- Idée délirante
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Délire
En psychopathologie, en neurologie et en psychiatrie, le délire est une perturbation globale, parfois aiguë et réversible, parfois chronique du fonctionnement de la pensée. Il représente un symptôme, et en ce sens peut prendre des significations très diverses selon le contexte dans lequel il apparaît, et selon son type. Les causes en sont multiples. Attention, en anglais : Delusion signifie délire, tandis que delirium signifie confusion mentale.
Sommaire
Définition du délire
Le délire est un trouble du contenu de la pensée caractérisé par la permanence d'idées délirantes. Les idées délirantes sont des idées manifestement en désaccord avec les faits observés et les croyances habituellement partagées dans un contexte culturel donné. Ces idées emportent l'adhésion du patient au moment où le patient délire, mais elles peuvent faire l'objet d'une critique de la part du sujet lorsque les symptômes retombent.[réf. nécessaire]
- Les idées délirantes peuvent être centrées sur un thème unique ou sur plusieurs thèmes. Elles sont sous-tendues par un ou plusieurs mécanismes (interprétation, imagination, hallucinations, illusion, intuition) et peuvent s'organiser selon une logique ou rester sans lien entre elles.
- Elle peuvent apparaître brutalement, comme dans la bouffée délirante aiguë, on bien insidieusement.
- Le sujet délirant tient pour une évidence une chose fausse, et il est convaincu de sa réalité. Cette conviction est inébranlable : le sujet n'est pas accessible au raisonnement ni à la démonstration de l'erreur, tout ceci n'entame pas sa conviction.
- Remarque : la fausse croyance peut être immédiatement reconnue comme délirante lorsqu'elle est complètement extravagante (« J'ai 1000 ans, je parle avec les Martiens. »), mais elle est beaucoup plus dure à repérer lorsqu'elle concerne des énoncés plus banals : « Ma femme me trompe, mes voisins font exprès de faire du bruit. » On parle de degré de systématisation du délire. Un délire paranoïaque par exemple est plus systématisé qu'un délire paranoïde.
- Remarque : devant l'apparition d'un délire, il convient de rechercher des facteurs déclenchants (prise de produits toxiques, maladie du système nerveux central, puerpéralité, événement traumatique, etc.).
Analyse du délire (caractéristiques structurales)
Par convention le délire est dit chronique s'il évolue plus de 7 mois, aigu sinon. Le discours délirant peut être analysé selon cinq axes : mécanisme, thème, degré d'adhésion, degré de systématisation, extension. La caractérisation du syndrome délirant sur ces cinq axes permet de réperer différents types de pathologies psychotiques, dites psychoses. Le délire du schizophrène est dit délire paranoïde, le délire du paranoïaque est dit délire paranoïaque, ils se différencient par leur structure du délire de la psychose hallucinatoire chronique et de la paraphrénie.[réf. nécessaire]
Mécanisme
C'est le processus par lequel l'idée délirante s'édifie
- l'hallucination, qui est une perception là où il n'y a rien à percevoir (par exemple le fait d'entendre une voix qui parle dans l'oreille). Il existe de multiples types d'hallucinations
- l'illusion, qui est une perception déformée
- l'interprétation : là, les choses sont correctement perçues, mais on leur attribue un sens délirant : "Je vois bien que vous avez souri quand je suis arrivé, c'était pour me faire comprendre que vous aviez fait un contrat sur ma tête". Le sujet a souvent le sentiment d'être persécuté ou d'être victime d'un complot.
- l'intuition : une idée s'impose soudainement au sujet, comme une révélation "Je suis le Christ ressuscité !"
- l'imagination : le délire se construit comme une histoire imaginaire, grandiose, comprenant souvent des thèmes de science-fiction par exemple.
Thème
C'est le contenu du délire. Les thèmes délirants sont variés mais peuvent être regroupés en grandes catégories :
- Persécution : conviction délirante d’être victime de préjudices, d’agressions, de l’hostilité d’autrui. Le sujet persécuté pense être l’objet d’une machination ou d’une conspiration. L’origine de la persécution pour le patient peut être floue ou précise. Dans ce dernier cas, le patient a un persécuteur désigné, ce qui se voit en particulier dans le trouble paranoïaque. Inversement, dans le syndrome mélancolique, forme ultime de la dépression, les idées de persécution, quand elles existent restent vagues.
- Revendication : ce thème est proche du précédent. Le délire repose sur la conviction d’un préjudice subi. Le patient est en règle actif, se livre à de nombreuses démarches administratives et souvent judiciaires. Plusieurs figures types ont été étudiées : l’inventeur méconnu qui revendique l’antériorité de ses découvertes, le délire de filiation où le patient veut prouver son ascendance illustre, le quérulent processif qui intente procès sur procès afin de faire reconnaître son bon droit supposé.
- Jalousie : le délirant jaloux a la conviction erronée que l’être qu’il aime lui en préfère un ou une autre. Il fonde cette conviction sur les plus petits indices. Toute son action va alors être guidée par la recherche de la preuve absolue de sa conviction délirante grâce à des investigations inquisitoriales multiples. Cette attitude insupportable va provoquer la rupture ce qui, aux yeux du délirant, apporte la justification de ses soupçons.
- Mégalomanie ou de grandeur : c’est une surestimation de soi qui à l’évidence n’est pas conforme à la réalité. Ce thème est fréquemment observé dans la manie délirante. Une telle thématique délirante donne lieu à des troubles du comportement : projets pharaoniques, entreprises grandioses, dépenses somptuaires et contacts inappropriés…
- Érotique : le délire à tonalité érotique est souvent un délire mégalomaniaque centré sur la puissance sexuelle du patient.
- Érotomaniaque caractérisé par la conviction délirante d’être aimé. En général, le patient pense être aimé d’un personnage jouissant d’un certain prestige avec lequel il n’a que des relations lointaines. On parle de délire passionnel qui s’observe en général chez un patient paranoïaque. Le délirant passe par trois phases : d’espoir, de déception puis de rancune quand il s’aperçoit qu’il n’est pas aimé, dernière phase où le passage à l’acte meurtrier est vraisemblable.
- Auto-accusation : ce thème délirant traduit un jugement très défavorable que tient le sujet sur lui-même, hors de toute réalité. Se trouve en général associés une auto-dévalorisation, un sentiment de ruine et de culpabilité. Est très caractéristique de la mélancolie délirante.
- Hypocondriaque : préoccupations corporelles, hors de toute réalité, centrées sur la maladie, la transformation corporelle, centrées souvent sur les modifications d’un organe particulier.
- De négation d’organes : conviction délirante de mort d’un organe voire du corps tout entier. Constitue le syndrome de Cotard qui se trouve dans certaines mélancolies délirantes.
- Mystique et ésotérique : délire en rapport avec les Ecritures saintes, la parole divine, une mission ésotérique et divine à accomplir, des forces obscures, du Mal ou du Bien.
- Fantastique : discours visionnaire avec fantasmagorie souvent dramatique voire salvatrice (proche du thème précédent), conviction d’une relation avec une vie extra-terrestre.
- Métaphysique
- Idée de référence
- D'influence etc.
Au cours d'un délire, on peut avoir plusieurs thèmes associés.
Le degré d'adhésion au délire
c'est la charge affective qui lui est liée, qui peut être plus ou moins importante.
Le degré de systématisation
Certains délires sont dits systématisés, c'est-à-dire qu'ils partent de prémisses délirantes, mais se développent ensuite de manière logique et cohérente, si bien qu'ils peuvent entraîner la conviction de l'entourage. Les délires dits non-systématisés en revanche, ne possèdent ni logique ni cohérence interne, et témoignent pour quiconque, d'une désorganisation importante de la pensée.
Extension
Pour les délires systématisés, on parle d'extension en secteur (lorsque le délire reste cantonné à un sujet précis) ou bien en réseau (lorsqu'il il envahit peu à peu toute la vie psychique).
Ce qui n'est pas un délire
Diagnostic différentiel
- Tout propos incohérent ne signifie pas délire.
- On peut observer des propos incohérents, de manière chronique dans le syndrome démentiel p.ex.
- On observe des signes délirants dans la confusion mentale, ce n'est pas un délire au sens psychiatrique du terme. Les symptômes délirants sont associés à d'autres troubles (de la mémoire, de l'orientation) et la cause est une souffrance cérébrale qui peut avoir de très nombreuses causes. Le delirium tremens, trouble survenant chez l'alcoolique en cours de sevrage, est un exemple de confusion mentale.
- Une action fondée sur une conviction fausse sans discours 'délirant' est un trouble du comportement mais pas nécessairement un délire.
- Une conviction fausse n'est pas un délire si la présentation d'éléments de preuve est acceptable par la personne qui tient le discours fondé sur une conviction fausse : le délirant, par opposition, est imperméable à la persuasion.
- Un discours faux n'est un délire que si la personne qui le tient est convaincue, cela élimine en particulier les discours des psychopathes, des pervers, des simulateurs et des mythomanes qui ne croient pas à leur discours erroné mais s'en servent pour manipuler ou désorienter autrui.
- De même les pathomimies telles que le Syndrome de Münchausen ne sont pas des délires mais des falsifications.
- La superstition n'est pas nécessairement un délire si elle est sensible à la persuasion.
- Le Biais cognitif n'est pas un délire, mais le discours délirant comporte souvent un ou des Biais cognitifs.
- Une opinion alternative ou hérésie n'est pas un délire ("Cf. psychose anti-soviétique").
Délire et culture
- Délire et culture : certaines pensées et comportements sont répandues dans certaines cultures. Par exemple, croire en l'existence des phénomènes de possession par un djinn au Maghreb, ou bien de la sorcellerie-anthropophagique en Afrique de l'Ouest, ou encore à l'apparition des morts en Asie du sud-Est, ne constituent pas des croyances qui puissent être comprises localement comme des symptômes de maladie mentale. Si ces personnes sont examinées par des psychiatres occidentaux, elles sont susceptibles de recevoir des diagnostics erronés de psychose[1], du fait du biais culturel existant entre le patient et le clinicien. Les auteurs américains comme Arthur Kleinman, ont nommé ce phénomène misdiagnosis et category fallacy. En France, les travaux du champ de l'ethnopsychanalyse ont évoqué ces questions.
Principaux troubles comportant un délire
- Troubles aigus (moins de 6 mois)
- Bouffée délirante aiguë
- Certaines dépressions (mélancolie délirante)
- Certains états maniaques (manie délirante)
- Troubles chroniques (plus de 6 mois)
- Groupe des schizophrénies : délire à thèmes et mécanismes multiples, non systématisé, qui est appelé : délire paranoïde : schizophrénie paranoïde, Hébéphrénie, Héboïdophrénie, schizophrénie catatonique, schizophrénie simple
- Groupe des paranoïas : Mécanisme intuitif + interprétatif, thème persécutif, très systématisé et cohérent, qui est appelé : délire paranoïaque : de revendication, de jalousie, d'érotomanie...
- Psychose hallucinatoire chronique
- Paraphrénie
[réf. nécessaire]
Reconnaître un délire
Il est difficile pour une personne non-avertie de reconnaitre un délire. C'est pourtant bien utile car d'une part le délirant a besoin d'aide et peut être considérablement amélioré par les divers moyens thérapeutiques disponibles aujourd'hui, d'autre part les délires sont à l'origine - mais pas nécessairement - de comportements causant de graves dommages relationnels, économiques, sociaux ... voire politiques.
Les éléments qui peuvent faire penser à un délire et amener à demander conseil soit à son médecin traitant soit directement à un psychiatre ou même a un psychologue, sont l'association de:-
- Conviction fausse insensible à la persuasion,
- Attachement irrationnel au discours délirant,
- Anxiété parfois masquée par une apparence de fermeté et de décision inflexible,
- La souffrance morale (souvent sous forme de culpabilité ou de frustration) est à peu près toujours sous-jacente au délire.
[réf. nécessaire]
Aider le délirant
Aussi pour approcher la personne délirante et l'amener à accepter une issue thérapeutique il est fondamental de la rassurer et de soulager ou réduire sa souffrance morale. Pour ce faire il faut établir un rapport d'empathie avec la personne délirante et lui faire savoir que l'on reconnait sa douleur et sa peur. Il s'agit d'un processus d'une extrême délicatesse qui doit au plus vite déboucher sur une prise en charge spécialisée.[réf. nécessaire]
Notes
- ↑ Baubet T, Moro MR. Trauma et culture. In : Baubet T. et al. Soigner Malgré tout vol.1: Trauma, cultures et soins. Grenoble: La Pensée Sauvage, 2003.p.71-95. ISBN 978-2859191849
Liens externes
- Benjamin Ball, Du délire des persécutions ou Maladie de Lasègue, Éd. Asselin et Houzeau, Paris, 1890. (historique)
- Gaëtan Gatian de Clérambault, Les délires passionnels. Érotomanie, Revendication, Jalousie, Bulletin de la Société Clinique de Médecine Mentale (février 1921).
Références bibliographiques
- Blackwood NJ, Howard RJ, Bentall RP, Murray RM, Cognitive neuropsychiatric models of persecutory delusions. Am J Psychiatry. 2001 Apr;158(4):527-39. Review. PMID: 11282685
- Henri Ey, Hallucination et délire, les formes hallucinatoires de l'automatisme verbal en coll. avec Robert M. Palem, Jules Seglas , Ed: L'Harmattan, 2000, ISBN 2-7384-7843-3
- Hanna Segal, Délire et créativité : Essais de psychanalyse clinique et théorique, Editeur : Des femmes, 1986, ISBN 2-7210-0305-4
- Hanania Alain Amar : "Du Mysticisme au délire mystique". Paris, l'Harmattan, 2008.
- Jean-Claude Maleval, Logique du délire, Paris, Masson, 2000.
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