Crise des Euromissiles

Crise des Euromissiles

Crise des euromissiles

L'un des quelques RDS-10 survivants exposé dans le National Air and Space Museum à Washington DC à coté d'un Pershing II; La coiffe du dernier étage étant enlevé, on distingue les 3 MIRV à son sommet

La crise des euromissiles est une période de relations internationales tendues entre l'URSS et plusieurs pays occidentaux, notamment ceux de l'Europe de l'Ouest et les États-Unis.

En 1977, les Soviétiques profitent de failles contenues dans les accords SALT I de 1972 pour installer des missiles SS-20 à moyenne portée (de 500 à 5 000 km) sur leur territoire. Ceci apporte une supériorité importante aux Soviétiques qui peuvent atteindre leurs ennemis et rivaux : Europe de l'Ouest, Israël et Golfe Persique, Chine, Japon. Les Européens craignent alors une attaque de l'URSS qui bénéficiait d'une possibilité de première frappe rapide contre les alliés des États-Unis.

Sommaire

Genèse

Dans les années 1960, l'URSS avait déployé contre l'Europe des missiles SS-4 et SS-5, peu précis, dotés de têtes nucléaires puissantes et adaptés contre des grands centres urbains. Leur mise en action aurait provoqué une riposte américaine équivalente. On restait donc dans le cadre de la dissuasion classique. Les SS-20 qui les remplacent sont beaucoup plus précis, donc dotés de têtes nucléaires beaucoup moins puissantes et adaptés contre des cibles militaires (bases aériennes, navales, centres de commandements) et ne menaçant pas, ou peu, les civils. En outre, ces missiles peuvent être mis à feu très rapidement.

Si des objectifs militaires sont les seuls à être visés, les États-Unis hésiteront à engager des forces nucléaires stratégiques contre des villes soviétiques. La nature des SS-20 est donc différente des missiles de la génération précédente, parce qu'ils provoquent un découplage entre la sécurité des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN.

La réaction de l'Occident

Le Chancelier fédéral d'Allemagne, Helmut Schmidt, fut le premier à tirer la sonnette d'alarme en 1977 et à inciter les alliés du Pacte Atlantique à demander de l'aide aux États-Unis. Au sommet de l'OTAN de décembre 1979, fut prise la double décision d'installer des missiles en Europe occidentale pour riposter aux SS-20 soviétiques et d'engager des négociations pour en obtenir le retrait. Si les négociations n'aboutissaient pas dans un délai de 4 ans, l'OTAN devait déployer des missiles de croisière et des Pershing II en Europe.

L'offensive diplomatique soviétique

L'Union Soviétique engagea une offensive diplomatique en mobilisant, en plus des partis communistes, toute l'extrême-gauche européenne, notamment trotskyste, ainsi que des mouvements pacifistes. Seul le Parti communiste italien, dirigé par Enrico Berlinguer, se démarque, ainsi que quelques groupuscules pro-chinois. Les organisations pacifistes déclenchent des manifestations de protestations énormes comme au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en RFA. En Allemagne, on y entend parfois : « plutôt rouges que morts ! » dans l'aile gauche du SPD que l'URSS soutient en sous-main, au grand dam du Chancelier Schmidt. Pour les élections de mars 1983, celui-ci est écarté au profit de Vogel, favorable aux thèses soviétiques. Au Royaume-Uni, le mouvement pacifiste s'appuie sur le Parti travailliste qui connaît alors une évolution gauchiste sous la direction de Michael Foot, et exige le désarmement nucléaire unilatéral. Aux Pays-Bas, la grande organisation pacifiste NKV regroupe des dizaines de milliers de militants.

La fermeté occidentale

Les pays occidentaux se rendent parfaitement compte que céder aux soviétiques reviendrait à leur donner un droit de regard sur leur politique étrangère, puis celle de défense, voir plus, ce qui aurait été pour eux intolérable.

En France, le Président François Mitterrand est favorable à l'installation de missiles Pershing II en Allemagne. Lors du célèbre discours au Bundestag sur l'équilibre des forces le 20 janvier 1983, il déclare : « Seul l'équilibre des forces peut conduire à de bonnes relations avec les pays de l'Est, nos voisins et partenaires historiques. Mais le maintien de cet équilibre implique à mes yeux que des régions entières de l'Europe ne soient pas dépourvues de parade face à des armes nucléaires dirigées contre elles. » En octobre, à Bruxelles, il déclare : « Je suis moi aussi contre les euromissiles, seulement je constate que les pacifistes sont à l'Ouest et les euromissiles à l'Est. » Paradoxalement, le Chancelier Schmidt est abandonné par son parti et tombe en octobre 1982, devant une coalition CDU-CSU-FPD dirigé par Helmut Kohl qui gagne les élections de mars 1983 avec pour thème la fermeté face à l'URSS.

En Grande-Bretagne, Margaret Thatcher venait de connaître un triomphe électoral après sa victoire aux Malouines de 1982 et affichait un soutien sans faille au projet.

Aux États-Unis, Ronald Reagan avait facilement gagné contre Jimmy Carter en 1980 en mettant en avant un programme clairement anti-soviétique. D'autre part, il proposait le programme « Guerre des étoiles » que les Soviétiques ne pouvaient contrer ni financièrement, ni technologiquement.

L'échec soviétique

Le 1er septembre 1983, alors que les premiers missiles de croisières devaient être installés en Grande-Bretagne, et que la tension Est-Ouest était extrême, l'aviation soviétique abat dans la mer d'Okhotsk un Boeing 747 de Korean Air, le vol KAL 007, ce qui provoque la mort des 269 passagers et membres d'équipage et une émotion très forte dans le monde entier. Le président Reagan exploite très habilement l'affaire et la diplomatie soviétique réagit de façon très agressive et absurde en accusant l'avion de s'être livré à de l'espionnage. D'autre part, les États-Unis proposent l'« Option Zéro » qui consiste à retirer à la fois les missiles américains et soviétiques ; cette position est facilement acceptable par les opinions publiques occidentales.

Cette bataille d'opinion est donc perdue. Les États-Unis à partir de 1983 installent des missiles de croisière d'abord en Grande-Bretagne puis, en 1984, des missiles Pershing II capables d'atteindre l'URSS, en RFA, en Grande-Bretagne et en Italie sans que les mouvements pacifistes puissent s'y opposer.

La fin de la crise

En 1986, l'URSS et les États-Unis se mettent d'accord, au sommet de Rejkavik, pour l'« Option Zéro », ce qu'avait proposé le président Reagan et suppriment ainsi tous les SS-20 situés en Europe de l'Est (Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty) ainsi que les Pershing II et les missiles de croisière. L'URSS, sous l'égide de Mikhaïl Gorbatchev, met en place une véritable politique de désarmement, en acceptant le contrôle sur son propre territoire, ce qu'avaient toujours refusé ses prédécesseurs.

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