illustration). Dans celui-ci, seule l’action qui se tient identifie le cadre comme distinct du jardin des Hespérides, et de ses pommes d'or.

Selon certains anthropologistes[réf. nécessaire], le jardin d'Éden n'est pas à prendre comme un lieu géographique, mais plutôt un lieu de mémoire culturelle d'« une époque plus simple », où les hommes vivaient de la générosité divine (les chasseurs et cueilleurs dits « primitifs » le réalisant supposément sans peine) par opposition au « labeur » de l'agriculture (que les peuples « civilisés » font, par « définition »). Cependant, le Livre de la Genèse formule clairement que la culture, voire l'agriculture, existaient aussi bien avant qu'après la vie dans le jardin ; l'addition de la frustration et de la peine furent ajoutées à son travail, en punition de la désobéissance de l'homme, en mangeant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

Les anthropologistes voient donc l'humanité comme se souvenant culturellement d'un ancien passage de désorganisation primitive (une vie facile) vers l'ordre de la civilisation (perçu comme une souffrance), alors que les érudits juifs comme chrétiens perçoivent dans le récit de la Genèse l'exact inverse : l'expulsion d'un couple (et non l'humanité) d'un « jardin » ordonné et civilisé (l'homme vivant en harmonie non seulement avec lui-même mais avec les animaux et parlant directement avec Dieu), vers une jungle sauvage, la chasse et la cueillette étant une condition plus primitive de lutte, de mort, une nouvelle lutte incessante pour la survie. Toutefois, ces deux vues s'accordent sur le point que l'homme se remémore d'une vie meilleure (un thème également retrouvé dans l'Âge d'or gréco-romain, bien que sa description n'ait que peu de points communs avec le Gan Eden), de culture facile pour les croyants, de chasse et de cueillette pour les académiciens. Dans cette dernière vue, l'Éden n'est qu'une métaphore, sans rapport avec la réalité, une rationalisation de la souffrance quotidienne.

L'écrivain Ann Druyan, qui possède une vue plus cynique de la question, trouve l'Éden effrayant. Plutôt qu'un « paradis », le Gen Eden serait le lieu d'un crime, où un Dieu/parent dysfonctionnel n'a créé des « enfants » que pour les châtier :

« Il est déconcertant qu'Éden soit synonyme de paradis alors que, si l'on y pense, c'est plutôt une prison à haute sécurité et une surveillance 24h/24. C'est un endroit horrible. Adam et Ève n'ont pas d'enfance. Ils s'éveillent adultes… Ils n'ont pas de mère, et n'en ont jamais eu… Leur père est une voix terrifiante, désincarnée, qui est furieuse avec eux dès l'instant de leur premier éveil. » [3]

Les érudits juifs et chrétiens[réf. nécessaire] sont d'accord sur le concept de haute surveillance, mais uniquement après la désobéissance de l'homme et de la femme. Ils font cependant remarquer que l'interaction d'Adam et Ève avec leur « Père » était hautement positive avant de manger le fruit, et qu'ils disposaient d'une liberté totale avant l'incident, sans quoi ils n'auraient pu choisir de manger du fruit qui leur avait d'abord été défendu.

Étymologie

L'origine du terme « Éden » qui, en hébreu, signifie « délice », pourrait également être le terme akkadien edinu, qui lui-même dérive du sumérien E.DIN. Ces deux derniers mots signifient « plaine » ou « steppe », et la ressemblance entre les termes pourrait être une coïncidence. Le verbe akkadien namu qui signifie "qui habite la steppe" rend très plausible un usage littéraire figuré : l'écriture mésopotamienne du mot recourt à l'association NA-ME"homme-être" ou au signe NAM[4]. Le sens propre de ce signe NAM(-TAR) indique "les destins" qui selon la mythologie mésopotamienne sont inscrits par les dieux sur une tablette.

Cependant, selon la critique moderne, la tournure « à l'orient d'Éden » ou « à l'orient, en Éden » semble suggérer un usage du terme géographique plutôt que métaphorique.

Éden dans l'art

Les Très Riches Heures du duc de Berry

Le jardin d'Éden fit l'objet de fréquentes représentations dans des enluminures et tableaux comme le Sommeil d'Adam (ou la Création d'Ève), la Tentation d'Ève par le Serpent, la Chute de l'Homme, ou encore l’Expulsion. La scène du Jour de la Nomination en Éden fut moins souvent représentée. Michel-Ange a dépeint une scène du jardin d'Éden sur le plafond de la chapelle Sixtine. Dans le registre poétique, le gros de l'action du Paradise Lost de Milton se produit dans le jardin d'Éden.

Notes

  1. "3.L'emplacement du jardin" P.823 - §1
  2. "7.Le sort d'Eden" P.826 - §6
  3. Ann Druyan Talks About Science, Religion, Wonder, Awe…and Carl Sagan. Skeptical Inquirer, Volume 27, Number 6.
  4. Manuel d'épigraphie akkadienne R.LABAT,signes 70, 79, 168 et p.330

Voir aussi

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