Huanglao

Huanglao

Le terme Huanglao 黃老 désigne un courant de pensée chinois caractéristique de la dynastie Han ayant des affinités légistes et taoïstes. Né durant la période des Royaumes combattants comme un ensemble de principes et techniques de bonne gouvernance, il était devenu sous les Han Orientaux, après fusion avec d’autres courants, un système à forte coloration religieuse qui a contribué à l'apparition des premières sectes taoïstes.

Son nom est la combinaison des premières syllabes de Huangdi, souverain civilisateur mythique, et de Laozi, auteur supposé du Dao De Jing[1].

Sommaire

Nature du huanglao

Malgré les nombreuses références dans les textes de l’époque Han, le contenu exact du huanglao n’y est pas clairement explicité. Les historiens modernes se fondent sur la personnalité de ses adeptes, les titres des livres qui lui sont liés (la plupart des textes ont disparu), ainsi que le contexte pour tenter d’en cerner la nature.

Plusieurs recoupements permettent de constater que dans les Mémoires historiques de Sima Qian les termes huanglao et xingming [2] sont souvent interchangeables. Il semble que le courant Huanglao ait été à l’origine une philosophie politique fortement teintée de légisme dans la lignée de Shen Buhai, s’appuyant également sur le Dao De Jing et préconisant le « non-agir » [3] taoïste comme mode de gouvernement. Ce mélange n’est pas sans évoquer la pensée du Hanfeizi. Huangdi était le souverain idéal de courants se démarquant des confucéens, qui avaient eux pour modèles Yao et Shun mentionnés dans le Classique des documents dont l’Empereur jaune est totalement absent. Comme les autres courants de l'époque, il devait également être imprégné des théories naturalistes : yin-yang, cinq éléments, qi.

Avec le choix par Wudi du confucianisme comme idéologie politique officielle grâce aux efforts de lettrés comme Dong Zhongshu, le Huanglao serait devenu un courant religieux taoïste intégrant la croyance aux immortels et aux sorciers ; Huangdi et Laozi furent divinisés.

Le huanglao dans les sources Han

Le terme huanglao ou huanglao yan [4] « discours huanglao » apparait sous les Han Occidentaux dans les Mémoires historiques de Sima Qian. Celui-ci énumère la lignée de sa transmission dans la biographie de Le Yi[5], général du IIIe siècle av. J.-C.. Elle commence avec Heshang Zhangren[6] « Sire en amont du fleuve », mystérieux personnage des Royaumes combattants, et se poursuit avec An Qi[7], Mao Xi[8], Le Xia[9], Le Chen[10], Gai[11], Cao Can[12], et enfin les empereurs Han Wendi et Jingdi, ainsi que l’impératrice Dou[13], femme du premier et mère du second.

Heshang Zhangren et Anqi sont des figures légendaires. Le premier serait un dieu ou un immortel, maître spirituel de Wendi ; An Qi est un immortel et le héros de contes taoïstes des côtes du Shandong. Le Chen et Cao Can furent avant l’empire ministres à Qi où ils sont censés avoir gouverné avec succès grâce aux principes huanglao.

L'historien mentionne encore d’autres membres représentatifs du courant à l'époque Han, dont son propre père, tous ayant eu un rôle politique ou administratif [14].

C'est dans le Livre des Han postérieurs que l'on trouve la première mention officielle d’une « voie Huanglao » ou huanglao dao [15], terme à connotation plus religieuse.

Les livres de Laozi et Huangdi

Autant que des personnages légendaires, Huangdi et Laozi désignent les corpus de textes servant de référence au courant.

Laozi

Il s'agit bien sûr du Dao De Jing, qui porte également le nom de Laozi. C’est la glose qui en est faite qui détermine le sens d'un ouvrage aussi elliptique que celui-ci. L’une des plus lues jusqu’aux Song est le Heshanggong, attribué au fondateur légendaire du huanglao, mais probablement rédigé sous les Han puis remanié. Ce commentaire adopte un point de vue essentiellement utilitaire : comment bien gouverner, préserver la santé etc.

Les plus anciennes versions intégrales connues du Dao De Jing (~198 av. J.-C.), découvertes à Mawangdui avec d’autres manuscrits rattachés au courant huanglao, ne portent pas de commentaires. On peut néanmoins remarquer que l’ordre des sections est l’inverse de l'ordre actuel, De « vertu » venant avant Dao « voie », comme dans le commentaire du Hanfeizi. On a proposé que le courant huanglao des Royaumes combattants, tout comme le légisme, utilisait le Dao De Jing comme référence éthique (vertu) plus que métaphysique (voie).

Huangdi

Dans le Livre des Han [16], on cite vingt-et-un ouvrages attribués à Huangdi, tous perdus sauf le traité de médecine Huangdi Neijing. Parmi eux : Philosophes [17], Art militaire [18], Nombres (divination) [19], Techniques [20], ainsi que quatre textes retrouvés à Mawangdui, datés d’entre -195 et -157 : Jingfa [21] livre de loi, Shiliujing [22] sur l'art de la guerre, Cheng [23] traité de débat, Daoyuan [24] sur le principe du Dao. Le philologueTang Lan[25] pense que les quatre derniers constituent les Quatre livres canoniques de Huangdi [26], également mentionnés dans le Livre des Han. Leur contenu abondant et varié les rattache au légisme et au xingming de Shen Buhai, mélange de taoïsmes (Laozi et Zhuangzi).

Origine du courant

Le premier courant huanglao évoque donc la pensée du Hanfeizi. Un ouvrage[27] de la série Huangdi du Livre des Han est d’ailleurs attribué à un « philosophe des six royaumes » [28], titre qui pourrait désigner Han Fei. Néanmoins, la lignée de transmission de la doctrine énumérée par Sima Qian montre un lien particulier avec l’État de Qi. Dans son Histoire de la philosophie chinoise[29], le philosophe Feng Youlan[30] situe la naissance du courant parmi le cercle des intellectuels que le prince Xuan[31] accueillait au IVe siècle av. J.-C. dans un quartier de la capitale nommé Jixia [32], au nombre desquels on comptait le légiste Shendao[33] à qui on attribue l’encyclopédie Guanzi [34].

Notes

  1. Selon Wang Chong (王充) dans Discussions critiques (Lunheng 論衡), chapitre Nature (ziranpian 自然篇) ;
  2. 刑名
  3. 無為
  4. 黃老言
  5. 河上丈人 ou Heshanggong 河上公
  6. (4) 安期 ou Anqisheng安期生
  7. 毛翕
  8. 樂瑕
  9. 樂臣
  10. 曹參
  11. 竇太后
  12. Chen Ping 陳平 (aide de Liu Bang et stratège) Tian Shu田叔, Sima Jizhu司馬季主, Zheng Dangshi鄭當時, Ji An汲黯, Wang Sheng王生, Huang Sheng黃生, Sima Tan司馬談, Liu De劉德, Yang Wangsun楊王孫, Deng Zhang鄧章
  13. 黃老道
  14. Hanshu Yiwenzhi 漢書‧藝文誌
  15. zhuzilue 諸子略
  16. bingshulue 兵書略
  17. shushulue 數術略
  18. fangjilue 方技略
  19. 經法
  20. 十六經
  21. 道原
  22. 唐蘭1901-1979,
  23. 黃帝四經
  24. 黃帝泰素二十篇
  25. 六國時諸公子
  26. 中國哲學史新編 第二冊 p.213 ;
  27. 馮友蘭 1895-1990,
  28. 齊宣王
  29. 稷下
  30. 慎到
  31. 管子

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • J Decaux Les quatre livres de l’Empereur Jaune : le canon taoïque retrouvé Ouyu chubanshe, Taipei
  • 韋政通 [中國思想史] 水牛出版社

Lien externe

(en)L'état des recherches sur les Quatre livres de Huangdi


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