Fonts baptismaux de Saint-Barthélemy

Fonts baptismaux de Saint-Barthélemy
Fonts baptismaux de Notre-Dame en l'ancienne collégiale Saint Barthélemy - Scène principale: Le baptême du Christ

Les fonts baptismaux de Notre-Dame[1] de la Collégiale Saint-Barthélemy à Liège sont un véritable chef-d'œuvre d'Art Mosan, tant sur le plan esthétique que sur le plan technique. Les passionnés de l'Art mosan[2] les présentent comme une des sept merveilles de Belgique.

Sommaire

Histoire

Provenance

Les fonts baptismaux proviennent de l'église Notre-Dame-aux-Fonts, érigée sous Notger, premier prince-évêque de Liège, vers la fin du Xe siècle, mais il n'est pas impossible que les fonds étaient primitivement dans la Cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert de Liège. Cette petite église se trouvait son flanc sud-est. Elle était la seule à pouvoir conférer le baptême et resta la paroisse mère de Liège jusqu'à la fin de la Principauté de Liège.

Attribution à Renier de Huy

Selon les sources des vieux historiens deux traditions s'opposent, c'est au début du XIIe siècle, que l'abbé Helin, Hillin ou Helinus, décédé en 1118, fils du Duc de Souabe et prévôt de Saint-Lambert en 1095, abbé-curé et décimateur de Notre-Dame-aux-Fonts et fondateur de l'Hôpital Saint-Mathieu à la Chaine sous le règne d'Otbert les auraient fait réalisés. L'autre tradition voit Albéron II, évêque de Liège de 1135 à 1145 qui serait le donneur d'ordre des Fonts pour le baptistère.

Sur base de témoignages de ces chroniqueurs[3] qui vont décrire les Fonts comme exceptionnel mais ne vont rien dire quant à leur provenance et d'historiens versificateurs comme Jean d'Outremeuse qui aimait à magnifier les principautaires mais donne trois version différentes[4], l'œuvre est attribuée à un orfèvre hutois Renier de Huy[5],[6] et située entre 1107 et 1118. Mais d'autres sources, comme Louis Abry[7] précisaient que les fonts ont été razziés au delà des monts.

Une attribution contestée

Il est difficile de contredire les spécialistes qui précisent que au XIIe siècle que ce type de fondeur capable de couler des pièces complexes et de grande dimension ne se trouvaient pas à Liège[8]. Il y avait d'excellent orfèvres à Liège mais il n'est pas la même chose de fabriquer un encensoir ou même une cloche et une pièce aussi parfaite. Les historiens actuel semblent plutôt croire qu'il s'agit d'une rapine de l'empereur Henri IV du Saint-Empire, trésor rapporté et donné en remerciement à l'évêque Otbert pour son aide avec les chevalier hesbignons lors de la prise de Milan en 1112. D'autres chercheurs proposant que ces fonds, de part leur influence byzantine, — le baptême faisant partie du cycle de l'iconographie byzantine — proviendrait de Saint-Jean de Latran et suggérant plutôt l'an mille comme date de fabrique. Il est toutefois possible que l'abbé Hellin soit le donneur d'ordre d'un des bœufs[9]. Mais on peut objecter que la tradition carolingienne reçoit une inspiration de Byzance[10]

Un oubli de quatre siècles

Entre le XIVe et le XVIIe siècle, plusieurs visiteurs viennent à Liège et, plus ou moins prolixe, ils décrivent Liège, mais seul Francesco Guicciardini évoque Notre-Dame-aux-Fonds, comme une des trois églises paroissiale de la c[11]. Il faut attendre Saumery, dans le premier tome de ses Délices, relatif à la cité mosane, qui va consacrer quelques lignes à son histoire et ses œuvres d'art. Mais plus un mot sur cet art médiéval qui est déjà considéré comme archaïque. C'est peut-être ce peu d'intérêt qui sauva la « sainte cuve » à la Révolution.

Installation dans la Collégiale en 1803

Pendant la Révolution française, Notre-Dame-aux Fonts est détruite ainsi que la cathédrale. De 1796 à 1803, la cuve est cachée chez des particuliers, puis amenée à l'église Saint-Barthélemy qui avait perdu son chapitre et était convertie en église paroissiale. Les Fonts sont remis en service en février 1804[12]. Deux bœufs de la base originale et le couvercle ne furent pas retrouvés. On suppose que le couvercle était en laiton, comme la cuve, et qu'il portait les figures des apôtres et des prophètes de l'Ancien Testament. Selon une étude, ce couvercle serait dans les combles du Victoria and Albert Museum à Londres[réf. nécessaire].

Le village de Furnaux possède des fonts baptismaux en pierre qui, sans être la réplique de ceux de Liège, sont inspirés par la même théologie, celle de Rupert de Deutz.

Description

Matériau espagnol et sarde !

Le laiton, alliage de cuivre et de zinc est le matériau principal des fonts dont les pourcentages sont de 77% et 17 %[13] Le cuivre, dans l'Empire, ne se trouve que dans le Harz, (Goslar). Au moyen-âge, le zinc ne s'obtient pas à l'état métallique mais à partir du carbonate de zinc que l'on trouve en pays mosan, à La Calamine par exemple. On trouve également un peu de plomb dont l'analyse isotopique démontre qu'il n'est pas d'origine locale et surement pas de la vallée de la Vesdre ni du Harz. Cette analyse démontre une provenance espagnole ou sarde[14] . En comparaison les Fonts de Tirlemont sont réalisés avec du plomb local en 1149. Enfin le grain de l'alliage des Fonts de Liège ne corresponds pas au grain qui caractérise toutes les œuvres en laiton produite dans la région aux environs du XIIe siècle. Ces éléments tendrait à croire que les fondeurs de cette œuvre aient utilisé une méthode de fonte unique à Liège, alors qu'ils maîtrisaient mieux les leurs[15].

Le socle, en pierre, fut taillé lors de la mise en plan en 1804.

Iconographie

Fonts baptismaux de Notre-Dame à Saint-Barthélemy à Liège - Le baptême du Christ

Les douze bœufs

Les bœufs — douze à l'origine — correspondent à un symbole repris dans l'Ancien Testament.

En effet, dans le Livre des Rois, on nous dit que Salomon a commandé une « Mer d'airain » supportée par 12 bœufs, pour le parvis d'un temple. Mais se peut aussi que les douze bœuf de la Mer d'Airain représentant les douze pasteurs, les douze apôtres[16] Dès lors, les bœufs, orientés par trois vers les quatre points cardinaux pourraient symboliser la mission confiée par le Christ aux douze apôtres: Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les.

La prédication de saint Jean Baptiste
Le baptême de Corneille
Le baptême de Craton
Le baptême des néophytes


La prédication de Saint-Jean-Baptiste

Le groupe face au saint est un condensé de la foule qui devait écouter ce précurseur ; les émotions éprouvées par ce groupe apparaissaient très bien sur les visages. Entre saint Jean Baptiste et le groupe, il y a un vide pour montrer le fossé qui existait entre les nouvelles conceptions et les anciennes. Un bras de saint Jean-Baptiste se tend pour tenter de combler ce fossé. Le Précurseur, qui porte le manteau des ermites du désert, appelle à la pénitence des publicains vêtus à la façon des riches marchands et un homme d'armes: cotte de mailles, casque de type bassinet, bouclier normand suspendu au dos.

Le baptème du Christ dans le Jourdain

La scène principale est le baptême du Christ. Saint-Jean-Baptiste est vêtu d'une mélotte, le vêtement des ermites du désert ; il fait preuve de beaucoup de respect et d'humilité face au Christ.

Le Christ est plongé nu-corps dans le Jourdain ; il est le seul personnage de face de la cuve. Avec sa main droite, il fait le signe de la Trinité. Au-dessus de lui, Dieu est représenté par une tête de vieillard nimbée, inclinée vers Jésus et entourée d'un nuage figuré par une moulure semi-circulaire d'où surgissent des rayons. En signe de respect, les anges se cachent les mains sous un linge qu'ils tendent au Christ.

Le baptème du centurion Corneille

Le baptême de Corneille par saint Pierre. Corneille, centurion romain, devait entendre parler du Christ et de son enseignement.

II fit appeler saint Pierre afin d'obtenir des éclaircissements ; celui-ci, selon la loi hébraïque, ne pouvait partager le toit d'un païen. Finalement, il entendit Dieu en rêve et se rendit chez Corneille où il le baptisa avec sa suite.

Le baptême du philosophe Craton par Saint-Jean-l'Evangéliste

La scène adjacente est le baptême de Craton. Ce philosophe grec, qui préconisait le mépris de la richesse, fut converti et baptisé par Saint-Jean-l'Evangéliste, reconnaissable au livre qu'il tient à la main.

Ces deux scènes font preuve d'une grande unité. D'abord dans les sujets mais aussi dans la composition ; normalement, un arbre stylisé sépare les scènes, ici, il est absent.

Le baptême des néophytes ou baptême de pénitence

Jean baptise deux jeunes gens entrés jusqu'aux genoux dans le Jourdain. Je vous baptise avec l'eau, mais vient après moi celui qui vous baptisera dans l'Esprit-Saint. Deux disciples de Jean montrent par leur attitude qu'ils se tournent vers celui qui vient après Jean. A gauche de la scène principale, le baptême des néophytes. Saint-Jean-Baptiste est penché sur les jeunes gens dans une attitude très douce, très humaine. Les néophytes ont des corps souples, parfaitement modelés, presqu'en ronde-bosse. Les deux personnages de droite quittent vraisemblablement ce baptême pour se diriger vers le Christ ; la position de leurs pieds permet cette supposition.

Influences

La cuve est le point de rencontre des influences grecque, byzantine et mosane. On remarque que les êtres purificateurs et précurseurs sont d'une taille supérieure ; les personnages sont au nombre de 20 et représentés selon le procédé de la frise romaine telle qu'on la retrouve sur la colonne de Trajan, à Rome.

Les attitudes sont naturelles : corps souples, modèle excellent et proportions respectées, ce qui est une véritable exception au XIIe siècle.

Technique

La technique employée est celle de la fonte à la cire perdue qui consiste à sculpter en relief, dans la cire, une ébauche de la cuve sur laquelle on applique une gangue de terre percée de canaux. Ensuite, on retourne le tout et on l'entoure de briques réfractaires pour faire fondre la cire ; le laiton en fusion est coulé dans le moule. Lorsque le métal est refroidi, on le polit au sable fin et on applique une mince pellicule d'or.

Tentative d'attribution par l'archéométrie

Si certain chercheurs[17]conteste depuis longtemps cette attribution, suggérant une origine byzantine contestée[18], carolingienne[19], et manifestement pas mosane[20], Le résultat des analyses de l'archéométrie sont tout à fait inattendu: le plomb vient du gîte métallifère Cordoue-Grenade alors que c’est bien du plomb local que l’on trouve dans les pièces de comparaison. Selon ce critère, les fonts de Liège ne s’intègrent pas dans l’espace mosan.

Tous les résultats analytiques obtenus dans cette étude[21] démontrent l’altérité des fonts mais sans pouvoir en préciser la provenance. Il faut savoir que le plomb espagnol était largement diffusé dans le bassin méditerranéen ce qui nous amène à formuler l’hypothèse suivante : les fonts proviennent d’un pays du pourtour méditerranéen où ils ont été réalisés par un atelier « tardif » ayant maintenu les connaissances technologiques des romains pour la fabrication de laitons à haute teneur en zinc. Cette attribution est compatible avec le caractère inhabituel du cuivre et du zinc par rapport aux pièces mosanes. Conclusion

Si les méthodes de laboratoire infirment l’appartenance des fonts à l’art mosan et que l'on est bien en présence d’une fausse attribution, à ce stade, seule une nouvelle réflexion avec les historiens de l’art pourront donner aux fonts une origine reconnue.

Article connexe

Références

  1. P & B. Colman-Lhoist : "Selon la définition des historiens" in Les fonts ..., Vieux-Liège, Avril Juin, 1995, pp 291-300
  2. Centre De Recherches Sur La Communication En Histoire De L'Université De Louvain, Groupe Clio, Elsevier, 1978.
  3. Chronicon Rhythmicum Leodiense Arras, Bibliothèque Municipale, 1016
  4. G. Xhayet, R. Halleux 2008, ibidem infra, p. 30
  5. attribuée par l'historien Liégeois Godefroid Kurth
  6. J.L. Kupper, Feuillet de la Cathédrale, n°16-17,1985
  7. Louis Abry, peintre, graveur, historien et généalogiste, est né le 28 juillet 1643
  8. Colman Lhoist 1995, ibidemp 293, note de la fig 2
  9. le n° 9
  10. Geneviève Xhayet, Robert Halleux, Études sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélémy à Liège, 2008
  11. G. Xhayet, R. Halleux 2008, ibidem vide infra, p. 39
  12. Demarteau 2ème note ...
  13. Otto Werner, Analysen mitteralterlicher Bronzen und Messinge, Archäologie und Natürwissenschaften 1981 p.125
  14. L Martinot, Les fonts aux laboratoire, Vieux Liège, p. T 8,n° 269, pp. 301-303, 1995
  15. L. Martinot, ibidem, 1995
  16. Selon Grégoire le grand, in G. Xhayet, R. Halleux 2008, ibidem, p. 67
  17. P. Colman et B. Lhoist-Colman, Les fonts de Saint Barthélemy à Liège, Académie Royale de Belgique, Classe des Beaux-Arts, Bruxelles, 2002
  18. il est curieux de trouver une edelweiss, plante de haute montagne, sur le décor d'une cuve byzantine, Pr. J. Moutschen, 2003, com. pers
  19. vide supra
  20. R.Recht, « Les ateliers d’orfèvres » dans Le Grand Atelier, Europalia. Europa, Bruxelles, 2007, p.p. 108-110
  21. L. Martinot, Les fonts de Saint-Barthélemy à Liège : une interrogation de la matière dans Bulletin Archéologique Liégeois, t.CXIII, publié en 2007, p.p. 107-124

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