Financement islamique

Financement islamique

Finance islamique

La finance islamique, en accord avec le droit musulman, est basée sur deux principes : l'interdiction de l'intérêt, aussi appelé usure et la responsabilité sociale de l'investissement. Elle lie plus étroitement la rentabilité financière d'un investissement avec les résultats du projet concret associé. L’islam interdit les transactions tant civiles que commerciales faisant recours à l'intérêt (ribâ), à la spéculation (gharar) ou au hasard (massir). La finance islamique se chiffre à 700 milliards de dollars sur le marché mondial[1].

Sommaire

Histoire

Selon une étude[2] récente publiée par l'université de Princeton (États-Unis), l'économiste Timur Kuran a établi que les principes théoriques de la finance islamique ont une histoire relativement courte, ayant été formulés en grande partie par le théologien pakistanais Sayyid Abul Ala Maududi à partir des années 1940. Il semblerait que la première banque islamique moderne fût créée en Égypte, à Mit Ghamr aux alentours de 1963[3].

Les principes

Prohibition de l’intérêt

La prohibition de l’intérêt résulte du verset 275 de la deuxième sourate du Coran : « Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt ».

Afin d’expliciter ce verset, un hadith de Mahomet expose les règles du commerce légal. Ce hadith a une portée générale parce qu’il vise six produits dits « ribawi » : or, argent, blé, froment, dattes, sel. Tout échange de produit identique (or contre or, blé contre blé) avec un avantage pour une personne constitue une opération usuraire, sauf en ce qui concerne les avantages résultant de l’échange de produits de nature différente (or contre blé).

En matière d’échanges de monnaie (argent contre argent), tout surplus tiré d’une transaction non basée sur des actifs réels et préalablement possédés par le vendeur est illicite (haram). Entrent dans cette catégorie les contrats de prêt. Concrètement, les crédits bancaires – qu’il s’agisse des crédits à la consommation ou des crédits aux entreprises – ne respectent pas cette exigence.

Les mécanismes pour éviter l'intérêt

Pour rester dans la légalité islamique, les banques islamiques et les filiales islamiques des banques conventionnelles ont développé des mécanismes juridico-financiers. Ces derniers se fondent sur des concepts nommés moudaraba, mousharaka, mourabaha, ijara.

La moudaraba permet à un promoteur de mener un projet grâce à des fonds avancés par des apporteurs de capitaux dont la clé de répartition des gains et des pertes est fixée dans le contrat. Les apporteurs de capitaux supportent entièrement les pertes, les promoteurs ne perdant que le fruit de leur travail.

Selon la Banque islamique de développement (BID), c’est une « forme de partenariat où une partie apporte les fonds et l’autre (moudarib) l’expérience et la gestion. Le bénéfice réalisé est partagé entre les deux partenaires sur une base convenue d’avance, mais les pertes en capital sont assumées par le seul bailleur de fonds ».

Son application est modulable dans la mesure où une participation dégressive est envisageable grâce à un instrument technique islamique de financement des projets, fondé sur la « participation au capital » et assorti de différents types d’arrangements pour la répartition des pertes et profits. Les partenaires (entrepreneurs, banquiers, etc.) contribuent aussi bien au capital qu’à la gestion des projets. Les bénéfices sont répartis selon des coefficients préétablis en fonction du niveau de participation au capital.

Dans la mousharaka, les partenaires apportent les fonds, mais seulement l’un d’eux dispose de la charge de la gestion du projet. Concrètement, les banques islamiques ont développé la mousharaka mutanaquissa qui consiste à participer au financement de l’acquisition notamment d’un bien immeuble (d’habitation). Une grande partie des fonds (90%) est apportée par la banque et le reste (10%) par le particulier. Le remboursement obéit à un tableau d’amortissement qui comprend, outre le capital principal, les bénéfices tirés par la banque pour cette opération.

La mourabaha est un « contrat de vente, entre un vendeur et un acheteur, par lequel ce dernier achète les biens requis par un acheteur et les lui revend à un prix majoré. Les bénéfices (marge bénéficiaire) et la période de remboursement (versements échelonnés en général) sont précisés dans un contrat initial ».

L’ijara est un mode de financement à moyen terme par lequel la banque achète des machines et des équipements puis en transfère l’usufruit au bénéficiaire pour une période durant laquelle elle conserve le titre de propriété de ces biens.

Un autre aspect de ce contrat est assimilé à une opération de crédit-bail à l'issue de laquelle le titre de propriété revient au bénéficiaire.

Le soukouk est l'équivalent islamique d'une obligation où l'intérêt devient un profit prévu à l'avance à risque quasi-nul. Cette forme d'obligation est particulièrement utilisée pour les financements immobiliers.

S’ajoute à cet ensemble de contrat, l’istisna qui s’apparente en un mode de financement à moyen terme. C’est un contrat de fabrication (ou de construction) aux termes duquel le participant (vendeur) accepte de fournir à l’acheteur, dans un certain délai et à un prix convenu, des biens spécifiés après leur fabrication (construction) conformément au cahier des charges.

Les secteurs d’investissement illicites

Outre ces contrats, il existe des exigences quant à la nature de l’activité dans laquelle un investissement demeure conforme à la charia. Ainsi, les jeux de hasard, les activités en relation avec l’alcool, avec l’élevage porcin ou encore avec l’armement, avec l’industrie cinématographique suscitant ou suggérant la débauche ou la déchéance de l’être humain constituent des secteurs d’investissement prohibés.

La supervision des investissements se déroule de deux manières. La première est d’ordre individuel dans le sens où tout musulman est censé ne pas investir ses fonds dans les industries non compatibles avec son éthique.

La seconde est d’ordre institutionnel ou organisationnel puisque les banques et les fonds d’investissements islamiques sont composés, outre d’un conseil d'administration et d’une assemblée générale, d’un comité de supervision ou d’éthique (Sharia Board) dont les membres sont indépendants. Ainsi, les participations dans les sociétés évoluant dans les domaines illicites encourent une réprobation de ces comités.

Similitudes avec le christianisme

Dans son interdiction de prélever des intérêts, l'islam rappelle l'ancienne tradition chrétienne qui a été intégrée dans la théologie de Saint Thomas d'Aquin qui s'appuyait sur les enseignements d'Aristote selon lequel l'argent ne peut pas produire d'enfants. Le prélèvement d'intérêts est caractérisé comme un moyen injuste, déshonorant et contre nature d'accaparer le bien d'autrui. Chaque intérêt ou profit supplémentaire sur un capital emprunté est interdit. L'intérêt est seulement légitimé quand il y a une raison extérieure au crédit, par exemple un risque de perte de la somme prêtée[4].

Le secteur de la finance islamique

La finance islamique dans le monde

L'encours de la finance islamique dans le monde est estimé entre 600 et 800 milliards de dollars en 2006 ou 2007 et pourrait atteindre 1000 milliards en 2010, selon des prévisions publiées en 2008[5].

Il a progressé rapidement de 2003 à 2007 (+15% par an), soutenu par les revenus des pays du golfe Persique et d'Asie du Sud-Est, en fort développement économique sur la période, les rapatriements de fonds moyen-orientaux après les attentats du 11 septembre 2001 et la montée de la conscience religieuse islamique[6].

Alors que 25% de la population mondiale est de confession musulmane, certains estiment que 40 % à 50% de leur épargne sera gérée par la finance islamique d'ici 8 à 10 ans, contre 10 % vers 2007[6].

Les principales banques islamiques dans le monde sont, par ordre de taille décroissante d'encours en 2006[6] : Al Rajhi Bank (Arabie saoudite), la Kuwait Finance House (Koweït), la Dubai Islamic Bank (Dubaï), l'Abu Dhabi Islamic Bank (Émirats Arabes Unis), et la Bank Al Jazira (Arabie saoudite). En Algérie, Al Baraka Bank est une banque islamique. au Pakistan, Meezan Bank est une des banques islamiques du Pakistan.

La finance islamique au Royaume-Uni

En Europe, c'est au Royaume-Uni que s'est développée la première industrie de la finance islamique.

La législation britannique tient compte de la taxation des opérations de financement islamiques afin d’éviter un effet de double taxation. Les montages de financements des banques islamiques sont généralement structurés de telle manière que plusieurs transferts de propriété sont nécessaires (la banque ou sa filiale achète un bien qu’elle revend avec une marge ou loue avec une option d’achat), chaque transfert de propriété supposant un droit de mutation (une taxation)[6].

L'autorité financière britannique FSA (Financial services authority) a facilité l'intégration de banques islamiques en Grande-Bretagne. En 2004, l’Islamic Bank of Britain a été agréée par les autorités britanniques (voir le site de la Financial Service Authority[7]).

Le système bancaire britannique compte, en 2008, trois banques pleinement islamiques[6] : l’Islamic bank of Britain, l’European Islamic Investment Bank et la Bank of London and Middle East.

La finance islamique en France

En 2008, la France est considérée comme plus réservée que le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Suisse en matière de finance islamique[6].

Le cadre juridique français ne se prête pas aux montages de la finance islamique par la double taxation qui peut concerner la TVA (dans le cas de la vente de biens), le droit de mutation (dans le cas de transaction foncière) ou le droit d'enregistrement (dans le cas de cession de parts de SCI)[réf. nécessaire].

Le marché français se limite donc, début 2008, à quelques opérations sous forme de mourabaha sur le marché des entreprises[6]. 2008 voit néanmoins la France accueillir avec intérêt la finance islamique notamment avec une première initiative réussie sur l'île de la Réunion où la Société Générale a élaboré un produit financier sharia-compliant, qu'elle a distribué via sa filiale la BFCOI[8], une table ronde au Sénat consacrée à la finance islamique et un engagement personnel de Christine Lagarde, ministre de l'Économie et des Finances.

Compte tenu de l'intérêt suscité par ce phénomène et la complexité qui l'accompagne, on peut dorénavant, à l'instar du Royaume-Uni, suivre en France une formation spécifique à l'Ecole de Management Strasbourg.

La finance islamique dans le Golfe Persique

Les banques islamiques représentent, en 2008, moins de 20% des encours en moyenne des secteurs bancaires dans le Golfe Persique [9].

Les cinq premières banques islamiques du Golfe Persique sont, au 30 juin 2008[10] :

  • Al-Rajhi Bank (Arabaie Saoudite) :40 milliards de dollars d'actifs fin juin 2008,
  • Kuwait Finance House (Koweït) : 38,7 milliards,
  • Dubai Islamic Bank (Émirats arabes unis) : 24,9 milliards,
  • Abu Dabi Islamic Bank (Émirats arabes unis) : 13,1 milliards,
  • Albaraka Banking Group (Bahreïn) : 11,1 milliards.

Notes et références

  1. Bercy veut faciliter le développement de la finance islamique en France, Le Monde, 03 juillet 2008
  2. http://press.princeton.edu/titles/7731.html
  3. Les obligations islamiques (SUKUK)
  4. Loretta Napoleoni et Claudia Segre, Une alternative: mécanismes du crédit fondés sur un code éthique, Horizons et débats, 23 mars 2009, n°10, p.8
  5. La finance islamique de plus en plus courtisée, in La Tribune, 20 mars 2008, page 23
  6. a , b , c , d , e , f  et g La Tribune, 20 mars 2008, page 23
  7. Financial Services Authority
  8. Al-Kanz, 29 mars 2008
  9. Mohamed Damak, analyste crédit chez Standard&Poor's, in L'Agefi Hebdo, 23 octobre 2008, page 31
  10. selon Standard&Poor's, in L'Agefi Hebdo, 23 octobre 2008, page 31.

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel Ruimy La finance islamique, Coll. finance d'aujourd'hui, Paris, éditions Arnaud Franel, juin 2008, 215p.
  • Rachid Boutti (expert accrédité par la Banque Islamique), "La Finance islamique au Maroc : réalités et perspectives".
  • Imane Karich, Le système financier islamique. De la religion à la banque, Coll. Cahiers financiers, Bruxelles, Larcier, 2002, 136p.
  • Soraya Haquani et Thierry Zakhia, Finance islamique, A l'épreuve de la crise internationale, dossier dans L'Agefi (France) des 23-29 octobre 2008.
  • Jean-Paul Laramée (sous la direction de), Finance islamique à la française, ed Bruno LePrince/Secure Finance, 2008

Vidéo

Liens externes

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