- Fluide Parfait
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Fluide parfait
En mécanique des fluides, un fluide est dit parfait s'il est possible de décrire son mouvement sans prendre en compte les effets de viscosité, ainsi que de conductivité thermique[1]. Avec en sus l'hypothèse, de validité très générale, de conservation de la masse[2], le mouvement du fluide est donc isentropique[3].
Mathématiquement cela revient à annuler les termes correspondants dans l'équation de Navier-Stokes, on obtient ainsi l'équation d'Euler des fluides. Ce sont le produit des coefficients de viscosité et de conductivité thermique (et pas seulement ces coefficients) avec respectivement les cisaillements de vitesse et les gradients thermiques, qui doivent être négligeables.
Tous les fluides ayant une viscosité (sauf un superfluide, ce qui en pratique ne concerne guère que l'hélium à très basse température et l'intérieur d'une étoile à neutrons), le fluide parfait ne peut être qu'une approximation pour une viscosité tendant vers zéro. Cela revient à faire tendre le nombre de Reynolds vers l'infini. Ce type de situation est cependant très courant, par exemple en aérodynamique (où des nombres de Reynolds très grands sont en jeu). Dans ces conditions, les zones de cisaillement important (où la viscosité et la turbulence sont influentes) sont concentrées dans des espaces restreints, appelés couches limites, et la description globale de l'écoulement par un fluide parfait peut être adéquate.
En cosmologie, les différentes formes de matière qui emplissent l'univers peuvent être considérées, du moins aux échelles où l'univers est homogène comme des fluides parfaits. Comme l'écoulement d'un fluide parfait est isentropique, l'expansion de l'univers est parfois décrite comme étant adiabatique, s'identifiant sous certains aspects à la détente d'un gaz sans échange de chaleur avec l'extérieur.
Sommaire
Propriétés essentielles
Un fluide parfait obéit à l'équation de conservation de la masse, à l'équation d'Euler sans viscosité, ces deux équations formant les équations de base des fluides non dissipatifs, ainsi qu'à une version du premier principe de la thermodynamique, ce deux aspects (mécanique des fluides et thermodynamique) étant intimement liés.
Les deux premières équations s'écrivent, en notant ρ la masse volumique du fluide, P sa pression et v sa vitesse :
- ,
- ,
où représente la densité de forces s'exerçant sur le fluide. Par exemple, si l'on considère la pesanteur terrestre, on a
- ,
représentant l'accélération de la pesanteur.
Aspects thermodynamiques
D'ordinaire, la densité d'énergie interne d'un système physique (dans le présent contexte, une petite région contenant un fluide donné) dépend de la densité de celui-ci et de son entropie. En effet, le premier principe de la thermodynamique stipule que l'énergie interne U d'un système varie selon
- dU = − PdV + TdS,
où P représente sa pression, V le volume, T la température et S l'entropie. Dans le cas d'un fluide parfait, on a par définition dS = 0, d'où
- dU = − PdV,
ce qui équivaut à dire que l'élément de fluide possède une relation univoque entre sa densité d'énergie et sa pression, ne dépendant pas d'un paramètre extérieur. Si l'on passe à la densité d'énergie interne définie par
- ,
on obtient alors
- d(εV) = − PdV,
d'où
- .
Formalisme mathématique
Un fluide parfait peut être décrit à l'aide d'un tenseur énergie impulsion T. À partir duquel on peut retrouver les équations (conservation de la masse et Euler, plus premier principe de la thermodynamique) auxquelles obéit le fluide parfait. Celui-ci s'écrit
- ,
ou, en termes de composantes,
- ,
où ρ représente la densité d'énergie du fluide, somme de sa densité d'énergie interne ε et de sa densité d'énergie de masse μc2, μ étant la masse volumique de l'élément de fluide et c la vitesse de la lumière, u la quadrivitesse du fluide (c'est-à-dire la vitesse d'ensemble de cet élément), et g le tenseur métrique. La relativité restreinte et la relativité générale stipulent que le tenseur énergie impulsion d'un fluide est « conservé », c'est-à-dire que sa divergence est nulle. Cette équation s'écrit, en termes de composantes,
- ,
D représentant la dérivée ordinaire (en relativité restreinte) ou la dérivée covariante (en relativité générale). Le calcul donne alors
- .
C'est cette équation qui permet de retrouver les trois équations précitées.
Démonstration 1La quantité uαDαX mesure la variation d'une quantité X le long de la trajectoire de l'élément de fluide. Elle correspond donc à la variation de cette quantité transportée par l'élément de fluide. On la note communément d / dτ, τ étant le temps propre associé à l'élément de fluide. On obtient ainsi
- .
En effectuant le produit scalaire de cette équation avec la quadritesse, il vient alors, en notant par un point la dérivée par rapport à τ,
- .
La quadrivitesse ayant une norme constante, uβuβ = c2, une quantité du type est nulle. Il vient donc
- .
Le terme Dαuα, habituellement noté θ est appelé expansion de l'élément de fluide. Dans la limite non relativiste, il correspond à la divergence du vecteur vitesse, ce qui correspond au taux de variation de son volume. Ainsi, on a
- ,
ce qui permet de réécrire l'équation en
- .
Enfin, l'hypothèse de conservation du nombre de particules s'écrit
- ,
où n représente la densité de particules. Elle est reliée à sa densité d'énergie de masse par la formule
- ,
m étant la masse des particules. Cette équation s'interprète par le fait que le nombre de particules de l'élément de fluide étant contant, la variation de la densité de celles-ci le long de l'écoulement est uniquement due à la variation du volume de l'élément En pratique, si l'on repasse en termes de coordonnées, la densité de particules est une fonction des coordonnées d'espace et de temps, . Si l'élément de fluide possède une trajectoire , alors sa variation le long de la trajectoire se fait selon celle de , et correspond donc à
- .
Ainsi, on obtient
- ,
que l'on peut regrouper en
- .
Ainsi, l'équation initiale laisse uniquement
- ,
soit comme annoncé
- .
Obtention
À un niveau microscopique, le tenseur énergie impulsion d'un fluide peut toujours être déterminé par un processus rigoureux, en partant d'une quantité appelée lagrangien. Par exemple, le tenseur énergie impulsion d'une particule ponctuelle se déduit immédiatement du lagrangien la décrivant. En mécanique des fluides, on considère que la distribution des particules composant le fluide peut, au-delà d'une certaine échelle, être considérée comme un milieu continu.
Par contre, à un niveau macroscopique, rien ne permet d'affirmer avec certitude que le tenseur énergie impulsion puisse être dérivé d'un lagrangien macroscopique. D'ordinaire, le tenseur énergie impulsion d'un fluide est déterminé dans un premier temps par l'écriture du tenseur énergie impulsion d'une particule, puis en supposant une certaine distribution de particules dans une région de l'espace (une fonction de distribution), puis en effectuant la moyenne des tenseurs énergie impulsion individuels sur un volume petit devant les dimensions du problème, mais grand devant la séparation inter particules. Rien ne permet d'affirmer qu'il est possible de trouver un tenseur énergie impulsion à partir d'un lagrangien qui serait déjà « moyenné » sur un ensemble de particules. Le fluide parfait est à ce titre un cas particulier, car il est possible de le déterminer de cette façon, quoique la démonstration en soit non triviale[4].
Généralisation
Au-delà de l'approximation de fluide parfait, on parle de fluide non parfait. Celui ci se caractérise soit par le fait qu'il possède une certaine viscosité, scindée en une viscosité cinématique et une viscosité dynamique, soit par le fait qu'il possède un flux de chaleur. Elle s'accompagne de modifications de l'équation d'Euler, dans laquelle deux termes proportionnels aux viscosités sont ajoutés, ainsi que la prise en compte explicite de la thermodynamique associée au fluide, par le fait que l'entropie d'un élément de fluide varie avec le temps.
Voir aussi
- Fluide non parfait
- Tenseur énergie-impulsion
Références
- (en) Charles W. Misner, Kip S. Thorne & John Archibald Wheeler, Gravitation, W. H. Freeman, New York, 1973, 1280 pages (ISBN 0716703440), pages 562 à 565.
Notes
- ↑ Lev Landau et Evguéni Lifchitz, Physique théorique, éd. MIR, Moscou [détail des éditions], page 12
- ↑ Plutôt que de parler de conservation de la masse, il faudrait parler de la conservation du nombre de particules, les deux notions étant identiques dans la limite non relativiste. En revanche, dans la limite relativiste, on ne peut parler de conservation de la masse pour un fluide de photons, qui, s'il est à l'équilibre thermique correspond pourtant exactement à un fluide parfait.
- ↑ Lev Landau et Evguéni Lifchitz, Physique théorique, éd. MIR, Moscou [détail des éditions], page 13
- ↑ La démonstration de ceci n'est que très rarement donnée. Ses grandes lignes figurent dans (en) Stephen W. Hawking et G. F. R. Ellis, The large scale structure of space-time, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Monographs on Mathematical Physics », 1975, 400 pages (ISBN 0521099064), page 69 et 70.
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