Hésiode

Hésiode
Hésiode
« Pseudo-Sénèque » : longtemps considéré comme un buste du philosophe stoïcien, ce portrait pourrait représenter un poète archaïque, peut-être Hésiode. Copie romaine d'un original hellénistique, British Museum
« Pseudo-Sénèque » : longtemps considéré comme un buste du philosophe stoïcien, ce portrait pourrait représenter un poète archaïque, peut-être Hésiode. Copie romaine d'un original hellénistique, British Museum

Activités poète.
Naissance VIIIe siècle av. J.‑C.
Langue d'écriture grec ancien
Genres théogonie, poésie didactique.
Œuvres principales

Hésiode (en grec ancien Ἡσίοδος / Hêsíodos, en latin Hesiodus) est un poète grec du VIIIe siècle av. J.‑C.

Sommaire

Biographie

Les faits

Les seuls faits authentiquement connus sur Hésiode sont les événements consignés dans ses poèmes. À trois reprises dans Les Travaux et les Jours, il donne quelques éléments biographiques. Il faut y ajouter quelques vers de la Théogonie.

Hésiode serait né à Ascra, un petit bourg de Béotie. Son père venait de Cumes en Éolie, contrée d’Asie Mineure située entre l’Ionie et la Troade. Nous ignorons son nom. La tradition lui donne celui de Dios, mais cela s’explique par une interprétation fautive du passage « Πέρση, δῖος γένος / Pérsê, dĩos génos » (Travaux, v. 299), comprise comme « Persès, fils de Dios » au lieu de « Persès, noble fils ». Il y possédait une petite entreprise de cabotage, qui le ruina. Il traversa donc la mer et se fixa à Ascra où il acheta un lopin de terre, au pied du mont Hélicon. Il y épousa Pycimède, avec qui il eut deux fils : Hésiode et Persès.

Ascra était un endroit pauvre. Hésiode le décrit comme un « bourg maudit, méchant l’hiver, dur l’été, jamais agréable » (Travaux, v. 640). Au moment du partage de l’héritage de son père, il eut un grave différend avec son frère Persès, ce qui entraîna un procès. Les « rois » d’Ascra donnèrent raison à Persès. Celui-ci fit mal prospérer son bien et même périclita, ce qui le conduisit à quémander son frère, qui le repoussa. Furieux, Persès menaça Hésiode d’un autre procès, dont l’objet est inconnu.

Pour amener son frère à la sagesse, à une saine vie et à une bonne gestion de ses biens, Hésiode composa à son intention le poème Les Travaux et les jours, ouvrage dont la partie didactique est axée autour de deux vérités morales : le travail est la grande loi de l’humanité ; celui qui travaille peut vivre décemment. Cet ouvrage fut écrit dans un contexte de crise agraire et de vagues de colonisation des Grecs à la recherche de nouvelles terres. Hésiode espérait résoudre le différend à l’amiable ; nous ignorons s’il réussit ou non.

Parallèlement à ses activités agraires, Hésiode était un aède, c’est-à-dire un barde composant ses poèmes pour un auditoire. À Chalcis en Eubée, il participa au concours de poésie organisé par les fils du roi Amphidamas pour célébrer les funérailles de leur père. Il remporta la victoire grâce à un poème célébrant l’agriculture et la paix, et reçut un trépied en récompense. Il le dédia alors aux Muses de l'Hélicon.

Il mourut à Ascra. Quand le village fut détruit par les Thespiens, ses habitants se réfugièrent à Orchomène. Aristote témoigne dans sa Constitution d'Orchomène que, suite à un oracle, les habitants de la cité recueillirent les cendres du poète et les placèrent au centre de leur agora, aux côtés du tombeau de Minyas, héros éponyme de la cité. De la sorte, les habitants firent d’Hésiode leur fondateur (οἰκιστής / oikistês).

Hésiode s'est peint lui-même dans ses ouvrages comme partisan d’une existence sédentaire, observateur de la tempérance et de la justice, religieux jusqu'à la superstition, n’ambitionnant point la faveur des rois et se contentant de se rendre utile à ses concitoyens, à qui il prêchait la morale avec de beaux vers. Il est le créateur de la poésie didactique. Après sa mort, des statues furent érigées à Thespies, à Olympie ou encore sur l’Hélicon. Ses poèmes, chantés par les rhapsodes, devinrent très populaires et acquirent une grande renommée.

Hésiode a inspiré de nombreux poètes, parmi lesquels Virgile (dans ses Géorgiques), Caton l'Ancien (dans son De agri cultura) et Lucrèce.

Les légendes

Des écrits anciens nous livrent également des renseignements sur Hésiode. Il s’agit de :

  • le traité intitulé Dispute d'Homère et d'Hésiode, tournoi poétique d’Homère et d’Hésiode (en grec Ἀγών / Agốn) ;
  • la Vie d’Hésiode du grammairien byzantin Jean Tzétzès ;
  • l’article Hésiode de la Souda ;
  • deux passages de Pausanias (IX, 31, 3-6 et 38, 3-4) et quelques allusions éparses ;
  • un passage de Plutarque (Moralia, 162b).

L'ensemble est réuni dans les Vitæ Homeri et Hesiodi de Ulrich von Wilamowitz (Bonn, 1916).

Hésiode et la Muse, par Delacroix, coupole du Palais Bourbon, 2e moitié du XIXe siècle

L’Agốn ou "Dispute d'Homère et d'Hésiode" est une sorte de livre scolaire remontant au IIe siècle de l'ère chrétienne, mais dont le contenu est beaucoup plus ancien (Aristophane en cite des vers dans la Paix, en 421 av. J.-C.). Il narre un tournoi opposant Homère à Hésiode, et a pour objectif de répondre à la question : que faut-il préférer, de la poésie didactique ou de la poésie épique ? Au terme du tournoi, Hésiode l’emporte sur l’avis du roi, parce qu’il célèbre la paix et non la guerre. Hésiode remporte un trépied qu’il consacre aux Muses, dans une sorte de décalque du tournoi de Chalcis.

Plutarque, la Souda et Tzétzès content quant à eux la mort d’Hésiode, en des termes concordants. Voulant dédier aux Muses le trépied gagné à Chalcis, il se rendit auprès de l’oracle de Delphes, où la Pythie lui fit une terrible prédiction :

« Heureux ce mortel qui visite ma demeure, cet Hésiode que chérissent les Muses immortelles ! Sa gloire s'étendra aussi loin que les rayons de l’aurore. Mais redoute le bois fameux de Jupiter Néméen (Nemeion). C'est là que le destin a marqué le terme de ta vie. »

Hésiode, pensant que la prédiction désignait le temple de Jupiter Néméen sur le site d’Olympie, s’éloigna du Péloponnèse et s’établit à Oinoé, ville de la Locride ozolienne. Il y vécut longtemps, prit femme et eut un fils. Cependant, Plutarque rapporte qu’un jour, alors qu’il séjournait chez un hôte avec un certain Milésius, celui-ci viola la fille de son hôte durant la nuit. Hésiode fut accusé du crime et tué par les frères de la victime. Ce qu’Hésiode avait ignoré, c’est que le lieu de ces événements, une région boisée près de la mer, était consacré à Jupiter Néméen. Son corps fut jeté à la mer — la prophétie se réalisait.

Il convient de noter que chez Tzétzès, c’est Hésiode lui-même qui est le séducteur. Quoi qu’il en soit, le cadavre fut sauvé de la submersion par une troupe de dauphins qui le portèrent jusqu’au golfe de Corinthe, où les Locriens célébraient la fête d’Ariane. Ils recueillirent le corps et pourchassèrent les meurtriers. Hésiode fut enterré sur le Néméion, en un endroit gardé secret par les habitants de Naupacte, de peur que ceux d’Orchomène ne leur enlèvent les cendres.

Cette histoire porte bien les marques de la légende : l’oracle mal compris qui se réalise, l’intervention de dauphins, le tombeau caché. Il est certain qu’elle fut élaborée dans le cadre d’une rivalité entre Naupacte et Orchomène. De plus, la même légende nomme le fils d’Hésiode et de la Locrienne séduite : il n'est autre que Stésichore, grand poète lyrique…

Œuvre

Hésiode est principalement connu pour sa réécriture des mythes dans ses œuvres, la Théogonie et les Travaux et les Jours, sur lesquels il a longuement réfléchi. Il met ainsi les trois puissances principales : Gaïa, Nyx et Éros, au début du récit (sans préciser qu’elles naissent au début). Auparavant, il existait une version de ces mythes par cité en Grèce ; la refondation d'Hésiode, si elle n’a pas éliminé les textes contradictoires (l’Odyssée), s’est imposée comme le meilleur récit des origines pour les Grecs anciens. Il est même considéré comme le meilleur poète face à Homère dans le Certamen (IVème siècle, par Alcidamas, repris au IIème siècle par un compilateur), une œuvre qui le présente en situation de rivalité poétique avec Homère ; Homère emporte les suffrages du public par sa virtuosité, mais le prix est finalement accordé à Hésiode, qui a choisi de chanter l'harmonie des hommes et des saisons, quand Homère avait choisi un sujet guerrier.

Hésiode tire son inspiration de multiples sources : son père cabotait en Asie, il a donc dû avoir des échos des mythes babyloniens. S’il repense le mythe, il le fait cependant dans la logique du mythe.

Attributions classiques

Hésiode et une Muse, par Gustave Moreau (1891)

La première édition ancienne que nous ayons conservée par les papyrus n’attribue à Hésiode que trois œuvres.

  • La Théogonie (Θεογονία / Theogonía) : généalogie des dieux, dans laquelle il présente la multitude des dieux célébrés par les mythes grecs où trois générations divines se succèdent : celle d’Ouranos, celle de Cronos, celle de Zeus qui sort triomphant. À cette généalogie divine s’ajoute une cosmogonie qui retrace la création du monde à partir du Chaos. Cet ouvrage constitue le plus ancien poème religieux grec.
  • Les Travaux et les Jours (Ἔργα καὶ Ἡμέραι / Erga kaì Hêmérai) : Hésiode raconte l’histoire de Prométhée et de Pandore, les cinq races successives de l’humanité (or, argent, bronze, race des héros puis fer), la fable du faucon et du rossignol (le faucon représentant le roi, et le rossignol le poète) et enfin la vision de deux cités, celle du droit, du respect, Δίκη / Díkê, et la cité opposée, Ὕϐρις / Hýbris, la méchanceté, le crime, identifiés comme "la démesure" (l'ordre cosmique étant par essence la mesure). Il donne une description des travaux agricoles sur les terres arides de son pays natal et il se présente comme un calendrier précis de l’année d’un agriculteur en incluant des conseils sur l’agriculture : outils, soins des animaux, cultures, etc. Une section décrivant la rigueur de l’hiver dans les montagnes de Grèce est particulièrement remarquable. Il termine le récit en prédisant qu’à la fin, l'homme de droit devient riche, tandis que celui de méchanceté perd tout. Hésiode est le prophète de la race de fer, qu’il fait succéder à la race des Héros.
  • Le Bouclier d'Héraclès (Ἀσπὶς Ἡρακλέους / Aspìs Hêrakléous), inspiré de la description du bouclier d’Achille dans l'Iliade. Son attribution à Hésiode est contestée, ou partiellement contestée[1].

Autres attributions

Cependant, les Anciens lui ont également attribué une multitude d’autres œuvres de manière plus ou moins fantaisiste. Ces œuvres sont aujourd'hui généralement éditées à part sous le nom de « Pseudo-Hésiode » ou de « Corpus hésiodique ». On trouve parmi lesquelles :

  • Le Catalogue des femmes ou les Éhées (Ἢ οἷαι / Ê hoiai, « ou telle femme... », formule de transition classique dans une narration), dont sont tirés les 54 premiers vers du Bouclier ;
  • Les Grands Travaux et les Grandes Éhées, dont le rapport avec les Travaux et les Éhées reste incertain ;
  • L'Ornithomantie, la Mélampodie (sur les devins Mélampous, Calchas et Tirésias), Explications de prodiges, Astronomie, des poèmes sur l'art de la divination ;
  • Les Leçons de Chiron, un poème didactique ;
  • Les Dactyles de l’Ida, sur les premiers métallurgistes ;
  • Les Noces de Céyx ;
  • La Descente aux Enfers de Pirithoos ;
  • Aigimios, épopée sur un roi dorien.

Quelques citations

  • « La route qui mène à la misère est plane. » (Travaux, v. 287)
  • « Gain mal acquis vaut un désastre. » (Travaux, v. 352)
  • « Qui se fie à une femme se fie aux voleurs. » (Travaux, v. 375)
  • « Ne remets rien au lendemain ni au surlendemain. » (Travaux, v. 410)

Notes


Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

Éditions
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Études
  • Philippe Brunet, La Naissance de la littérature dans la Grèce ancienne, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Références », 1997 (ISBN 2-253-90530-5)  ;
  • Marcel Detienne, « Crise agraire et attitude religieuse chez Hésiode », Revue d'études latines, coll. « Latomus 68 » Bruxelles, 1963 ;
  • (en) Richard Janko, Homer, Hesiod and the Hymns. Diachronic Development in Epic Diction, Cambridge University Press, 1982 (ISBN 0521238692) ;
  • Marie-Christine Leclerc, La Parole chez Hésiode, Les Belles Lettres, Paris, 1993 ;
  • Paul Mazon, introduction à l'édition de Théogonie. Les Travaux et les Jours. Le Bouclier aux éditions des Belles Lettres, Paris, 2002 (1re édition 1928) ;
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », 1997 (ISBN 2-13-053916-5)  ;
  • Jean-Pierre Vernant :
    • Mythe et pensée chez les Grecs, La Découverte, Paris, 1996,
    • Mythe et société en Grèce antique, Paris, 1974 (1re éd.).

Liens externes


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