Docimologie

Docimologie

La docimologie, l'étude des épreuves, est la discipline scientifique consacrée à l'étude du déroulement des évaluations en pédagogie[1] et notamment à la façon dont sont attribuées les notes par les correcteurs des examens scolaires.

Sommaire

Historique

En 1922, Henri Piéron introduit le terme de docimologie, il le définira en 1951 par « l’étude systématique des examens (modes de notation, variabilité interindividuelle et intra-individuelle des examinateurs, facteurs subjectifs, etc.) ». Avec sa femme et Henri Laugier, il pose les fondements de cette nouvelle discipline avec l'« Étude critique de la valeur sélective du certificat d'études et comparaison de cet examen avec une épreuve par tests. Contribution à une docimastique rationnelle », présentée lors de la IVe conférence internationale de psychotechnique. Inspirée par la psychologie expérimentale et la physiologie, la docimologie apparait dans le sillage du mouvement de l'éducation nouvelle qui vise à refonder l'enseignement sur la méthode scientifique, remettant en cause les schémas traditionnels[2].

Cadre théorique

La note : sous l'influence de multiples facteurs

L'objectif de la docimologie est d'abord de rechercher les facteurs qui entrent en jeu dans l'évaluation qui sera faite d'un travail écrit ou oral fourni par un élève, indépendamment de la valeur intrinsèque de ce travail ou de l'élève en question.

Une méthode de choix consiste donc à travailler ceteris paribus, c'est-à-dire, en observant la variabilité des note obtenus pour un même copie soumise à différents évaluateurs ou évaluées dans différentes conditions ou encore pour un élève donné les . Plusieurs types facteurs sont donc supposés intervenir. On peut distinguer les facteurs ayant trait :

- à l'évaluateur ;
- aux conditions de l'évaluation ;
- la nature de l'énoncé.

Facteurs liés à l'évaluateur

Face à une copie, l'évaluateur peut avoir des préjugés, être influencé par son état d'humeur ou l'état d'esprit dans lequel il se trouve (degré de concentration, fatigue), etc. Son jugement sur ce qu'il doit évalué pourra donc être biaisé par ces éléments.

Cela pose notamment le problème de l'évaluation continue, et de manière générale des situations dans lesquels l'évaluateur et le formateur ne font qu'un :

  • d'un côté, le formateur connaît l'élève et donc est capable de faire la part des choses, par exemple, entre une contre-performance accidentelle et une lacune réelle, ou bien de prendre en compte certaines compétences de l'élève pour mitiger son avis ;
  • d'un autre côté, l'évaluation subit un biais dû aux a priori de l'évaluateur.

Les conditions de l'évaluation

Différents facteurs liées aux conditions dans lesquelles s'effectuent l'évaluation peuvent aussi influer sur le résultat final. Certains sont les manifestations particulières de phénomènes plus généraux de ce qu'on appelle des biais dont certains ont été étudiés en détail par la psychologie sociale et cognitive.

  • Effet de halo : si un élève est présenté comme brillant, sa copie pourrait être mieux notée que s'il était présenté comme médiocre ;
  • Effet de contraste : une copie moyenne peut sembler meilleure après l'évaluation de mauvaises copies.

Influence de l'énoncé

La manière de poser la question — au sens large, de présenter le problème servant à l'évaluation — va influer sur la réponse. Ceci a été étudié en psychologie cognitive.

L'énoncé peut aussi induire en erreur :

– il peut comporter des erreurs (ce qui doit être bien sûr évité) : comment alors évaluer la réponse à une question erronée ? Cette situation peut également être voulue, par exemple pour tester la réactivité du candidat, sa capacité à prendre du recul, à douter de l'autorité ;
– l'énoncé peut être inadapté à la formation : d'un niveau trop simple ou au contraire trop élevé, ou bien présentant une situation que l'apprenant ne peut pas gérer car les connaissances, savoir-faire ou savoir-être nécessaires ne font pas partie des pré-requis à l'examen.

Questions de base sur l'évaluation

Lorsque l'on conçoit une évaluation, il convient de se poser six questions :

– pourquoi évaluer ? Voir ci après ;
– pour qui évaluer ? Pour l'apprenant, pour le commanditaire de la formation, pour le futur employeur, …
– comment évaluer ?
– qui évaluer ? L'apprenant, le formateur, la formation, …
– quoi évaluer ?
– quand évaluer ?

Buts de l'évaluation

Il convient d'abord de se poser la question du pourquoi de l'évaluation.

L'évaluation est d'abord un moyen de suivre les progrès : une formation a des objectifs à atteindre, en termes de transmission de savoirs (connaissances), savoir-faire (pratiques), savoir-être (attitudes), l'évaluation permet donc de situer les apprenants vis-à-vis de ces objectifs. Cela permet de motiver les apprenants, de leur faire prendre conscience qu'ils ont besoin de fournir un effort, de leur montrer qu'ils se sont améliorés, mais cela permet aussi au formateur de se remettre en question, d'adapter la formation (forme et contenu).

L'évaluation est ensuite un moyen de certifier que les objectifs ont bien été atteints. Cela prend en général la forme d'un diplôme, qui peut être reconnu par d'autres organismes et donc donner l'accès à un emploi, une fonction, à un niveau de formation plus élevé.

L'évaluation est donc un outil pédagogique (évaluation formative), qui contribue aux progrès de l'apprenant, et un outil de sélection (évaluation certificative).

Qu'évalue-t-on ?

La complexité de l'évaluation est de savoir ce que l'on évalue exactement. Ainsi, dans un examen, on n'évalue pas seulement les connaissances, mais aussi la gestion de la tension nerveuse (stress), la stratégie (impasses, course aux points), l'ingéniosité (tricher sans se faire prendre), la chance… À l'inverse, l'évaluation continue permet de suivre au jour le jour le progrès des connaissances, mais est peu propice à la synthèse et la mémoire à long terme (la partie évaluée est restreinte et récente).

Dans un questionnaire à choix multiples, on va évaluer une capacité à trier, à se souvenir avec un support. Avec une composition (rédaction, dissertation), on va évaluer les connaissances mais aussi la capacité d'analyse, de synthèse, l'expression écrite. Dans un oral, on va évaluer en outre l'expression orale. Dans un jeu de rôle, on va pouvoir évaluer la gestion de la tension nerveuse, la réactivité, la capacité d'adaptation.

Dans une évaluation collective (entretien collectif, évaluation par projet), on va évaluer en particulier les savoir-être, la capacité à travailler en équipe.

La difficulté du problème posé n'est également pas anodine ; elle ne va pas simplement abaisser ou faire monter globalement les notes, elle va également changer ce qui est évalué. Prenons deux cas opposé :

  • on ne pose que des problèmes déjà traités durant la formation : on évalue la capacité de travail (« bachotage »), de mémorisation, de restitution, mais on ne détermine pas si la personne est capable d'utiliser ce qu'elle a appris dans un contexte nouveau ;
  • on pose un problème qui n'a jamais été vu : on évalue la gestion de la surprise, du stress, la capacité à prendre du recul… mais est-ce ce que l'on veut évaluer, et l'apprenant a-t-il été préparé sur ce point ?

Lorsque l'on conçoit une évaluation, il est donc primordial de savoir quels sont les objectifs de la formation, afin de pouvoir déterminer lesquels seront évalués ; et il faut se poser la question de l'adéquation entre le mode d'évaluation et les objectifs de la formation.

Risques d'une évaluation inadaptée

Une évaluation inadaptée est une évaluation qui ne répond pas à la question posée, c'est-à-dire qui n'évalue pas, ou mal, les élèves vis-à-vis des objectifs de la formation.

Cela peut d'abord déboucher sur un problème de sélection : on risque de sélectionner un candidat ne correspondant pas au profil (mauvaise sélectivité) et éliminer au contraire un candidat intéressant (mauvaise sensibilité).

Cela peut également être un facteur de démotivation pour l'apprenant.

Une évaluation peut également être inadaptée parce qu'elle est inéquitable, par exemple parce que différents correcteurs attribuent les notes de manière différente. Outre le fait d'établir un barème plus précis, on peut mettre en place un système de péréquation des notes.

Évaluation des connaissances et capacité professionnelle

Les mêmes principes règlent habituellement l'évaluation des connaissances aux deux bouts de la formation, dans l'enseignement supérieur et dans les apprentissages de base, se contentant de vérifier la possession d'un bagage, au mieux, d'un savoir-faire. Pourtant, l'exercice d'une profession est très loin de se limiter à la possession d'un ensemble de connaissances, ou même d'un authentique savoir. Si ce décalage ne porte pas à conséquence majeure dans les filières techniques, il n'en est pas de même dans toutes les branches où le facteur humain est sinon au premier plan, du moins reste une dimension incontournable ; peut-on être médecin, sans une certaine fibre psychologique ou assistant social sans empathie ?

Certes, on peut supposer qu'à l'origine le choix d'orientation a été fait en intégrant cette dimension et que l'élève possède le potentiel nécessaire (qu'aucune formation d'ailleurs ne pourra remplacer). On peut également espérer que la formation inclura des approches autres que l'acquisition d'un savoir technique, et qu'enfin, une évaluation permettra de vérifier les réelles capacités du futur professionnel en situation.

Dans tous les cas où ces supputations ne sont pas vérifiées, la validation d'une formation d'après une représentation du métier amputée de sa dimension humaine prend le risque de reconnaître comme apte professionnellement des personnes manquant des qualités requises pour un exercice harmonieux de leur métier. Individuellement, il y a dans ces cas, une perte progressive de motivation et finalement un gâchis humain ; socialement, la division du travail perd une bonne partie de son intérêt. Untel qui aurait dû être architecte devra se contenter d'en rêver en étant juge comme il peut ; Unetelle qui aurait dû être chimiste devra faire sa carrière dans l'obstétrique alors que le cœur n'y est pas.

Quoique l'évaluation ne devrait pas pour autant servir à vérifier l'affinité de l'élève avec son futur métier, puisque ceci est du ressort de vérifications bien antérieures, elle devrait permettre la prise en compte de capacités humaines au sens le plus large et en tout cas bien différentes de la pure acquisition de connaissances et de leur mise en application fictive. Dans l'idéal, elle permettrait de reconnaître des aptitudes plus que des savoirs et permettrait ainsi de situer réellement les individus par rapport à la mission sociale qu'ils auront à assumer des années durant ; la reconnaissance d'insuffisances plus ou moins rédhibitoires permet alors, pour les plus motivés, des compléments de formation ou des choix plus appropriés à leur profil effectif et surtout une réorientation pour les plus intrinsèquement inadaptés au métier.

Inversement, l'absence de prise en compte de talents non immédiatement liés aux connaissances sous-évalue la valeur professionnelle si ces talents sont en fait déterminants dans le quotidien du métier. Bien sûr, par la suite, l'activité donne à l'individu l'occasion d'exprimer son potentiel et ne conduit pas à la démoralisation ou à l'inadéquation éprouvée par celui qui est condamné à travailler en porte-à-faux de sa vocation, mais les risques de gâchis individuel et collectif demeurent : « Mais qui dira les frustrations, les amertumes stérilisantes chez tous ceux qui, pourvus des qualités nécessaires, n'auront jamais la possibilité de les faire servir au bien commun, puisqu'ils n'ont pas pu prouver, dans une épreuve de mathématiques, qu'ils avaient le sens des relations humaines, dans une épreuve de vérification des connaissances, qu'ils avaient l'esprit d'invention ! »[3]

Bibliographie

Types d'évaluation

Voir aussi

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Notes et références

  1. Jean-Jacques Bonniol et Michel Vial, Les Modèles de l'évaluation : textes fondateurs avec commentaires, De Boeck Université, coll. « Portefeuille / Pédagogie », 1997, 368 p. (ISBN 2804126366) [présentation en ligne], « 1 » 
  2. Jérôme MARTIN, « Aux origines de la « science des examens », 1920-1940 », dans Histoire de l'éducation, no 94, mai 2002, p. 177 [texte intégral (page consultée le 14 février 2009)] 
  3. Alfred Grosser, « Le cercle des élites », éditorial in Ouest-France du 22 février 1995.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Docimologie de Wikipédia en français (auteurs)

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