Famille Freylin

Famille Freylin
Le palais Freylin ou palazzo Freylino de Buttigliera d'Asti (Piémont, Italie) fut construit d'après les plans d'un élève de Bernardo Vittone (1702-1770)
Le blason Freylin sur un cachet datant de 1787
Lettre à l'attention de Lorenzo Freylin, comte de Buttigliera et Pino d'Asti
Lettre à l'attention du Chevalier Stefano Freylin, colonel au Corps royal du génie d'Aoste - La Tuile

La famille Freylin est une vieille famille piémontaise, issue de l'ancienne maison féodale de Mercadillo da Chieri, originaire de la petite ville de Mercadillo dans l’actuel Pays basque espagnol[1], et dont la noblesse est prouvée depuis le XIe siècle. La branche aînée de la famille s'est éteinte au XVIe siècle. Des branches cadettes se sont développées en Allemagne (en Souabe, éteinte au début du XIXe siècle), en Italie (éteinte en 1820), en France (dont il y a des descendants contemporains) et aux États-Unis (à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, dont on ne sait s'il reste des descendants).

Sommaire

Historique

La branche italienne, fondée au Piémont par Manfred de Mercadillo, premier seigneur de Chieri, est née en 1099 à Chieri[2] à son retour de Jérusalem, où il prit part à la première croisade, au côté du comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles. C'est l'une des sept familles nobles fondatrices de la cité de Chieri, parmi lesquelles on compte les Broglie et les Cavour. Les armes de la famille, jusqu'au XVe siècle : d’or à quatre faces de gueules, ondées. Cimier : tête de lion tenant la devise : « ne.quid.nimis » (rien de trop).

Au XVe siècle, Freylino de Mercadillo, dit Maestro Freylino (né v. 1390 à Chieri), ingénieur et maître d’artillerie d’Amédée VIII de Savoie (1383-1451), appartient à la première cour du comte puis duc de Savoie[3]. Maestro Freylino sera le premier, non seulement en Italie mais dans toute l’Europe à donner un nom à une pièce d’artillerie, une bombarde (la Freylina) dont il est l’auteur et le fondeur ainsi que d’autres fabuleux engins pour le compte des Sforza de Milan et de la Sérénissime[4]. Reconnu dans toute l’Europe sous le nom de maestro Freylino (souvent mal orthographié, on trouve parfois écrit Maestro Ferlino à cause d’une autre célèbre bombarde, la Ferlina), il conservera ce patronyme pour lui et sa descendance et adoptera comme blason : d’azur à la sirène d’argent nageant sur une mer de même, au chef de gueule avec trois étoiles d’or mal ordonnées, et la devise « dum.canit.decipit » (lorsqu’elle chante, elle trompe)[5].

Dans la tourmente de la première moitié du XVIe siècle et des guerres opposant la France et le Saint-Empire de Charles Quint pour la conquête du nord de l’Italie (en 1536 François Ier s’empare du Piémont), les descendants de Maestro Freylino de Mercadillo se scinderont en au moins deux lignées connues, l’une dans le Saint-Empire, à Weitenau[6] en Souabe (près de Rheinfelden) et l’autre demeurée dans le Piémont. En 1535, le duc Charles III de Savoie, allié de Charles Quint, est chassé de son duché par les Français (il ne peut garder que le comté de Nice). Le Piémont, ravagé par des tremblements de terre et une violente épidémie de peste connaîtra trente années d’instabilité politique avant le retour de la paix. Baldassaro Freylino et son fils Stefano, qui avaient en possession les terres de Weitenau en Souabe, y trouvent refuge au service et sous la protection de l’évêque de Bâle et de l’empereur. Ils fondent ainsi le rameau Freylin de Weitenau qui fera souche à Bamlach (Bade-Wurtemberg) dès la fin du XVIe siècle. La paix retrouvée en Italie fera y retourner une partie de la famille à partir des années 1550. Le nom s’éteindra en 1810 en Allemagne, date à laquelle cette branche deviendra française par mariage pour finalement se fixer à Paris. Les Freylino restés en Italie connurent une période de grande pauvreté, un temps en disgrâce à cause peut-être de mauvais choix politiques. Il faudra attendre la seconde moitié du XVIIe siècle pour que la famille retrouve son rang au sein de la cour des Savoie[7]. La branche italienne s’éteindra en 1820 après la mort du comte Lorenzo Freylino, célèbre botaniste, resté célibataire et sans descendance[8] .

Quelques membres de la famille Freylin

  • Manfred de Mercadillo, premier seigneur de Chieri (1099), fondateur de la branche italienne de la famille;
  • Guido de Mercadillo, seigneur de Santena (1191);
  • Freylino de Mercadillo, dit Maestro Freylino (né v. 1390 à Chieri), ingénieur et maître d’artillerie d’Amédée VIII de Savoie (1383-1451);
  • Les frères Giovanni et Brunone Freylino acquièrent de leur cousin Claudio Orsini[9] les titres de seigneurs de Rivalta, Trana, Gonzole, Orbassano, Coazze et Bagnolo (27 janvier 1448 et 1452);
  • Giovanni-Maria Freylino, connu uniquement sous le nom de Juan-Maria ou Jean-Marie Freylin (1591-1655), né à Villanova d'Asti, entra en 1606 dans la Compagnie de Jésus et obtint les missions du Pérou. Ordonné prêtre, il arriva à Lima en 1617. Il se consacra, outre la mission, à l'enseignement et à l'écriture. Il mourut à Trujillo. Son œuvre majeure est La Vie du père Martinez (1612). Il était cousin de saint Louis de Gonzague (1568-1591) par la mère de ce dernier née Tana de Santena;
  • Francesco Freylino, seigneur de Pino, secrétaire des rescrits du Sénat du Piémont (1687);
  • Pietro-Lorenzo Freylino, premier comte Freylino;
  • Pietro-Antonio Freylino, comte de Pino et de Buttigliera (1711 et 1725), seigneur de Cocconato et d'Aramengo, Sindaco (maire) de Turin en 1728 et ministre des Finances en 1731;
  • Pietro-Giuseppe Freylino, conseiller d'État en 1766, président du Conseil d'État de 1774 à 1779;
  • Lorenzo Freylino († 1820), célèbre botaniste, il fut élu membre de la société royale d'agriculture de Turin. Son nom fut donné, en son hommage, à une espèce d'arbustes d'Afrique du Sud, le Freylinia.

Les comtes Freylino ou Freylin étaient chevaliers commandeurs de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare.

Descendants contemporains

La branche aînée française, issue de Joseph Freylin, né en Alsace en 1810 est aujourd’hui représentée par Jean Freylin (1934), dont postérité. Elle illustre par ses revers de fortune ce qu'écrivait Chateaubriand dans les Mémoires d'outre-tombe : « On voit dans les anciennes familles nobles une quantité de cadets ; on les suit pendant deux ou trois générations, puis ils disparaissent, redescendus peu à peu à la charrue ou absorbés par les classes ouvrières, sans qu’on sache ce qu’ils sont devenus. » Le second fils de Joseph Freylin, Jean, marin à Toulon sur La Magnanime, s’établira aux États-Unis. On ignore si cette branche née dans la deuxième moitié du XIXe siècle est encore représentée.

Notes et références

  1. Les seigneurs de Mercadillo sont par deux fois au côté du comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles (1042-1105) : en 1087 dans son combat contre les Maures en Espagne puis en 1096 lors de la première croisade, dans l’une des quatre routes qui convergent vers Constantinople. Celle du comte de Toulouse traverse l’Italie du Nord.
  2. On trouve aujourd’hui encore sur l’ancienne place Mercadillo (piazza Mazzini) à Chieri le palazzo Mercadillo (XVe-XVIIIe) et le palazzo Opesso (XIIe-XIVe, premier palais des Mercadillo, édifié par Manfred de Mercadillo) ainsi que la tour des Mercadillo (XIIe siècle), symbole au Moyen Âge de leur puissance. La place Mercadillo était au XIIIe siècle le cœur politique et civil de Chieri, cité bien plus puissante alors que Gênes, Pise ou Asti. Les Mercadillo possédaient l’ensemble de cette place. La famille perdra peu à peu de son importance après Maestro Freylino, puis s’éteindra au XVIe siècle. Les Mercadillo étaient également seigneurs de Vernone.
  3. Le duc l’admet dans son entourage et l’invite à sa table. Il met également trois hommes à sa disposition pour la guerre (deux écuyers et un page) ainsi que deux chevaux. Maestro Freylino avait le privilège exclusif donné par Amédée VIII de recueillir le salpêtre dans le Piémont et d'en fixer le prix. Celui-ci servait à la fabrication de la poudre à canon.
  4. Les Freylin, devenus hostiles à Louis Ier (1413-1465), fils d’Amédée VIII, se battront aux côtés de Filippo Maria Visconti (1392-1447), de Francesco Sforza (1401-1466) et d’Alessandro Sforza (1410-1473), seigneur de Pesaro, fils du condottiere Muzio Attendolo (1369-1424), fondateur de la dynastie) et frère du nouveau duc de Milan, Francesco. En juillet 1452, l’un d’eux sera fait prisonnier par les Vénitiens au cours de la bataille de Cavenago et signalé sous le nom de « il tedesco Maestro Freylino » nous laissant ainsi la preuve d’un lien étroit déjà entre la famille de Chieri et le Saint-Empire. Mis à contribution par l’armée des doges, celui-ci construisit dès novembre 1452 pour l’Arsenal une énorme bombarde (cf. Dino Pagano, Le Artiglierie di Venezia). "Dans le grand essor de la Renaissance, écrit l'historien Arthur Heulhard, le Piémont était resté en arrière : pays rude en art, gent montagnarde, il n'avait guère fourni que des ingénieurs militaires, comme ce Marino da Pinerolo, ce Freylino de Mercadillo da Chieri, ce Gianino da Vigone que les Milanais et les Florentins attirèrent à eux dans les guerres de la fin du XVe siècle" (in Rabelais : ses voyages en Italie, son exil à Metz). Dans le livre V de Guerres en la Gaule Belgique entre Henry II et Charles V, François de Rabutin relate la prise en 1553 dans une petite ville de Picardie, d'une grosse couleuvrine appelée "Madame de Frelin" (sic). Jean Corréard, ancien ingénieur, consacre un texte à l'artillerie du XVe siècle et plus particulièrement à Maestro Freylino, dans le Journal des armes spéciales, en 1847 : "Les maîtres bombardiers se faisaient appeler du nom des grandes pièces qu'ils avaient construites; ces maîtres n'étaient pas seulement habiles à faire les pièces mais aussi à les livrer. Les deux arts n'étaient pas distincts, et au fait, ils avaient des appointements assez considérables pour le temps, jusqu'à 20 florins d'or par mois de trente jours. Parmi les maîtres bombardiers qui étaient au service du duc de Savoie, dans les guerres de Verceil en 1426 (Vercelli dans le Piémont). Maître Freylin de Chieri jouissait d'une grande réputation; les pièces qu'il fabriquait étaient d'une bonté et d'une perfection rares, et toujours en nommant les pièces, il s'en désignait l'auteur. On mena à cette entreprise quatre bombardelles et un long canon de bronze, tous de Freylin. Il est à remarquer que les pièces de ce maître n'étaient pas comme les autres attachées à l'affût par des cercles de fer; quae cepate fuerunt et non ferrate. Elles étaient probablement consolidées par d'autres moyens. Il était encore au service du duc de Savoie, en 1443; mais dix années après, nous le trouvons à la solde de François Sforza, duc de Milan. L'historien Simonetta qui l'appelle Ferlin piémontais, en parle comme d'un très habile artiste de grande réputation."
  5. La devise de Maestro Freylino rappelle l’effet trompeur du sifflement des boulets de canon et le souvenir de l’une des légendaires sirènes qui émettait un sifflement.
  6. Ce domaine possédait aussi une abbaye, kloster Weitenau. Les Freylin restés en Souabe seront par la suite surtout des gentilshommes paysans ("Gutsherren", seigneurs du domaine). Ils resteront attachés un temps à l’ordre des chevaliers de saint Jean de Rheinfelden (Souabe) comme l’atteste l’appartenance de Pollinaris Freylin sur un document de 1648, juste après la guerre de Trente Ans qui décima cette région. Leur foi catholique, dans un contexte favorable à l’Église réformée expliquerait leur appauvrissement à la suite de ce conflit européen jusqu’à leur départ de Bamlach, fief des seigneurs catholiques de Rotberg, avec le mariage français, sous le Premier Empire, de Johannes Freylin et la naissance en 1810 en Alsace de Joseph Freylin, premier de la branche aînée française.
  7. Rappelons également le rôle joué par Agnese-Margherita Tempia, comtesse Freylina, épouse (1724) du comte Pietro-Antonio. Dame d’honneur à la cour de Victor-Amédée II (1666-1732) et de Charles-Emmanuel III de Savoie (1701-1773), elle fera connaître son patronyme jusqu’à Saint-Pétersbourg, où il deviendra un nom commun « freylina » pour désigner les dames d’honneur des impératrices. Un autre personnage de la famille fera à la même époque parler de lui. En octobre 1718, à l’âge de 25 ans, François Freylin, accusé de sortilège contre le duc de Savoie, est incarcéré à la prison de Miolans, appelée également « la Bastille savoyarde ». Il tente de s’évader le 30 avril 1719, mais il fait une chute sur des rochers et meurt le 7 juillet suivant. Le marquis de Sade y fut également emprisonné.
  8. On peut encore voir aujourd’hui le château-fort de Bagnolo, le palazzo Freylino de Buttigliera d'Asti ainsi que la villa Freylino de Turin et le château de Pino d’Asti conservant le jardin à l’italienne dessiné par le comte Lorenzo Freylin. Les archives Freylin (Famiglia Freylino) ont été regroupées presque intégralement à la bibliothèque historique de la ville de Turin. Il existe d’autres fonds à la bibliothèque royale et aux archives d’État, notamment le texte faisant référence à Maestro Freylino de Mercadillo pendant la guerre qui opposa le Piémont et le duché de Milan au commencement des années 1420.
  9. La célèbre famille Orsini compte parmi ses membres trois papes, Célestin III (Giacinto Orsini-Boboni, 1106-1198), élu pape en 1191, Nicolas III (Jean-Gaetan Orsini, 1216-1280), élu pape en 1277 et Benoît XIII (Pierre-François Orsini, 1649-1730), élu pape en 1724. Leur palais romain fut édifié au Moyen Âge sur les ruines du théâtre de Pompée dans le quartier du Champ de Mars (auj. Piazza Campo dei Fiori).

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