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Expédition de Salonique
L'Expédition de Salonique, autrement appelée Front d'Orient, Front de Salonique ou Front de Macédoine est une opération menée par les armées alliées à partir du port grec macédonien de Salonique pendant la Première Guerre mondiale et destinée :
- dans un premier temps, à soutenir l'armée serbe lors de l'invasion de la Serbie, à l'aide, notamment, des troupes évacuées des Dardanelles ;
- dans un deuxième temps, à reconstituer cette armée après sa déroute à travers l'Albanie et son évacuation par les ports de la côte Adriatique ;
- dans un troisième temps, à fixer les troupes des Empires centraux et des Bulgares, en particulier après la capitulation de la Russie à Brest-Litovsk ;
- dans un quatrième temps, à ouvrir un front en Orient pour délester le front occidental.
Elle se déroula de 1915 à 1918.[1]. L'opération est un peu oubliée par les opinions publiques des puissances belligérantes, voire méprisée. Toutefois, son intérêt stratégique dans le cadre de la lutte contre les puissances centrales n'est plus à démontrer.
Première phase : la tentative de soutien à l'armée serbe
À la suite de l'invasion par les armées austro-allemandes et bulgares de la Serbie, les alliés débarquent à Salonique avec des troupes repliées de l'expédition des Dardanelles. L'idée est de se porter au secours des troupes serbes qui se replient vers le sud et de maintenir ainsi le deuxième front que Churchill a tenté de faire ouvrir sur les Détroits, sans succès.
Dès le 5 octobre 1915, les troupes françaises et britanniques débarquent sous le commandement du général Maurice Paul Emmanuel Sarrail, violant ainsi la neutralité de la Grèce. L'idée stratégique est de se porter sur Nich pour prendre les troupes bulgares de flanc et arrêter ainsi leur progression en Serbie. En fait, avec l'évolution de la situation, les objectifs sont revus à la baisse. Il s'agit de conserver le contrôle de la voie ferrée qui remonte la vallée du Vardar pour garder ouverte la seule voie de communication des Serbes vers l'extérieur. Dès le 14 octobre, les troupes tentent donc de se porter vers le Nord par voie ferrée. Elles entrent en contact avec les flanc-gardes bulgares à la gare de Stroumitza , le 25 octobre. Elles continuent à progresser le long de la vallée de la Tcherna jusqu'à Gradsko. L'idée est de faire jonction avec les troupes serbes à Veles. Mais le plan initial échoue. Les Bulgares coupent la ligne de retraite des Serbes vers le Sud. L'armée serbe doit se replier vers l'ouest sous leur pression. Les divisions françaises s'arrêtent donc à Gradsko, le 7 novembre, se fortifient dans le triangle de Kavadar, formé à l'est par la Tcherna et à l'ouest par le Vardar, et tentent de prendre pied au-delà de sa pointe nord. Du 1er au 12 décembre, faute de n'avoir pu progresser, les troupes alliées se replient sur Salonique dans des conditions climatiques difficiles [2]. Afin de permettre le retrait de tous les moyens engagés pour la bataille, des combats retardateurs ont lieu sur des lignes prédéterminées jusqu'à la frontière grecque que les Bulgares refusent de franchir à la demande expresse des Allemands. En effet, la Grèce n'a toujours pas choisi son camp, c'est pourquoi l'Alliance cherche à la ménager.
Pendant ce temps, l'armée serbe subit une cruelle retraite à travers les montagnes du Montenegro et de l'Albanie et doit être évacuée par les ports de Medua, Durrazzo et Valona, puis amenée par les navires alliés via Corfou à Salonique, où elle se reconstitue.
Deuxième phase : la constitution et la défense du camp retranché[3]
Salonique devient ainsi une ville refuge encerclée de loin par les troupes de l'Alliance et avec l'armée grecque en interposition le long de la frontière. Transformée en camp retranché solidement tenu à l'est, le long de la Strouma, et, à l'ouest, sur le Vardar, elle accueille, mi-1916, près de 300 000 hommes (Français, Britanniques, Serbes, Italiens et Russes). Les troupes se fortifient autour de la ville dans ce que les Britanniques appellent la cage aux oiseaux (the birdcage).
La présence des troupes alliées à Salonique est aprement discutée au niveau politique. Les Britanniques souhaiteraient se retirer pour disposer de plus de troupes au profit de la Palestine et de l'Irak, sources vitales de ravitaillement en hydrocarbure et cibles prioritaires des troupes de l'Entente. Aristide Briand, président du Conseil intervient personnellement pour la maintenir en vue de soutenir une entrée en guerre de la Roumanie hésitante, ceci contre l'avis même du généralissime Joffre. La ville fait l'objet d'attaques aériennes fréquentes. Un Zeppelin allemand la survole de nuit, le 7 janvier 1916, et le 1er février. Le 27 mars, les magasins de l'armée française sont gravement atteints par ses bombes. Il s'en suit des pillages durement réprimés. Le 5 mai, le Zeppelin est touché par les canons de l'HMS Agamemnon, ancré dans la rade. Il est contraint de se poser dans le delta du Vardar et détruit par son équipage.
Troisième phase: la fixation des armées des Empires centraux et bulgares (1916-1917)
Malgré des effectifs militaires importants, le front de Salonique ne joue qu'un rôle mineur pendant l'année 1916 et 1917.
L'élargissement du front autour du camp retranché (mai-novembre 1916)
- À partir de mars 1916, le général Sarrail s'aperçoit que l'interposition de l'armée grecque se dégarnit, vraisemblablement à la suite d'accords entre les Grecs, les Allemands et les Bulgares. Le 4 mai, il fait envoyer un fort détachement sur Florina en direction de Monastir pour prévenir tout débordement vers l'ouest. Le 27 mai, les Bulgares pénètrent en territoire grec. Dans un premier temps, ils prennent, avec l'assentiment des Grecs, le fort du Rupel, sur la route de Salonique à Seres, qui commande toute la Macédoine orientale
Dans un deuxième temps, à partir du 18 août :
- à l'est, ils débouchent du Rupel et envahissent toute la Macédoine orientale
- à l'ouest, ils reprennent Florina et marchent sur Ostrovo et Verria, pour verrouiller l'accès à la Macédoine occidentale.
- Après une phase défensive autour de Doiran, de la Strouma et du Vardar pendant laquelle ils connaissent un certain nombre de problèmes de coordination, les alliés reprennent l'initiative. Le plus haut sommet de la Moglena, le Kaymakchalan, qui domine la plaine de Salonique est conquis le 20 août par les Serbes. Ceux-ci empêchent les Bulgares de couper la route de Monastir par la bataille d'Ostrovo (Vegoritida), le 28 août. La ville de Monastir elle-même et son environnement immédiat, la boucle de la Tcherna, sont investis le 19 novembre par les troupes françaises.
À l'Est, les Alliès lancent une opération sur la Struma en direction de Serres. Ils reprennent le fort du Rupel mais doivent s'arrêter à quelques distances de la ville. Le front se stabilise alors. Au plan tactique, l'offensive est une victoire. En revanche, au plan stratégique, elle ne peut empêcher l'offensive des Puissances centrales qui se déroule simultanément de fin août à début décembre et qui s'achève par l'invasion totale de la Roumanie.
À la fin de 1916, le front passe donc sur les hauteurs qui dominent le camp retranché, notamment au sud du Lac Doiran, dans la vallée du Vardar, au dessus de Gevgueli, sur les crêtes de la Moglena autour de Monastir et de la boucle de la Cerna jusqu'au Lac Prespa. Les Allemands et les Bulgares se fortifient sur ces positions dominantes.
Parallèlement, et pour faire cesser l'attitude ambiguë du roi et du gouvernement grecs, les troupes du général Sarrail investissent Athènes le 2 décembre, en raison d'incidents importants où sont tués des marins français.
La fixation du front (année 1917)
Pendant toute l'année 1917, l'activité des troupes se résume à une guerre de position le long du front atteint fin 1916, notamment autour de Monastir et du Lac Dojran. Quelques combats émergent de cette période :
- bataille du Lac Doiran, Petit Couronné, Horseshoe ridge (9-10 février ; 22 avril-9 mai 1917),
- Kirkilisse (18 mars 1917),
- le Skra di Legen (10 au 14 mai),
- le Piton Jaune (9 mai),
- la boucle de la Cerna (11 mai),
- le Piton Rocheux (16 mai),
- les opérations entre le Lac Prespa et le Lac d'Ohrid dans la région de Pogradec (Septembre 1917), etc.
En outre les soldats sont très affectés par la dysenterie, le scorbut, les maladies vénériennes et le paludisme. La concentration de réfugiés, les marécages qui font de la Macédoine le dernier point d'Europe où le paludisme sévit, un service médical peu développé favorisent toutes sortes d'épidémies (cf. Camp de Salonique).
Quatrième phase : la reprise de la guerre de mouvement, l'offensive finale et la libération de la Serbie, de la Bulgarie et de la Roumanie
Concentration des forces nécessaires et préparation de l'offensive décisive
Peu à peu, cependant, les forces alliées s'étoffent. Le Général Adolphe Guillaumat prend des mesures pour lutter contre les maladies et le mauvais moral. Il fait notamment assainir la région par un plan "paludisme". En outre, il organise une véritable superstructure multinationale qui lui permet de donner des ordres sans froisser les particularismes. Dans un premier temps, il améliore ses relations personnelles avec les différents chefs alliés. Dans un deuxième temps, il crée un véritable état-major interallié où la France joue le rôle de nation-cadre mais où il laisse un certain nombre de responsabilités aux officiers étrangers. Dans un troisième temps, il fait mettre en place des procédures communes qu'il diffuse sous forme de cours dans des centres d'instruction ad hoc. Dans un quatrième temps, il soutient les efforts de l'armée grecque pour se mettre au niveau. En mai 1918, il dispose de 650 000 hommes à savoir, d'Ouest en Est :
- une armée française, l'Armée d'Orient, sous les ordres du Général Henrys,(122e division d'infanterie et 16e division coloniale françaises, avec la division de l'Archipel du Corps Hellénique de la Défense Nationale)
- l'armée serbe aux ordres du prince Alexandre, régent de Serbie,
- le Ier groupement de division commandé par le général d'Anselme (122e division d'infanterie et 16e division coloniale françaises, avec la division de l'Archipel du Corps Hellénique de la Défense Nationale)
- une armée britannique sous les ordres du général Milne (quatre divisions Britanniques, 24e, 27e, 28e, 29e les divisions CRETE et SERES du Corps d'Armée de la Défense Nationale, les 1re, 2e et 13e divisions de la Vieille-Grèce).
Les Russes ont disparu suite aux évènements dans leur pays. Leurs bataillons ont été dissous en janvier 1918 et ils ont été désarmés. Certains soldats sont restés comme ouvriers, d'autres, les plus radicaux, ont été emmenés en Afrique du Nord. Par ailleurs, les Italiens ont le 16e Corps d'armée en Albanie, qui n'obéit qu'à Rome et n'est donc pas sous commandement opérationnel de l'Armée d'Orient.
En juin, le Général Guillaumat, rappelé à Paris par Clémenceau, est remplacé par le Général Louis Franchet d'Espérey.
Celui-ci prépare avec ardeur une offensive majeure. Il fait construire des routes et des voies ferrées de 60 pour amener l'artillerie et les munitions le long du front. Il fait effectuer des relevés cartographiques et fait mettre en place des réseaux filaires de communication.
En septembre, l'armée grecque reconstituée et qui s'est illustrée lors de la prise du Skra di Legen le 16 mai 1918, se joint aux forces alliées. En face, la XI° Armée allemande du général von Steuben, essentiellement composée de Bulgares, et trois armées bulgares, la I°, II° et IV°, sont sous la direction stratégique du Feld-maréchal Mackensen de son QG de Bucarest.
L'offensive et la rupture
Le 15 septembre, Le général Louis Franchet d'Espérey lance une offensive vers le nord, en direction de la Serbie. Il fait progresser ses troupes sur deux axes Ouest et Est. Pour conquérir la vallée du Vardar et progresser profondément en Serbie occupée, deux options s'offrent à lui :
- soit porter son effort sur le Lac Dojran et contourner les défenses bulgares par l'Est ;
- soit porter son effort dans la montagne macédonienne et contourner ces mêmes défenses par l'Ouest.
Franchet d'Esperey choisit la seconde alternative. Français et Serbes coupent donc à travers la montagne de la Moglena.
À l'Ouest
Le 15 septembre, après une préparation d'artillerie intense, les divisions françaises et serbes s'emparent du Dobro Polje (1830 m), du Sokol (1825 m), de la Djena et du Vetrenik, sommets fortifiés par les Bulgares et les Allemands qui ouvrent la route de Prilep, objectif des Français et de Gradsko objectif des Serbes. Suite à ce succès, les Français s'emparent de Prilep le 23 septembre. Puis, la brigade des Chasseurs d'Afrique suivie par la brigade coloniale chevauchent à travers la montagne afin de créer la surprise. Le 29 septembre, elles s'emparent d'Uskub (aujourd'hui Skopje) où se trouve la zone arrière de théâtre de la XI° Armée. Celle-ci est obligée de replier ce qui lui reste sur Kalkandelen (aujourd'hui Tetovo). Elle se voit donc obligée de capituler. L'armée bulgare est ainsi coupée en deux. La route de Sofia est ouverte. La Bulgarie demande alors, sans délai, un armistice qui est ratifié le 5 octobre.
À l'Est
Sur une aile formée par les Britanniques et les Grecs, l'attaque est plus frontale. Il s'agit de s'emparer des positions extrêmement solides autour du Lac Dojran et le long de la Struma. Le 18 et 19 septembre, la bataille fait rage. Les Alliés ont beaucoup de difficultés, se heurtent aux défenses bulgares et ne progressent quasiment pas sur les objectifs qui leur ont été assignés, "Pip Ridge" et le "Grand-Couronné". Après une bataille très meurtrière et peu concluante, la situation se débloque rapidement, le 20 septembre dès que les Bulgares se retirent, suite à la rupture des Serbes et des Français sur Prilep. Les Grecs et les Britanniques s'emparent alors de Kosturino et de Strumitza.
Les conséquences de la rupture
Pour contrer immédiatement la disparition de la Bulgarie du théâtre, les Allemands et les Autrichiens cherchent à rétablir un nouveau front en Roumanie alors que les Turcs se couvrent avec cinq divisions sur la Thrace. La continuité entre l'Alliance et les Turcs est rompue. La ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad est coupée.
- À l'Ouest, sous la pression des Italiens et suite à la rupture vers le nord, les troupes allemandes et autrichiennes évacuent l'Albanie.
- Au centre, Français et Serbes, progressent en direction de Belgrade. Nich est enlevée le 14 octobre, le Danube est atteint le 19 octobre à Lom Palanka. Belgrade est reprise le 1er novembre.
- À l'est, les défenses du Doiran abandonnées permettent aux Français, aux Britanniques et aux Grecs d'entrer en Bulgarie puis, pour les Britanniques, de pivoter en direction de Constantinople.
Une armée du Danube est créé le 28 octobre avec deux divisions françaises sous les ordres du général Berthelot. Elle se dirige vers la Roumanie pour affronter les forces allemandes qui s'y sont regroupées. Elle atteint Bucarest le 1er décembre. Elle est appuyée vers l'ouest par les Serbes qui remontent le Danube par les Portes de Fer. Au 11 novembre, l'armée d'Orient est étirée sur un front de 1200 km, de la Thrace aux frontières nord de la Serbie en passant par la Roumanie.
À la fin de la campagne, du 18 au 25 décembre, une partie de l'armée d'Orient est redéployée à Odessa contre les Soviets en Ukraine. Ce n'est qu'en 1919 qu'elle est rapatriée et démobilisée.
Sources, notes et références
Sources
- Cours d'Histoire Militaire, Guerre de 1914-1918, Cours du Commandant DESMAZES, Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr, Juillet 1920.
Notes
Références
- Roger Vercel, Capitaine Conan, Prix Goncourt, Editions Albin Michel 1934
- G. Ward Price, The Story of the Salonica Army, http://www.gwpda.org/memoir/Salonica/salonpix.htm
- ↑ Michel Mourre P 4603
- ↑ Deux mois avec l'armée d'Orient, Ferri Pisani
- ↑ Marcelle Tinayre, « Un Eté à Salonique » in Balkans en Feu à l'Aube du XXesiècle, Edition Omnibus, 2004.
Liens
Article connexe : Camp de Salonique.Cartographie d'état-major
Pour voir avec précision et de plus près la zone des combats.
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