Coup d'État du 23 avril 1961

Coup d'État du 23 avril 1961

Putsch des Généraux

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Le putsch des Généraux du 23 avril 1961, également appelé putsch d'Alger, est une tentative manquée de coup d'État, fomentée par une partie des militaires de carrière de l'armée française en Algérie, et conduite par quatre généraux (Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller). Ils déclenchèrent cette opération en réaction contre la politique du Président de la République française Charles de Gaulle et de son gouvernement, qu'ils considéraient comme une politique d'abandon de l'Algérie française. Le général Raoul Salan a été invoqué par les putschistes, mais, si celui-ci n'a pas désapprouvé une telle méthode, il n'avait pas pour autant été informé des préparatifs par les comploteurs.

Sommaire

Contexte

Le 8 janvier 1961, par un référendum sur l'autodétermination en Algérie organisé en métropole, les Français s'étaient prononcés en majorité en faveur de l'autodétermination. C'est alors que des négociations secrètes avaient été ouvertes entre le gouvernement français de Michel Debré et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) lié au Front de libération nationale. Une partie des cadres de l'armée, qui avaient mené sept années de durs combats sous la direction de plusieurs gouvernements depuis le début de la Guerre d'Algérie, se sentit trahie par le pouvoir parisien, par le général de Gaulle, et voulut s'opposer ainsi aux projets d'indépendance de l'Algérie. Le pouvoir gaulliste était bien informé depuis plusieurs mois par la police judiciaire d'Alger et les services de renseignements des intentions de certains militaires. L'année précédente, le 25 janvier 1960, pendant la semaine des barricades, le colonel Antoine Argoud s'était même entretenu avec Michel Debré pour demander un changement de politique, faute de quoi « une junte de colonels » renverserait le gouvernement pour maintenir l'Algérie comme territoire français. La tension étant montée tout au long de l'année 1960, une possibilité de coup d'État est alors dans tous les esprits en particulier au printemps 1961.

Déroulement

Vendredi 21 avril

Le 21 avril 1961, les généraux en retraite Raoul Salan, André Zeller, Maurice Challe et Edmond Jouhaud, secondés par les colonels Antoine Argoud, Jean Gardes, ainsi que Joseph Ortiz et Jean-Jacques Susini, prennent le contrôle d'Alger. Challe y critique alors la « trahison et les mensonges » du gouvernement envers les Algériens qui lui ont fait confiance, et annonce que :

« le commandement réserve ses droits pour étendre son action à la métropole et reconstituer un ordre constitutionnel et républicain gravement compromis par un gouvernement dont l'illégalité éclate aux yeux de la nation. »

Dans la nuit, le 1er régiment étranger de parachutistes (REP) sous les ordres du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, commandant par intérim du régiment, s’empare en trois heures des points stratégiques d'Alger, notamment du Gouvernement général, de l’hôtel de ville et de l’aéroport d'Alger. Les chances de réussite sont toutefois minces, car le premier REP ne représente que mille hommes, soit à peine 0,3 % des effectifs militaires français présents en Algérie. Le coup n'est pas suffisamment préparé pour rallier d'autres régiments, ou les fonctionnaires civils (policiers, administration préfectorale).

Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, et le directeur de la Sûreté nationale, montent une cellule de crise dans un salon de la Comédie-Française, où le général de Gaulle assiste à une présentation de Britannicus. Le chef de l'État est informé pendant l'entracte par Jacques Foccart, secrétaire général aux Affaires africaines et malgaches, son plus proche collaborateur.

Samedi 22 avril

La population d'Alger apprend à 7 heures du matin, par un message lu à la radio que « L’armée a pris le contrôle de l’Algérie et du Sahara ». Les trois généraux rebelles, Maurice Challe, Edmond Jouhaud, et André Zeller, en accord avec les colonels Godart, Argoud et Lacheroy, font arrêter le délégué général du gouvernement, Jean Morin, le ministre des transports, Robert Buron, qui se trouvait en voyage, et un certain nombre d’autorités civiles et militaires. Quelques régiments se mettent sous les ordres des généraux.

À Paris, la police arrête dans la matinée le général Jacques Faure, six autres officiers et quelques civils. Lors du Conseil des ministres à 17 heures, de Gaulle, serein, déclare « Ce qui est grave dans cette affaire, messieurs, c’est qu’elle n’est pas sérieuse ». L’état d’urgence est décrété en Algérie. Les partis de gauche, les syndicats et la Ligue des droits de l’Homme, appellent à manifester « l’opposition des travailleurs et des démocrates au coup de force d’Alger ».

Vers 19h, Challe s’exprime à la radio d’Alger :

« Je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud, et en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment, le serment de l’armée de garder l’Algérie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien. Un gouvernement d’abandon […] s’apprête aujourd’hui à livrer définitivement l’Algérie à l’organisation extérieure de la rébellion. […] L’armée ne faillira pas à sa mission et les ordres que je vous donnerai n’auront jamais d’autres buts. »

Dimanche 23 avril

Salan arrive d’Espagne. Challe, de plus en plus isolé, refuse d’armer les activistes civils.

À 20 heures, le président Charles de Gaulle, vêtu de son ancien uniforme de général, paraît à la télévision, et prononce un discours appelant les soldats d'Algérie, les Français, d'Algérie ou de métropole, à refuser le coup d'État ; il informe également des mesures qu'il prend :

« Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire. […] Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la Nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national. […] Voici l'État bafoué, la Nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! hélas ! hélas ! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être de servir et d'obéir.
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord, à tout soldat, d'exécuter aucun de leurs ordres. […]
Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en cause l'article 16 de notre Constitution. À partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances.[…]
Françaises, Français ! Aidez-moi !
 »

Conformément à l'article 16 de la Constitution de la Cinquième République française, le général de Gaulle se saisit alors des pleins pouvoirs.

« Cinq cent mille gaillards munis de transistors », comme dira le général de Gaulle à propos du contingent, ont entendu son appel à la désobéissance légitime, et de nombreux appelés refusèrent d’exécuter les ordres des officiers rebelles.

À 00 h 45, le premier ministre Michel Debré apparaît à la télévision et appelle la population à se rendre sur les aéroports « à pied ou en voiture », « dès que les sirènes retentiront », pour « convaincre les soldats engagés trompés de leur lourde erreur » et repousser les putschistes : on s'attendait en effet à des parachutages ou des atterrissages de troupes factieuses sur les aéroports. Mais la consigne lancée par Debré dans son affolement aurait risqué, si elle avait été suivie, d'encombrer les voies conduisant aux aérodromes, et de gêner davantage la riposte des forces de l'ordre que les parachutistes factieux.
Des volontaires, anciens de la France libre et jeunes gaullistes de gauche (UDT), se rassemblèrent dès le lundi matin à Paris, au Petit Palais, pour soutenir militairement de Gaulle, mais, contrairement à une légende, il ne semble pas que des armes leur aient été distribuées. Quant aux syndicats ils décidèrent pour le lendemain une grève générale d’une heure qui fut fortement suivie.

Selon le journaliste Pierre Abramovici et le politologue Gabriel Périès dans leur livre La Grande Manipulation, les putschistes n'avaient pas les moyens d'envoyer des parachutistes à Paris, car les avions de transport de troupe étaient trop peu nombreux et incapables de transporter des véhicules. Le gouvernement connaissait cette faiblesse, mais, d'un autre coté, n'était pas sûr du loyalisme absolu des cadres d'active de métropole.

Mardi 25 avril

Les généraux putschistes se font acclamer une dernière fois.
Le gouvernement français ordonne la mise à feu de la quatrième bombe pour des essais nucléaires à Reggane (Gerboise verte) afin que l'engin nucléaire ne puisse tomber dans les mains des généraux putchistes[1].

Mercredi 26 avril

Progressivement, les troupes ayant suivi les généraux se rendent. Les insurgés se retirent avec les parachutistes à Zéralda à 30 km d’Alger. Le commandant Denoix de Saint-Marc, qui avait le premier suivi les généraux, se constitue prisonnier. Le général Challe se rend aux autorités (il est aussitôt transféré en métropole). Le putsch a échoué, mais l'article 16 reste en vigueur pendant cinq mois pour éviter tout nouveau soulèvement.

Procès et amnisties

Le Haut Tribunal militaire condamne Challe et André Zeller à 15 ans de réclusion. Ils sont amnistiés et réintégrés dans leurs dignités militaires cinq ans plus tard. Salan et Jouhaud s'enfuient, avant d'être arrêtés et condamnés, le premier à la détention à perpétuité, et le second, qui était pied-noir, à la peine de mort (qui fut ensuite commuée). Les partisans acharnés de l’Algérie française entrent dans l’action clandestine avec l’Organisation armée secrète (OAS). Salan et Jouhaud en prennent la tête avec Jean-Jacques Susini. Les condamnations pénales sont effacées par la loi d'amnistie de juillet 1968.

Les généraux putschistes encore vivants sont réintégrés dans l'armée (corps de réserve) en novembre 1982, par une loi d'amnistie. Il s'agit de Raoul Salan et de Edmond Jouhaud, ainsi que six généraux ayant joué des rôles moins importants :

  • Pierre-Marie Bigot, 73 ans, ancien commandant de la région aérienne d’Alger, libéré en 1965 ;
  • Jacques Faure, 77 ans, représentant des putschistes à Paris, libéré en 1966 ;
  • Marie-Michel Gouraud, 77 ans, commandant le corps d'armée de Constantine, libéré en 1965 ;
  • Gustave Mentré, 73 ans, qui ne fera pas de prison ;
  • Jean-Louis Nicot, 71 ans, major général de l’armée de l'air, qui n’avait pas voulu organiser la protection de la métropole contre une possible opération aéroportée des putschistes, libéré en 1965 ;
  • André Petit, 72 ans, qui avait accepté le commandement militaire d’Alger, et avait été libéré en 1964.

Remarques

  • L'expression quarteron de généraux a été relevée comme impropre, en ce qu'elle fait référence au nombre quatre, alors que quarteron désigne originellement un quart de cent soit 25[2]. Néanmoins le mot peut être employé avec le sens de petit groupe. [3]
  • À pied, à cheval et en voiture fait référence à une comédie filmée de 1957, avec Noël-Noël, Darry Cowl et Sophie Daumier, qui avait été très populaire en France. La formulation de Michel Debré avait donc, involontairement ou non, revêtu un côté facétieux, dans le but peut-être de montrer que les généraux « n'impressionnaient pas » le gouvernement.

Liens internes

Notes

  1. Peter Feaver et Peter Stein, Assuring Control of Nuclear Weapons: The Evolution of Permissive Action Links, CSIA Occasional Paper #2, Lanham, MD: University Press of America, 1987
  2. http://vdaucourt.free.fr/Gaulle6/Gaulle6.htm
  3. Portail Lexical - Définition de quarteron

Filmographie

Liens externes

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