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Farinelli Portrait de Farinelli par Giaquinto Corrado (1755)Nom de naissance Carlo Broschi Naissance 24 janvier 1705
Andria, ItalieDécès 16 septembre 1782
Bologne, ItalieActivité principale Artiste lyrique
Style Opéra
Pour les articles homonymes, voir Farinelli (homonymie).Carlo Broschi, surnommé Farinelli, est un chanteur né dans la ville d'Andria (province de Bari, alors intégrée au Royaume de Naples) le 12 janvier 1705 et mort à Bologne le 8 septembre 1782.
Sommaire
Biographie
Jeunesse, formation et premiers succès en Italie
Cas unique dans l'histoire des castrats, dont la plupart étaient issus de familles pauvres, le jeune Carlo était le fils d'un gentilhomme issu de la noblesse de robe. Salvatore Broschi, son père, était à ce point passionné de musique qu'il décida que ses deux fils en feraient leur profession ; l'aîné, Riccardo, comme compositeur, et le cadet, Carlo, comme chanteur. On peut donc penser que c'est lui qui prit la décision de faire subir vers l'âge de neuf ou dix ans à son plus jeune fils la castration qui devait lui permettre de conserver sa voix de soprano, laquelle était déjà exceptionnelle, mais il semblerait selon d'autres sources que cette castration soit postérieure au décès de Salvatore Broschi...
Carlo suivit dès lors à Naples une formation dispensée par Nicola Porpora, qui développa chez son élève une prodigieuse voix de soprano. Précoce et virtuose, le jeune artiste débuta à l'âge de quinze ans, en 1720, lors d'une soirée donnée à Naples en l'honneur de l'empereur d'Autriche, au cours de laquelle il interpréta l'un des rôles titres de la cantate de Porpora Angelica e Medoro. Il y obtint le plus vif succès, et y fit la connaissance de Pietro Metastasio, auteur débutant de sept ans son aîné, et qui allait devenir l'un des plus grands librettistes de l'opéra seria ainsi que le poète officiel de la cour de Vienne.
Une carrière européenne
Il se produisit par la suite à Rome, Vienne, en 1724, à Venise, à Naples, à Milan, en 1726, à Rome, à Bologne, où il rivalisa avec le grand castrat Antonio Bernacchi, dont les conseils lui furent très profitables, à une époque où la technique vocale faisait l'objet de secrets jalousement gardés.
L'empereur d'Allemagne Charles VI, lui-même musicien, devait également conseiller le jeune chanteur venu se produire à Vienne, l'encourageant à plus de simplicité[1]. Aussi, loin de prendre ombrage des remarques de l'empereur, Farinelli se remit à l'ouvrage et développa dès lors l'expressivité qui devait contribuer à faire de lui un mythe.
Il excellait aussi bien dans le registre léger que dans le registre pathétique. Son chant eut une influence certaine sur le style des œuvres composées en ce temps-là. À ses qualités artistiques, Farinelli joignait des qualités humaines : affable et modeste, malgré sa renommée et son talent, d'une parfaite éducation, il sut gagner l'affection du public et la sympathie des grands.
En 1734, Carlo Broschi se rendit à Londres et chanta au théâtre de Lincolnss Field, que dirigeait Porpora. Sa vogue était immense, et son revenu pendant ses trois années en Angleterre dépassait 5000 livres sterling. Ces années, qui marquent le faîte de sa gloire en tant qu'artiste de scène, furent également des années de rivalité acharnée entre les deux troupes d'opéra résidant à Londres, d'une part celle de G. F. Haendel, soutenue par le roi George II, et d'autre part celle de Porpora, soutenue par le Prince de Galles et la noblesse.
Farinelli à la cour d'Espagne
En 1737, sans doute lassé des incessantes querelles qui opposaient les deux troupes, Farinelli accepta l'invitation que venait de lui faire Élisabeth Farnèse, épouse de Philippe V d'Espagne. Le roi, atteint de neurasthénie et de mélancolie, avait en effet abandonné toute vie publique, se désintéressant des affaires de l'État et menaçant de sombrer dans la folie. La reine Isabelle convia donc Farinelli à se produire devant son mari, dans l'espoir que sa voix prodigieuse parviendrait à le tirer de son apathie. L'épisode est resté célèbre, et a contribué à accroître un peu plus la légende entourant le chanteur. La voix de Farinelli fit un tel effet sur le mélancolique Philippe V, que ce dernier ne voulut plus se séparer du chanteur. Il lui fit promettre de rester à la cour d'Espagne, moyennant un traitement de 2000 ducats, avec pour seule requête de ne plus chanter en public.
Devenu criado familiar des rois d'Espagne, le chanteur vit son importance croître à l'avènement de Ferdinand VI d'Espagne, qui le nomma chevalier de Calatrava, la plus haute dignité, jusque-là réservée aux gentilshommes ayant pu prouver la noblesse et l'ancienneté de leurs familles. Broschi-Farinelli, favori du monarque, exerçait alors sur la cour, et même sur la politique, une grande influence, sans jamais se départir de sa modestie ou abuser de sa position privilégiée. On lui doit les premiers travaux d'assainissement des rives du Tage, et il assura la direction de l'opéra de Madrid, ainsi que des spectacles royaux. Choyé par tous, comblé de cadeaux, flatté par les diplomates adversaires de la France, et par les diplomates français qui auraient souhaité voir l'Espagne signer le Pacte de Famille, il conserva cette haute situation jusqu'à l'avènement de Charles III en 1759.
Retraite et mort
Il se retira alors à Bologne, ville dont il avait choisi de devenir citoyen, et où il termina son existence dans la somptueuse villa qu'il avait fait construire en vue de sa retraite. Il emmenait avec lui des copies manuscrites des sonates pour le clavecin de Domenico Scarlatti qui restent l'unique source de toute cette œuvre si l'on exclut les 30 essercizi édités à Londres sur l'initiative de Thomas Roseingrave. Malgré les nombreuses visites qu'il y reçut (dont celles de Wolfgang Amadeus Mozart alors adolescent, et de Joseph II d'Autriche), Farinelli souffrit jusqu'à sa mort de solitude et de mélancolie. Il s'éteignit le 16 septembre 1782, quelques mois après son ami Pietro Metastasio, laissant une collection d'art et d'instruments de musique qui fut malheureusement dispersée par ses héritiers. Il reste de lui quelques beaux portraits peints par Amigoni et Giaquinto, des lettres qu'il avait envoyées à ses amis. Mais malgré sa légende, il demeure un personnage relativement mystérieux, dans la mesure où il se confia peu. À ses amis qui le priaient de rédiger ses Mémoires, il avait répondu : « À quoi bon ? Il me suffit qu'on sache que je n'ai porté préjudice à personne. Qu'on y ajoute aussi mon regret de n'avoir pu faire tout le bien que j'aurais souhaité. »
Appréciations sur la voix de Farinelli
Johann Joachim Quantz décrit ainsi la voix de Farinelli : « voix de soprano pénétrante, pleine, riche, rayonnante et bien modulée... Son intonation était pure, son trille magnifique, son contrôle de la respiration extraordinaire et sa gorge très agile, de sorte qu'il a accompli les plus grands intervalles rapidement et avec la plus grande facilité et la plus grande certitude. Passages et toutes sortes de mélismes n'avaient pas de difficulté pour lui. Il était très fertile dans l'invention de l'ornementation libre dans l'adagio. »[2] Malgré cette classification de "soprano", il était aussi adroit à chanter en d’étonnants tessitures de contralto extrême. Dans l’aria de tempête, « Navigante che non spera » du Medo de Leonardo Vinci, la colorature se déroule entièrement dans l’octave fa2-fa3, qui est, d’ordinaire, l’octave la plus grave du contralto, et la voix du grand chanteur descend jusqu’à l’ut2, qui est une note ténébreuse pour les voix de femmes et de castrats[3].
Postérité
Créé à Bologne en 1998, le Centre d’Études « Farinelli » a pour mission de faire connaître la figure du célèbre castrat qui passa sa vie et mourut à Bologne. Parmi les initiatives organisées par le Centre d’Études, on signale la restauration du tombeau de Farinelli à la Chartreuse de Bologne (2000), l’exposition documentaire Le Farinelli toujours à Bologne (2001 et 2005), l’inauguration du parc de la ville dédié à Farinelli, à proximité du lieu dans lequel s’élevait la villa du célèbre chanteur (2002), l’organisation du Colloque International d’Études Le Farinelli et les chanteurs castrats à l’occasion du 300e anniversaire de la naissance de Farinelli (2005), la publication officielle Le Fantôme de Farinelli (2005), l’exhumation de Farinelli à la Chartreuse de Bologne (2006). Le projet d’exhumation a été soutenu par l'antiquaire florentin Alberto Bruschi. Luigi Verdi, en tant que secrétaire du Centre d’Études Farinelli, a été le responsable et coordinateur général du projet. L’analyse des dépouilles a été menée sous la responsabilité des scientifiques Maria Giovanni Belcastro, anthropologue à l’Université de Bologne, Gino Fornaciari, paléontologue et anthropologue à l’Université de Pisa et David Howard, ingénieur à l’Université de York. L’exhumation a eu lieu le 12 juillet 2006 et a eu un fort retentissement médiatique dans le monde entier.
Cinéma
Un film intitulé Farinelli a été réalisé en 1994 par Gérard Corbiau. Pour reconstituer la voix du castrat interprété par Stefano Dionisi, on a fait appel à des techniques sophistiquées développées à l'IRCAM pour associer la voix d'un contre-ténor (Derek Lee Ragin) et d'une soprano colorature (Ewa Małas-Godlewska). L'enregistrement de la musique du film a été réalisé à l'Arsenal de Metz en juillet 1993 par le chef d'orchestre Christophe Rousset avec l'ensemble Les Talens Lyriques.
Les faits de ce film relèvent principalement de la fiction. Particulièrement, les rencontres et rapports entre les frères Broschi et Haendel ne relèvent pas de la biographie et ne sont que très peu crédibles. Les intrigues impliquant les deux frères, leurs relations et leur comportement, celui de Haendel sont également fictifs, ainsi que la plupart des personnages. De plus, selon les témoignages à son sujet, le caractère de Farinelli, dans le fond comme dans ses manières, aurait été tout autre.
Il en va de même pour la voix de Farinelli dans ce film, certainement très différente de la voix qu'il devait vraiment avoir. Il est possible de se reporter aux enregistrements du dernier grand castrat, Alessandro Moreschi, du début du dernier siècle. Cependant, le rapprochement est difficile du fait son âge avancé et de sa technique très différente de celle de Farinelli : il n'a en effet pas eu accès aux formations très élaborées des grands maîtres Baroques comme Farinelli (sans oublier que ce dernier était un prodige). Il y a aussi la différence de qualité notable d'un enregistrement à l'époque...
Liens internes
Liens externes
Ouvrages
- Patrick Barbier, Farinelli le castrat des Lumières, Grasset, Paris, 1994.
- Sylvie Mamy, Les grands castrats napolitains à Venise au XVIIIe siècle, Mardaga, Liège, 1994.
- Saverio Tomasella, Le chant des songes (roman), Persée, Aix-en-Provence, 2010.
- Margarita Torrione (éd.), Crónica festiva de dos reinados en la Gaceta de Madrid : 1700-1759, Paris, Éditions Ophrys, 1998.
Notes et références
- Dans la première partie de sa carrière, Carlo Broschi était en effet surtout réputé pour l'étendue prodigieuse de sa voix (s'étendant du registre d'alto à celui de soprano) ainsi que pour sa technique virtuose, apprise de Porpora et servie par un souffle exceptionnel. Il chantait pour surprendre, ce qui l'amenait à user de toutes les techniques d'excellente exécution propres au chant de l'époque.
- (de) F. Haböck: Die Gesangkunst der Kastraten (Vienne, 1923), p. 209.
- (it) R. Celletti, Storia del belcanto, Discanto Edizioni, Fiesole, 1983, p. 82
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