- Histoire de la médiation
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La recherche sur l'histoire de la médiation conduit des auteurs à trouver des pratiques voisines de la médiation dans la pratique de la négociation, de l'arbitrage ou de la conciliation. Toutefois, les travaux de Gaston Bouthoul et la définition de la médiation en tant que discipline à part entière par Jean-Louis Lascoux[1] propose de constater que la médiation est, dans le domaine des conflits relationnels et contractuels, une invention du XXe siècle, tandis qu'elle est tout aussi récente dans le domaine des doléances relatives au fonctionnement des administrations - pour ce domaine plus particulier, voir ombudsman.
Préhistoire et Histoire de la médiation
La médiation est une manière d'intervenir dans une situation difficile entre des personnes (physiques ou morales). Elle implique des qualités de "porte-parole" de la part du médiateur.
En matière conflictuelle, plus spécifiquement, la médiation peut sembler avoir plusieurs histoires. Selon certains auteurs, elle est pratiquée depuis très longtemps, aussi longtemps que des tiers interviennent dans les conflits d'autrui. Mais il est clair que si l'intervention de tiers dans les différends de toute nature se pratique depuis longtemps, il ne s'agit pas de la médiation impliquant neutralité, impartialité et indépendance, affirmés comme devise par les médiateurs professionnels.
Au cours de l'Histoire, des démarches de type médiateur peuvent être identifiées dans le théâtre notamment[2], pour présenter ou représenter la manière dont les Hommes se comportent entre eux, et faire passer des messages. Il s'agit cependant moins de médiation que de recours métaphoriques.
Nombre d'auteurs font l'association entre des approches de type médial et la médiation elle-même, que ce soit en citant une conception de justice douce [3], le rendu de décision arbitrale à la Saint-Louis ou à la manière du roi Salomon, la conciliation (qui relève de la procédure judiciaire), ou de la négociation (qui implique toutes les parties en présence, y.c. le tiers facilitateur).
Pour qu'il y ait médiation dans le domaine de la résolution des conflits, il convient qu'il y ait :
- des parties avec un différend
- un médiateur,
- tiers neutre quant à la solution,
- impartial dans ses intérêts et implications,
- indépendants dans ses relations,
- et garantissant la confidentialité du processus (et non d'une procédure), contrairement à l'audience publique, avec publicité, du système judiciaire.
Or cette conception de la médiation, en tant que discipline à part... entière n'apparaît qu'à la fin du XX°. Elle consiste à créer une extension de la discussion contractuelle accompagnée. Elle instrumente la volonté des parties de trouver un nouvel accord par rapport à un accord précédent qui est contesté - accord tacite (ou conçu comme tel par l'une des parties), comme le contrat social ou effectivement signé à un moment donné.
Renforçant la liberté contractuelle, la médiation vient apporter aux parties d'un différend les moyens de reposer une situation qui fait problème, d'y réfléchir et de chercher la meilleure des solutions possibles pour retrouver ou trouver un terrain d'entente. De ce fait, la médiation instrumente aussi la qualité de communication, au présent d'une relation et inscrite dans une anticipation relationnelle, contrairement au système juridique qui, se fondant sur le passé et s'appuyant sur une conception des droits et obligations énoncés antérieurement, départage ou divise.
Nous pouvons ainsi identifier une amorce de la médiation dans la culture de la Grèce antique, avec le courant philosophique visant à faire réfléchir les personnes sur leurs relations aux autres et, conséquemment à soi-même. La maïeutique instrumentait cette recherche. En effet, l'outil maïeutique avait pour objectif de permettre à une personne d'exprimer ses connaissances en soi - en l'occurrence qui auraient été acquises dans des vies antérieures. Le philosophe mettait en pratique ce savoir-faire pour qu'une personne puisse réfléchir et exprimer le meilleur d'elle-même. Cette pratique visait à développer la responsabilité personnelle, par la maîtrise des passions, et à faire réfléchir chacun sur ses relations maître-esclave de soi et avec les autres (cf. La République, Livre IV, Platon).
Ainsi, le philosophe accompagnait une réflexion[4], permettait à une personne de se positionner, de faire les choix avec lesquels elle allait pouvoir s'auto-déterminer, en visant le passage à l'acte. L'enseignement qui était ainsi dispensé par les rhétoriciens devenaient antagoniste avec celui des sophistes qui se contentaient de la relation d'efficacité des techniques de communication (avec leurs applications notamment dans les procès), moins la dimension de ce que nous appelons aujourd'hui le développement personnel, soit la contribution pédagogique de l'acte médiateur du philosophe. Nous pouvons aussi souligner l'existence d'un protecteur des non-citoyens, le proxène, lequel n'a cependant pas inspiré la fonction du médiateur de la république, ce d'autant que cette fonction n'existe pas dans nos civilisations beaucoup plus nationalistes.
A cette époque que nous pouvons qualifier de préhistorique de la médiation, en ce qu'elle n'était pas conceptualisée en tant que telle, deux courants se sont formés :
- celui de l'intervention de tiers pour faire émerger la responsabilité individuelle, l'engagement libéré des passions (et donc notamment en situations conflictuelles)
- celui de l'intervention de tiers qui se subtituaient aux personnes et allaient dans le sens de la prise de décision imposée, déresponsabilisant les personnes.
Pour que la Médiation reprenne du sens, il fallait un élément fort :
- la reconnaissance de l'individu en tant que personne possédant un potentiel de responsabilité. C'est à René Descartes, inspiré de la mésaventure de Giordano Bruno, en recherche de rationalisation de la relation de l'Homme avec le Monde, lui-même reprenant des réflexions conduites par Pierre Abélard et des Grecs Anciens, tels que Pythagore, Socrate, Platon, que nous devons cette formalisation.
Il fallait aussi les réflexions éthiques, plus laïques, exprimant la recherche d'autonomie individuelle de Spinoza, l'aboutissement par la Déclaration universelle des premiers droits de l'homme, inspirée de l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau sur le Contrat Social. Il fallait que des auteurs théorisent autrement la nature individuelle ; il fallait le cheminement des travaux de Freud ; il fallait l'invention de la sociologie et celle de la polémologie ; il fallait aussi une expression des droits équivalents reconnus à toute l'humanité : aux femmes et aux enfants, pour que la médiation puisse être conduite par un tiers respectueux des personnes.
Il fallait encore l'identification des limites du droit et de tous les systèmes d'arbitrages...
Mais sans la reconnaissance des personnes en tant qu'individus pouvant prendre ses propres décisions, pouvant être accompagnés lors des situations difficiles pour se sortir des conflits, la Médiation ne peut exister. Le Droit provient de l'idée que l'individu doit être contraint pour bien se conduire ; la médiation émerge de l'idée que l'individu peut, à tout moment, apprendre à se contrôler. Le Droit provient de la méfiance que les dirigeants ont vis-àvis des personnes, tandis que la Médiation vient fabriquer la confiance.
C'est donc seulement au XX° siècle que les premiers ouvrages sur la médiation sont apparus. Ils sont aujourd'hui de plus en plus nombreux et parfois contradictoires. Néanmoins, ils sont tous imprégnés de cette recherche de renforcer le potentiel de prise de décision des personnes. Dans le monde de l'entreprise, nous observons depuis quatre ou cinq decennies, des formations sur la délégation. Les formations de développement personnel ont également fortement contribué, avec leurs balbutiements souvent thérapeutiques, à la reconnaissance de l'individu.
En fait, notre époque semble avoir repris le chemin abandonné voici environ 2500 ans.
C'est donc au XXI° siècle, que nous commençons à écrire l'Histoire de la médiation et des médiateurs[5].
Toutefois, il n'est pas étonnant de lire que la médiation aurait une Histoire. En fait, il s'agirait plutôt d'histoires. Car selon le point de vue de l'auteur, selon qu'il se positionne, sans intention, certes, en tant qu'idéologue, religieux, juriste, psychologue, voire ethnologue, la médiation se présente à lui sous un angle qui peut lui faire croire dans le bien fondé de sa thèse. Nous pouvons ainsi distinguer les principaux courants de pensée qui influence les conceptions de la médiation.
Les premières associations se revendiquant de la médiation ont été créées dans le courant des années 1980-90.
Sources et références
- Jean-Louis Lascoux, Pratique de la médiation, une méthode alternative à la résolution des conflits, ed. ESF, 2001, 2003, 2004, 2007
- Jacqueline Morineau, L'esprit de la Médiation
- Jean-Pierre Bonafé-Schmitt La médiation, une Justice Douce
- Jean-Louis Lascoux, Et tu deviendras médiateur et peut-être philosophe, Médiateurs Editeurs, 2008
- Jean-François Six, prend tout son sens Le titre de l'ouvrage intitulé Le Temps des médiateurs, par
Wikimedia Foundation. 2010.