- Comte de Saint-Germain
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Le comte de Saint-Germain est un aventurier du XVIIIe siècle, probablement né entre 1690 et 1710 et décédé à Eckernförde (Schleswig) en 1784.
Sommaire
Ses origines
Des épisodes plus ou moins précis auxquels se résume notre connaissance de la vie du comte de Saint-Germain, celui de sa naissance n'a pu qu'être conjecturé sur la base de quelques témoignages épars, dont celui de son ami le prince de Hesse-Cassel. Ces témoignages laissent supposer qu'il était l'enfant illégitime du prince François II Rákóczi de Transylvanie et de la princesse Violante-Béatrice de Bavière, de la dynastie des Wittelsbach, et qu'il fut élevé à Florence par Gian' de Medici, beau-frère de la seconde[1]. Quoi qu'il en soit, certains virent en lui le descendant caché de quelque personnalité royale, et dans cette filiation supposée la raison de son intimité avec le roi Louis XV. Ainsi a-t-on pu également reconnaître en lui l'enfant naturel de la reine d'Espagne Marie-Anne de Neubourg, et d'un noble, le comte de Melgar. Ces liens de parenté, dont aucun, encore une fois, n'est avéré, expliqueraient le train de vie aisé qu'il a toujours mené, son éducation et sa culture. En effet, outre ses connaissances certaines en chimie, Saint-Germain est reconnu par ses contemporains comme un homme de très grand savoir, musicien habile et peintre de qualité[2].
Un laboratoire d'alchimie au château de Chambord
Saint-Germain quitte Londres en 1746. On perd sa trace pendant 12 ans. Pour certains, il se retire en Allemagne où il se consacre à ses recherches chimiques et alchimiques. Pour d'autres, il voyage jusqu'en Inde et au Tibet : aucune preuve de ces périples n'est avancée, mais on constate plus tard, en effet, que le comte a une profonde connaissance de l'Orient. Il arrive à Paris au début de 1758 et, aussitôt, adresse une requête à Marigny, directeur des Bâtiments du Roi. Il demande qu'une maison royale soit mise à sa disposition afin qu'il puisse y installer un laboratoire et une manufacture, promettant en échange à Louis XV « la plus riche et la plus rare découverte qu'on ait faite ». Marigny lui attribue le château de Chambord, grande bâtisse désertée. Saint-Germain installe ses assistants, ses ouvriers et son laboratoire dans les communs.
Pourtant, il est plus souvent à Paris qu'à Chambord. Il se fait présenter à la marquise de Pompadour, qui l'introduit auprès du roi, Louis XV. Celui-ci apprécie immédiatement le brillant personnage qui, très vite, devient l'un de ses familiers.
Aimé de Louis XV et détesté de Choiseul
Si le comte s'est attiré la sympathie du roi, il s'est en revanche aliéné le puissant duc de Choiseul, principal ministre de Louis XV, qui lancera une campagne pour le discréditer. Choiseul paie un amuseur nommé Gauve pour imiter le comte de Saint-Germain et se faire passer pour lui. Gauve parcourt les salons sous l'identité de Saint-Germain et raconte les histoires les plus invraisemblables : il aurait bu avec Alexandre le Grand, il aurait connu Jésus et lui aurait prédit une fin abominable[3].
Rapidement, la supercherie est dévoilée et Gauve reconnu. Contrairement à ce qu'attend Choiseul, le vrai Saint-Germain n'en sort pas ridiculisé, mais grandi.
Dépité, le ministre doit attendre 1760 pour parvenir à se débarrasser de Saint-Germain, en le faisant accuser d'espionnage [réf. souhaitée]. Tombé en disgrâce, le comte se réfugie aux Pays-Bas. Dans les années suivantes, on le signale en Angleterre, en Italie, en Russie, en Saxe et en Prusse : partout il cherche à monter des recherches sur les pigments et les couleurs.
La mort de Saint-Germain
En 1766, il se met sous la protection du roi de Prusse Frédéric II mais le quitte l'année suivante. Il arrive enfin à Gottrop, sur la Baltique, où il est hébergé par le prince de Hesse-Cassel. Il meurt le 27 février 1784 à Eckernförde, dans le Schleswig, âgé de 93 ans selon son hôte, qui fut sans doute aussi son principal confident.
La légende
Saint-Germain, personnage exceptionnel qui, amusé par les rumeurs, ne les a jamais démenties, reste dans l'histoire car il symbolise le plus vieux rêve de l'homme : l'immortalité.
Il était habillé de vêtements couverts de bijoux, n'absorbait que des pilules, du pain et du gruau et parlait et écrivait le grec, le latin, le sanscrit, l'arabe, le chinois, le français, l'allemand, l'anglais, l'italien, le portugais et l'espagnol [réf. souhaitée]. Il peignait et, virtuose au clavecin et au violon, il composait aussi de la musique. Il aurait été très versé en chimie et alchimie. Les gens de l'époque croyaient qu'il avait accompli le Grand Œuvre alchimique qui apporte l'immortalité. On lui attribue d'ailleurs l'ouvrage d'alchimie La Très Sainte Trinosophie, mais cela n'est pas prouvé et souvent contesté. Il avait une grande passion pour les pierres précieuses, dont il avait toujours de grandes quantités [réf. nécessaire], souvent d'une grosseur extraordinaire, et affirmait détenir un secret permettant de faire disparaître les défauts des diamants.
Les croyances populaires lui prêtaient le souvenir de ses vies antérieures et une sagesse correspondante : il aurait disposé d'un élixir lui ayant donné une vie très longue, de deux à quatre mille ans d'après lui, ce qui lui permettait de raconter les noces de Cana ou les intrigues de la cour de Babylone. Dans une lettre du 15 avril 1760 à Frédéric II, Voltaire disait de lui « C’est un homme qui ne meurt point, et qui sait tout » et Frédéric II l'appelait « l'homme qui ne peut pas mourir ». Chamfort semble sur ce point plus modéré puisqu'il rapporte seulement que, si l’on demandait à son domestique : « Est-il vrai que votre maître a trois cents ans ? », l’homme répondait : « Je ne puis vous le dire : il n’y a que cent ans que je suis à son service[4]. »
Le compositeur Rameau se souvenait d'avoir vu Saint-Germain en 1701. La comtesse de Cergy l'avait vu à Venise, où elle était ambassadrice 50 ans plus tôt.
Ce sont en réalité les manières et l'originalité de Saint-Germain, et notamment sa façon de conter l'Histoire de France comme s'il en avait connu les protagonistes (François Ier et consorts), qui lui valent dans les années 1750 certaines faveurs auprès de quelques représentants de la cour, à commencer par Madame de Pompadour. Plusieurs extraits des Mémoires[5] de Casanova corroboreront l'idée selon laquelle le comte « témoignait » effectivement avec beaucoup de réalisme des époques les plus reculées (une anecdote est donnée dans laquelle le comte laisse croire à sa présence au Concile de Trente). Saint-Germain est aussi présenté par Casanova comme « savant, [parlant] parfaitement la plupart des langues ; grand musicien, grand chimiste, d'une figure agréable ». Son intérêt pour la recherche de moyens propres à augmenter la durée de la vie humaine eut aussi pour effet d'augmenter les rumeurs courant déjà sur sa longévité supposée hors du commun.
Il convient aussi d'insister sur le rôle du comédien Gauve (alias "milord Gor", ou "Gower", ou "Qoys"), mentionné ci-dessus, se faisant passer pour le Comte dans les quartiers populaires de Paris, dans l'édification de la légende. Ce dernier, qui décrit avec force détails et persuasion de soi-disant entrevues avec le Christ et certaines figures de l'Antiquité chrétienne, contribue grandement à la naissance et à l'amplification de la rumeur d'immortalité. Jean-Pierre-Louis de Luchet, inventeur, dans ses Mémoires authentiques pour servir à l'histoire du comte Cagliostro (Berlin, 1785), d'une rencontre aussi baroque que fantasmagorique entre Saint-Germain et Cagliostro, mentionne également ce lord Gor, ou Gauve, qu'il assimile abusivement au comte.
Obligé de fuir la France en 1760 sous la pression de sombres affaires [réf. nécessaire], ce dernier voyagea en Prusse, Russie, Italie, Angleterre, et Autriche (où on le vit souvent à Vienne, « quartier général des Rose-Croix ») et s'arrêta finalement à la cour du landgrave de Schleswig-Holstein, alchimiste fervent.
Des hypothèses ont circulé sur ses actions d'espionnage, mais au profit de qui ? Il aurait été au moins agent triple, tandis que diverses allégations rapportent son attachement au principe monarchique ou même à l'hégémonie allemande rosicrucienne. [réf. nécessaire]
Selon la marquise de Créquy, il soutira cent mille écus en quatre ans à Madame d'Urfé, pour la cabale et la pierre philosophale. [réf. nécessaire]
Casanova a raconté son entrevue à La Haye avec le Comte, vêtu d'un costume d'Arménien[réf. nécessaire], le même que l'on prêtait au Juif errant, autre incarnation du mythe de la longévité perpétuelle, mythe qui disparut incidemment au XVIIe siècle. Mais Casanova soupçonna le Comte de prestidigitation et d'imposture.
Goethe aurait été un de ses disciples. Napoléon III, initié aux Carbonari (« maçonnerie » du bois) s'intéressa au Comte de Saint-Germain et chargea la police de rassembler aux Tuileries tous les indices possibles le concernant. Ce dossier aurait brûlé lors de l'incendie qui ravagea ce Palais parisien en 1871, ce qui fait qu'il ne reste presque plus aucune trace de l'identité réelle ou prétendue de Saint-Germain.
Plusieurs auteurs joueront assez vite un rôle dans la propagation d'une légende qui dépassera bien vite la réalité historique. Etteilla affirme notamment, lorsque les journaux annoncent la mort du Comte, qu'il y a eu confusion sur l'identité réelle du décédé, que le vrai Comte de Saint-Germain, son maître direct depuis vingt ans, vrai cabaliste et magicien hermétiste, auteur de L'entrée au palais fermé du roi (1645)[6], est toujours en vie, habite en Amérique, et se porte à merveille .
Quelque assertions de l'abbé Barruel[7] entretiendront par la suite la légende sur l'immortalité de Saint-Germain, après maîtrise de la métempsychose. Mademoiselle Lenormand[8] n'accrédite pas moins l'idée de sa survivance durant le Premier Empire, et le baron de Gleichen, en ses Souvenirs (Denwürdigkeiten, 1847)[9], défendra l'idée d'un comte de Saint-Germain ayant vécu depuis l'Antiquité.
Le comte de Saint-Germain inspira par la suite de nombreuses œuvres de fiction jusqu'à l'époque contemporaine, et devint aussi une figure importante au sein de la Société théosophique où l'on finit par le considérer, entre autres, suite à une vision de la médium Annie Besant, comme la réincarnation de Christian Rosenkreutz et de Francis Bacon.
Dans la fiction
Il apparaît dans
- La Dame de pique (1833), de Pouchkine
- Zanoni (1842), de Edward Bulwer-Lytton
- Les carnets de Malte Laurids Brigge (1910), de Rainer Maria Rilke
- "La Marquise de Pompadour" et "Le rival du Roi" (1912), de Michel Zévaco
- The Count de Saint-Germain's Series (1979-1993), de Chelsea Quinn Yarbro
- Le Pendule de Foucault (1988), d'Umberto Eco
- L'Initié (1998), de Catherine Hermary-Vieille
- Lady Pirate (2 tomes) (2005), de Mireille Calmel, Xo, 2005
- Eternalis (The Sanctuary, 2007), de Raymond Khoury
- Les Secrets de l'immortel Nicolas Flamel, de Michael Scott (écrivain), tome 2 Le Magicien (2008), et tome 3 L'ensorceleuse (2009)
- L'heure bleue, de Massimo Scotti et Antonio Marinoni
- Rouge Rubis, de Kerstin GIER, Tome 1, en all.
- La Sibylle de la Révolution, de Nicolas Bouchard (Belfond, 2009).
- "Le Talisman", Diana Gabaldon.
On le retrouve aussi dans le jeu vidéo Castlevania: Curse of Darkness, où il est un boss qui peut arrêter le temps.
A la télévision :- Nicolas Le Floch, épisode La Larme de Varsovie (2010), où il est interprété par Tom Novembre.
- Le Chevalier d'Éon (2006), doublé par Yasunori Matsumoto (version japonaise) et François L'Écuyer (version française).
Bibliographie
Œuvres
- Pseudo-comte de Saint-Germain, La Très Sainte Trinosophie (fin du XVIII° s.), Denoël, 1971.
Études
- Paul Chacornac, Le Comte de Saint-Germain, Paris, Villain et Belhomme-Éditions traditionnelles, 1973.
- Auguste Viatte, Les Sources occultes du romantisme, Paris, Honoré Champion, 1969.
- Gerald Messadié, Saint-Germain, l'homme qui ne voulait pas mourir (deux tomes "archi poche") n° 54 et 55.
- Richard Khaitzine, Le comte de Saint-Germain - hypothèses et affabulations, éditions Mediadit, 2008.
- Philip Wilkin, Le comte de Saint-Germain. Espion de Louis XV, alchimiste et... immortel ?, Alleur, Marabout, collection « Histoire et mystères », 1996, 236 p.
Voir aussi
Articles connexes
- Comte de Saint-Germain, alias Richard Chanfray
- L'Aventure mystérieuse (n°A204)
Liens externes
Notes et références
- Sur la biographie et la légende du comte de Saint-Germain, voir notamment Paul Chacornac, Le Comte de Saint-Germain, Paris, Villain et Belhomme-Éditions traditionnelles, 1973, ainsi que Auguste Viatte, Les sources occultes du romantisme, Paris, Honoré Champion, 1969 (I, pp. 201-203), et la notice correspondant du Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, Leiden/Boston, Brill, 2005, par Jean Overton Fuller.
- Grande énigme de l'humanité, édition Larousse, p75
- Le comte de Saint-germain : Mystère, ADCF, p45.
- Chamfort, Caractères et Anecdotes, n° 1271.
- Mémoires (texte présenté et annoté par Robert Abirached et Elio Zorzi), Paris, Gallimard-N.R.F (Bibliothèque de la Pléiade), 1958-1960 (tome 1, 1725-1756 ; tome 2, 1756-1763 ; tome 3, 1763-1774)
- Voir Manière de se récréer (p. 2) ; Cahier (p. 186) ; Fragments (p. 190) ; Les sept nuances (p. 17) ; Philosophie (p. 157).
- Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1797-1798.
- Les souvenirs prophétiques d'une sibylle, Paris, 1814 (pp. 383-384).
- Réédités en 1868 à Paris chez Techener fils, sous le titre Souvenirs de Charles-Henri, baron de Gleichen.
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