Conversion religieuse

Conversion religieuse

La conversion religieuse est à la fois le processus, et l'aboutissement, d'un cheminement personnel où des croyances religieuses ou philosophiques, nouvelles ou anciennes, supplantent d'autres conceptions antagonistes. L'individu décide alors de suivre une voie, et souvent abandonne des comportements jugés néfastes ou des idées jugées fausses. Il rejoint un groupe ou un courant, réputés transmettre et pratiquer les valeurs préférées. La conversion a une dimension spirituelle, et peut être déclenchée à l'occasion d'un éveil spirituel.

Le terme conversion désigne souvent l'adoption d'une nouvelle religion, généralement marquée par l'entrée dans une Église ou un groupe de croyants, et souvent accompagnée d'un acte symbolique : le baptême chez les chrétiens, la circoncision chez les musulmans et les juifs, la prise de refuge chez les bouddhistes, etc. Mais la conversion peut aussi désigner le retour aux valeurs originelles d'un engagement antérieur, donc sans changer de religion (ainsi celle de Pascal consignée par lui le 23 novembre 1654).[réf. nécessaire] La conversion, religieuse surtout, est souvent favorisée et soutenue par des adeptes[réf. nécessaire], et parfois forcée ; la conversion désigne en effet également l'action de convertir.

Sommaire

Étymologie

Le mot latin, conversio a traduit le terme grec épistrophé qui désigne d'abord l'acte physique de revenir sur ses pas, désigne ensuite un changement d'attitude au profit des valeurs ancestrales, avec une connotation positive; le mot évolue ensuite vers le choix d'un système de pensée à un autre[1].

Dans la tradition judaïque, le terme shub que l'on retrouve dans la Bible implique la rencontre de l'homme avec Dieu et la conclusion d'un pacte avec lui qui n'exlut pas la réciprocité, c'est-à-dire la conversion de Dieu à l'homme [1],[2].

En latin, conversio, à partir de son sens premier de transformation des choses, désigne un changement mental chez l'individu [1].

En français, la conversion est selon le Littré, l'« action de tirer les âmes hors d'une religion qu'on croit fausse pour les faire entrer dans une religion qu'on croit vraie ». La conversion personnelle est donc le fait "d'entrer dans une religion qu'on croit vraie".

Formes historiques

Dans la Grèce antique

D'après Van Der Leeuw, toutes les religions antiques sont des religions d'équilibre[3]: Aux rites qui constituent un mode d'échange entre les divinités et l'homme ne correspond pas une expérience intérieure. Les religions antiques sont, en ce sens, tolérantes, et ne revendiquent pas la totalité de la vie intérieure des adeptes. Pour la même raison, elles admettent à leurs côtés d'autres cultes et d'autres rites. Même si la propagation de mouvements religieux comme les cultes dionysiaques donnent lieu à des phénomènes extrêmes, de nature extatique où l'initié est possédé par le dieu, il n'y a pas de conversion totale et exclusive [4].

Cas exemplaires

Chaque religion propose à l'admiration et à l'émulation des figures qui ont vécu des conversions particulièrement émouvantes ou retentissantes; certains de ces personnages ont d'ailleurs contribué à la propagation de leur religion.

C'est le cas, pour le bouddhisme, de la conversion du roi Asoka deux siècles (268 av. J.-C.) après l'Illumination du Bouddha historique. Ashoka a fait apposer sur toute l'étendue de son royaume indien des stèles où il relate sa propre conversion au bouddhisme, et la transformation morale qui s’est opérée chez tous ses sujets à la suite de son illumination. Il fit du bouddhisme une religion officielle, et contribua ainsi fortement à son premier essor. Ceci incite Pierre Hadot à distinguer la conversion au bouddhisme des phénomènes de diffusion des autres religions de l'antiquité[4].

Pour le christianisme, la conversion de saint Paul est un thème bien connu des historiens de l'art, par l'interprétation dramatique qu'elle permet. Elle a aussi sans aucun doute eu un effet d'amplification du message de Jésus Christ au-delà des communautés juives. La conversion de saint Augustin, qui avait mené une vie dissolue, racontée dans ses Confessions, a inspiré par la suite nombre de "retours à la religion" chez les chrétiens de toutes les époques, et notamment chez les Jansénistes.[réf. nécessaire]

Campagnes

Le prosélytisme est l'action d'essayer de convertir un individu à sa propre religion. C'est un terme introduit tardivement au XVIIIe siècle, souvent avec une connotation négative [1]. Il désigne une méthode plus persuasive que coercitive ou violente.

Cependant les États, les Églises ou d'autres groupes qui s'en sont réclamés ont mené de véritables campagnes de conversion. Elles ont pu recourir aux pressions sociales ou économiques (protestants en France), à la violence (Indiens d'Amérique), voire à une obligation légale (par exemple, le Décret de l'Alhambra en Espagne).

Cas du christianisme

Le baptême est, dans la plupart des branches du christianisme, le sacrement par lequel une personne entre dans une démarche de conversion initiale. Le baptême permet d'obtenir la rémission des péchés[5].

Pour un baptisé, la conversion du cœur engage la pénitence. Ainsi, pour les catholiques, la conversion peut s'inscrire dans le cadre du sacrement de pénitence et de réconciliation[6] : selon le catéchisme de l'Église catholique, « la conversion se réalise dans la vie quotidienne par des gestes de réconciliation, par le souci des pauvres, l’exercice et la défense de la justice et du droit (cf. Am 5, 24 ; Is 1, 17), par l’aveu des fautes aux frères, la correction fraternelle, la révision de vie, l’examen de conscience, la direction spirituelle, l’acceptation des souffrances, l’endurance de la persécution à cause de la justice »[7].

Cas du bouddhisme

Dans son entretien avec Jean-Paul Ribes au sujet de son livre La Force du bouddhisme, Jean-Claude Carrière remarque: «  Ce qui vous permet définitivement de conclure à l'authenticité d'un maître bouddhiste, c'est qu'il ne vous dira jamais: «Venez à moi, convertissez-vous.» ». Il ajoute «  Le dalaï-lama va plus loin: «Ne vous convertissez pas», affirme-t-il, vous avez tout ce qu'il vous faut là où vous êtes, sachez vous en servir. Prenez dans le bouddhisme ce qui vous sert à devenir meilleurs. Si vous voulez aller plus loin, devenir moine ou nonne, c'est possible. Mais il faudra faire les choses sérieusement. Etudier une douzaine d'années, prononcer une centaine de voeux, apprendre le tibétain et le sanskrit, etc. »[8]

Perspectives critiques

Le phénomène de conversion peut être étudié à l'échelle individuelle, et dans ce cas, il relève de la psychologie, ou à l'échelle du groupe et il relève de la sociologie. Les conversions de groupes humains peuvent à leur tour être étudiés dans une perspective historique. Une religion particulière, enfin, peut donner un sens théologique à la conversion.

Pierre Hadot, professeur au Collège de France, a mené une analyse poussée du phénomène de conversion, distinguant un double mouvement contradictoire entre un retour aux sources, à une situation originelle supposée pure et parfaite, et au contraire la projection de soi dans un ordre nouveau, une renaissance qui répare les défauts initiaux. Dans cette ambivalence, « l’idée de conversion représente une des notions constitutives de la conscience occidentale »; « on peut se représenter toute l’histoire de l’Occident comme un effort sans cesse renouvelé pour perfectionner les techniques de conversion »[4], la conversion étant alors vue comme un mouvement de progrès fait de retours en arrière et de ruptures innovantes.

Dans le droit international

La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations unies définit la conversion religieuse comme l'un des droits de l'homme : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction [...] » (article 18). Cette affirmation fait cependant l'objet de controverses, certains groupes interdisant ou restreignant la conversion religieuse.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conçu par le Comité des droits de l'homme des Nations unies sur la base de la Déclaration universelle des droits de l'homme, établit de plus que « personne ne peut faire l'objet de mesures coercitives visant à restreindre sa liberté d'avoir ou d'adopter la religion ou la croyance de son choix » (article 18.2).

Le Comité des droits de l'homme a publié en 1993 un commentaire au sujet de cet article : « Le Comité fait observer que la liberté "d'avoir ou d'adopter" une religion ou une croyance implique nécessairement la liberté de choisir une religion ou une croyance, mais aussi le droit de passer d'une religion à une autre, ou d'abandonner une religion pour des conceptions athées [...] L'article 18.2 interdit toute mesure coercitive qui irait à l'encontre du droit d'avoir ou d'adopter une religion ou une croyance, y compris la menace de faire usage de la force physique ou de sanctions pénales pour contraindre des non-croyants à adhérer à des croyances religieuses ou à une confession particulière, pour les amener à abjurer leur religion ou leurs croyances, ou pour les convertir » (CCPR/C/21/Rev.1/Add.4, commentaire d'ordre général numéro. 22).

Notes et références

  1. a, b, c et d Bruno Dumézil,les racines chrétiennes de l'Europe, Fayard, 2005, prologue, p.10-14.
  2. P.Aubin, le problème de la conversion, Paris, 1963, p.34.
  3. G. Van Der Leeuw, La Religion dans son essence et ses manifestations. Phénoménologie de la religion, Payot, 1948.
  4. a, b et c Pierre Hadot, article Conversion, Encyclopædia Universalis, édition cédérom, 2000.
  5. Catéchisme de l'Église catholique, § 1427
  6. Éclairage sur la pénitence et la réconciliation
  7. Catéchisme de l'Église catholique, § 1435
  8. Comment peut-on être bouddhiste? - L'Express va plus loin avec Jean-Claude Carrière in L'Express.fr, 25 mai 1995

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes


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