Dualite des ordres de juridiction (France)

Dualite des ordres de juridiction (France)

Dualité des ordres de juridiction en France

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La dualité des ordres de juridiction en France consiste en lexistence de deux juridictions séparées : lordre administratif et lordre judiciaire, ayant à leur tête respectivement le Conseil dÉtat et la Cour de Cassation.

Lexistence de ces deux ordres de juridiction distincts est en France le produit de lhistoire, fruit de la volonté dempêcher le juge judiciaire de simmiscer dans les questions de ladministration.

Sommaire

Histoire

Fondements historiques

La séparation entre les ordres de juridiction administrative et judiciaire résulte dun processus historique, qui se confond dans une certaine mesure avec la séparation de l'activité juridictionnelle et de l'« administration active ».

En 1641, par l'Édit de Saint-Germain, Richelieu limite le droit de remontrance du Parlement de Paris.

La méfiance des révolutionnaires à légard des juges les incite à interdire aux tribunaux de connaître des affaires de ladministration par la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, qui sont toujours en vigueur aujourdhui. La loi des 16 et 24 août 1790 proclame que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ». La Constitution du 22 frimaire an VIII et la loi du 28 pluviôse an VIII, qui datent donc du Consulat, créent respectivement le Conseil d'État et les conseils de préfecture, ancêtres des Tribunaux administratifs. Ces juridictions acquièrent par la suite une justice déléguée (loi du 24 mai 1872), donc une réelle indépendance et fondent ainsi le dualisme des ordres de juridiction.

Le dualisme juridictionnel repose donc sur une conception spécifique de lÉtat et de la séparation des pouvoirs et la raison dêtre de la juridiction administrative sur le principe selon lequel « juger ladministration, cest encore administrer ».

Mais d'après le commissaire du gouvernement Sainte-Rose (conclusions dans TC 17 février 1997, n° 03045, Menvielle, La Semaine Juridique Édition Générale n° 30, 23 Juillet 1997, II 22885), « C'est le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires qui est le fondement de la compétence de la juridiction administrative et non celui de la séparation des pouvoirs », contrairement à ce que laisseraient entendre certains décisions du Tribunal des conflits, la séparation des pouvoirs n'entraînant pas nécessairement la séparations des autorités administratives et judiciaires, comme on peut le constater dans des pays connaissant la séparation des pouvoirs mais non la dualité des juridictions.

La justification de lexistence de juridictions distinctes est également fondée sur lidée de la nécessité davoir deux droits distincts, et donc un droit administratif autonome, adapté à la matière quil a à juger (principe de la liaison de la compétence et du fond), notamment par son articulation autour de la poursuite de lintérêt général. Ainsi, par exemple, la responsabilité de ladministration est fondée sur des principes propres, comme lénonce larrêt Blanco (TC 8 février 1873), qui sont par la suite élaborés par la jurisprudence du juge administratif. La séparation des ordres de juridiction a également permis la création de formes de recours adaptés à la matière dont ils doivent traiter, notamment le recours pour excès de pouvoir par le juge administratif.

L'évolution des fondements historiques

Ces fondements historiques semblent aujourdhui dans une large mesure dépassés. En effet, la méfiance à légard du juge judiciaire a largement disparu. Parallèlement, le juge administratif ne semble plus pouvoir être accusé dune collusion excessive avec ladministration. En effet, sa jurisprudence assure un contrôle approfondi de laction administrative (au plan de la légalité comme du fond). Il semble aussi que l'objection de mauvaise indemnisation souvent soulevée à son encontre, ne soit pas recevables. Par exemple, en matière de responsabilité, le succès récent de la responsabilité pénale des personnes publiques ne doit pas nous faire oublier une jurisprudence qui a progressivement multiplié les cas de responsabilité et amélioré lindemnisation, aboutissant à un régime assez proche de celui appliquée par le juge judiciaire.

Un second motif de caducité des fondements historiques de la dualité est la convergence des régimes de droit public et privé, observable au sujet de la responsabilité ou encore des contrats. Lon observe également un rapprochement et une interpénétration croissante des domaines respectifs de compétence des deux juges : le juge judiciaire et le juge pénal ont des compétences en matière de contrôle de ladministration, de responsabilité, le juge administratif intervient dans des domaines de compétence classiquement réservés au juge judiciaire : libertés individuelles (à travers le référé liberté, contrats, questions économiques.

Enfin, la querelle classique sur le juge des libertés qui veut que le juge judiciaire soit meilleur protecteur des libertés est à réexaminer à la lumière de la conciliation que le juge administratif a su opérer entre les exigences de lordre public et le respect des libertés individuelles.

Pourrait donc être posée la question du bien-fondé du maintien d'une institution dont la raison d'être a disparu. Le seul argument qui paraît aujourd'hui encore plaider pour le maintien de juridictions, à tout le moins de chambres, administratives est la nécessaire spécialisation des juges administratifs. Mais si cet argument plaide en effet pour le maitien de juridictions administratives au contentieux objectif de la légalité des actes administratifs, on ne voit pas la raison de conserver aux juridictions administratives le contentieux des droits subjectifs, qui relèvent bien naturellement de la spécialité du juge civil.

Aspects négatifs de la dualité des ordres

Complexité des règles de répartition de compétence

Lexistence de deux ordres de juridiction, entre lesquelles la répartition des compétences ne va pas toujours de soi pour qui nest pas spécialiste peut compliquer la tâche du requérant.

De plus, les erreurs éventuelles, qui rallongent la procédure et la rendent plus coûteuse, peuvent très bien décourager le requérant qui renoncera à poursuivre son action.

Dans certains cas, les deux ordres de juridictions peuvent se déclarer incompétents sur une affaire : dans ce cas de conflit négatif, si le requérant renonce à sadresser au Tribunal des conflits pour que ce dernier détermine le juge compétent, il y a un déni de justice. Pour remédier à cela, le décret du 25 juillet 1960 oblige le second juge à renvoyer automatiquement laffaire au Tribunal des conflits (mécanisme de renvoi automatique, qui peut également être appliqué ex ante, si le premier juge saisi a une incertitude au sujet de sa compétence). On note de plus que le Tribunal des conflits nest saisi chaque année que sur une cinquantaine daffaires, ce qui mène à relativiser limportance de ce problème.

De plus, la répartition de compétences fait lobjet dun travail constant de clarification et de simplification de la part du juge, par exemple dans larrêt du TC Berkani (25 mars 1996), qui permet aux agents publics de ne faire quun seul recours.

Le mécanisme de la question préjudicielle

Cependant, la dualité de juridiction présente une autre cause de lenteur pour le justiciable : ce sont les questions préjudicielles entre les deux ordres, lorsque la juridiction compétente pour statuer sur une affaire rencontre dans son examen une question qui nest pas de son ressort. Néanmoins, ce problème nintervient dans la pratique que dans un nombre de cas modeste. Par exemple, le juge administratif peut avoir des doutes sur la validité dun acte individuel, comme un titre de propriété ou la nationalité dune personne. Le juge judiciaire peut lui être amené à sinterroger sur la légalité dun acte administratif. Néanmoins, ce problème rencontre certaines limites, tout dabord dans le recours à la théorie de lacte clair, qui limite lusage de la question préjudicielle aux cas il y a réellement un doute ou une difficulté sérieuse. Dautre part, si pour le juge judiciaire la règle est linterdiction qui lui est faite de se prononcer sur la légalité des actes administratifs, le juge pénal se voit reconnaître des pouvoirs plus larges (TC 5 juillet 1951 Avranches et Desmarets et plénitude de juridiction dans le cadre de larticle 111-5 du nouveau Code pénal).

Lenteur des juridictions administratives

Dautre part, les réformes intervenues dans lordre administratif, notamment la réorganisation et le renforcement des procédures de référé par la loi du 30 juin 2000 avec notamment la procédure durgence en matière de libertés, en 48h par un juge statuant seul, sur le modèle judiciaire, et la création des Cours administratives d'appel par la loi de 1987 ont également permis de remédier un temps aux problèmes de lenteur et dengorgement des juridictions administratives.

--- A compléter : contentieux à ce sujet avec la CEDH ---


Divergences de jurisprudence

La coexistence des deux ordres de juridictions fait jaillir des divergences de jurisprudence sur certaines questions. Ces divergences nuisent à la cohérence du droit et à la garantie de sécurité juridique. Fort heureusement, ce problème ne se présente que rarement, mais parfois sur des questions importantes. Ainsi le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont longtemps été en opposition en matière dapplication des normes communautaires avant de s'harmoniser (C.Cass: arrêt Jacques Vabre 1975 et CE : arrêt Nicolo 1989, qui revient sur la jurisprudence Fabricants de semoules de France de 1968). De même pour les normes internationales avec l'application de la Convention de New-York sur les droits de lenfant.

Problèmes liés à lindépendance

Souvent, des inquiétudes se font jour quant aux liens trop étroits unissant la juridiction administrative et ladministration. Ainsi, le juge administratif jugerait dans la ligne de ladministration et ne serait pas assez sévère. A cette objection, lon peut rétorquer que le juge administratif dispose statutairement et juridiquement dune complète indépendance vis-à-vis de ladministration. Dautre part, cette idée dune collusion est largement démentie par laction du juge, qui dispose depuis la loi du 8 février 1995 des pouvoirs dinjonction et dastreinte à légard de ladministration, et qui dans sa jurisprudence savère tout aussi protecteur du requérant et des libertés que le juge judiciaire.

Néanmoins, le juge européen pourrait apporter une objection au respect de lindépendance et dimpartialité de la part du Conseil dÉtat en posant la question de la combinaison des fonctions consultatives et contentieuses de cette juridiction[1]. Cest le débat sur lapplication à la France de larrêt de la CEDH Procola c/ Luxembourg (28 septembre 1995), qui concerne la présence au contentieux de juges ayant déjà figuré dans la procédure consultative[2]. La jurisprudence de la CEDH Sacilor Lormines c./ France affirme cependant que les garanties statutaires des membres du CE permet une assimilation de ces derniers à des magistrats indépendants. Cest également notamment la communication aux parties des documents concernant lavis du Conseil d'État sur le texte. Néanmoins, le Conseil d'État veille à éviter que cette situation ne se produise.

Par ailleurs, l'indépendance et l'impartialité du Conseil d'État sont remises en cause par la cour de Strasbourg en raison de la présence du Commissaire du Gouvernement au délibéré. Dans deux décisions (CEDH KRESS c./ France, 7 juin 2001 - CEDH LOYEN c./ France, 5 juillet 2005), la cour européenne s'oppose à la présence du Commissaire. En réponse, la France affirme que le CG "assiste mais ne participe pas à la délibération" (art. 731-7 CJA issu du décret du 19 décembre 2005).

Autres systèmes envisageables

Dautres systèmes semblent donc envisageables, et lexemple du Royaume-Uni prouve bien que la dualité nest en aucun cas nécessaire en soi. En effet, le modèle britannique, qui existe aussi dans plusieurs autres pays anglo-saxons (États-Unis, Irlande..) est fondé sur un ordre de juridiction unique. En Angleterre, ladministration est donc soumise à la Common law. En Belgique, le contentieux de la légalité est confié à une juridiction administrative, le Conseil d'État, mais le contentieux des droits subjectifs est toujours de la compétence du juge judiciaire, même lorsqu'il implique un acte administratif. De plus, le système belge prévoit qu'au contentieux des droits subjectifs, l'État est soumis au même droit que les autres justiciables. Même si formellement le système belge paraît proche du système français - avec l'existence, en particulier, d'un Conseil d'État - sur le fond, il est beaucoup plus proche du système anglais, puisque seul le contentieux objectif de la légalité échappe au juge judiciaire.

La remise en cause difficile de la dualité

Les difficultés auxquelles nous avons vu que donne lieu la dualité juridictionnelle, et dont la plus importante semble liée aux lenteurs et à la complexité qui peuvent en résulter pour le justiciable, ont suscité des propositions diverses. Si certaines améliorations peuvent être acquises par des réformes, dont nous avons vu quelques exemples, des remises en causes radicales de la dualité ont été suggérées, notamment une limitation des compétences de la juridiction administrative, dont lactivité se limiterait alors au contentieux de la légalité, le juge judiciaire seul pouvant statuer sur lindemnisation, ou encore la fusion pure et simple des deux ordres.

Les difficultés d'une réforme

Un système établi et bien ancré

Les deux ordres de juridiction sont caractérisés par des modes de fonctionnement différents, à la fois en ce qui concerne le statut des juges et les relations entre les juridictions à lintérieur de chaque ordre. Lorganisation dune fusion des deux ordres semble de ce fait poser des problèmes considérables de transition et de choix dune organisation définitive. Dautre part, en ce qui concerne la juridiction administrative, son statut et son prestige, notamment auprès du législateur, rendront sans doute toute velléité de réforme allant dans ce sens extrêmement difficile. Enfin, si le souci majeur est bien de simplifier laccès au juge pour le justiciable et de rendre les procédures plus brèves, les réformes internes à chaque ordre, dont nous avons vu certains exemples, mais auxquels on peut aussi ajouter lamélioration des moyens budgétaires et humains semblent plus efficaces quun bouleversement important requérant lapprentissage de règles de fonctionnement entièrement nouvelles.

Le statut constitutionnel de la dualité

Dautre part, le Conseil constitutionnel a conféré un statut constitutionnel à la compétence des juridictions administratives. Si la Constitution de 1958 ne cite que le Conseil dÉtat au titre de ses fonctions consultatives, la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 Conseil de la concurrence, statuant à propos dune loi qui confiait le contentieux des décisions dudit Conseil à la juridiction judiciaire, consacre « la compétence de la juridiction administrative pour lannulation ou la réformation des décisions prises, dans lexercice des prérogatives de puissance publique » par les autorités publiques, ceci « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs » et décide quil sagit dun principe fondamental reconnu par les lois de la République. En conséquence, lexistence ainsi que la compétence propre dune juridiction administrative ont valeur constitutionnelle. Auparavant, dans une décision du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel avait déjà consacré lindépendance de la juridiction administrative.

Les juges administratifs nont pas le monopole du contentieux administratif. Nous verrons que le principe de la séparation des autorités ninterdit pas au juge judiciaire de connaître de certains aspects de laction administrative. Sil ny a pas de monopole du juge administratif dans le contentieux administratif, il ne faut pas négliger sa grande importance. Il est le juge naturel de laction administrative. Ceci fut consacré en deux temps par le Conseil constitutionnel. Dans la Constitution, le juge administratif est presque absent. Deux décisions du Conseil constitutionnel ont fixé ses compétences:

- dans une décision du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel a consacré un nouveau Principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les juridictions administratives sont indépendantes. Il sest fondé sur la loi du 24 mai 1872 qui accorda définitivement la jurisprudence déléguée au Conseil d'État. On ne peut consacrer institutionnellement la juridiction administrative sans la consacrer constitutionnellement. Il faut considérer que cette décision consacre lexistence constitutionnelle de laction du Conseil d'État, et donc elle doit être indépendante;

- il manque encore quelque chose: il faut quelle ait quelque chose à faire cette juridiction administrative. Il fallait préciser si sa compétence était protégée par une norme constitutionnelle. Ceci fut résolu par la décision du 23 janvier 1987, cette décision érigeant en Principe fondamental reconnu par les lois de la République une partie de la compétence des juridictions administratives. Quelle est cette partie protégée par la Constitution? La phrase du Conseil constitutionnel: « relèvent de la compétence des juridictions administratives lannulation ou la réformation des décisions prises dans lexercice de prérogatives de puissances publiques par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». Il y a une définition positive qui signifie quil y a des choses qui ny rentrent pas. Le Conseil constitutionnel na pas voulu les inclure dans une compétence constitutionnellement garantie (contentieux de la responsabilité de la puissance publique, contentieux des contrats, contentieux par voie dexception dillégalité des décisions administratives, le contentieux des décisions administratives que peuvent parfois prendre des personnes privées chargées dune mission de service public). Pourquoi avoir dit: il y a une compétence des juridictions administratives, mais je ne range quune partie de ces prérogatives? Il exclut les contrats, la responsabilitéIl faut comprendre que les juridictions administratives sont compétentes pour le tout, mais quil ne sagit pas pour ce tout dune compétence constitutionnelle, et donc ces compétences peuvent leur être enlevées par une simple loi. Pourquoi ce tri? Le Conseil constitutionnel est pragmatique et il sest rendu compte que le contentieux de la responsabilité de la puissance publique pouvait relever du juge judiciaire. Si le Conseil constitutionnel avait tout protégé par la Constitution, cela aurait voulu dire que toute une série de lois antérieures, accordant pouvoir au juge judiciaire, était devenue inconstitutionnelle. Donc celles qui sont protégées sont les seules qui navaient pas été transférées.

Il faut ajouter que le Conseil constitutionnel fait trois réserves :

1° le Principe fondamental reconnu par les lois de la République ne vaut pas pour les matières que le Conseil constitutionnel définit comme étant « réservées par nature à lautorité judiciaire » (traditionnellement);

2° par ailleurs, le Conseil constitutionnel admet quil peut y avoir des lois qui, dans un souci de bonne administration de la justice, et pour créer des blocs de compétence juridictionnelle, transfèrent des compétences au juge juridictionnel. Cette possibilité de transfert est réflexive;

3° mais les juridictions administratives, désormais titulaires dune compétence partiellement constitutionnelle, entretiennent des rapports ambigus avec ladministration dans la mesure il nest pas toujours aisé de les en distinguer. Ladministration de la justice administrative, comme la notion même de juridiction administrative, reflètent cette relative confusion entre ladministration et ses juges.

Les arguments en faveur du maintien de la dualité

Les avantages de la juridiction administrative

Lexistence distincte de la juridiction administrative semble constituer une plus grande cohérence et une efficacité accrue de son activité. En effet, le recrutement des juges de lordre administratif crée des liens privilégiés avec ladministration, ils sont formés à la même culture administrative, par exemple au sein de lENA, et le détachement des juges du corps leur permettent de mieux connaître la réalité de ladministration de lintérieur. En principe, la nomination de fonctionnaires au tour extérieur présente également ces avantages. Cette liaison étroite entre ladministration et le juge, qui se fait également par le truchement de la fonction consultative du Conseil dÉtat peut rendre laction du juge administratif plus efficace car parfois plus audacieuse et susceptible dêtre suivie deffets. En effet, ladministration se plie sans doute plus facilement à des règles issues de son sein

Comparaisons internationales

De plus, le droit administratif présente des complexités qui rendent nécessaire la spécialisation des juges qui lappliquent. Ainsi, au plan international, il existe toujours soit une juridiction spécialisée, soit dans les pays qui ont un ordre juridique unique,une chambre spécialisée dans le contentieux administratif. Ainsi, la dualité de juridiction nest pas une exception française. En Allemagne, en Autriche, en Finlande, en Suède et au Portugal, pour ne citer que des pays européens, il existe une juridiction administrative distincte de la juridiction judiciaire. En Belgique, en Italie, en Grèce ou même en Turquie,la juridiction administrative suprême a également une compétence consultative, comme en France. C'était aussi le cas au Luxembourg jusqu'en 1997, mais désormais le Conseil d'Etat de ce pays n'a plus que sa fonction consultative, en réponse à l'arrêt Procola rendu par la Cour Européenne des Droits de l'Homme en 1995. Au Royaume-Uni, modèle de lunité de juridiction, certaines juridictions qui ont à traiter daffaires administratives créent des chambres spécialisées, et le judicial review, introduit en 1978, rappelle fortement le recours pour excès de pouvoir français. Globalement, la tendance actuelle semble dailleurs plutôt à la multiplication, parfois excessive, des juridictions spécialisées

Des problèmes plus prégnants se situent à un autre niveau

En effet, de plus en plus lactivité du juge repose sur lapplication de normes de source internationale et notamment européenne. La CJCE confie ainsi aux juridictions nationales lapplication du droit communautaire (CJCE Factortame) et nous avons vu les divergences de jurisprudence à ce sujet. Le problème majeur qui se pose aux juridictions nationales aujourdhui semble donc moins horizontal (dualité des ordres nationaux) que vertical, cest-à-dire celui de la dualité entre les juridictions nationales et européennes.

Bibliographie

  • Grégoire Bigot, L'autorité judiciaire et le contentieux de l'administration. Vicissitudes d'une ambition 1800-1872, LGDJ, 1999
  • Philippe Breton, L'autorité judiciaire gardienne des libertés essentielles et de la propriété privée, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », Paris, 1964, 293 p. ;
  • René Chapus, Responsabilité publique et responsabilité privée : les influences réciproques des juriprudences administrative et judiciaire, LGDJ, Paris, 1954, 538 p. ;
  • Audrey Guinchard, « [pdf] La conception française de la séparation des pouvoirs », extrait de la thèse Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale. Du modèle judiciaire à lattraction dun système unitaire, soutenue le 21 décembre 2001 à lUniversité Jean Moulin Lyon 3;
  • Jean-Marc Poisson et François Julien-Labruyère, Les droits de l'homme et les libertés fondamentales à l'épreuve de la dualité de juridictions, L'Harmattan, coll. « Logiques juridiques », Paris, 2003, 458 p. (ISBN 2-7475-5438-4) ;
  • Desmosthène Tsevas, Le contrôle de la légalité des actes administratifs individuels par le juge judiciaire, LGDJ, coll. « Bibliothèque de sciences criminelles », Paris, 1995, 217 p. (ISBN 2-275-00305-3);
  • Bertrand Seiller, Droit administratif, Tome 1: Les sources et le juge, 2e édition, Flammarion, coll. « Champs Université », Paris, 2004, 130 p.

Références

  1. « Double appartenance » parmise par l'art. R121-3 CJA.
  2. CE 25 janvier 1980, N° 14260 à 14265: « CONSIDERANT QUE SI LE PRESIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG, CONSULTE PAR LE PREFET DU BAS-RHIN EN APPLICATION DE L'ARTICLE R.211 DU CODE DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS, A DONNE CONFORMEMENT A CE TEXTE, UN AVIS SUR LA LEGALITE DES MESURES QUE LE MAIRE DE STRASBOURG PROJETAIT DE PRENDRE POUR REGLEMENTER L'EXERCICE DU COMMERCE AMBULANT SUR LES VOIES PUBLIQUES DE LA VILLE, CETTE CIRCONSTANCE NE FAISAIT PAS OBSTACLE A CE QUE CE PRESIDENT SIEGEAT LORS DE L'AUDIENCE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF AU COURS DE LAQUELLE CETTE JURIDICTION, DELIBERANT SUR LA LEGALITE DE L'ARRETE DU MAIRE DE STRASBOURG EN DATE DU 27 FEVRIER 1978 QUI INTERDIT LE COLPORTAGE ET LA VENTE AMBULANTE SUR CERTAINES PLACES ET VOIES PUBLIQUES DE CETTE VILLE, A STATUE SUR LE RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR FORME CONTRE L'ARRETE SUSVISE ; QUE, DES LORS, LA PRESENCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF N'A PAS VICIE LA COMPOSITION DUDIT TRIBUNAL »; CE, 11 juillet 2007, N° 302040 : « Considérant que les stipulations précitées [art. 6§1 Conv. EDH] ne font pas obstacle à ce que le Conseil d'Etat, qui n'est pas l'auteur du décret attaqué, procède, dans l'exercice de ses fonctions consultatives, à l'examen d'un projet de décret et se prononce ultérieurement, dans l'exercice de ses fonctions contentieuses, sur la légalité de ce même décret ; qu'au surplus, aucun des membres de la commission permanente consultée pour avis sur le projet de décret ni aucun des membres du Conseil d'Etat participant au conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel également consulté sur ce projet, n'ont siégé dans la formation de jugement devant laquelle ont été portées les requêtes dirigées contre ce décret ; »

Voir aussi

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