- Jack Thieuloy
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Jack Thieuloy né à Beaucaire (Gard) en 1931, mort à Paris le 18 février 1996 est un écrivain français. Auteur essentiellement de récits de voyages et de livres autobiographiques, il a donné, de chaque pays traversé, ou plutôt « pénétré » à sa façon[1], une vision originale et souvent dérangeante.
Sommaire
Biographie
Jack Thieuloy est issu d'une vieille famille de paysans de Villeneuve-lès-Avignon, il a passé ses premières années dans la ferme familiale. Très tôt, il s'est senti incompris et rejeté par sa famille, il se réfugie alors dans les études pour lesquelles il a semble-t-il de grandes facilités, devant ses bons résultats, ses parents ne peuvent, qu'à contre-cœur, l'envoyer au lycée. Il a évoqué dans L'Opéra de Beaucaire l'histoire romancée de ses ancêtres, mêlant la fiction à la réalité. Après des études de philosophie marquées par son engagement auprès du Parti communiste français qu'il quittera bientôt. Il se retrouve parachutiste en Algérie (1954-1958). Cela fait des étincelles avec son caractère d'anarchiste antimilitariste et lui vaut 450 jours de prison.
Les épisodes aventureux de sa vie sont chaque fois l'occasion d'écrire, passion qui le tient depuis l'enfance. Malgré une activité littéraire intense, il ne publie que tardivement, après de longs voyages. En 1971 son premier livre, L'Inde des grands chemins est accepté avec enthousiasme chez Gallimard et lui vaut une reconnaissance immédiate. Mais ses démêlés avec les éditeurs et le milieu littéraire le maintiennent en marge, et sa révolte emprunte toutes les voies de la subversion.
Il défraie la chronique en 1975 en aspergeant Michel Tournier de ketchup à sa sortie du restaurant Drouant pour protester contre la mascarade des prix littéraires, puis, accusé d'avoir mis le feu sur le palier d'un juré du Prix Goncourt ainsi qu'à un supermarché, il est emprisonné à la Prison de la Santé[2]. En 1976, il reçoit le Prix anti-Goncourt décerné par Jean-Edern Hallier, avec lequel il était de connivence pour des actions de provocation. Mais cela ne l'empècha pas de faire un procès à ce dernier car le chèque de 5 000 francs du prix était en bois[3] !
Passages en prison, voyages sur tous les continents, il se forge une identité d'écrivain rebelle et dérangeant. Il adopte un adolescent indien nommé Babou, qu'il ramène à Paris. Il défend sa lecture personnelle du vitalisme, « une vision du monde tendant à montrer que toutes les activités de l'homme et des sociétés sont le combat de l'instinct de conservation contre la mort et ses masques. »
Allergique à jouer le jeu littéraire qu'il dénonce, Thieuloy n'était vraiment pas prêt à sacrifier au conformisme. Il était atteint du sida et est mort d'un arrêt cardiaque (selon l'autopsie), consécutif vraisemblablement à un ulcère à l'estomac qu'il n'avait jamais soigné, n'étant pas inscrit à la Sécurité Sociale, le 18 février 1996 à 65 ans, dans un dénuement relatif[4] et la solitude. Il a fait don de ses archives à la Société des gens de lettres (SGDL). La SGDL œuvre afin que certains de ses livres soient réédités pour le 10e anniversaire de sa mort en 2006. Les éditions Le Flamboyant ont réedité L'Opéra de Beaucaire et Voltigeur de la Lune. Le manuscrit DONG, récit de son voyage en Chine est toujours en attente d'éditeur Il est inhumé à Beaucaire le 29 février 1996[5].
Sa philosophie de vie
Tout au long de sa vie, « c'est en écorché vif (même si c'est pour lui une défense plutôt qu'un état) et surtout en anarchiste sans concession, qu'il se comporte[6] » ; on ne lui prête pas d'amis. Il se conduit pareillement dans sa vie professionnelle, ce qui lui met à dos tout le milieu littéraire des années 1970 et 1980.
Bernard Pivot l'a invité plusieurs fois à Apostrophes, mais il ne s'est jamais résolu à répondre favorablement. Il a vécu et est mort en insoumis et en insatisfait, et il ne s'est pas privé de le dire :
- « J'ai comme une évidence, au cœur de mon cœur olfactif, cette odeur puante : le milieu littéraire est truqué. Les gens de lettres sont des tacticiens, des opportunistes (ou des sectaires) et non pas des consciences sincères[7]. »
On comprend après cela, et après l'esclandre d'un de ses rares passages à la télévision où il traita, en direct, l'éditeur Gallimard d'escroc (dans un second passage à Droit de réponse, il s'en prit à Pierre Desproges[8]), qu'il eut du mal à trouver désormais un éditeur, tant il effrayait même ceux qui lui firent confiance, et que plus de vingt de ses manuscrits soient restés sur le carreau.
Bibliographie
- L'Inde des grands chemins, Gallimard 1971, (Folio 1985 n° 1627)
- C'est le livre qui l'a fait connaître, qui reste son plus grand succès et un véritable miroir de sa personnalité.
- La relation de Jack Thieuloy avec l'Inde est sans concession, c'est une aventure passionnelle. Il la parcourt à bord de son combi-VW légendaire, vivant de troc et d'expédients de toutes sortes. Son livre raconte le périple d'un véritable routard doublé d'un écrivain libre à l'anarchisme jubilatoire et sa vision de l'Inde est un étonnant mélange de cynisme et de tendresse. Thieuloy démontre dans ce livre un talent de narrateur inventif et un style très personnel qui le firent admettre chez Gallimard avec une critique élogieuse... mais on connaît la suite.
- Le Bible d'Amérique, Grasset, 1974
- La Geste de l'employé, Prix anti-Goncourt, Hallier, 1976
- Loi de Dieu, Athanor, 1977
- Floride, Athanor PM, 1980
- L'Opéra de Beaucaire, Luneau-Ascot, 1980
- Les Os de ma bien-aimée, Balland, 1980
- L'Eau double, Balland, 1981
- En Inde, album photos de B.P.Wolf, le Chêne Hachette, 1982
- Le Continent Maudit, Presses de la Renaissance et M. Nadeau, 1982.
- L'ange du Pire, Poésie chez l'auteur, 1983
- Voltigeur de la lune, Ramsey, 1984.
- La Passion indonésienne, Presse de la Renaissance, 1985.
- Claire Croix, Ramsey, 1986
- La baleine du pont, Table Ronde, 1988
- Le livre de mon singe, Ramsey, 1990.
- En route vers l'Inde, Seghers, 1990
- Diogène de Tarascon, Balland, 1993
- La planète Nippon, Balland, 1994.
- L'Asie des grands chemins, Balland, 1994 est une compilation. Elle comporte les différent ouvrages suivants, dont apparemment 5 textes inédits :
- En route vers l'Inde
- L'Inde des grands chemins
- Quelques signes de plus sur l'Inde inusable
- La Thaïlande et après ?
- Le Tonkinois
- Journal sibérien
- La Passion indonésienne
- La petite Balinaise qui sauva le monde
Texte inédit
Suzanne Bernard, qui a fait l'inventaire de ses archives déposées à la SGDL, raconte son émotion dans le texte « Thieuloy, la révolte[9] » auquel est joint une page inédite de Thieuloy, qui expose la vision engagée et polémique qu'avait cet auteur de son état d'écrivain, ce texte était consultable sur la site de la SGDL.
Notes et références
- Lucien Bodard à L'Inde des grands chemins, 1971 « Thieuloy a constaté que pour pénétrer l'Inde, il faut la violer. » Préface de
- Playdoyer pour un homme seul, article du Nouvel Observateur (décembre 1975) sur le site Référentiel Nouvelobs]
- Témoignage de Gabriel Enkiri
- Sur le site Points-communs Vers la fin de sa vie, il hérita avec sa sœur d'immeubles à Nîmes et « vécu très à son aise ». D'après l'auteur de ce billet, Thieuloy aurait entretenu une légende autour de lui.
- Article dans L'Humanité
- Texte Thieuloy la révolte de Suzanne Bernard, (SGDL)
- Texte inédit de Thieuloy, cité par Suzanne Bernard (voir supra)
- Sur le site Points-communs L'auteur de ce billet, qui dit avoir bien connu Thieuloy, en donne une vision plus cynique : « il était très différent de ce qu'il voulait paraître »
- Thieuloy la révolte page archivée sur Web Archive
Lien externe
Jack Thieuloy reste encore aujourd'hui un écrivain étrangement méconnu comme le montre le fait qu'aucune biographie notable le concernant en dehors de celle-ci n'est disponible sur internet et qu'aucun site ne lui est dédié (en 2010).
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