- Groupe du Laocoon
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Le groupe du Laocoon est une sculpture grecque antique conservée au musée Pio-Clementino, au Vatican. Elle représente le prêtre troyen Laocoon et ses deux fils attaqués par des serpents, scène décrite notamment dans l’Odyssée et l’Énéide. C'est l'une des œuvres les plus représentatives de l'art hellénistique.
Sommaire
Histoire
Le groupe a été découvert à Rome le 14 janvier 1506, à proximité des « Sept Salles » (en fait, les cuves des thermes de Trajan), construites à l'emplacement de l'ancienne Domus aurea de Néron, située sur l'Esquilin, non loin du Colisée[1]. L'œuvre est presque aussitôt achetée, après une rude compétition, par le pape Jules II, qui la place dans la cour de l'Octogone de son palais du Belvédère, au Vatican[1]. Dès la découverte, l'œuvre a été identifiée par l'architecte Giuliano da Sangallo[2] avec celle dont parle Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle :
« (…) le Laocoon qui se trouve dans la demeure de l'empereur Titus, qu'il faut préférer à toute la peinture et toute la sculpture. D'un seul bloc de pierre les grands artistes Agésandros, Polydoros et Athénodoros de Rhodes réalisèrent Laocoon, ses fils et des nœuds de serpents magnifiques, grâce à l'accord de leur idée[3]. »
Cette admiration est largement partagée par les Modernes : en 1515, François Ier de France la demande au pape, en vain. En 1520, le monarque renouvelle sa demande, cette fois d'une copie en bronze. Pour le contenter, Léon X commande au sculpteur florentin Baccio Bandinelli une copie en marbre, qu'il finira par garder pour lui. François Ier obtiendra finalement satisfaction en envoyant, dans les années 1540, Le Primatice à Rome pour prendre des moulages d'œuvres antiques[1].
Le groupe trouvé à l'époque est incomplet. Dès 1523 Montorsoli, élève de Michel-Ange, complète le groupe : les manques sont comblés, le bras du prêtre s'étirera dans une diagonale qu'admirera Winckelmann (Réflexions sur l'imitation des artistes grecs en sculpture et en peinture) et nourrira de nombreux textes d'esthétique. En 1798, après le traité de Tolentino, l'œuvre est transférée à Paris, jusqu'en 1815, date à laquelle le groupe regagne le Vatican.
Ce n'est qu'en 1905 que le collectionneur et archéologue Ludwig Pollak retrouve le bras droit du prêtre, bras plié, qui retrouvera sa place lors d'une restauration, en 1957-1960.
Le groupe du Laocoon a fortement inspiré l'histoire de l'art allemande dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Winckelmann — cité ci-dessus —, Lessing[4], Herder, Goethe[5], Novalis ou encore Schopenhauer[6] ont chacun commenté la sculpture. Il fut même pour beaucoup le point de départ de leur réflexion esthétique. De nombreux artistes en ont livré leur propre interprétation : ainsi Titien et William Blake mais aussi Max Ernst. Dans l'album d'Astérix les Lauriers de César (planche 12a, case 3), l'un des esclaves de chez Tifus fait jouer ses muscles en prenant la pose de Laocoon, des cordes figurant ici les serpents.
Attribution
Depuis la Renaissance, on attribue le groupe à Agésandros, Athénodore et Polydore, de qui l'on connaît les quatre groupes monumentaux découverts dans la grotte de Sperlonga, non loin de Rome, en 1957. On n'en connaît pas d'autres versions antiques. On a longtemps cru qu'il s'agissait d'un original de l'époque hellénistique. Cependant, il est apparu que le marbre de l'autel sur lequel est assis Laocoon est en marbre italien datant au moins de la deuxième moitié du Ier siècle ap. J.-C. : il s'agit donc d'une copie ou d'une adaptation. On sait par ailleurs, grâce au témoignage de Sperlonga, que les trois Rhodiens étaient spécialisés dans la reproduction d'œuvres hellénistiques à thème mythologique[7]. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ils pouvaient improviser dans leur travail de copie. Cependant, cette découverte ne revient qu'à déplacer le problème de la datation sur l'original.
La question de la datation n'est pas interne à l'histoire de l'art, mais a également des répercussions sur l'histoire de la littérature. En effet, Virgile est le premier auteur à s'étendre sur cet épisode[8]. Le groupe illustre-t-il l’Énéide ? Au contraire, Virgile s'est-il inspiré du Laocoon ? Virgile représente Laocoon comme une victime innocente : alors qu'il prévient à juste titre les Troyens, il est écarté comme gêneur par les dieux. Dans d'autres traditions, comme celle de Sophocle dans sa tragédie perdue, Laocoon est puni par Apollon pour s'être marié et avoir transgressé son devoir de célibat : il est condamné à voir ses fils déchirés par les serpents. Chez un poète hellénistique, Euphorion, Laocoon est également tué par les serpents. Les sculpteurs grecs étant friands de thèmes tragiques, il semble que ce soit plutôt ce Laocoon-là qui soit représenté dans la pierre.
En 2005, l’historienne d’art américaine Lynn Catterson lors d’une communication à l’Académie italienne de l’Université Columbia attribua l’œuvre à Michel-Ange connu pour avoir réalisé de nombreux faux[9] . Elle prétendit disposer de nombreuses justifications et notamment un dessin de Michel-Ange représentant le torse détenu par l’ Ashmolean Museum
Notes
- Haskell et Penny, p. 259.
- Jerome J. Pollitt, « Introduction: masters and masterworks, dans O. Palagia et J. J. Pollitt (éd.), Personal Styles in Greek Sculptures, Cambridge University Press, 1999, p. 3.
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], XXXVI, 37. Extrait de la traduction de Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, Paris, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », 2002 (ISBN 2-84056-087-9), p. 896-897.
- 1766, Laokoon oder uber die Grenzen der Malerei und Poesie [« Laocoon, ou Des frontières de la peinture et de la poésie »]. Qui lui a consacré un essai en
- 1798. Über Laokoon [« Sur Laocoon »],
- Le Monde comme volonté et comme représentation, III, 46.
- Ménélas portant le corps de Patrocle (groupe plus connu sous le nom de Pasquin), le vol du Palladium, l'aveuglement de Polyphème et Ulysse affrontant Scylla. Les quatre groupes de Sperlonga représentent
- Virgile, Énéide [détail des éditions] [lire en ligne], II, 199-233.
- article du Sunday Times 24 avril 2005
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- (de) Bernard Andreae, Laokoon und die Gründung Roms, éd. Philipp von Zabern, Mayence, 1988 (ISBN 3-8053-0989-9).
- Elisabeth Décultot, Jacques Le Rider et François Queyrel (éd.), Le Laocoon, histoire et réception, Revue germanique internationale, vol. 19 (2003), Presses Universitaires de France.
- Francis Haskell et Nicholas Penny (trad. François Lissarague), Pour l'amour de l'antique. La Statuaire gréco-romaine et le goût européen [« Taste and the Antique. The Lure of Classical Sculpture, 1500–1900 »], Paris, Hachette, coll. « Bibliothèque d'archéologie », 1988 (édition originale 1981) (ISBN 2-01-011642-9), no 121, p. 259-263.
- Goethe, « Sur Laocoon », dans Écrits sur l'art, introduction de Tzvetan Todorov, traduction et notes de Jean-Marie Schaeffer, Garnier Flammarion, 1996.
- (en) Brunilde Sismondo Ridgway, Hellenistic Sculpture, vol. III : The Styles of ca. 100-31 B.C., Madison, University of Wisconsin Press, 2003 (ISBN 0-299-17710-6), p. 87-90.
- R. R. R. Smith (trad. Anne et Marie Duprat), La Sculpture hellénistique [« Hellenistic Sculpture »], Paris, Thames & Hudson, coll. « L'Univers de l'art », 1996 (édition originale 1991) (ISBN 2-87811-107-9), p. 108-109.
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