Directive Nitrate

Directive Nitrate

Directive Nitrates

La « Directive Nitrates » est une directive européenne datée du 12 décembre 1991.
C'est l'une des directives que les états-membres ont dû intégrer dans leur Droit de l'environnement national, pour protéger l'environnement et les ressources naturelles (et plus particulièrement la ressource en eau en l'occurrence).

Si les objectifs de cette directive ne sont pas atteints, des risques existent de ne pas pouvoir atteindre le « bon état » de la Directive cadre sur l'eau à cause du paramètre « nitrate ».

Sommaire

Objet

L'objet de cette directive, dans la perspective d'un développement plus soutenable, est la lutte contre une partie de la pollution des eaux ; celle qui relève des apports et excès de nitrates d’origine agricole. Cette directive cible ces nitrates car, très soluble dans les eaux, ils sont reconnus comme étant une source grave et durable d'eutrophisation, voire de dystrophisation et de zones mortes en mer ou dans les estuaires, et qu'ils étaient dans une grande partie de l'Europe en forte augmentation depuis les années 1970, dans les sols, mais aussi dans les eaux de surfaces et souterraines. Les nitrates en favorisant les blooms planctoniques contribuent aussi à aggraver la turbidité de l'eau déjà accrue à cause de l'érosion des sols agricole qui s'est globalement aggravée des années 1970 à 1990, qui reste un des paramètres déclassant de nombreux cours d'eau.
Tous les nitrates ne sont pas d'origine agricole, mais d'autre directives et textes complémentaires concernent les eaux usées urbaines et industrielles). Tous ces textes sont techniquement, politiquement et juridiquement cadrés et mis en cohérence par la directive cadre sur l'eau[1] et ses SDAGEs.

Champ d'application

Tout composé azotés utilisé en agriculture est concerné par cette directive ; engrais chimiques, fertilisants traditionnels (effluents d'élevage dont déjections d'animaux ou un mélange de litière et de déjections d'animaux, même s'ils ont subi une ou des transformation(s)), résidus d'élevage piscicole ou encore de certaines boues d'épuration, etc.

Aire d'application de la directive Nitrates

La directive Nitrates couvre géographiquement toute l'Europe, tant pour les eaux souterraines ou superficielles, et tant pour les eaux douces et potables, que pour les eaux non potables, saumâtres et salées. Elle s'applique dans toutes les zones où une augmentation des teneurs en nitrates a une origine agricole. Ces zones, qui doivent être cartographiées et faire l'objet de programmes d'action (PA) encadrés par l'état (et les Agences de l'eau, avec l'ONEMA en France) sont dites « zones vulnérables ».

Déclinaison en France

Carte des zones vulnérables (aux nitrates) dans le nord de la France, en 1997 (avant extension à toute le territoire)
Carte des zones vulnérables en France en 2004

De nombreux textes concernent directement ou indirectement cette directive et ses objectifs. Les principaux sont :

  • Le décret du 27 août 1993, relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole, qui impose en particulier de délimiter sur carte des « zones vulnérables » (définies par la directive)
  • Le décret du 4 mars 1996 et l’arrêté du 6 mars 1996 et suivants qui lancent et cadrent les programmes d’action (qui doivent être évalués avant et pour leur révision, correction et mise à jour)
  • L’arrêté du 2 novembre 1993, appliquant la loi sur l’eau de 1964 et l’accord avec la profession agricole, prescrit des programmes de résorption dans les cantons en Zones d’Excédent Structurel (ZES).
  • Le décret du 10 janvier 2001 (modifié par le décret du 30 mai 2005 et l’arrêté du 6 mars 2001 modifié), qui transposent la directive pour ce qui concerne la mise en œuvre des programmes d’action.

Des recommandations, guides et outils tels que le « code (national) de bonne pratique agricole »[2] existent (le code a fait l’objet d'un arrêté du 22 novembre 1993)

Le Grenelle de l'environnement, et les nouveaux SDAGE, via la trame verte et bleue en particulier, ont renforcé les perspectives d'encadrement de la lutte contre l'eutrophisation.

Grandes orientations

Cartographie des zones vulnérables : ce sont les zones où les valeurs limites européennes de concentration en nitrates dans les eaux superficielles destinées à l'alimentation en eau potable sont dépassées (> 50mg/l, sachant que l'OMS recommande de ne pas dépasser 25) ou menacent de l'être. Dans toutes ces zones, un programme d’action doit être inité et poursuivi tant que le bon état écologique n'est pas atteint du point de vue des taux de nitrates. Chacune de ces zones doit respecter un code de bonne pratique agricole (national, mais adapté au contexte local)

Les programme d’action (mis en place en France à partir de 1997 à 2000, avec un second programme (de 2001 à 2004), un troisième initié fin 2004 mais révisé en novembre 2005 imposant une fertilisation azotée respectant les principes d'une fertilisation équilibrée et un total d'apport annuel en azote organique inférieur à 170 kg d’azote/ha épandable.

Le nord de la France, intensivement cultivé (Picardie, Nord-Pas-de-Calais) n'a été classé en totalité en zone vulnérable qu'en 2004, après un classement partiel en 1997 (jugé non conforme par l'Europe). Le quatre départements de Bretagne étaient déjà classée vulnérables en totalité (dès 1994). Ces deux régions sont les plus concernées par les apports azotés

Exemples de mesures d'application des programmes d’action

  • fertilisation équilibrée, pour chaque parcelle.
  • Cahier de fertilisation et plan de fumure (intégrant le besoin prévisionnel en azote)
  • document d’enregistrement incluant ; 1), un plan de fumure prévisionnel azote et 2) l’enregistrement régulier des quantités d’azote réellement apportées (par îlot cultural si ce n'est à la parcelle). Ce document est notamment nécessaire pour un suivi statistique et l'évaluation des plans d'action.
  • plafond de 170 kg/ha épandable à ne pas dépasser pour l’ensemble de l’exploitation.
  • calendrier réglementaire des épandages de fertilisants précisant les dates autorisées d’utilisation des fertilisants, selon leur nature (solubilité, rapport C/N, par ex pour les fertilisants dits de type I (fumiers de bovins), de type II (lisiers) et de type III (engrais chimiques) et les cultures pour lesquelles ces épandages peuvent être autorisés à ces dates (grandes cultures d’automne : ex. blé ; grandes cultures de printemps : ex. maïs ; prairies (permanentes ou non) et certaines cultures particulières telles que le colza ou spécialisées (maraîchage, cressonnières, etc)
  • extension locales des périodes d’interdiction des fertilisants (par rapport au code national minimal), selon les risques pour les nappes et eaux de surface (par exemple,la Bretagne a interdit les fertilisation en automne, en encourageant une meilleure couverture hivernale de sols.) ;
    Une progressivité du calendrier a permis aux élevages ne possédant pas de capacités de stockage suffisantes de s'équiper, avec l'aide du PMPOA. Les élevages qui bénéficient de cette dérogation restent soumis aux dates figurant dans le calendrier du code national de bonne pratique agricole ; la dérogation est conditionnée à un délai de mise aux normes du stockage.
  • meilleure prise en compte de besoin azoté des cultures et des reliquats azotés (ce qui a déjà été épandu, qui est encore dans le sol, et qui n'a pas été consommé par les plantes).
  • Périmètres tampon ou de protection éloignant les limites d’épandage des zones sensibles (champs captant, sites aquacoles et conchylicoles, réservoirs d'eau, certains cours d'eau, berges zones de baignade, Zones humides remarquables, etc.).
  • interdiction de drainage des zones humides
  • interdiction de retournement (labour) ou destruction (par désherbage total) des prairies permanentes et/ou de toute prairies en zones inondables..
  • bandes enherbées protégeant les cours d'eau (en tant que « pompe à nitrate » et limitant l'érosion et donc la turbidité des cours d'eau
  • culture sans labour, alternatives au désherbage chimique, etc.

Le préfet de Bassin peut décider d' actions complémentaires visant à la fois un moindre lessivage des nitrates vers les cours d’eau et une moindre pression azotée dans les bassins versants situés en amont de captages d’eaux superficielles destinée à la consommation humaine ; si ces eaux ne répondent pas aux exigences de qualité des eaux brutes [3].
Ces mesures associent par exemple le maintien de l’enherbement des berges, une couverture totale et obligatoire des sols agricoles en période de lessivage (mesure indemnisée via l’indemnité compensatoire à la couverture des sols - ICCS), fertilisation azotée organique et minérale interdite audelà de 210 kg d’azote par hectare épandables, l'interdiction d'ajouter de l'azote sur toute culture suivant un retournement de prairies de plus de 3 ans, règle d'extension des élevage similaires à celles des ZES, etc.

programme de résorption en zones d’excédent structurel (ZES)

La carte des zones d’excédent structurel correspond en France aux cantons où la charge azotée ayant une origine animale est supérieure à un plafond de de 170 kg d’azote organique par hectare épandable et par an (plafond de la Directive Nitrates). Par exemple, en décembre 2004 plus de la moitié de la Bretagne était encore concernée avec 104 cantons classés en ZES [4] ;

Des programmes de stabilisations (ex : interdiction d’augmentation du cheptels dans ces zones, avec dérogations pour l’installation des jeunes agriculteurs) et de résorption, accompagnés de financements spécifiques ont été mis en place à partir de 1996.
Ils visent par exemple pour l'élevage :

  • la réduction de la pollution à la source (moins d'intrants alimentaires, cheptel réduit, élevage plus extensif...),
  • un prétraitement des déjections (compostage, méthanisation, nitrification-dénitrification des lisiers, incinération de fumiers de volailles...),
  • le transport et l'épandage d'effluents hors ZES, vers des cantons non saturés, mais inférieurs à 140 unités d’azote organique/ha épandable), avec développement de nouvelles zones épandable grâce à des procédés tels que l'injection directe dans le sol, qui atténue les odeurs et le lessivage de surface. )

Un plafond de surface d’épandage par exploitation a permis localement de limiter certaines dérives consistant à exporter le problème sur des territoires voisins, parfois éloignés.

  • En Bretagne, une limitation des apports de phosphore après traitement a été fixée à 100 kg P2O5 / ha

L’agrandissement d’exploitations par restructuration est cadré par le décret 2005-634 du 30 mai 2005.

Évaluation

Elle est obligatoire. À partir du 5ème programme d’action (PA et de l'évaluation environnementale des 4èmes PA, u, état des lieux et diagnostic des pressions azotées sur l'environnement doit être fait, avec aspects qualitatifs et quantitatifs, et analyse des tendances pour se préparer à respecter les exigences de "bon état écologique" comme le demande la Directive DCE, avec une traduction concrète en objectifs à atteindre au niveau local à l’horizon 2015 et avant 2027 pour les dérogations qui doivent être justifiées au regard de la qualité des efforts engagés et avec le risque d'amendes élevées en cas de non conformité), sachant aussi que l’enjeu de la DCE en matière de nitrates ne se résume pas au non-dépassement des 50 mg/l mais bien à une exigence de « bon état ». D'ailleurs, ces 50 mg/l ne sont pas une valeur d’action mais un plafond à ne pas dépasser ; des seuils plus faibles pourront être définis au regard des exigences écologiques (directive fille éventuellement)

L'évaluation se fait pour partie au fil de l'eau par les contrôles (subsidiaires) des États membres, et en aval par les programmes de surveillance des eaux estuariennes ou marines, via aussi IFREMER en France et OSPAR et HELCOM pour les eaux marines de l'Atlantique Nord-Ouest ou la Mer Baltique.. Elle se fait aussi périodiquement à l'occasion des mises à jour de plans d'action [5]

Bilan

Pour les eaux souterraines : les évaluations prospectives et des tendances restent délicates, car les questions des temps de transferts et de l’inertie de la nappe (temps de transfert) restent discutées et empreintes d'importantes marges d'incertitudes (les aléas telles que sécheresses ou saisons anormalement humides modifient les flux de nitrates et leurs vitesse).

Pour les eaux de surface et marines ; les bilans successifs des 4 premiers plans d'actions montrent que malgré des efforts et de premiers résultats encourageant, il n'y a pas encore d'amélioration tendancielle nette observable dans la plupart des masses d'eau concernant les teneurs en nitrates.
Localement certains progrès s'expliquent par une déprise agricole, et en France comme en Belgique, dans les zones où les sols sont les plus riches où là où l'élevage industriel est le plus développé, la pression environnementale des nitrates agricoles reste dans l’ensemble très élevée. Des progrès significatifs (couverture partielle des sols, légère progression de l'agriculture bio, pratiques de raisonnement, bandes enherbées) ont réduit certains facteurs à risque. Et la couverture des sols réaugmente globalement en hiver, mais ceci ne compense pas encore les effets des derniers retournements de prairies, ni les effets agronomiques de l'intensification de l'agriculture. En 2008, la part absolue de sols nus était encore élevée en hiver et en automne (visible sur les images satellitales). De plus, un sol couvert n'est pas en soi une garantie de « non-pollution ». Enfin, les jachères ont disparu, parfois au profit des agrocarburants dont le bilan écologique est maintenant revu à la baisse. Et la qualité écologique (en terme d'utilité pour la biodiversité) des bandes enherbées reste pauvre. Et, localement, les prairies permanentes ont encore régressé entre 2005 et 2009[6].

Contentieux

Cette directive a inégalement été respectée ou trop tardivement appliquée dans certains pays. Elle a pour cette raison été dans les années 1990 une source importante de contentieux européen (entre l'Europe et certains États-membres, dont la France).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. Fiche de synthèse sur la directive cadre sur l'eau
  2. code (français) de bonne pratique agricole
  3. article 4 du décret du 10 janvier 2001
  4. Cantons en ZES : Côtes d’Armor : 40 cantons ; Finistère: 29 cantons ; Ille et Vilaine 19 cantons ; Morbihan :16 cantons Voir la carte (DIREN/agence de l'eau)
  5. Exemple d'évaluation (des 2èmes programmes d'actions pris en application de la Directive Nitrates) en Côte d'Armor (21 pages, [pdf], (fr))
  6. Voire à ce propos les indicateurs publiés par les DRAF, le ministère de l'agriculture ou les profils environnementaux régionaux remis à jour par les diren
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